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176 KiB

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<title>Mémoire – Emma-Jade De Moor</title>
</head>
<header id="garde">
<h1>
Comment<br>
nous travaillons,<br>
comment nous<br>
pourrions travailler
</h1>
<h2>
Emma-Jade De Moor – Mémoire de recherche professionelle
<br>
Ésaat Roubaix 2022 - 2024 – DSAA graphisme
<br>
Tutorat : Léonore Conte & Olivier Koettlitz
</h2>
<h3>Cliquez pour accéder au site !</h3>
</header>
<body>
<nav>
<H1 class="not-sommaire">
Sommaire
</H1>
<div class="sommaire_content">
<!-- contenue sommaire -->
</div>
</nav>
<main>
<section id="note">
<a id='top-link' href="#top">⇡</a>
<h1 id="Note éditoriale" class="sommaire">
Note éditoriale
</h1>
<div >
<article>
<p>Ce mémoire a d&rsquo;abord été mis en pages dans une version imprimée à l&rsquo;aide de <a href="https://www.mkdocs.org/"><em>MkDocs</em></a> et de la librairie <a href="https://pagedjs.org/"><em>Paged.Js</em></a> de Fred Chasen, Julie Blanc et Julien Taquet. Vous pouvez trouver le repo git de la version imprimée <a href="https://www.gitlab.com/euji_/memoire-mep">juste ici</a> et celui de la version web <a href="https://www.gitlab.com/euji_/memoire-web">quelque part par là</a>. S&rsquo;ils ne sont pas accessibles, patience, je m&rsquo;occupe de la documentation. </p>
<p>Il a originellement été composé avec le caractère Hershey Noailles, un fork de hersheytextjs par Luuse et est constitué de cinq cahiers, dont les contenus ont été réorganisés pour le web, et quelques corrections ont été faites.</p>
<p>Le site que vous consultez est un site statique généré grâce à MkDocs. Son code et ses contenus sont sous licence CC-BY-NC-SA. Plusieurs scripts Javascript permettent la gestion des notes et des légendes, la génération du sommaire et l&rsquo;ouverture des images dans un nouvel onglet lors du clic. L&rsquo;indication des mots du sommaire par une variation de <b>graisse</b> a été conservée, en clin d&rsquo;&oelig;il à l&rsquo;édition imprimée, ainsi que la «&#8239;page de garde&#8239;» par laquelle vous êtes entré·e sur ce site. Des prises de vues des mémoires physiques arriveront prochainement.</p>
</article>
</div>
<a class="lien-lecture" href="#Introduction">Passer à la lecture</a>
</section>
<!-- INTRO -->
<section>
<h1 id="Introduction" class="sommaire">
Introduction
</h1>
<div >
<article>
<p>Lorsqu&rsquo;il est question des outils des designeur&middot;euses graphiques, Adobe semble h&eacute;g&eacute;monique pour le regard ext&eacute;rieur comme celui de l&rsquo;initi&eacute;&middot;e. Photoshop est souvent le premier outil cit&eacute;, suivi de pr&egrave;s par le reste de la famille Adobe Creative Suite. Pour moi, comme pour bien d&rsquo;autres &eacute;tudiant&middot;es<span class="footnote">Grootens Joost, &laquo;&#8239;Tools R Us&#8239;&raquo;, Graphisme en France, traduit par Barb M. Prynne, Cr&eacute;ation, Outils, Recherche-28, 2022, p.&nbsp;59&#8209;88.</span> et professionnel&middot;les, l&rsquo;essentiel des comp&eacute;tences techniques acquises et sollicit&eacute;es &agrave; l&rsquo;&eacute;cole et au travail rel&egrave;vent de ces logiciels. Les alternatives, aux logiques plus ou moins similaires, ne sont que rarement pl&eacute;biscit&eacute;es et peinent &agrave; se faire une place dans l&rsquo;industrie du design graphique.
Polyvalents et efficaces, les outils Adobe sont aussi d&eacute;mat&eacute;rialis&eacute;s et centralis&eacute;s. Les designeur&middot;euses graphiques qui les utilisent sont tributaires du propri&eacute;taire de l&rsquo;outil &ndash; l&rsquo;entreprise Adobe &ndash; en ce qui concerne la disponibilit&eacute;, la maintenance et l&rsquo;am&eacute;lioration des logiciels. Si Adobe d&eacute;cidait d&rsquo;arr&ecirc;ter la distribution de ses logiciels, de nombreux&middot;ses designeur&middot;euses graphiques se retrouveraient d&eacute;pourvu&middot;es de leurs outils de travail, ou pire&thinsp;: de leur travail.</p>
<p>Dans le paysage europ&eacute;en et contemporain du design graphique, la question du choix de l&rsquo;outil num&eacute;rique et les rapports &agrave; la propri&eacute;t&eacute; et &agrave; la cha&icirc;ne de production sont d&eacute;j&agrave; questionn&eacute;s&#8239;: certain&middot;es designeur&middot;euses graphiques se forment au d&eacute;veloppement informatique (au code) pour s&rsquo;&eacute;manciper des outils propri&eacute;taires. Des projets de publication alternatives libres<span class="footnote">Tels que PrePostPrint</span> ou de web-to-print<span class="footnote">Comme Paged.Js cr&eacute;&eacute; par Adam Hyde et actuellement d&eacute;velopp&eacute; par Fred Chasen , Julie Blanc et Julien Taquet, ou PageTypeToPrint par Julien Bidoret.</span> voient le jour et des collectifs tels que <em>Open Source Publishing</em> ou <em>Luuse</em> font le choix de ne travailler qu&rsquo;avec des outils &laquo;&#8239;libres&#8239;&raquo; dans une d&eacute;marche de hacker.
Dans les &eacute;coles, des &eacute;v&eacute;nements s&rsquo;organisent autour de ces probl&eacute;matiques<span class="footnote">En 2023, ont &eacute;t&eacute; organis&eacute;s les recontres &laquo;&#8239;Open Open&#8239;&raquo; par l&rsquo;ESAC de Cambrai et &laquo;&#8239;PostScript &eacute;coles sous licences&#8239;&raquo; par l&rsquo;atelier de Communication graphique de la HEAR Strasbourg et les d&eacute;partements typographiques de l&rsquo;ERG et de l&rsquo;ENSAV La Cambre (Bruxelles).</span> et certaines &eacute;coles les incluent dans leurs cursus&#8239;: les cours d&rsquo;ustensiles num&eacute;riques de l&rsquo;ERG s&rsquo;orientent autour des outils libres et open source, et le CASO Arts Num&eacute;riques de l&rsquo;ENSAV La Cambre sensibilise les &eacute;tudiant&middot;es aux outils libres. Ces initiatives restent cela dit sporadiques, se limitant bien souvent &agrave; des cercles d&rsquo;initi&eacute;s aux pratiques plut&ocirc;t exp&eacute;rimentales et li&eacute;es &agrave; une recherche autour de l&rsquo;outil.</p>
<p>Alors que les outils propri&eacute;taires sont &agrave; la fois les standards de l&rsquo;industrie et des logiciels &agrave; l&rsquo;accessibilit&eacute; ou l&rsquo;appropriation limit&eacute;es par la propri&eacute;t&eacute;, comment le&middot;a designeur&middot;euse graphique peut i&middot;el reprendre le contr&ocirc;le sur ceux-ci et son autonomie&#8239;? Il est question ici d&rsquo;imaginer de nouveaux mod&egrave;les en revoyant nos paradigmes de travail et notre rapport d&rsquo;usage aux outils. Pour ce faire, nous interrogeront la viabilit&eacute; (ou l&rsquo;utopisme) des outils libres, la n&eacute;cessit&eacute; de vivre de nos productions et la possibilit&eacute; de reconsid&eacute;rer notre rapport au travail et &agrave; l&rsquo;argent. </p>
<p>On n&rsquo;entendra pas, par le mot &laquo;&#8239;outil&#8239;&raquo;, un simple prolongement du corps servant &agrave; augmenter son efficacit&eacute;. &laquo;&#8239;Outil&#8239;&raquo; d&eacute;signe ici les outils num&eacute;riques, les logiciels. Paradoxalement, nous parlerons aussi d&rsquo;outils dans l&rsquo;outil, comme l&rsquo;outil &laquo;&#8239;pinceau&#8239;&raquo;. Ceux-ci se rapprochent plut&ocirc;t de &laquo;&#8239;fonctionnalit&eacute;s&#8239;&raquo;. </p>
<p>Concernant le mot &laquo;&#8239;machine&#8239;&raquo;, il d&eacute;signera l&rsquo;ordinateur qui abrite et permet d&rsquo;utiliser ces outils, au sens d&rsquo;un appareil complexe faisant fonctionner ensemble diff&eacute;rents composants de <em>software</em>. Nous ne traitons donc pas, sauf exception, du sujet ordinateur et de ses composants <em>hardware</em>.
Les outils Adobe serviront ici de cas d&rsquo;&eacute;cole pour analyser et poser un regard critique sur ce qu&rsquo;est la situation actuelle des travailleur&middot;euses du design graphique et leurs rapports &agrave; l&rsquo;outil. C&rsquo;est en posant un regard critique sur l&rsquo;outil et l&rsquo;industrie que nous pourrons imaginer ce qui pourrait &ecirc;tre, r&eacute;fl&eacute;chir &agrave; d&rsquo;autres fa&ccedil;on de se positionner vis-&agrave;-vis du travail et proposer une utopie r&eacute;aliste qui puise dans l&rsquo;&eacute;thique des libristes et des hackers.</p>
</article>
</div>
</section>
<!-- LIVRET 1 -->
<section id="Comment nous travaillons">
<h1 class="sommaire">
Comment nous travaillons
</h1>
<div id="L&#39;aliénation du·de la designer·euse graphique, origines&nbsp;et&nbsp;manifestations">
<h2 class="sommaire">
L&#39;aliénation du·de la designer·euse graphique, origines&nbsp;et&nbsp;manifestations
</h2>
<article id="Le travail du·de la designeur·euse&nbsp;graphique">
<h3 class="sommaire">
Le travail du·de la designeur·euse&nbsp;graphique
</h3>
<p>Le mot travail est r&eacute;guli&egrave;rement galvaud&eacute; dans le langage commun, utilis&eacute; pour parler &agrave; la fois de l&rsquo;ouvrage et de lui-m&ecirc;me. Hannah Arrendt<span class="footnote">Arendt Hannah, <em>Condition de l&rsquo;homme moderne Poche</em>, traduit par Georges Fradier, Pocket, coll.&laquo;&#8239;Agora&#8239;&raquo;, 2002.</span> fait la distinction entre le travail (<em>labour</em>, en anglais) et l&rsquo;ouvrage, l&rsquo;&oelig;uvre (<em>work</em>, en anglais). Il y a dans le travail une dimension biologique qui est n&eacute;cessaire &agrave; la survie. Travailler, &laquo;&#8239;c&rsquo;est l&rsquo;asservissement &agrave; la n&eacute;cessit&eacute;&#8239;&raquo;<span class="footnote">Arendt Hannah, <em>Condition de l&rsquo;homme moderne Poche</em>, <em>op.&nbsp;cit.</em>.</span> tandis que l&rsquo;ouvrage correspond &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre produite par le travail, que nous appellerons les &laquo;&#8239;productions de design graphique&#8239;&raquo;.
Il faut aussi faire la distinction entre le travail et l&rsquo;emploi. Ce dernier s&rsquo;est d&eacute;velopp&eacute; avec le salariat et correspond &agrave; l&rsquo;&eacute;change du travail contre une r&eacute;mun&eacute;ration au travers d&rsquo;un salaire. Selon Bernard Stiegler<span class="footnote">Stiegler Bernard, Kyrou Ariel Auteur Pr&eacute;facier et S&eacute;m&eacute;niako Boris, <em>L&rsquo;emploi est mort, vive le travail&#8239;&#8239;!&#8239;: entretien avec Ariel Kyrou</em>, Paris, France, Mille et Une Nuits, 2015.</span>, l&rsquo;emploi r&eacute;side dans cet &eacute;change tandis que le travail est ce par quoi on cultive un savoir quelconque en accomplissant quelque chose<span class="footnote"><em>Ibid</em>, p.&nbsp;17.</span>. L&rsquo;employ&eacute;&middot;e n&rsquo;est alors plus &agrave; l&rsquo;initiative de son activit&eacute;, i&middot;el la subit. En agence, par exemple, le&middot;a designeur&middot;euse graphique est soumis&middot;e &agrave; une forme de hi&eacute;rarchie et d&rsquo;exploitation, li&eacute;e &agrave; une perte d&rsquo;autonomie sur le choix de l&rsquo;objet de son travail, de ses outils ou de ses horaires.</p>
<p>Puisqu&rsquo;il est n&eacute;cessaire &agrave; la survie, ou permet au moins de d&eacute;velopper de nouvelles capacit&eacute;s, il ne semble pas que le travail soit le r&eacute;el probl&egrave;me. Ce sont plut&ocirc;t les conditions de celui-ci qui sont &agrave; remettre en cause. Lorsqu&rsquo;elles sont d&eacute;grad&eacute;es et que le travail ne rel&egrave;ve plus de la survie<span class="footnote">C&rsquo;est &agrave; dire qu&rsquo;il ne consiste pas en une activit&eacute; de survie, comme rechercher ou cultiver de la nourriture ou bien construire un abri.</span> ou de la construction de soi<span class="footnote">Par le d&eacute;veloppement de savoirs ou de comp&eacute;tences.</span>,comme depuis la r&eacute;volution industrielle, il devient ali&eacute;nant. C&rsquo;est l&agrave; que la r&eacute;mun&eacute;ration devient particuli&egrave;rement importante&#8239;: c&rsquo;est elle qui donne son int&eacute;r&ecirc;t &agrave; un travail exploitant et destructeur du temps de vie, dans la mesure o&ugrave; il n&rsquo;est pas &eacute;panouissant. </p>
<p>D&rsquo;apr&egrave;s la th&eacute;orie marxiste, la n&eacute;cessit&eacute; pour un&middot;e travailleur&middot;euse de vendre sa force de travail, coupl&eacute;e &agrave; une d&eacute;possession de ses savoirs et savoir-faire par la machine (industrielle), est ce qui le prol&eacute;tarise<span class="footnote">Marx Karl, <em>Le Capital Livre I</em>.</span>. Le prol&eacute;tariat constitue alors une classe sociale soumise &agrave; la classe capitaliste qui dispose du capital et des moyens de production.
Bernard Stiegler fait glisser cette d&eacute;finition, habituellement orient&eacute;e vers l&rsquo;ouvri&egrave;r&middot;e, vers le&middot;a &laquo;&#8239;concepteur&middot;ice&#8239;&raquo;<span class="footnote">Stiegler Bernard, &laquo;&#8239;Prol&eacute;tarisation&#8239;&raquo;, <em>Ars Industrialis</em>, consult&eacute; le 27/11/2023.</span> qui serait prol&eacute;taris&eacute;&middot;e par l&rsquo;automatisation des &laquo;&#8239;syst&egrave;mes d&rsquo;aide &agrave; la d&eacute;cision&#8239;&raquo;<span class="footnote"><em>Ibid.</em></span> int&eacute;gr&eacute;s aux programmes informatiques. Nos outils de design graphique portent une forme d&rsquo;automatisation dans le pr&eacute;-remplissage des r&eacute;glages ainsi que dans l&rsquo;ex&eacute;cution des t&acirc;ches<span class="footnote">Tr&egrave;s simplement, l&rsquo;outil forme d&rsquo;<em>Illustrator</em> nous permet de &laquo;&#8239;tracer&#8239;&raquo; automatiquement des rectangles sans r&eacute;ellement tracer gestuellement les quatre c&ocirc;t&eacute;s de ceux-ci.</span>.</p>
<p>Pendant la production, le&middot;a designeur&middot;euse graphique n&rsquo;a que rarement l&rsquo;occasion de penser &agrave; ses outils et de se les approprier. Comme &agrave; l&rsquo;heure du taylorisme<span class="footnote">La doctrine d&rsquo;organisation du travail de l&rsquo;ing&eacute;nieur am&eacute;ricain Frederick Winslow Taylor, datant de 1911, qui consiste &agrave; confier aux travailleur&middot;euses des t&acirc;ches simples et r&eacute;p&eacute;titives pour am&eacute;liorer leur productivit&eacute;.</span>, il se sert des fonctionnalit&eacute;s, contenues dans la machine, pour effectuer des t&acirc;ches r&eacute;currentes&#8239;: cr&eacute;er une zone de texte, r&eacute;gler un cr&eacute;nage, d&eacute;placer des &eacute;l&eacute;ments...
I&middot;el devient l&rsquo;auxiliaire de la machine, qui lui permet d&rsquo;agir en cliquant sur des boutons virtuels. Lorsqu&rsquo;Hannah Harendt analyse le travail &agrave; la cha&icirc;ne<span class="footnote">Arendt Hannah, <em>Condition de l&rsquo;homme moderne</em>, <em>op.&nbsp;cit.</em></span>, elle &eacute;voque la fa&ccedil;on dont le rythme biologique du&middot;de la travailleur&middot;euse doit se plier &agrave; celui de la machine qui lui est m&eacute;canique. C&rsquo;est justement la r&eacute;p&eacute;tition de ce m&ecirc;me geste, le clic, qui assujettit le&middot;a designeur&middot;euse graphique au rythme de l&rsquo;ordinateur. Par ce non-choix de l&rsquo;outil &ndash; qui revient &agrave; utiliser les standards de l&rsquo;industrie, comme la suite <em>Adobe</em> &ndash; le&middot;a designeur&middot;euse adapte son geste &agrave; la machine, i&middot;el s&rsquo;automatise, n&rsquo;exp&eacute;rimente pas et n&rsquo;apprend plus.</p>
<p>&Agrave; l&rsquo;&egrave;re pr&eacute;-num&eacute;rique, lorsque les designeur&middot;euses composaient encore syst&eacute;matiquement &agrave; partir d&rsquo;esquisses et de collage<span class="footnote">Levit Briar, <em>Graphic Means: A History of Graphic Design Production</em>, 2017.</span>, le rapport au corps &eacute;tait bien diff&eacute;rent. La taille de l&rsquo;atelier le prouve bien, les designeur&middot;euses pouvaient naviguer entre diff&eacute;rents plans de travail tandis qu&rsquo;aujourd&rsquo;hui un seul &eacute;cran d&rsquo;ordinateur peut en contenir plus d&rsquo;une dizaine. Le geste n&rsquo;est pas simplement r&eacute;duit au sens o&ugrave; la palette gestuelle est r&eacute;duite&#8239;: c&rsquo;est aussi l&rsquo;espace dans lequel le corps &eacute;volue qui se voit r&eacute;tr&eacute;cir. Le corps n&rsquo;est plus tout &agrave; fait engag&eacute; dans la pratique, c&rsquo;est finalement la machine qui accomplit automatiquement les t&acirc;ches, nous privant au passage de la satisfaction de l&rsquo;ouvrage. Comment, alors, le num&eacute;rique a-t-il conditionn&eacute; le travail des designeur&middot;euses graphiques&#8239;?</p>
</article>
<article id="L&#39;étroit lien entre le numérique et&nbsp;le&nbsp;design graphique">
<h3 class="sommaire">
L&#39;étroit lien entre le numérique et&nbsp;le&nbsp;design graphique
</h3>
<p>L&rsquo;opinion fait naturellement le lien entre le design graphique et le num&eacute;rique, sans forc&eacute;ment questionner les origines de celui-ci. &Agrave; l&rsquo;instar des designeur&middot;euses d&rsquo;espace, d&rsquo;objet ou textile, les designeur&middot;euses graphiques utilisent des outils num&eacute;riques. Pourtant, cela ne semble pas &ecirc;tre un crit&egrave;re suffisant, sinon tous les champs du design seraient concern&eacute;s par cette association.
Bien s&ucirc;r, le design graphique se retrouve sur des supports num&eacute;riques tels que les sites webs ou le design d&rsquo;interface. Mais revenons un instant &agrave; ce que sont le graphisme et le num&eacute;rique, de la fa&ccedil;on la plus &eacute;l&eacute;mentaire possible.</p>
<p>Le mot graphisme vient du latin <em>graphicus</em>, du grec ancien <em>graphikos</em>, issu de <em>graphein</em> &laquo;&#8239;&eacute;crire, dessiner, marquer une surface par une entame, creuser, entailler, tailler l&eacute;g&egrave;rement&#8239;&raquo;. En linguistique, il correspond &agrave; la &laquo;&#8239;mani&egrave;re de repr&eacute;senter le langage par l&rsquo;&eacute;criture&#8239;&raquo;<span class="footnote">Rey Alain, <em>Dictionnaire historique de la langue fran&ccedil;aise</em>, leRobert, 2010.</span>.
Quand nous parlons du num&eacute;rique dans ce m&eacute;moire, nous traitons en fait des donn&eacute;es informatiques. Ces donn&eacute;es, &eacute;crites par l&rsquo;humain ou compil&eacute;es par l&rsquo;ordinateur qui les interpr&egrave;te ensuite, ne sont rien de plus ou de moins que des s&eacute;ries de caractères. Par leur connexion &agrave; l&rsquo;&eacute;criture, les deux domaines sont donc intrins&egrave;quement li&eacute;s.
Historiquement, aussi, le lien entre design graphique et num&eacute;rique est &eacute;vident. D&eacute;j&agrave; dans les ann&eacute;es 1960, l&rsquo;informatique faisait son entr&eacute;e dans l&rsquo;histoire de l&rsquo;imprimerie au travers des micro-ordinateurs dans les machines de photocomposition. Dix ans apr&egrave;s, l&rsquo;invention de terminaux d&rsquo;affichage a permis la saisie de texte et la composition de ceux-ci. Plus tard, des langages standardis&eacute;s se d&eacute;veloppent pour permettre de d&eacute;crire la structuration des documents destin&eacute;s &agrave; &ecirc;tre mis en page<span class="footnote">Blanc Julie et Maudet Nolwenn, &laquo;&#8239;Code &#12296;&ndash;&#12297; Design graphique Dix ans de relations&#8239;&raquo;, in Graphisme en France - Cr&eacute;ation, outils, recherche, 2022, Paris La D&eacute;fense, France, Centre national des arts plastiques, 2022, p.&nbsp;5</span>.</p>
<p>Simultan&eacute;ment, l&rsquo;&eacute;mergence des premiers ordinateurs personnels, a rendu n&eacute;cessaire la production d&rsquo;interfaces famili&egrave;res et compr&eacute;hensibles pour les non&#8209;initi&eacute;&middot;es. C&rsquo;est ainsi que sont n&eacute;s les paradigmes de travail auxquels les designeur&middot;euses graphiques sont habitu&eacute;&middot;es&#8239;: le WIMP, <em>Window Icon Mouse Pointer</em><span class="footnote">Fen&ecirc;tre, ic&ocirc;ne, souris, curseur.</span> et, dans les logiciels de cr&eacute;ation graphique, le WYSIWYG, <em>What You See Is What You Get</em><span class="footnote">Ce que vous voyez est ce que vous obtenez.</span>, qui est actuellement le plus r&eacute;pandu dans les logiciels propri&eacute;taires. Ces nouveaux paradigmes de travail ont modifi&eacute; les conditions de celui-ci pour les designeur&middot;euses graphiques, impactant au passage leur ali&eacute;nation.</p>
</article>
<article id="L&rsquo;impact des pratiques numériques sur l&rsquo;aliénation du·de&nbsp;la designeur·euse&nbsp;graphique">
<h3 class="sommaire">
L&rsquo;impact des pratiques numériques sur l&rsquo;aliénation du·de&nbsp;la designeur·euse&nbsp;graphique
</h3>
<p>En suivant la lign&eacute;e de l&rsquo;informatique personnelle, les interfaces des logiciels propri&eacute;taires reposent sur des affordances similaires &agrave; la &laquo;&#8239;M&eacute;taphore du bureau&#8239;&raquo; d&rsquo;Alan Kay<span class="footnote">Introduite en 1980&nbsp;avec la sortie de l&rsquo;ordinateur personnel Xerox Star.</span>. Les objets virtuels, comme la corbeille, illustrent l&rsquo;action &agrave; laquelle ils correspondent. Sur <em>Photoshop</em> par exemple, on dessine au crayon et on emprunte &agrave; l&rsquo;argentique ses outils de retouche lumi&egrave;re pour r&eacute;gler la densit&eacute; d&rsquo;une image.</p>
<p>Depuis son av&egrave;nement sur le march&eacute; du logiciel, notamment avec le logiciel de mise en page <em>PageMaker</em> (encore édité par Aldus à la sortie du <em>Macintosh</em> de 1984), <em>Adobe</em> n&rsquo;a eu de cesse de simplifier le travail des designeur&middot;euses et autres professionnel&middot;les de la cr&eacute;ation graphique. N&rsquo;&eacute;tant plus oblig&eacute;&middot;es d&rsquo;avoir recourt &agrave; la photocomposition, i&middot;els ont pu passer moins de temps sur leurs exp&eacute;rimentations et, de fait, les pousser plus loin et &ecirc;tre plus productif&middot;ves<span class="footnote">Je fais ici r&eacute;f&eacute;rence &agrave; des productions telles que celles de David Carson ou de la revue <em>Emigre Magazine</em>.</span>.</p>
<p>De la m&ecirc;me fa&ccedil;on, la soci&eacute;t&eacute; <em>Adobe</em> promeut la simplicit&eacute; d&rsquo;utilisation de ses outils. <em>Adobe</em> CS6 &eacute;tait mis en avant avec l&rsquo;argument suivant&#8239;:</p>
<blockquote>&laquo;&#8239;Innovez sans avoir &agrave; vous former &agrave; de nouveaux logiciels. Exploitez des outils familiers pour donner ais&eacute;ment libre cours &agrave; votre cr&eacute;ativit&eacute; au sein d&rsquo;un univers &eacute;largi d&rsquo;applications de cr&eacute;ation.&#8239;&raquo;<span class="footnote">Adobe.com, citation tir&eacute;e d&rsquo;un &eacute;crit de K&eacute;vin Donnot, &laquo;&#8239;Faire avec&#8239; Pour une pratique inform&eacute;e des programmes&#8239;&raquo;, <em>in Technique et design graphique</em>, Paris, B42, coll.&laquo;&#8239;Outils, m&eacute;dias, savoirs&#8239;&raquo;, 2020, p.&nbsp;95-115.</span></blockquote>
<p>Il semble essentiel de questionner la pertinence de cet argument de vente pour les designeur&middot;euses graphiques qui, de par leur pratiques sp&eacute;cialis&eacute;es, utilisent quotidiennement ces outils. Avons-nous r&eacute;ellement besoin d&rsquo;un logiciel cl&eacute; en main&#8239;? N&rsquo;ayant plus besoin d&rsquo;avoir recours &agrave; des techniques sp&eacute;cialis&eacute;es, nous pouvons (comme n&rsquo;importe qui d&rsquo;autre), obtenir rapidement un r&eacute;sultat satisfaisant. Maintenant que les logiciels ne sont plus nouveaux, ce gain de temps semble se faire au d&eacute;triment de l&rsquo;apprentissage et au profit de la productivit&eacute;. L&rsquo;enjeu ne semble alors plus &ecirc;tre de lib&eacute;rer du temps pour exp&eacute;rimenter mais d&rsquo;acc&eacute;l&eacute;rer la cadence de production.</p>
<p>En outre, les &eacute;volutions esth&eacute;tiques &eacute;manant de l&rsquo;invention de la PAO montrent que les paradigmes de travail influent sur la mani&egrave;re d&rsquo;interagir avec la machine. Les designeur&middot;euses graphiques doivent prendre conscience que chaque interface pr&eacute;d&eacute;finie poss&egrave;de &laquo;&thinsp;son propre cadre et sch&eacute;ma de pens&eacute;e&thinsp;&raquo;<span class="footnote">Donnot K&eacute;vin , &laquo;&#8239;Faire avec&#8239; Pour une pratique inform&eacute;e des programmes&#8239;&raquo;, <em>in Technique et design graphique</em>, Paris, B42, coll.&laquo;&#8239;Outils, m&eacute;dias, savoirs&#8239;&raquo;, 2020, p.&nbsp;95-115.</em></span> qui, par l&rsquo;utilisation automatique d&rsquo;un m&ecirc;me outil, finit par prendre le dessus sur l&rsquo;autonomie du&middot;de la designeur&middot;euse<span class="footnote">Nous aborderons plus tard l&rsquo;influence de l&rsquo;outil sur la forme.</span>. L&rsquo;&eacute;tendue des fonctionnalit&eacute;s des logiciels <em>Adobe</em> semble, au premier abord, offrir un champ des possibles &laquo;&#8239;infini&#8239;&raquo;, mais comment un seul outil pourrait-il correspondre &agrave; tous les projets&#8239;? </p>
<blockquote>
&laquo;&#8239;Ne serait-il pas pertinent de choisir ou d&rsquo;adapter le logiciel utilis&eacute; au projet qu&rsquo;il sert&#8239;?&#8239;&raquo;<span class="footnote"><em>Donnot K&eacute;vin , &laquo;&#8239;Faire avec&#8239; Pour une pratique inform&eacute;e des programmes&#8239;&raquo;, <em>in Technique et design graphique</em>, Paris, B42, coll.&laquo;&#8239;Outils, m&eacute;dias, savoirs&#8239;&raquo;, 2020, p.&nbsp;95-115.</em></span>
</blockquote>
<p>...et, par la m&ecirc;me occasion, d&rsquo;adopter une approche situ&eacute;e vis-&agrave;-vis des possibilit&eacute;s de l&rsquo;outil et de son contexte de d&eacute;veloppement et d&rsquo;utilisation.</p>
</article>
</div>
<div>
<h2 class="sommaire" id="Le rapport des designeur·euses à l’outil">
Le rapport des designeur·euses à l’outil
</h2>
<article id="Portrait du modèle économique dans&nbsp;lequel évoluent les designeur·euses graphique">
<h3 class="sommaire">
Portrait du modèle économique dans&nbsp;lequel évoluent les designeur·euses graphique
</h3>
<p>Pour comprendre les rapports entretenus par les designeur&middot;euses &agrave; leurs outils, int&eacute;ressons nous au mod&egrave;le &eacute;conomique dans lequel ceux-ci prennent place.
Le travail artistique peine &agrave; &ecirc;tre reconnu comme travail. Dans le cas pr&eacute;cis du&middot;de la designeur&middot;euse graphique, i&middot;el a commenc&eacute; par une position de travailleur&middot;euse technique, au sein des ateliers m&eacute;di&eacute;vaux de copistes ou de ceux des ouvri&egrave;r&middot;es typographes<span class="footnote">Pater Ruben, <em>Caps lock: how capitalism took hold of graphic design, and how to escape it</em>, Amsterdam, Pays-Bas, Valiz, 2021. p.&nbsp;301</span>. Le mythe du &laquo;&#8239;g&eacute;nie cr&eacute;atif&#8239;&raquo;<span class="footnote"><em>Ibid</em>. Traduction de l&rsquo;expression <em>creative genius</em> employ&eacute;e par l&rsquo;auteur.</span> de la Renaissance ne refait son apparition dans le design qu&rsquo;&agrave; partir du dix&#8209;neuvième si&egrave;cle.</p>
<p>Bien que John Ruskin et Karl Marx voyaient l&rsquo;activit&eacute; artistique comme non-ali&eacute;n&eacute;e, par l&rsquo;&eacute;panouissement trouv&eacute; dans l&rsquo;ex&eacute;cution d&rsquo;une &oelig;uvre &agrave; la fois utile et satisfaisante pour l&rsquo;un<span class="footnote">Laski Gary, Le design&laquo;&#8239;: Th&eacute;orie esth&eacute;tique de l&rsquo;histoire industrielle, Philosophie; Universit&eacute; Paris-Est, 2011.</span> et par opposition au travail et &agrave; la concurrence pour l&rsquo;autre<span class="footnote">Burtin Zortea Julia, <em>Aujourd&rsquo;hui, on dit travailleur&middot;ses de l&rsquo;art</em>, 369 &eacute;ditions., Cognac, France, 369 &eacute;ditions, coll.&laquo;&#8239;Manuels&#8239;&raquo;, 2022.</span>, la culture professionnelle contemporaine fait des designeur&middot;euses graphiques les travailleur&middot;euses id&eacute;aux&middot;ales pour le n&eacute;o-capitalisme. Ce m&eacute;tier-passion, qui n&rsquo;est pas qu&rsquo;un emploi puisqu&rsquo;il pourrait aussi &ecirc;tre &eacute;panouissant, permet aux capitalistes (les employeur&middot;euses et, dans une certaine mesure, les commanditaires) de tirer profit de l&rsquo;engagement des designeur&middot;euses et de les soumettre &agrave; des conditions de travail inacceptables<span class="footnote">Pater Ruben, <em>Caps lock: how capitalism took hold of graphic design, and how to escape it</em>, <em>op.&nbsp;cit.</em> p.&nbsp;252-254.</span>. Il n&rsquo;est pas rare qu&rsquo;un&middot;e designeur&middot;euse travaille au-del&agrave; du temps pr&eacute;vu sans &ecirc;tre r&eacute;mun&eacute;r&eacute;&middot;e<span class="footnote">Ce que Marx appelle le surtravail, permettant de produire la plus-value.</span>, alors que son employeur&middot;euse en tirera profit.</p>
<p>On retrouve ici cette question du temps&#8239;: il y a un manque de temps pour exp&eacute;rimenter et, pourtant, des heures suppl&eacute;mentaires travaill&eacute;es. Ce qui pose probl&egrave;me, c&rsquo;est l&rsquo;emploi du temps du&middot;de la designeur&middot;euse qui se consacre &agrave; la production capitaliste plut&ocirc;t qu&rsquo;&agrave; l&rsquo;enrichissement de sa pratique et son &eacute;panouissement dans celle-ci. Je ne bl&acirc;me ici nullement les designeur&middot;euses, mais le mod&egrave;le &eacute;conomique ali&eacute;nant dans lequel i&middot;els travaillent et qui ne leur laisse pas forc&eacute;ment le choix.</p>
<p>Au sein de ce mod&egrave;le &eacute;conomique, les technologies occupent une place centrale. L&rsquo;essentiel des licenciements dans le design graphique sont li&eacute;s aux &eacute;volutions technologiques<span class="footnote"><em>Pater Ruben, Caps lock: how capitalism took hold of graphic design, and how to escape it</em>, <em>op.cit.</em></span>&thinsp;: l&rsquo;arriv&eacute;e de la PAO<span class="footnote">Publication Assist&eacute;e par Ordinateur.</span> a fait dispara&icirc;tre des emplois au sein de l&rsquo;imprimerie et, plus r&eacute;cemment, de nombreux&middot;ses graphistes se sont retrouv&eacute;&middot;es en difficult&eacute;s lorsque les technologies standard du <em>Web</em> ont pris le dessus sur <em>Flash</em>, qui a cess&eacute; d&rsquo;&ecirc;tre pris en charge par <em>Adobe</em> en 2020.</p>
<p>La suite <em>Adobe</em>, qui para&icirc;t &ecirc;tre indispensable au travail de designeur&middot;euse graphique, rel&egrave;ve d&rsquo;un abonnement mensuel co&ucirc;teux<span class="footnote">67,01&nbsp;euros par mois, sans r&eacute;duction, le 27&nbsp;novembre 2023.</span> ne rendant les outils accessibles qu&rsquo;&agrave; celleux dont la pratique g&eacute;n&egrave;re de l&rsquo;argent et fait appel quotidiennement aux logiciels <em>Adobe</em>. Ce co&ucirc;t peut aussi repr&eacute;senter un frein &agrave; la multiplication des outils. Beaucoup de version pirat&eacute;es sont en circulation<span class="footnote">Grootens Joost, &laquo;&#8239;Tools R Us&#8239;&raquo;, Graphisme en France, traduit par Barb M. Prynne, Cr&eacute;ation, Outils, Recherche-28, 2022, p.&nbsp;59&#8209;88.</span> mais elles ne suffisent pas toujours car elles ne permettent pas de faire de mises &agrave; jour, alors m&ecirc;me que beaucoup d&rsquo;imprimeur&middot;euses et de soci&eacute;t&eacute;s de production travaillent avec les derni&egrave;res versions. Une version ant&eacute;rieure manquera de certaines fonctionnalit&eacute;, mais le logiciel ne devient pas obsol&egrave;te puisqu&rsquo;il existe une forme de r&eacute;tro-compatibilit&eacute;. Celle&#8209;ci ne va que dans un seul sens, sans retour en arri&egrave;re possible d&rsquo;une version plus r&eacute;cente &agrave; une version dat&eacute;e. Heureusement, il est toujours possible aujourd&rsquo;hui d&rsquo;enregistrer ses fichiers de travail pour la version CS6, la derni&egrave;re <em>Adobe Creative Suite</em>, licence «&#8239;peprpétuelle&#8239;» qui s&rsquo;est arr&ecirc;t&eacute;e en 2013&nbsp;pour passer au tout d&eacute;mat&eacute;rialis&eacute; avec un abonnement dans le <em>Cloud</em>.</p>
</article>
<article id="Complications éthiques de&nbsp;l’outil&nbsp;propriétaire">
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Complications éthiques de&nbsp;l’outil&nbsp;propriétaire
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<p>Le passage des logiciels n&eacute;cessitant un achat unique non-reli&eacute; &agrave; un compte<span class="footnote">&Agrave; l&rsquo;image des formats physiques, comme le CD, mais aussi certains logicels d&eacute;mat&eacute;rialis&eacute;s.</span> aux logiciels d&eacute;mat&eacute;rialis&eacute;s soumis &agrave; un abonnement ne sert qu&rsquo;<em>Adobe</em>, pas les designeur&middot;euses graphiques. Ce fonctionnement force l&rsquo;utilisateur&middot;ice &agrave; s&rsquo;abonner car il faut &ecirc;tre connect&eacute;&middot;e pour utiliser l&rsquo;outil, travailler sur sa production (les fichiers de travail sont par d&eacute;faut enregistr&eacute;s en format propri&eacute;taires et ne peuvent &ecirc;tre ouverts qu&rsquo;avec l&rsquo;outil ad&eacute;quat, comme le .ai d&rsquo;<em>Illustrator</em>) voire m&ecirc;me acc&eacute;der aux fichiers puisque l&rsquo;entreprise encourage aussi au stockage des fichiers de travail sur le <em>cloud</em> <em>Adobe</em>. La production ne peut donc pas exister sans l&rsquo;outil tant qu&rsquo;elle n&rsquo;est pas finalis&eacute;e et export&eacute;e dans un format souvent non-modifiable.</p>
<p>D&rsquo;autre part, dans le capitalisme vu par Karl Marx, le&middot;a travailleur&middot;euse se retrouve en concurrence avec la machine<span class="footnote">France culture, &laquo;&#8239;Le Capital de Karl Marx, La fabrique de la plus-Value&#8239;&raquo;, coll.&laquo;&#8239;Les Chemins de la philosophie&#8239;&raquo;.</span> en terme de capacit&eacute;s de production et d&rsquo;efficacit&eacute;. Aujourd&rsquo;hui, l&rsquo;id&eacute;e pourrait &ecirc;tre transpos&eacute;e aux craintes de certain&middot;es designeur&middot;euses vis &agrave; vis du d&eacute;veloppement des intelligences artificielles qui tendent &agrave; se retrouver dans les logiciels de l&rsquo;industrie. <em>Adobe</em>, par exemple, a introduit l&rsquo;IA<span class="footnote">Intelligence artificielle.</span> dans <em>Photoshop</em>. Ironiquement, ces IA sont aliment&eacute;es par l&rsquo;enregistrement de la production des designeur&middot;euses, lorsqu&rsquo;iels utilisent le logiciel, sans consentement explicite de leur part (une option qui peut &ecirc;tre d&eacute;sactiv&eacute;e mais sur laquelle il n&rsquo;y a pas eu de communication).</p>
<p>L&rsquo;argument principal pour l&rsquo;utilisation des IA est, &agrave; nouveau, le gain de temps. On retrouve l&rsquo;id&eacute;e de l&rsquo;emploi du temps&#8239;: que permet-il r&eacute;ellement&#8239;? En ex&eacute;cutant les t&acirc;ches fastidieuses et peu satisfaisantes, comme le d&eacute;tourage, elles peuvent permettre d&rsquo;all&eacute;ger la charge de travail du&middot;de la travailleur&middot;euse, qui n&rsquo;aura pas &agrave; effectuer ces t&acirc;ches. Si c&rsquo;est &agrave; &ccedil;a que le temps &eacute;conomis&eacute; sert, il peut &ecirc;tre int&eacute;ressant comme lorsque William Morris ne rejette pas la machine qui permet de faire sans effort les t&acirc;ches fastidieuses et n&eacute;cessaires &agrave; la soci&eacute;t&eacute;<span class="footnote">Morris William, <em>Comment nous vivons, comment nous pourrions vivre</em>, traduit par Francis Guevremont, Payot &amp; Rivages, coll.&laquo;&#8239;Rivages Poche Petite Biblioth&egrave;que&#8239;&raquo;, 2013.</span>. Cela dit, il semble que ce gain de temps permette surtout aux travailleur&middot;euses de passer &agrave; d&rsquo;autres t&acirc;ches et, de fait, d&rsquo;&ecirc;tre plus productif&middot;ves sur un m&ecirc;me temps de travail&#8239;: les avanc&eacute;es techniques des outils n&rsquo;ont ni raccourci les journ&eacute;es de travail ni supprim&eacute; les heures suppl&eacute;mentaires.</p>
</article>
<article id="Faire avec, s’accommoder de l&rsquo;outil plutôt que de se l&rsquo;approprier">
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Faire avec, s’accommoder de l&rsquo;outil plutôt que de se l&rsquo;approprier
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<p>Puisque les outils <em>Adobe</em> r&egrave;gnent en ma&icirc;tres sur l&rsquo;industrie, les designeur&middot;euses graphiques sont contraint&middot;es de &laquo;&#8239;faire avec&#8239;&raquo; ceux-ci&#8239; i&middot;els les utilisent, se d&eacute;brouillent, s&rsquo;en accommodent<span class="footnote">K&eacute;vin Donnot, &laquo;&#8239;Faire avec&#8239;: Pour une pratique inform&eacute;e des programmes&#8239;&raquo;, <em>op.&nbsp;cit.</em></span>. Cette expression traduit &laquo;&#8239;la relation actuelle de la majorit&eacute; des designers graphiques &agrave; leurs outils de travail. Une relation pauvre, r&eacute;duite &agrave; un rapport instrumental&#8239;&raquo; <span class="footnote"><em>Ibid</em>.</span> au logiciel.
L&rsquo;outil est utilis&eacute; comme un moyen, sans forc&eacute;ment &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute; comme une fin (c&rsquo;est m&ecirc;me sa d&eacute;finition). Pourtant, face au monopole d&rsquo;<em>Adobe</em> et les probl&egrave;mes qu&rsquo;il soul&egrave;ve, il est urgent de probl&eacute;matiser les relations qu&rsquo;entretiennent les designeur&middot;euses graphiques avec leurs outils. Bien s&ucirc;r, un outil<em> Adobe</em> est efficace. Mais est-il le seul moyen&#8239;? L&rsquo;outil semble offrir bien d&rsquo;autre aspects &agrave; &eacute;tudier que l&rsquo;effet qu&rsquo;il produit, ne serait-ce que la manière dont cet effet est produit et ce qu&rsquo;il produit sur son utilisateur&middot;ice.</p>
<p>On comprend d&rsquo;instinct comment et pourquoi le fusain laisse une trace sur une feuille. Pourtant, nous ne r&eacute;alisons pas tout &agrave; fait les m&eacute;canismes qui permettent &agrave; notre outil de g&eacute;n&eacute;rer du flou sur une image, ou de r&eacute;gler automatiquement le cr&eacute;nage d&rsquo;un paragraphe.
Cette part de myst&egrave;re s&rsquo;apparente au concept de bo&icirc;te noire<span class="footnote">Th&eacute;oris&eacute;e par Norbert Wiener dans <em>Cybern&eacute;tique et soci&eacute;t&eacute;, Cybernetics and Society (The Human Use of Human Beings)</em>, publi&eacute; aux &eacute;ditions Deux Rives en 1952, la bo&icirc;te noire est un syst&egrave;me appr&eacute;hend&eacute; uniquement au travers de ses <em>inputs</em> (entr&eacute;es) et <em>outputs</em> (sorties) et dont le fonctionnement interne est opaque.</span>&#8239;: l&rsquo;outil est appr&eacute;hend&eacute; empiriquement, on peut d&eacute;duire le r&eacute;sultat d&rsquo;une action et d&eacute;cider de l&rsquo;utiliser sans comprendre ce qui se passe dans les rouages internes de la machine. La bo&icirc;te noire nous d&eacute;poss&egrave;de de l&rsquo;outil compte tenu du fait que nous ne sommes plus en pleine capacit&eacute; de le comprendre et de le contr&ocirc;ler. La machine est automatis&eacute;e et effectue les t&acirc;ches &agrave; notre place. On pourrait dire que la machine cr&eacute;e &laquo;&#8239;toute seule&#8239;&raquo; ou, en tout cas, qu&rsquo;elle r&eacute;alise elle&#8209;m&ecirc;me les id&eacute;es du&middot;de la designeur&middot;euse graphique. C&rsquo;est peut-&ecirc;tre parcequ&rsquo;il y a un besoin de contr&ocirc;le de l&rsquo;outil et de compr&eacute;hension de celui-ci que, dans les &eacute;coles d&rsquo;art, une forme jubilatoire de retour &agrave; l&rsquo;artisanat &eacute;merge<span class="footnote">Maillet Clovis et Golsenne Thomas, <em>Un Moyen &Acirc;ge lib&eacute;rateur</em>, MMPLH 004., M&ecirc;me pas l&rsquo;hiver, 2022.</span> au travers de l&rsquo;usage d&rsquo;outils non-num&eacute;riques.</p>
<p><img alt="fig. 1&nbsp;Sch&eacute;ma d&rsquo;une bo&icirc;te noire, Adrien Moyaux, licence CC-BY-SA." src="./img/1-2-3/boite-noire.jpeg" /></p>
<p>On ne cherche bien s&ucirc;r pas ici &agrave; &eacute;liminer les machines (ou les logiciels) mais de s&rsquo;assurer qu&rsquo;elles ne d&eacute;naturent pas le travail humain. S&rsquo;il y a une automatisation, une bo&icirc;te noire, il faudrait qu&rsquo;elle ne serve que pour la &laquo;&#8239;pacotille&#8239;&raquo;<span class="footnote">Morris William, <em>Comment nous vivons, comment nous pourrions vivre</em>, <em>op.&nbsp;cit.</em></span>, les t&acirc;ches chronophages que nous &eacute;voquions plus t&ocirc;t. Quand bien m&ecirc;me, il serait toujours pertinent de comprendre le fonctionnement de nos outils pour &eacute;viter de ne d&eacute;pendre que d&rsquo;un outil qu&rsquo;on pense ma&icirc;triser mais que nous serions incapables de reproduire ou de r&eacute;parer en cas de <em>bug</em>.</p>
</article>
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<h2 class="sommaire" id="Quelle critique de l’outil pour la discipline ?">
Quelle critique de l’outil pour la discipline ?
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<article id="L&rsquo;industrie, le déterminant de l&rsquo;outil">
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L&rsquo;industrie, le déterminant de l&rsquo;outil
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<p>En travaillant avec des logiciels tout-en-un, les t&acirc;ches anciennement ex&eacute;cut&eacute;es par des sp&eacute;cialistes ou avec des moyens de production sp&eacute;cifiques deviennent de simples fonctionnalit&eacute;s<span class="footnote">Grootens Joost, &laquo;&#8239;Tools R Us&#8239;&raquo;, <em>op.&nbsp;cit.</em></span>. L&rsquo;outil num&eacute;rique permet &agrave; la machine d&rsquo;abriter tous les ateliers, faisant du&middot;de la designeur&middot;euse graphique un&middot;e op&eacute;rateur&middot;ice de celle-ci. Un m&ecirc;me outil sert &agrave; effectuer les t&acirc;ches d&rsquo;un&middot;e typographe, d&rsquo;un&middot;e compositeur&middot;euse, d&rsquo;un&middot;e metteur&middot;euse en page&hellip; et de nombreux·ses autres. Le prix de l&rsquo;&eacute;conomie de temps et de moyens (plus besoin de communication entre divers services, et moins de personnes &agrave; r&eacute;mun&eacute;rer sur un projet), est celui de la disparition de certains savoir-faire.</p>
<p>Comme tout est automatis&eacute;, le&middot;a designeur&middot;euse peut se fier &agrave; ce que produit la machine sans pour autant s&rsquo;assurer que le r&eacute;sultat est optimal, puisqu&rsquo;i&middot;el n&rsquo;a pas la ma&icirc;trise de tous les m&eacute;tiers qui ont pu constituer la cha&icirc;ne de production graphique. Il semble d&rsquo;ailleurs difficile pour un&middot;e seule personne d&rsquo;&ecirc;tre parfaitement qualifi&eacute;e &agrave; tous les niveaux. </p>
<p>Lorsqu&rsquo;il parle de l&rsquo;av&eacute;nement de la PAO, Paul Brainerd<span class="footnote">Le co-fondateur d&rsquo;Aldus, qui &eacute;ditait Pagemaker &agrave; l&rsquo;&eacute;poque, entendu dans le documentaire <em>Graphic Means: A History of Graphic Design Production</em> de Briar Levit, <em>op.&nbsp;cit.</em></span> fait un constat similaire&#8239;:</p>
<blockquote>
&laquo;&#8239;Je suis constern&eacute; par l&rsquo;amateurisme de certaines compositions. On &eacute;tait tr&egrave;s m&eacute;ticuleux, mais on faisait des erreurs. Et quand on en faisait, je pensais, ‹&#8239;Oh mon dieu, j&rsquo;aimerais qu&rsquo;on ait encore des compositeurs comp&eacute;tents pour faire ce travail. Nous sommes des amateurs.&#8239;›&#8239;&raquo;
</blockquote>
<p>En outre, les grands outils propri&eacute;taires utilis&eacute;s par les designeur&middot;euses graphiques sont des produits qui appartiennent &agrave; des entreprises (<em>Adobe</em>, <em>Apple</em>, <em>Microsoft</em>, <em>Meta</em>, <em>Linotype</em>...) ayant plus de comptes &agrave; rendre &agrave; leurs actionnaires qu&rsquo;&agrave; leurs clients. En d&eacute;veloppant ces outils, elles cr&eacute;ent le code mais aussi les standards, les interfaces, les plateformes et les filtres qui fa&ccedil;onnent et influencent le design graphique<span class="footnote">Pater Ruben, <em>Caps lock: how capitalism took hold of graphic design, and how to escape it</em>, <em>op.cit.</em> p.390 &agrave; 392.</span>. Par leur simplicit&eacute; d&rsquo;utilisation, ces outils sont plus accessibles pour des usages amateurs. Mais, tous ces pr&eacute;-r&eacute;glages ne sont-ils pas d&eacute;terminants de la forme finale de la production graphique&#8239;?</p>
</article>
<article id="L’influence formelle de l&rsquo;outil sur les productions de design graphique">
<h3 class="sommaire">
L’influence formelle de l&rsquo;outil sur les productions de design graphique
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<p>Le conditionnement et les pr&eacute;-r&eacute;glages des outils portent une influence sur l&rsquo;usage qui peut en &ecirc;tre fait. Loin du rapport de cause &agrave; effet rationnel (le texte est &agrave; cette taille par d&eacute;faut, je le laisse tel quel) mais plut&ocirc;t de l&rsquo;ordre d&rsquo;un effet myst&eacute;rieux, irrationnel et insidieux. Il semble que les paradigmes de travail et les pr&eacute;-r&eacute;glages conditionnent la cr&eacute;ation du de&middot;la designeur&middot;euse graphique, sans qu&rsquo;i&middot;el en ai conscience.
Paradoxalement, l&rsquo;outil est rempli de r&eacute;glages rationnels. Les menus et param&egrave;tres ont des valeurs par d&eacute;faut, issues des choix des producteur&middot;ices d&rsquo;outils, et sont donc le reflet d&rsquo;une certaine conception du design graphique. En limitant le nombre de ses outils, on r&eacute;duit par la m&ecirc;me occasion le champ des possibles et la vari&eacute;t&eacute; des approches<span class="footnote">Grootens Joost, &laquo;&#8239;Tools R Us&#8239;&raquo;, <em>op.&nbsp;cit.</em></span>.
La domination d&rsquo;un outil risque aussi de conduire &agrave; une pratique sp&eacute;cifique, mais limit&eacute;e. Edward R. Tufte soutenait par exemple que le recours syst&eacute;matique &agrave; <em>PowerPoint</em> modelait une m&ecirc;me structure hi&eacute;rarchis&eacute;e pour tous les diaporamas, puis &agrave; toutes les pr&eacute;sentations de contenu, transformant &laquo;&#8239;l&rsquo;information en argumentaire de vente et les pr&eacute;sentateurs en marketeurs&#8239;&raquo;<span class="footnote">R. Tufte Edward, <em>The Cognitive Style of PowerPoint</em>, 2003.</span>. Nullement li&eacute;es &agrave; un manque de cr&eacute;ativit&eacute; des designeur&middot;euses &ndash; de nombreux travaux originaux ont &eacute;t&eacute; produits gr&acirc;ce aux outils d&rsquo;<em>Adobe</em> &ndash; ces limites &eacute;manent simplement de l&rsquo;enfermement de la cr&eacute;ativit&eacute; dans un seul paradigme logiciel.</p>
<p>Le designer graphique Elliot Ulm a men&eacute; l&rsquo;exp&eacute;rience suivante&#8239;: utiliser toute une s&eacute;rie de logiciels diff&eacute;rents pour la r&eacute;alisation d&rsquo;une m&ecirc;me id&eacute;e<span class="footnote">Ulm Elliot, &laquo;&#8239;i made the same design in every program ever&#8239;&raquo;.</span>. Bien que l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;origine soit la m&ecirc;me, chaque production est diff&eacute;rente. Dans son comportement, que nous analysons &agrave; partir de la vid&eacute;o qu&rsquo;il a produite<span class="footnote"><em>Ibid</em>.</span>, il travaille avec les outils qu&rsquo;il conna&icirc;t en conservant ses automatismes et aborde les outils &laquo;&#8239;nouveaux&#8239;&raquo; par un moment de d&eacute;couverte au cours du quel il fait l&rsquo;exp&eacute;rience des fonctionnalit&eacute;s, effets, r&eacute;glages et/ou pr&eacute;-sets disponibles. Cette phase exp&eacute;rimentale se ressent dans sa production, il arrive qu&rsquo;il prenne la libert&eacute; de faire varier ses compositions en fonction des possibles de l&rsquo;outil utilis&eacute;.</p>
<p>Quand il utilise Publisher <span class="fig-call">[fig. 2]</span>, par exemple, il fait appel aux pr&eacute;-sets du logiciels en guise d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments graphiques. Le r&eacute;sultat obtenu aurait &eacute;t&eacute; r&eacute;alisable avec un autre logiciel, mais Elliot Ulm aurait-il eu l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;utiliser des blocs textuels&#8239;? Quand bien m&ecirc;me cela aurait &eacute;t&eacute; le cas, ces &eacute;l&eacute;ments graphiques n&rsquo;auraient s&ucirc;rement pas eu tout &agrave; fait la m&ecirc;me forme. C&rsquo;est aussi en exp&eacute;rimentant avec les textures inclues dans l&rsquo;outil <em>PicMonkey</em> <span class="fig-call"> [fig. 3]</span> qu&rsquo;il a eu l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;ajouter des textures, un choix encore in&eacute;dit &agrave; ce stade de la vid&eacute;o. De la m&ecirc;me fa&ccedil;on, c&rsquo;est parce que l&rsquo;outil <em> KidPix</em><span class="footnote">Un logiciel pour enfant, peut-&ecirc;tre encore plus lib&eacute;rateur par son aspect d&eacute;sinvolte </span> <span class="fig-call"> [fig. 4]</span> lui a sugg&eacute;r&eacute;, &agrave; l&rsquo;export, d&rsquo;ajouter un effet 3D qu&rsquo;il a fait le choix de l&rsquo;ajouter.</p>
<p><img alt="fig. 2 Capture d&rsquo;écran de la vidéo d&rsquo;Elliot Ulm, montrant sa production avec le logiciel &lt;em&gt;Microsoft Publisher&lt;/em&gt;." src="./img/1-3-2/132-publisher.png" /></p>
<p><img alt="fig. 3 Capture d&rsquo;écran de la vidéo d&rsquo;Elliot Ulm, montrant sa production avec le logiciel &lt;em&gt;MonkeyPic&lt;/em&gt;." src="./img/1-3-2/132-picmonkey.png" /></p>
<p><img alt="fig. 4 Capture d&rsquo;écran de la vidéo d&rsquo;Elliot Ulm, montrant sa production avec le logiciel &lt;em&gt;KidPix&lt;/em&gt;." src="./img/1-3-2/132-kidpix.png" /></p>
<p>L&rsquo;utilisation d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments 3D sur <em>Powerpoint</em><span class="fig-call"> [fig. 5]</span> semble elle aussi influenc&eacute;e par leur disponibilit&eacute; dans le logiciel. Au-del&agrave; des &eacute;l&eacute;ments graphiques pr&eacute;-existants, on peut remarquer que l&rsquo;affiche produite avec <em>PowerPoint</em> utilise la police de caract&egrave;re Calibri, propos&eacute;e par d&eacute;faut par le logiciel. Peut &ecirc;tre que le (non-)choix typographique aurait &eacute;t&eacute; diff&eacute;rent si la police par d&eacute;faut avait &eacute;t&eacute; Arial&#8239;?</p>
<p><img alt="fig. 5 Capture d&rsquo;écran de la vidéo d&rsquo;Elliot Ulm, montrant sa production avec le logiciel &lt;em&gt;PowerPoint&lt;/em&gt;." src="./img/1-3-2/132-powerpoint.png" /></p>
<p>Enfin, les outils tr&egrave;s limit&eacute;s comme <em>Microsoft Paint</em><span class="fig-call"> [fig. 6]</span> influencent la forme au travers du tout petit champ des possibles propos&eacute;. La production d&rsquo;Elliot Ulm est transparente sur la question de l&rsquo;outil&#8239;: elle a &eacute;t&eacute; produite &agrave; l&rsquo;aide d&rsquo;un logiciel qui n&rsquo;abrite que des fonctions de dessin.</p>
<p><img alt="fig. 6 Capture d&rsquo;écran de la vidéo d&rsquo;Elliot Ulm, montrant sa production avec le logiciel &lt;em&gt;MS Paint&lt;/em&gt;." src="./img/1-3-2/132-mspaint.png" /></p>
<p>Pour les logiciels &laquo;&#8239;jumeaux&#8239;&raquo;, qui ont des interfaces et des fonctionnements similaires tels <em>Photoshop</em> <span class="fig-call">[fig. 7]</span> et <em>Photopea</em> <span class="fig-call">[fig. 8]</span> ou <em>Inkscape</em> <span class="fig-call">[fig. 9]</span> et <em>Illustrator</em> <span class="fig-call">[fig. 10]</span>, sa m&eacute;thode de travail a &eacute;t&eacute; similaire pour chaque duo. Il s&rsquo;est appuy&eacute; sur les m&ecirc;mes fonctionnalit&eacute;s et a adopt&eacute; des m&eacute;thodes de travail identiques &agrave; partir de ses automatismes. Pour <em>Photoshop</em> et <em>Photopea</em>, en particulier, l&rsquo;interface est sensiblement identique. Il a donc pu proposer deux affiches tr&egrave;s proches et n&rsquo;a pas cherch&eacute; &agrave; renouveler les formes produites.</p>
<p><img alt="fig. 7 Capture d&rsquo;écran de la vidéo d&rsquo;Elliot Ulm, montrant sa production avec le logiciel &lt;em&gt;Photoshop&lt;/em&gt;." src="./img/1-3-2/132-photoshop.png" /></p>
<p><img alt="fig. 8 Capture d&rsquo;écran de la vidéo d&rsquo;Elliot Ulm, montrant sa production avec le logiciel &lt;em&gt;Photopea&lt;/em&gt;." src="./img/1-3-2/132-photopea.png" /></p>
<p><img alt="fig. 9 Capture d&rsquo;écran de la vidéo d&rsquo;Elliot Ulm, montrant sa production avec le logiciel &lt;em&gt;Inkscape&lt;/em&gt;." src="./img/1-3-2/132-inkscape.png" /></p>
<p><img alt="fig. 10 Capture d&rsquo;écran de la vidéo d&rsquo;Elliot Ulm, montrant sa production avec le logiciel &lt;em&gt;Illustrator&lt;/em&gt;." src="./img/1-3-2/132-illustrator.png" /></p>
<p>Le dernier aspect d&eacute;terminant est la fa&ccedil;on dont les designeur&middot;euses agissent souvent par &laquo;&#8239;s&eacute;lection&#8239;&raquo;<span class="footnote">Masure Anthony, &laquo;&#8239;<em>Adobe</em>&#8239;: le cr&eacute;atif au pouvoir&#8239;&raquo;, <em>Strabic.fr</em>, &laquo;&#8239;L&rsquo;usager au pouvoir&#8239;&raquo;, juin 2011.</span>, c&rsquo;est &agrave; dire en faisant des choix entre diff&eacute;rentes options qui fonctionnent bien, selon des r&eacute;glages pr&eacute;cis, qu&rsquo;i&middot;els s&eacute;lectionnent sans les cr&eacute;er i&middot;els m&ecirc;me, et qui ne laissent aucune place au hasard ou &agrave; l&rsquo;erreur. L&rsquo;outil fait parfaitement ce qu&rsquo;il est suppos&eacute; faire, ce sont les d&eacute;cisions prises par le&middot;a designeur&middot;euse et la combinaison des s&eacute;lections qui cr&eacute;ent la qualit&eacute; de la production.
Il y a toute fois une trop petite marge de man&oelig;uvre, un manque de personnalisation dans les outils habituels. Avec les outils propri&eacute;taires, il est plus difficile de d&eacute;velopper une singularit&eacute;, sans laquelle il ne peut y avoir de cr&eacute;ation. En r&eacute;ponse &agrave; ces critiques, <em>Adobe</em> a permis l&rsquo;int&eacute;gration de <em>plug-ins</em> qui peuvent ouvrir &agrave; de nouveaux usages sans modifier fondamentalement l&rsquo;application. Ils sont d&eacute;velopp&eacute;s par Adobe, ou en &laquo;&#8239;partenariat&#8239;&raquo; avec des d&eacute;veloppeur&middot;euses externes. Il n&rsquo;est donc pas possible de d&eacute;velopper un <em>plug-in</em> personnalis&eacute;.
<em>ExtendScript Toolkit</em>, une API d&rsquo;<em>Adobe</em>, permet d&rsquo;interagir avec ses logiciels par du code informatique plut&ocirc;t que l&rsquo;interface graphique habituelle et d&rsquo;imaginer de nouvelles m&eacute;thodes de travail. Malheureusement, le projet est faiblement document&eacute; et l&rsquo;&eacute;diteur de script plut&ocirc;t aride. Il y a bien le projet <em>Basil.Js</em>, par l&rsquo;Acad&eacute;mie d&rsquo;art et de design de B&acirc;le, qui cherche &agrave; simplifier l&rsquo;acc&egrave;s &agrave; l&rsquo;API d&rsquo;<em>Indesign</em> mais il est peu suivi. Il a toutefois permis au projet <em>Scriptographer</em> de voir le jour, bien que le projet ai &eacute;t&eacute; abandonn&eacute; au profit de <em>Paper.Js</em>, un &eacute;quivalent s&rsquo;appuyant plut&ocirc;t sur les technologies ouvertes du <em>Web</em><span class="footnote">Lehni J&uuml;rg, &laquo;&#8239;The Future of Scriptographer is &hellip; Paper.js!&#8239;&raquo;, Scriptographer, 15&nbsp;novembre 2012.</span>.</p>
</article>
<article id="L&rsquo;école, avant d&rsquo;intégrer l&rsquo;industrie">
<h3 class="sommaire">
L&rsquo;école, avant d&rsquo;intégrer l&rsquo;industrie
</h3>
<p>Les outils ma&icirc;tris&eacute;s par les designeur&middot;euses graphiques sont, pour la plupart, ceux qui leur ont &eacute;t&eacute; enseign&eacute;s &agrave; l&rsquo;&eacute;cole. Bien que les outils se soient d&eacute;mocratis&eacute;s et que le design graphique soit devenu beaucoup plus accessible, l&rsquo;&eacute;cole et l&rsquo;industrie restent toujours tr&egrave;s connect&eacute;es.</p>
<p>En effet, les m&eacute;thodes et les comp&eacute;tences acquises &agrave; l&rsquo;&eacute;cole fa&ccedil;onnent l&rsquo;industrie qu&rsquo;elles int&egrave;grent en m&ecirc;me temps que les jeunes designeur&middot;euses graphiques entrant dans le monde professionnel. Dans l&rsquo;autre sens, le design graphique est aussi enseign&eacute; pour r&eacute;pondre aux besoins de l&rsquo;industrie et rendre les &eacute;tudiant&middot;es sortant&middot;es employables<span class="footnote">Pater Ruben, <em>Caps lock: how capitalism took hold of graphic design, and how to escape it</em>,<em>op.cit.</em>, p.&nbsp;348</span>.</p>
<p>Nonobstant, l&rsquo;&eacute;cole ne peut se contenter de simuler le &laquo;&#8239;monde r&eacute;el&#8239;&raquo;<span class="footnote">Swanson Gunnar, &laquo;&#8239;Graphic Design Education as a Liberal Art: Design and Knowledge in the University and the &ldquo;Real World&rdquo; &raquo;, op.&nbsp;cit.</span> et de d&eacute;livrer des <em>entry-level skills</em><span class="footnote"><em>Ibid</em>., p.&nbsp;53&#8209;63.</span>, comp&eacute;tences de base qui permettent de trouver un emploi et de pouvoir &ecirc;tre en comp&eacute;tition loyale avec les dipl&ocirc;m&eacute;&middot;es sortant&middot;es.
Les &eacute;coles sont en effet des terrains int&eacute;ressants pour reconfigurer les pratiques de design graphique et repenser le rapport du&middot;de la designeur&middot;euse aux outils. Cela pousserait les &eacute;coles &agrave; retrouver une position centrale dans les d&eacute;bats sur le design graphique<span class="footnote">Comme r&eacute;cemment lors des conf&eacute;rences organis&eacute;es &agrave; Bruxelles ou Cambrai.</span>, plut&ocirc;t que de former tout particuli&egrave;rement &agrave; une pratique du design sp&eacute;cialis&eacute;e, au profit des besoins de l&rsquo;industrie et des entreprises, en formant les &eacute;tudiant&middot;es uniquement (ou presque) &agrave; ces moyens de production. Pour cela, il est imp&eacute;ratif que l&rsquo;&eacute;cole soit ind&eacute;pendante des grandes entreprises et puisse prendre de la distance avec les volont&eacute;s gouvernementales et individuelles de former des designeur&middot;euses pr&ecirc;ts pour le march&eacute; du travail.</p>
<p>Il faut alors accepter que l&rsquo;&eacute;cole ne m&egrave;ne pas forc&eacute;ment &agrave; un emploi de designeur&middot;euse graphique pr&eacute;d&eacute;termin&eacute;. Dans les &eacute;coles g&eacute;r&eacute;es par le minist&egrave;re de l&rsquo;&eacute;ducation nationale, la r&eacute;forme du DN&thinsp;MADe va en ce sens&#8239;: la pratique va vers la th&eacute;orie, la conceptualisation, la recherche. La volont&eacute; de masterisation du DSAA confirme cette inclinaison de l&rsquo;&eacute;cole &agrave; s&rsquo;orienter vers la recherche, au sens d&rsquo;une &eacute;tude critique avec ses questionnements et incertitudes, en opposition &agrave; l&rsquo;enseignement de savoirs et savoir-faire arr&ecirc;t&eacute;s<span class="footnote">Huyghe Pierre-Damien, Contre-temps. De la recherche et de ses enjeux&#8239;: arts, architecture, design, Paris, B42, 2017, p.&nbsp;27.</span>. L&rsquo;id&eacute;e est que la th&eacute;orie puisse s&rsquo;immiscer dans les pratiques autres que celle de l&rsquo;&eacute;criture, et de mettre ces pratiques en regard<span class="footnote"><em>op.&nbsp;cit.</em></span>. </p>
<p>Malgr&eacute; tout, dans les cursus, l&rsquo;&eacute;tude th&eacute;orique passe apr&egrave;s les bases de la pratique et c&rsquo;est seulement &agrave; un niveau sup&eacute;rieur que l&rsquo;&eacute;tudiant&middot;e se retrouve face &agrave; l&rsquo;histoire, la th&eacute;orie et &agrave; des perspectives plus larges sur le design<span class="footnote">Swanson Gunnar, &laquo;&#8239;Graphic Design Education as a Liberal Art: Design and Knowledge in the University and the &ldquo;Real World&rdquo; &raquo;, op.&nbsp;cit.</span>. &Agrave; l&rsquo;&eacute;sad d&rsquo;Amiens<span class="footnote">&Eacute;cole sup&eacute;rieure d&rsquo;art et de design d&rsquo;Amiens, g&eacute;r&eacute;e par le minist&egrave;re de la culture.</span>, les &eacute;tudiant&middot;es b&eacute;n&eacute;ficient de deux cours th&eacute;oriques<span class="footnote">&laquo;&#8239;Histoire des dispositifs de l&rsquo;image &raquo; et &laquo;&#8239;Histoire du graphisme &raquo;.</span> contre huit cours de pratique<span class="footnote">&laquo;&#8239;Graphiques communication visuelle et m&eacute;dium &raquo; et &laquo;&#8239;plastiques artistiques &raquo;. Les informations sur le cursus sont tir&eacute;es du m&eacute;moire de Guillaume Tourscher, &laquo;&#8239;Le graphisme entre {artisanat, industrialisation, hybridation}&raquo; r&eacute;dig&eacute; de 2021 &agrave; 2022&nbsp;pour son DNSEP &agrave; l&rsquo;&eacute;sad d&rsquo;Amiens.</span>. L&rsquo;institut sup&eacute;rieur des arts et du design de Toulouse propose par exemple, certaines semaines, des cr&eacute;neaux d&eacute;di&eacute;s &agrave; des enseignements th&eacute;oriques sous forme de s&eacute;minaire. Elle accorde &agrave; ces mati&egrave;res une &laquo;&#8239;place de choix [...] parce qu&rsquo;elles sont elles-m&ecirc;mes des pratiques, un moyen de la pens&eacute;e venant &agrave; la rencontre du langage de l&rsquo;artiste &raquo; et d&eacute;fend l&rsquo;importance de l&rsquo;articulation entre r&eacute;flexion th&eacute;orique et expression artistique<span class="footnote">Pr&eacute;sentation du Cycle 2, option design graphique de l&rsquo;&eacute;cole dans le Livret de l&rsquo;&eacute;tudiant&middot;e en art, design, design graphique 2023&#8239;-&#8239;2024, &agrave; l&rsquo;adresse https://livret.isdat.fr/impression, consult&eacute; le 04/01/2024.</span>. Il arrive pourtant que cette orientation th&eacute;orique soit critiqu&eacute;e par les enseignant&middot;es et les professionnel&middot;les<span class="footnote">Le sujet a &eacute;t&eacute; &eacute;voqu&eacute; de fa&ccedil;on informelle lors de l&rsquo;entretien de mi-stage de DSAA entre mes tutrices et l&rsquo;enseignant qui s&rsquo;occupait du suivi p&eacute;dagogique.</span> qui pensent que l&rsquo;enseignement devrait reposer sur un apprentissage technique qui rendrait efficace pour int&eacute;grer le march&eacute; d&egrave;s la sortie de l&rsquo;&eacute;cole. Mais alors, l&rsquo;&eacute;cole nous apprendrait &agrave; entrer dans le moule de l&rsquo;industrie, &agrave; se soumettre au march&eacute; et &agrave; l&rsquo;exploitation et &agrave; devenir des catalogues de comp&eacute;tences plut&ocirc;t qu&rsquo;&agrave; d&eacute;velopper une pens&eacute;e du m&eacute;tier. Si le travail participe au d&eacute;veloppement de capacit&eacute;s nouvelles, ces comp&eacute;tences ne pourraient-elles pas &ecirc;tre en partie acquises et solidifi&eacute;es gr&acirc;ce &agrave; celui-ci&#8239;?</p>
<p>Il ne s&rsquo;agit pas ici de n&rsquo;&eacute;tudier que de la th&eacute;orie, la pratique et la ma&icirc;trise de savoir-faire sp&eacute;cialis&eacute;s restent fondamentales au m&eacute;tier de designeur&middot;euse graphique. L&rsquo;&eacute;cole doit tout de m&ecirc;me continuer &agrave; former au milieu professionnel, en trouvant le juste milieu pour rester un lieu propice au d&eacute;veloppement d&rsquo;une pratique personnelle et d&rsquo;un positionnement d&eacute;tach&eacute; de l&rsquo;industrie. </p>
<p>Plut&ocirc;t que d&rsquo;apprendre, par exemple, &agrave; utiliser tel ou tel logiciel, les &eacute;tudiant&middot;es pourraient &ecirc;tre form&eacute;&middot;es &agrave; des logiques logicielles plus g&eacute;n&eacute;rales et pr&eacute;par&eacute;&middot;es &agrave; de possibles futurs du design plut&ocirc;t qu&rsquo;&agrave; r&eacute;pondre aux attentes actuelles de l&rsquo;industrie. D&rsquo;ailleurs, en d&eacute;pit de l&rsquo;omnipr&eacute;sence des logiciels <em>Adobe</em> sur les <em>curriculum&nbsp;vitae</em> des &eacute;tudiant&middot;es<span class="footnote"> Grootens Joost, &laquo;&#8239;Tools R Us &raquo;, op.&nbsp;cit.</span>, le r&eacute;f&eacute;rentiel du dipl&ocirc;me de Dn MADe pr&eacute;conise &laquo;&#8239;de ne pas s&rsquo;en tenir &agrave; des logiciels ou technologies propri&eacute;taires mais d&rsquo;explorer &eacute;galement le champ des logiciels et technologies libres&#8239;&raquo;<span class="footnote">JO &#8470;0253, 30&nbsp;octobre 2022, texte &#8470;23</span> ainsi que celui de la programmation.</span></p>
</article>
</div>
</section>
<!-- LIVRET 2 -->
<section id="Comment nous pourrions travailler">
<h1 class="sommaire">
Comment nous pourrions travailler
</h1>
<div>
<h2 class="sommaire" id="Se positionner vis-à-vis de la production comme travail, comme&nbsp;ouvrage et comme ensemble de forme">
Se positionner vis-à-vis de la production comme travail, comme&nbsp;ouvrage et comme ensemble de forme
</h2>
<article id="Puiser dans les modèles existants pour repenser le rapport au travail">
<h3 class="sommaire">
Puiser dans les modèles existants pour repenser le rapport au travail
</h3>
<p>Les derniers propos nous ont permis de mettre en &eacute;vidence la n&eacute;cessit&eacute; de repenser le mod&egrave;le de travail des designeur&middot;euses graphiques. La suite de ce m&eacute;moire cherche &agrave; dessiner des possibles r&eacute;alisables, &agrave; la fa&ccedil;on d&rsquo;une utopie concr&egrave;te, qui partent de la r&eacute;alit&eacute; contemporaine pour tendre vers un id&eacute;al. La premi&egrave;re chose &agrave; faire serait de regarder autour de nous, et en arri&egrave;re, pour puiser dans des mod&egrave;les existants. </p>
<p>Dans les ateliers m&eacute;di&eacute;vaux des copistes, le travail se faisait collectivement et de fa&ccedil;on anonyme, sans parler d&rsquo;auteur&middot;ices<span class="footnote">Pater Ruben, <em>Caps lock: how capitalism took hold of graphic design, and how to escape it</em>, <em>op.&nbsp;cit.</em></span>, &agrave; la fa&ccedil;on des collectifs de designeur&middot;euses. De m&ecirc;me, les typographes de la r&eacute;volution industrielle &eacute;taient avant tout des ouvriers, organis&eacute;s entre ell&middot;eux et touch&eacute;&middot;es par les m&ecirc;me probl&eacute;matiques que tous&middot;tes les prol&eacute;taires<span class="footnote">Boutmy Eug&egrave;ne, <em>Dictionnaire de l&rsquo;argot des typographes&#8239;: augment&eacute; d&rsquo;une histoire des typographes au XIXe si&egrave;cle et d&rsquo;un choix de coquilles c&eacute;l&egrave;bres</em>, Le mot et le Reste, Marseille, 2019.</span>. C&rsquo;est le partage du travail, et la collectivit&eacute;, qui ont permis aux &laquo;&#8239;confr&eacute;ries typographique&#8239;&raquo;<span class="footnote">Minard Philippe, &laquo;&#8239;Identit&eacute; corporative et dignit&eacute; ouvri&egrave;re&#8239;: le cas des typographes parisiens, 1789-1791&nbsp;&raquo;, <em>in Paris et la R&eacute;volution</em>, Paris, &Eacute;ditions de la Sorbonne, coll.&laquo;&#8239;Histoire moderne&#8239;&raquo;, p.&nbsp;23-33.</span> parisiennes de la r&eacute;volution fran&ccedil;aise d&rsquo;&ecirc;tre solidaires face aux corporations et de d&eacute;velopper une morale du m&eacute;tier, qui passe par l&rsquo;entraide (avec des caisses de solidarit&eacute;), l&rsquo;apprentissage (puisque la qualification de l&rsquo;ouvrier est ce qui doit lui donner de la valeur), une juste r&eacute;mun&eacute;ration et la libert&eacute; de s&rsquo;&eacute;tablir &agrave; son compte. Les ouvri&egrave;r&middot;es typographes disent elleux-m&ecirc;me&#8239;:</p>
<blockquote>
&laquo;&#8239;Nous sommes redevenus propri&eacute;taires de notre industrie.&#8239;&raquo;<span class="footnote">Discours prononc&eacute; le 10&nbsp;ao&ucirc;t 1790, &agrave; la f&ecirc;te c&eacute;l&eacute;br&eacute;e en l&rsquo;honneur de Benjamin Franklin, par la soci&eacute;t&eacute; des ouvri&egrave;r&middot;es imprimeur&middot;euses de Paris, Monographie par par M. L***, apprenti imprimeur.</span>
</blockquote>
<p>Pour les designeur&middot;euses graphiques contemporains, l&rsquo;organisation politique de la profession pourrait permettre de faire preuve de solidarit&eacute; face &agrave; l&rsquo;exploitation capitaliste.<span class="footnote">Le propos sera plus d&eacute;velopp&eacute; dans l&rsquo;&eacute;crit en annexe de ce m&eacute;moire.</span></p>
<p>Le mod&egrave;le de l&rsquo;artisan&middot;e serait aussi, selon William&nbsp;Morris, moins difficile &agrave; supporter car d&eacute;nu&eacute; de ma&icirc;tre unique et de division du travail. Le labeur serait alors plus doux&#8239;: il n&rsquo;y a pas la p&eacute;nibilit&eacute; de travailler sur une m&ecirc;me t&acirc;che, le travail est vari&eacute; et l&rsquo;artisan&middot;e a la satisfaction d&rsquo;achever son ouvrage. Cette vision de l&rsquo;artisan&middot;e m&eacute;di&eacute;val est nuanc&eacute;e par les historienne de l&rsquo;art mais, en tout cas, cette th&eacute;orie h&eacute;rite de la consid&eacute;ration m&eacute;di&eacute;vale du travail comme un probl&egrave;me moral<span class="footnote">Maillet Clovis et Golsenne Thomas, <em>Un Moyen &Acirc;ge lib&eacute;rateur</em>, op.&nbsp;cit.</span>&#8239;: <em>Quod omnes tangit ab omnibus tractari et approbari debet</em>, maxime tir&eacute;e du droit romain imp&eacute;rial et principe constitutif des coroporation de l&rsquo;&eacute;poque m&eacute;di&eacute;vale&#8239;: Ce qui concerne tout le monde doit &ecirc;tre d&eacute;cid&eacute; par tout le monde<span class="footnote">CONGAR, Yves M.-J., &laquo;&#8239;QUOD OMNES TANGIT, AB OMNIBUS TRACTARI ET APPROBARI DEBET&#8239;&raquo;, <em>Revue historique de droit fran&ccedil;ais et &eacute;tranger</em>, Vol. 35 (1958), p.&nbsp;210-259</span>. Un principe de mutualit&eacute;, associ&eacute; &agrave; la disparition de l&rsquo;individualisme au profit de la beaut&eacute; de l&rsquo;ouvrage et une ma&icirc;trise technique permise par un enseignement professionnel entre ma&icirc;tres et apprentis, dans des ateliers faisant aussi office de lieux de vie<span class="footnote">Collectif Ressources, &laquo;&#8239;Le code du travail au Moyen &Acirc;ge, les corporations en France&#8239;&raquo;.</span>.</p>
<p>En regardant vers d&rsquo;autres mod&egrave;les que celui du n&eacute;o-capitalisme, nous pouvons repenser notre rapport &agrave; l&rsquo;ouvrage et, peut-&ecirc;tre, trouver des moyens de r&eacute;investir la morale et le plaisir dans le travail.</p>
</article>
<article id="Puiser dans les modèles existant pour repenser le rapport à l&rsquo;ouvrage">
<h3 class="sommaire">
Puiser dans les modèles existant pour repenser le rapport à l&rsquo;ouvrage
</h3>
<p>L&rsquo;artiste-artisan&middot;e nous int&eacute;resse pour red&eacute;finir le rapport du&middot;de la designeur&middot;euse graphique &agrave; l&rsquo;ouvrage, comme &oelig;uvre et non pas simple produit. D&rsquo;une certaine fa&ccedil;on, nous posons le m&ecirc;me regard que le mouvement <em>Arts &amp; Crafts</em> sur l&rsquo;artisanat. Si Morris et Ruskin s&rsquo;opposaient &agrave; l&rsquo;industrialisation de masse et la modernit&eacute; de leur &eacute;poque, nous nous devons d&rsquo;&ecirc;tre lucide quant &agrave; cette recrudescence du mythe de l&rsquo;artisan dans nos pratiques &agrave; l&rsquo;heure d&rsquo;une digitalisation de masse <span class="footnote">JACQUET Hugues, <em>L&rsquo;intelligence de la main</em>, l&rsquo;Harmattan, coll. &laquo;&#8239;Logiques sociales&#8239;&raquo;, 2012. </span>. Semble-t-il alors qu&rsquo;il y a dans notre contemporan&eacute;it&eacute; un malaise face aux conditions techniques de notre modernit&eacute;.</p>
<p>Il y a chez l&rsquo;artisan&middot;e un go&ucirc;t du travail bien fait qui fait entrer le plaisir dans le travail, alors m&ecirc;me que celui-ci est pr&eacute;suppos&eacute; subi, difficile, laborieux. Il y a suppos&eacute;ment autre chose que ce simple &laquo;&#8239;travail&#8239;&raquo; ; une activit&eacute; fonci&egrave;rement libre qui n&rsquo;est pas centr&eacute;e sur le sch&eacute;ma de production, consommation, consumation. &Agrave; partir de l&rsquo;&eacute;lan spirituel pour le travail<span class="footnote">Au sens d&rsquo;un &eacute;lan moral, de l&rsquo;esprit.</span>, on peut aussi red&eacute;finir le rapport entretenu aux productions. D&egrave;s lors que le&middot;a designeur&middot;euse graphique n&rsquo;est plus uniquement un personne dot&eacute;e des comp&eacute;tences n&eacute;cessaires pour rendre des services sp&eacute;cialis&eacute;s, il faut red&eacute;finir ce qu&rsquo;est l&rsquo;usag&egrave;r&middot;e. En accordant plus de temps, d&rsquo;effort et de plaisir<span class="footnote">Un plaisir tir&eacute; de l&rsquo;effort, du go&ucirc;t du bel ouvrage.</span> &agrave; la production, &agrave; l&rsquo;instar de celle des objets artisanaux, on pourrait lui donner plus d&rsquo;importance, s&rsquo;en satisfaire au-del&agrave; de l&rsquo;&eacute;ph&eacute;m&egrave;re, de la consommation-consumation. L&rsquo;usag&egrave;r&middot;e ne serait plus dans un rapport de consommation d&rsquo;un &laquo;&#8239;beau&#8239;&raquo; design graphique (l&rsquo;identit&eacute; visuelle qui ne dure qu&rsquo;un temps et suit la tendance esth&eacute;tique actuelle) mais plut&ocirc;t d&rsquo;utilisation d&rsquo;un design graphique aussi fonctionnel qu&rsquo;esth&eacute;tique (l&rsquo;identit&eacute; peut servir, et reste &laquo;&#8239;belle&#8239;&raquo; des ann&eacute;es apr&egrave;s sa production). Pour d&eacute;finir ce que peut-&ecirc;tre un graphisme fonctionnel<span class="footnote">Qui reste esth&eacute;tique, &laquo;&#8239;beau&#8239;&raquo; au sens que lui donne Morris&#8239;: sa beaut&eacute; n&rsquo;est pas un frein &agrave; l&rsquo;utile, elle &eacute;mane de la qualit&eacute; de sa conception.</span>, et non subjectivement &laquo;&#8239;beau&#8239;&raquo;, nous pourrions nous appuyer sur le sch&eacute;ma <span class="fig-call">[fig. 11]</span><span class="footnote">Papanek Victor, Design pour un monde r&eacute;el, titre original&laquo;&#8239; Design for the Real World: Human Ecology and Social Change, publication originale en 1971, Les presses du r&eacute;el, 2021.</span> de Victor Papanek sur l&rsquo;ensemble de fonction<span class="footnote">Explicit&eacute; en annexe de ce m&eacute;moire.</span>. </p>
<p><img alt="fig. 11&nbsp;Sch&eacute;ma de l&rsquo;ensemble de fonction par Victor Papanek, extrait de l&rsquo;ouvrage &laquo;&#8239;Design pour un monde r&eacute;el&#8239;&raquo;, op.&nbsp;cit." src="./img/2-1-2/papanek_schema_fonction_design.png" /></p>
<p>Repenser le but de la production de design graphique permet aussi, comme le <em>critical graphic design</em><span class="footnote">Chancogne Thierry et Rouffineau Gilles, &laquo;&#8239;Critical Design Graphic&#8239;: qu&rsquo;est-ce que c&rsquo;est&#8239;?&#8239;&raquo;, in &eacute;tapes &#8470;185, octobre 2010, Paris, &eacute;ditions Pyramid, p 66-70. </span>le fait d&eacute;j&agrave;, de ne pas se contenter de produire mais aussi de prendre du recul tant sur les productions en tant que sujets que, plus g&eacute;n&eacute;ralement, sur la production de signes et ses moyens. Ce pas de c&ocirc;t&eacute; sugg&egrave;re de se donner le temps de chercher, de se tromper, d&rsquo;errer comme m&eacute;thode de travail. Avoir une pratique de recherche, s&rsquo;ouvrir au monde et aux autres (sujets) et ne pas simplement r&eacute;pondre &agrave; la commande du&middot;de la client&middot;e ou aux ordres du&middot;de la patron&middot;ne, permet de donner &agrave; penser en mettant en p&eacute;ril les id&eacute;es pr&eacute;-con&ccedil;ues pour remettre sa production en question et s&rsquo;en distancer<span class="footnote"><em>Ibid.</em></span>. Cette posture critique<span class="footnote">Du latin <em>criticus</em> &laquo;&#8239;capable de discernement, de jugement&#8239;&raquo;, la posture critique suppose de ne pas s&rsquo;en tenir aux affirmations et aux id&eacute;es valid&eacute;es mais plut&ocirc;t de les &eacute;tudier de pr&egrave;s et d&rsquo;en tirer des conclusions sur ses conditions, cons&eacute;quences, limites et contradictions.</span> peut aussi se faire au travers de l&rsquo;organisation d&rsquo;expositions, de rencontres, d&rsquo;&eacute;crits. Le&middot;a designeur&middot;euse graphique adopterait une m&eacute;thode de travail composite, m&ecirc;lant diff&eacute;rentes &laquo;&#8239;comp&eacute;tences&#8239;&raquo; ou &laquo;&#8239;activit&eacute;s&#8239;&raquo; et osant faire l&rsquo;exp&eacute;rience ce qui peut <em>a priori</em> sembler &eacute;tranger au champ du design graphique. Cette pratique serait aventureuse et r&eacute;ellement exp&eacute;rimentale, au sens o&ugrave; elle se fa&ccedil;onnerait dans ses interactions le monde et ses exp&eacute;riences v&eacute;cues.</p>
</article>
<article id="Ouvrir le champ des possibilités formelles">
<h3 class="sommaire">
Ouvrir le champ des possibilités formelles
</h3>
<p>Lors de la restitution orale la plupart de mes camarades ont eu des r&eacute;actions positives&#8239;: </p>
<p>&laquo;&#8239;L&rsquo;outil n&rsquo;est pas parfait, c&rsquo;&eacute;tait plus long mais aussi plus sensible. Le logiciel a fait varier la taille de certains glyphes, ces incidents ont apport&eacute; une sensibilit&eacute; au projet.&#8239;&raquo;<span class="footnote">Citation issue de la restitution orale du projet.</span></p>
<blockquote>
&laquo;&#8239;J&rsquo;avais l&rsquo;impression que la confrontation &agrave; une technologie nouvelle r&eacute;duirait les intentions et les ambitions esth&eacute;tiques, mais pas du tout. On per&ccedil;oit une sensibilit&eacute;, de l&rsquo;imaginaire, on sent que c&rsquo;est fait par des graphistes.&#8239;&raquo;<span class="footnote"><em>Idem.</em></span>
</blockquote>
<blockquote>
&laquo;&#8239;On a choisit d&rsquo;utiliser les outils diff&eacute;rement, d&rsquo;inventer de nouveaux proc&eacute;d&eacute;s. &Ccedil;a nous a fait chercher tout son potentiel. D&eacute;tourner l&rsquo;outil c&rsquo;est aussi la capacit&eacute; du designer graphique &agrave; passer outre les habitudes et a explorer de nouvelles id&eacute;es.&raquo;<span class="footnote"><em>Idem.</em></span>
</blockquote>
<blockquote>
&laquo;&#8239;L&rsquo;exp&eacute;rimentation est &agrave; l&rsquo;origine de la forme, toutes les contraines de l&rsquo;outil ont influ&eacute;. Avec la mise en page en html/css, on a trouv&eacute; d&rsquo;autres possibilit&eacute;s de mise en page en mouvement.&#8239;&raquo;<span class="footnote"><em>Idem.</em></span>
</blockquote>
<p>Pour le projet d&rsquo;In&egrave;s et Axelle <span class="fig-call">[fig. 12&nbsp;et 13]</span>, qui ont fait le choix de n&rsquo;utiliser qu&rsquo;un outil<span class="footnote"><em>Glyph Drawing Club</em>, un outil de dessin modulaire, &agrave; partir de glyphes typographiques, d&eacute;velopp&eacute; par Heikki Lotvonen.</span>, les formes du personnage et de la typographie de titrage &eacute;manent clairement du fonctionnement de l&rsquo;outil. Les diff&eacute;rents glyphes utilis&eacute;s sont encore identifiables et il aurait &eacute;t&eacute; compliqu&eacute; pour les designeuses de s&rsquo;&eacute;manciper de cet aspect sans alt&eacute;rer compl&egrave;tement l&rsquo;outil. Si les outils libres sont pl&eacute;biscit&eacute;s pour leur ouverture<span class="footnote">Technique, dans ce cas, mais aussi pour la collaboration, nous en parlerons plus tard.</span>, c&rsquo;est aussi de par leur &laquo;&#8239;fermeture fonctionnelle que na&icirc;t la cr&eacute;ation de formes singuli&egrave;res et originales&#8239;&raquo;<span class="footnote">Maudet Nolwenn, <em>S&rsquo;approprier pour mieux partager&#8239;: Outils num&eacute;riques pour la collaboration en design</em>. Our Collaborative Tools, 2023.</span> lorsque le&middot;a designeur&middot;euse se met &agrave; investir au maximum une infinit&eacute; pourtant limit&eacute;e de combinaisons. </p>
<p><img alt="fig. 12 et fig. 13 Proposition d&rsquo;In&egrave;s et Axelle pour le PPG" src="./img/2-1-3/ppg-gdc-1.png" /></p>
<!-- ![fig. 13 Proposition d&rsquo;In&egrave;s et Axelle pour le PPG](img/2-1-3/ppg-gdc-2) -->
<p>En outre, les accidents, les <em>bugs</em> et le hasard inh&eacute;rents aux outils plus exp&eacute;rimentaux permettent aussi de faire na&icirc;tre des formes int&eacute;ressantes sur lesquelles le&middot;a designeur&middot;euse n&rsquo;a pas toujours le contr&ocirc;le, le&middot;a tirant vers d&rsquo;autres possibilit&eacute;s formelles qu&rsquo;i&middot;el n&rsquo;aurait pas forc&eacute;ment envisag&eacute;. Le collectif bruxellois <em>Luuse</em>, qui d&eacute;veloppe ses propres outils gr&acirc;ce &agrave; la programmation informatique, collectionne notamment ces accidents sur son site <em>Web</em><span class="fig-call"> [fig. 14 &agrave; 20]</span>. Pouvoir construire ou adapter ses propres outils par le code, c&rsquo;est aussi consid&eacute;rer la question de l&rsquo;outil comme un nouveau terrain d&rsquo;exp&eacute;rimentation cr&eacute;ative.<span class="footnote">Donnot K&eacute;vin, Graphisme en France 2012, code outils design, Paris, France, Centre national des arts plastiques, 2012.</span></p>
<p>La collecte de cette mati&egrave;re graphique est aussi une fa&ccedil;on pour elleux de garder une trace de toutes les formes inattendues produites par leurs exp&eacute;rimentations ou les accidents techniques, et de partager une partie souvent invisibilis&eacute;e du processus de production. Pour un m&ecirc;me projet, de nombreuses formes sont produites par le collectif avant d&rsquo;arriver au r&eacute;sultat final. </p>
<p><img alt="fig. 14 Affiche extraite du projet «&#x202f;Open Call - Design Parade&#x202f;» par Luuse." src="./img/2-1-3/luuse-dp-affiche.jpg" /></p>
<p><img alt="fig. 15 Capture d&rsquo;&eacute;cran issue du site screenshots.luuse.io et probablement tir&eacute;e du projet &laquo;&#x202f;Open Call - Design Parade&#x202f;&raquo;." src="./img/2-1-3/luuse-dp1.png" /></p>
<p><img alt="fig. 16 Capture d&rsquo;&eacute;cran issue du site screenshots.luuse.io et probablement tir&eacute;e du projet &laquo;&#x202f;Open Call - Design Parade&#x202f;&raquo;." src="./img/2-1-3/luuse-dp2.png" /></p>
<p><img alt="fig. 17 Capture d&rsquo;&eacute;cran issue du site screenshots.luuse.io et probablement tir&eacute;e du projet &laquo;&#x202f;Open Call - Design Parade&#x202f;&raquo;." src="./img/2-1-3/luuse-dp3.png" /></p>
<p><img alt="fig. 18 Capture d&rsquo;&eacute;cran issue du site screenshots.luuse.io et probablement tir&eacute;e du projet &laquo;&#x202f;Open Call - Design Parade&#x202f;&raquo;." src="./img/2-1-3/luuse-dp4.png" /></p>
<p><img alt="fig. 19 Capture d&rsquo;&eacute;cran issue du site screenshots.luuse.io et probablement tir&eacute;e du projet &laquo;&#x202f;Open Call - Design Parade&#x202f;&raquo;." src="./img/2-1-3/luuse-dp5.png" /></p>
<p><img alt="fig. 20 Capture d&rsquo;&eacute;cran issue du site screenshots.luuse.io et probablement tir&eacute;e du projet &laquo;&#x202f;Open Call - Design Parade&#x202f;&raquo;." src="./img/2-1-3/luuse-dp6.png" /></p>
<p>Le champ du design graphique n&rsquo;a pas attendu les outils num&eacute;riques pour b&eacute;n&eacute;ficier des apports d&rsquo;une d&eacute;marche d&rsquo;appropriation des outils. L&rsquo;artisan typographe Albert Schiller, qui a commenc&eacute; son activit&eacute; dans les ann&eacute;es 1920, a developp&eacute; des formes innovantes en tirant parti des casseaux typographiques et de la presse pour proposer des illustrations modulaires <span class="fig-call">[fig. 21&nbsp;et 22]</span>. Ce qui est int&eacute;ressant est que ce d&eacute;tournement, qui s&rsquo;apparente &agrave; une forme de <em>hacking</em>, est qu&rsquo;il a &eacute;t&eacute; <em>fork&eacute;</em> d&rsquo;une certaine fa&ccedil;on puisqu&rsquo;il a inspir&eacute; l&rsquo;outil num&eacute;rique <em>Glyph Drawing Club</em> <span class="fig-call">[fig.&nbsp;23&nbsp;et 24]</span> dont nous parlions plus t&ocirc;t. </p>
<!-- ![fig. 21 Albert Schiller, Type Picture, 1957](img/2-1-3/A-Schiller-1.png)
![fig. 22 Albert Schiller, 1936](img/2-1-3/A-Schiller-2.png)
![fig. 23 Glyph Drawing Club User Guide v.2.0.0, r&eacute;alis&eacute; par Heikki Lotvonen &agrave; l&rsquo;aide de l&rsquo;outil qu&rsquo;il pr&eacute;sente](img/2-1-3/gdc-1.jpeg)
![fig. 24 Flyer pour Overmono, r&eacute;alis&eacute; par Heikki Lotvonen avec Glyph Drawing Club](img/2-1-3/gdc-2.jpeg) -->
<p>Enfin, les formes produites par avec les outils libres ne correspondent pas tout &agrave; fait &agrave; une conception du &laquo;&#8239;bon go&ucirc;t&#8239;&raquo;<span class="footnote">Bourdieu Pierre, <em>La distinction critique sociale du jugement</em>, Minuit, 1979. </span> au sens que lui donne Bourdieu<span class="footnote">Le go&ucirc;t est d&eacute;termin&eacute; par une position sociale (capital culturel et &eacute;conomique) et le &laquo;&#8239;bon go&ucirc;t&#8239;&raquo; ne serait en fait que celui de la classe dominante. Je consid&egrave;re ici que le design graphique de &laquo;&#8239;bon go&ucirc;t&#8239;&raquo; est celui qui inspire le design graphique de masse, et que l&rsquo;on voit dans le paysage graphique quotidien, en opposition &agrave; des propositions plus exp&eacute;rimentales ou aux formes parfois plus radicales.</span> et font souvent un pas de c&ocirc;t&eacute; du graphisme &laquo;&#8239;de masse&#8239;&raquo;. C&rsquo;est probablement parce que l&rsquo;utilisation de tels outils se fait g&eacute;n&eacute;ralement avec un engagement &eacute;thique que les formes produites semblent elles-m&ecirc;mes refl&eacute;ter le refus d&rsquo;une esth&eacute;tique format&eacute;e par les outils propri&eacute;taires (et standards dans l&rsquo;industrie) comme une fa&ccedil;on de r&eacute;sister au syst&egrave;me capitaliste qui exploite les graphistes.</p>
</article>
</div>
<div id="Hacking et culture libre">
<h2 class="sommaire">
Hacking et culture libre
</h2>
<article id="Le modèle libre">
<h3 class="sommaire">
Le modèle libre
</h3>
<p>Nous &eacute;voquions les outils libres comme alternative aux logiciels propri&eacute;taires, et comme solution aux diff&eacute;rentes probl&eacute;matiques qu&rsquo;ils soul&egrave;vent. Plus qu&rsquo;un simple changement d&rsquo;outil, le mod&egrave;le libre s&rsquo;inscrit dans un mouvement politique plus large&#8239;: la culture libre.
N&eacute;e en 1985&nbsp;avec la publication d&rsquo;un manifeste<span class="footnote">Stallman Richard, &laquo;&#8239;Le manifeste GNU - Projet GNU - Free Software Foundation&#8239;&raquo;, <em>Syst&egrave;me d&rsquo;exploitation GNU</em>, 1985.</span> par l&rsquo;informaticien Richard Stallman, agac&eacute; de ne pas pouvoir r&eacute;parer lui&#x2011;m&ecirc;me son imprimante &agrave; cause de la fermeture de son code source, la culture libre a un ancrage r&eacute;solument politique et engag&eacute; h&eacute;rit&eacute; des cultures hippies et contestataires des &Eacute;tats&#x2011;Unis des ann&eacute;es 1970.</p>
<p>Le libre, qui n&rsquo;&eacute;quivaut pas &agrave; la gratuit&eacute; puisqu&rsquo;il y a des logiciels libres payants et d&rsquo;autres propri&eacute;taires gratuits, repose sur quatre principes qui fixent les libert&eacute;s des utilisateur&middot;ices et contributeur&middot;ices des logiciels.</p>
<ol>
<li>
<p>Libert&eacute; d&rsquo;utilisation pour n&rsquo;importe quel usage</p>
</li>
<li>
<p>Libert&eacute; d&rsquo;&eacute;tude et de modification</p>
</li>
<li>
<p>Libert&eacute; de copie et de redistribution</p>
</li>
<li>
<p>Libert&eacute; de redistribution des versions modifi&eacute;es</p>
</li>
</ol>
<p>D&eacute;fendu comme un mouvement social par son cr&eacute;ateur, la culture libre a parfois vu cet aspect &ecirc;tre d&eacute;laiss&eacute; pour se rendre plus s&eacute;duisante pour les entreprises en promouvant l&rsquo;innovation &agrave; partir des contributions de b&eacute;n&eacute;voles. Dans le cas d&rsquo;un logiciel propri&eacute;taire dont le code est ouvert, on parle de logiciel <em>open source</em>.</p>
<p>La transposition de la culture libre de l&rsquo;informatique au design graphique a d&eacute;j&agrave; &eacute;t&eacute; faite par des collectifs, tels que <em>Velvetyne</em> <span class="fig-call">[fig. 25]</span>, <em>Open Source Publishing</em>, et dans des &eacute;crits d&rsquo;&eacute;tudiant&middot;es comme &Eacute;tienne Ozeray<span class="footnote">Ozeray &Eacute;tienne, &laquo;&#8239;Pour un design graphique libre&#8239;&raquo;, M&eacute;moire, &Eacute;nsAD, Paris, 2014.</span> (qui a co-fond&eacute; <em>Luuse</em>) ou Xavier Klein<span class="footnote">Klein Xavier, &laquo;&#8239;Lib&eacute;rons l&rsquo;informatique&#8239;&raquo;, m&eacute;moire, ENSAAMA Olivier De Serres, Paris, 2013</span>. Elle n&rsquo;est nullement &eacute;tonnante puisque le logiciel est l&rsquo;outil principal des designeur&middot;euses contemporain&middot;es. D&eacute;lib&eacute;r&eacute;ment ax&eacute;s vers la collaboration et le partage, ces outils int&eacute;ressent aussi les designeur&middot;euses qui cherchent &agrave; travailler ensemble<span class="footnote">Maudet Nolwenn, <em>S&rsquo;approprier pour mieux partager&#8239;: Outils num&eacute;riques pour la collaboration en design</em>, <em>op.&nbsp;cit.</em></span> ou &agrave; partager leurs ressources. </p>
<p><img alt="fig. 25&nbsp;Illustration des 4&nbsp;libert&eacute;s du logiciel libre. Poster con&ccedil;u par le designer graphique J&eacute;r&eacute;my Landes-Nones pour la fonderie de caract&egrave;res Velvetyne, 2016. " src="./img/2-2-1/VTF-4-libertes.jpeg" /></p>
<p>Au-del&agrave; du code, la culture libre a vu son int&eacute;r&ecirc;t s&rsquo;&eacute;tendre &agrave; la transmission de savoirs, &agrave; la fa&ccedil;on du site <em>Wikip&eacute;dia</em>, mais aussi dans le champ de la recherche universitaire voire de la litt&eacute;rature<span class="footnote">Le livre Copy This Book d&rsquo;Eric Schrijver est diffus&eacute; sous licence CC-BY NC 4.0, en anglais depuis 2019&nbsp;puis en fran&ccedil;ais depuis 2023. Les versions imprim&eacute;es sont disponibles &agrave; la vente en librairie, tandis que le contenu textuel est sous licence libre et peut &ecirc;tre utilis&eacute; en suivant les recommandations de la licence CC-BY NC 4.0.</span>, et &agrave; la diffusion d&rsquo;&oelig;uvres ou de typographies<span class="footnote">Avec des fonderies libres telles que Velvetyne ou Republish, et des typoth&egrave;ques comme la collection de l&rsquo;Atelier National de Recherche Typographique, celle de l&rsquo;ESA Septante-Cinq ou encore du collectif Bye Bye Binary.</span>. Facilit&eacute;e par l&rsquo;existence d&rsquo;Internet et du <em>Web</em>, cet id&eacute;al libertaire s&rsquo;inspire directement de l&rsquo;id&eacute;al &agrave; l&rsquo;origine de ces protocoles qui nourrissaient, d&eacute;j&agrave;, une forme d&rsquo;utopie.</p>
</article>
<article id="Le Web, redistributeur du&nbsp;pouvoir&nbsp;aux&nbsp;sujets">
<h3 class="sommaire">
Le Web, redistributeur du&nbsp;pouvoir&nbsp;aux&nbsp;sujets
</h3>
<p>Toutes les initiatives li&eacute;es &agrave; la culture libre ont pu voir le jour gr&acirc;ce &agrave; Internet, et au Web. Pour rappel, Internet est un protocole informatique propos&eacute; par Vinton &laquo;&#8239;Vint&#8239;&raquo; Cerf et qui permet la mise en r&eacute;seau des ordinateurs. Le Web, de son c&ocirc;t&eacute;, est un protocole de communication qui permet de relier entre elles des pages &laquo;&#8239;Web&#8239;&raquo; via un syst&egrave;me d&rsquo;adressage &laquo;&#8239;http://&#8239;&raquo;.</p>
<p>La cr&eacute;ation de l&rsquo;informatique a &eacute;t&eacute; motiv&eacute;e par une logique de contr&ocirc;le et de commandement militaire, raison pour laquelle les projets &eacute;taient financ&eacute;s et soutenus par l&rsquo;arm&eacute;e am&eacute;ricaine. Cela dit, les universitaires qui les d&eacute;veloppaient (notamment celleux qui travaillaient &agrave; la cr&eacute;ation d&rsquo;Internet) &eacute;taient &laquo;&thinsp;guid&eacute;s par les id&eacute;es de libert&eacute; et de coop&eacute;ration de la contre culture des ann&eacute;es 1970&thinsp;&raquo;<span class="footnote">Cardon Dominique, <em>Culture Num&eacute;rique</em>, Paris, France, SciencesPo Les Presses, coll.&laquo;&thinsp;Les Petites humanit&eacute;s&thinsp;&raquo;, 2019. p.24 </span> des &Eacute;tats-Unis o&ugrave; i&middot;els r&eacute;sidaient. </p>
<p>Avec l&rsquo;av&egrave;nement du num&eacute;rique, le pouvoir des individus a augment&eacute;, gr&acirc;ce aux nouvelles capacit&eacute;s d&rsquo;expression et de communication qui ont bouscul&eacute; la sociabilit&eacute;, la politique et la cr&eacute;ation, rendant r&eacute;aliste l&rsquo;utopie dont nous parlions plus t&ocirc;t. Chacun&middot;e peut maintenant s&rsquo;exprimer sur le Web, un espace d&rsquo;expression public et libre<span class="footnote"><em>Ibid.</em></span>. De plus, la diffusion des outils num&eacute;riques s&rsquo;est accompagn&eacute;e d&rsquo;une extension des pratiques num&eacute;riques des sujets. Depuis les ann&eacute;es 1990&nbsp;et la d&eacute;mocratisation de l&rsquo;ordinateur personel, tout le monde peut avoir acc&egrave;s aux outils de production d&rsquo;un travail de qualit&eacute; professionnelle. En 1981, un fran&ccedil;ais sur dix avait exerc&eacute; une activit&eacute; cr&eacute;ative au moins une fois dans l&rsquo;ann&eacute;e, contre un sur quatre en 1997&nbsp;et un sur trois en 2003<span class="footnote"><em>Ibid.</em></span>.</p>
</article>
<article id="La place des usages amateurs dans la&nbsp;reconsidération du rapport des&nbsp;designeur·euses à l&rsquo;outil">
<h3 class="sommaire">
La place des usages amateurs dans la&nbsp;reconsidération du rapport des&nbsp;designeur·euses à l&rsquo;outil
</h3>
<p>Selon le sociologue Olivier Donnat, les activit&eacute;s d&rsquo;auto-production cr&eacute;atives utilisant le num&eacute;rique ne rel&egrave;vent pas que de la consommation mais aussi d&rsquo;une volont&eacute; d&rsquo;&ecirc;tre dans le &laquo;&#8239;faire&#8239;&raquo;<span class="footnote">Maillet Clovis et Golsenne Thomas, <em>Un Moyen &Acirc;ge lib&eacute;rateur</em>, <em>op.&nbsp;cit.</em></span>. Avec la g&eacute;n&eacute;ralisation de technologies simples et accessibles, tout le monde peut-&ecirc;tre un&middot;e designeur&middot;euse graphique<span class="footnote">Pater Ruben, <em>Caps lock: how capitalism took hold of graphic design, and how to escape it</em>, <em>op.&nbsp;cit.</em> p.&nbsp;330</span>, en suivant la m&ecirc;me logique que celle de la d&eacute;mocratisation de la production d&rsquo;imprim&eacute;es avec la culture DIY des ann&eacute;es 1950&nbsp;et la sortie du photocopieur commercial qui a donn&eacute; l&rsquo;impulsion aux fanzines de la culture punk.</p>
<p>En s&rsquo;ouvrant aux non-sp&eacute;cialistes, la production de graphisme et d&rsquo;images &laquo;&#8239;DIY&#8239;&raquo; est devenue un &laquo;&#8239;levier de classe, une force politique&#8239;&raquo;<span class="footnote">Pater Ruben, Caps lock: how capitalism took hold of graphic design, and how to escape it, op.&nbsp;cit. p.&nbsp;252-254, traduction libres sp&eacute;cifiquement pour ce m&eacute;moire.</span> qui, au travers des usages amateurs et de l&rsquo;appropriation d&rsquo;outils inh&eacute;rente &agrave; ceux-ci, peut nous donner des pistes pour &eacute;tendre notre vision des outils de design &agrave; des outils qui, au premier abord, nous para&icirc;traient inenvisageables. Apr&egrave;s tout, les premi&egrave;res personnes int&eacute;ress&eacute;es par la PAO et le graphisme sur ordinateurs n&rsquo;&eacute;taient pas les designeur&middot;euses, encore frileux, mais les informaticien&middot;nes qui ont d&eacute;velopp&eacute; ces outils<span class="footnote">Levit Briar, Graphic Means: A History of Graphic Design, op.&nbsp;cit.</span>.</p>
<p>C&rsquo;est une partie de la d&eacute;marche d&rsquo;Elliot Ulm dont nous parlions plus t&ocirc;t. En &eacute;largissant notre bo&icirc;te &agrave; outils, quitte &agrave; aller vers l&rsquo;incongru, il est possible de d&eacute;velopper des formes particuli&egrave;res. Le studio <em>Ingrid Picanyol</em> a notamment d&eacute;velopp&eacute; l&rsquo;identit&eacute; de <em>La Officina del Praque</em> <span class="fig-call">[fig. 26 &agrave; 28]</span> &agrave; l&rsquo;aide du logiciel de tableur <em>Microsoft Excel</em>, jusqu&rsquo;ici plut&ocirc;t reserv&eacute; aux t&acirc;ches de comptabilit&eacute;. C&rsquo;est en d&eacute;pla&ccedil;ant l&rsquo;outil vers le champ du design graphique que le studio a pu produire ces formes et proposer une telle hi&eacute;rarchisation de l&rsquo;information dans des tableaux, sans variation typographique et mettre en place une grille modulaire pour le lettrage, par exemple.</p>
<p><img alt="fig. 26 Ingrid Picanyol Studio, identit&eacute; de La Officina del Praque." src="./img/2-2-3/otp-1.png" /></p>
<p><img alt="fig. 27 Ingrid Picanyol Studio, identit&eacute; de La Officina del Praque." src="./img/2-2-3/otp-2.png" /></p>
<p><img alt="fig. 28 Ingrid Picanyol Studio, identit&eacute; de La Officina del Praque." src="./img/2-2-3/otp-3.png" /></p>
</article>
<article id="Pourquoi le design graphique libre ne&nbsp;peut se contenter d&rsquo;émuler le&nbsp;modèle actuel">
<h3 class="sommaire">
Pourquoi le design graphique libre ne&nbsp;peut se contenter d&rsquo;émuler le&nbsp;modèle actuel
</h3>
<p>Le choix d&rsquo;utiliser des outils libres se fait en accord avec une certaine &eacute;thique logicielle qui, pour le design graphique, ne peut se faire au d&eacute;pend des consid&eacute;rations formelles. Prenons l&rsquo;exemple du logiciel libre <em>Scribus</em>, souvent propos&eacute; comme alternative &agrave; <em>Indesign</em>, qui est un logiciel de PAO WYSIWYG avec une interface graphique comparable. Puisque les deux outils fonctionnent avec les m&ecirc;mes logiques &ndash; &agrave; cela pr&egrave;s que <em>Scribus</em> est largement moins efficace sur certains points techniques, comme la production de PDF imposés ou la gestion des tons directs &ndash; il est difficile d&rsquo;y trouver un int&eacute;r&ecirc;t graphique. Le choix d&rsquo;utiliser l&rsquo;alternative libre semble ici ne relever que de l&rsquo;&eacute;thique du&middot;de la designeur&middot;euse ou la collaboration avec des non graphistes.</p>
<blockquote>
&laquo;&#8239;Certes, on a toute libert&eacute; de l&rsquo;am&eacute;liorer puisqu&rsquo;il est sous licence GNU, mais &agrave; quoi bon r&eacute;inventer la roue si ce n&rsquo;est pour apprendre&#8239;?&#8239;&raquo;<span class="footnote">Donnot K&eacute;vin, <em>Graphisme en France 2012, code outils design</em>, <em>op.&nbsp;cit.</em></span>
</blockquote>
<p>C&rsquo;est en cela qu&rsquo;il est important de basculer notre positionnement d&rsquo;utilisateur&middot;ice des outils vers un rapport de cr&eacute;ateur&middot;ice. L&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t graphique du libre r&eacute;side uniquement dans son ouverture, permettant l&rsquo;appropriation de l&rsquo;outil et un usage circonstanciel de ceux&#x2011;ci. En basculant son positionnement, le&middot;a designeur&middot;euse quitte la passivit&eacute; technique et se met &agrave; choisir (ou fabriquer) de fa&ccedil;on autonome<span class="footnote">Au sens d&rsquo;un choix fait ind&eacute;pendamment de toute volont&eacute; d&rsquo;autrui.</span> le bon outil pour chaque projet. L&rsquo;&eacute;mulation des outils propri&eacute;taires et un usage passif de l&rsquo;outil, m&ecirc;me libre, ne suffit pas &agrave; &eacute;manciper le&middot;a designeur&middot;euse&#8239;: c&rsquo;est l&rsquo;appropriation au travers d&rsquo;une d&eacute;marche de <em>hacking</em>, qui permet de concr&eacute;tiser tous les id&eacute;aux que nous avons d&eacute;j&agrave; cit&eacute;s.</p>
</article>
</div>
<div id="Être designeur·euse‐hackeur·euse, ou comment l’ethos du libre pourrait s’intégrer à nos pratiques">
<h2 class="sommaire">
Être designeur·euse‐hackeur·euse, ou comment l’ethos du libre pourrait s’intégrer à nos pratiques </h2>
<article id="Hackeur·euse, nom commun">
<h3 class="sommaire">
Hackeur·euse, nom commun
</h3>
<p>&laquo;&#8239;Une personne qui appr&eacute;cie explorer les d&eacute;tails de syst&egrave;mes programmables et les fa&ccedil;ons d&rsquo;&eacute;tendre leurs capacit&eacute;s, en opposition &agrave; la plupart des utilisateur&middot;ices qui pr&eacute;f&egrave;rent n&rsquo;apprendre que le minimum n&eacute;cessaire&#8239;&raquo;<span class="footnote">Collectif, &laquo;&#8239;Hacker&#8239;&raquo;, <em>The Jargon File 4.4.7</em>, 29&nbsp;d&eacute;cembre 2023, http://www.catb.org/~esr/jargon/html/H/hacker.html, traduction libre sp&eacute;cifiquement pour ce m&eacute;moire.</span>. Le sens du mot &laquo;&#8239;<em>hacker</em>&#8239;&raquo; en anglais se rapproche du mot &laquo;&#8239;bidouilleur&middot;euse&#8239;&raquo; en fran&ccedil;ais.</p>
<p>Un&middot;e designeur&middot;euse-hackeur&middot;euse se reconna&icirc;t &agrave; son enthousiasme et sa curiosit&eacute; vis-&agrave;-vis de l&rsquo;outil qui s&rsquo;expriment au travers de pratiques de <em>hacking</em>&#8239;: le d&eacute;tournement de l&rsquo;utilisation habituelle des outils et des techniques. Une pratique exp&eacute;rimentale, donc, et exploratoire qui consid&egrave;re simultan&eacute;ment l&rsquo;outil comme une fin et un moyen.</p>
<p>L&rsquo;<em>ethos</em> des hackeur&middot;euses s&rsquo;&eacute;tend aussi au-del&agrave; du logiciel. &Agrave; l&rsquo;instar des libristes, i&middot;els estiment que la circulation de l&rsquo;information doit &ecirc;tre libre et non censur&eacute;e, car la connaissance ouverte sert de &laquo;&#8239;carburant&#8239;&raquo;<span class="footnote"> Cardon Dominique, <em>Culture Num&eacute;rique</em>, <em>op.&nbsp;cit.</em></span> &agrave; la coop&eacute;ration. La coop&eacute;ration et le partage permettent d&rsquo;apprendre des un&middot;es et des autres et de tirer parti des contributions de chacun&middot;es pour construire, ensemble, des projets en commun.
Pour les designeur&middot;euses-hackeur&middot;euses, le partage des exp&eacute;rimentations et l&rsquo;ouverture de celles-ci, en autorisant leur usage et les <em>forks</em>, permettraient de nourrir r&eacute;ciproquement les pratiques des autres et de construire des projets par cumulation<span class="footnote">Bosqu&eacute; Camille, Open design&#8239;: fabrication num&eacute;rique et mouvement maker, Paris, France, &Eacute;ditions B42, 2021, p.24.</span>.
&Agrave; partir de petits projets, pour un usage sp&eacute;cifique et personnel, les contributions tous azimuts pourraient permettre &agrave; l&rsquo;id&eacute;e initiale de prendre de l&rsquo;ampleur et de se diffuser<span class="footnote">&Agrave; l&rsquo;image du site IMDb, l&rsquo;une des plus grosses bases de donn&eacute;es collaboratives du monde qui n&rsquo;&eacute;tait &agrave; la base qu&rsquo;une base de donn&eacute;es de films mise en ligne par un &eacute;tudiant en informatique, Col Needham, passionn&eacute; de cin&eacute;ma.</span>. Dans la typographie libre, les <em>forks</em> sont courants&#8239;: la typographie Baskervvol <span class="fig-call">[fig. 28]</span> de <em>Bye Bye Binary</em> est un <em>fork</em> ajoutant des glyphes inclusifs au Baskervville de l&rsquo;<em>ANRT</em> <span class="fig-call">[fig. 29]</span> de 2018, <em>revival</em> de la Baskervville de Claude Jacob de 1815 <span class="fig-call">[fig. 30]</span> qui, de son c&ocirc;t&eacute;, est aussi un <em>revival</em> du caract&egrave;re de John Baskerville de 1757 <span class="fig-call">[fig. 31]</span><span class="footnote">Collectif Bye Bye Binary, &laquo;&#8239;Revival&#8239;&raquo;, <em>LEXIQUNI</em>, consult&eacute; le 30&nbsp;novembre 2023, https://genderfluid.space/lexiquni.html</span>. </p>
<p><img alt="fig. 29 Glyphes inclusifs du Baskervvol de Bye Bye Binary." src="./img/2-3-1/fork-bbb.png" /></p>
<p><img alt="fig. 30 Baskervville, ANRT, 2018." src="./img/2-3-1/fork-anrt.png" /></p>
<p><img alt="fig. 31 &Eacute;preuves des caract&egrave;res de la fonderie des fr&egrave;res Levrault, Strasbourg, 1800." src="./img/2-3-1/fork-jacob.png" /></p>
<p><img alt="fig. 32 D&eacute;tail d&rsquo;une Biblee Baskerville pour Cambridge." src="./img/2-3-1/fork-baskerville.jpg" /> </p>
</article>
<article id="L’aventure du code : l’intêret des&nbsp;technologies du Web">
<h3 class="sommaire">
L’aventure du code : l’intêret des&nbsp;technologies du Web
</h3>
<p>La compr&eacute;hension des logiciels ne peut se faire sans passer par l&rsquo;&eacute;tude de leur code source<span class="footnote">K&eacute;vin Donnot, &laquo;&#8239;Faire avec&#8239;: Pour une pratique inform&eacute;e des programmes&#8239;&raquo;, <em>op.&nbsp;cit.</em></span>, de la m&ecirc;me fa&ccedil;on que le <em>hacking</em> d&rsquo;outils num&eacute;riques demande presque syst&eacute;matiquement au&middot;&agrave; la designeur&middot;euse graphique de passer par l&rsquo;&eacute;criture ou l&rsquo;appropriation de code.
Le paradigme de l&rsquo;&eacute;diteur de code est &agrave; l&rsquo;oppos&eacute; des &laquo;&#8239;simulation[s] appauvries du monde&#8239;&raquo;<span class="footnote"><em>Ibid.</em></span> que sont les paradigmes WIMP et WYSIWYG. Le&middot;a codeur&middot;euse est en immersion dans un univers textuel, m&ecirc;me lorsqu&rsquo;i&middot;el code pour cr&eacute;er du visuel (comme dans le <em>creative coding</em>). I&middot;el y fixe toutes les r&egrave;gles sans partir de r&eacute;glages pr&eacute;-d&eacute;finis. Nous &eacute;voquions plus t&ocirc;t les &laquo;&#8239;bo&icirc;tes noires&#8239;&raquo; qui nous d&eacute;poss&egrave;dent de nos outils. Face &agrave; cela, l&rsquo;int&ecirc;ret du code est de pouvoir &agrave; la fois comprendre, adapter et fabriquer ses outils sans qu&rsquo;ils ne prennent le pas sur nos d&eacute;cisions avec des pr&eacute;-sets. &laquo;&#8239;La puissance cr&eacute;ative, c&rsquo;est &eacute;crire le code du filtre, c&rsquo;est d&eacute;cider comment il marche, ce n&rsquo;est pas l&rsquo;utiliser.&#8239;&raquo;<span class="footnote">Donnot K&eacute;vin, Graphisme en France 2012, code outils design, op.&nbsp;cit.</span></p>
<p>Diff&eacute;rents langages et outils peuvent servir &agrave; faire du design graphique&#8239;: le programme <em>Processing</em> permet de g&eacute;n&eacute;rer de l&rsquo;image avec des langages de programmation comme <em>Python</em> et <em>Java</em>, tandis que les langages du Web (<em>HTML</em>, <em>CSS</em> et <em>Javascript</em>) se pr&ecirc;tent bien &agrave; la gestion de contenu. Le <em>CSS</em> permet la composition visuelle des pages Web, en fonction du support sur lequel elles sont affich&eacute;es&#8239;: &eacute;cran horizontal, vertical et m&ecirc;me support imprim&eacute;&#8239;: le <em>web-to-print</em>. </p>
<p>Ces nouvelles m&eacute;thodologies de travail permettent de tisser une relation riche et continue entre les diff&eacute;rents m&eacute;dias, mis en forme diff&eacute;remment &agrave; partir d&rsquo;un m&ecirc;me texte source<span class="footnote">K&eacute;vin Donnot, &laquo;&#8239;Faire avec&#8239;: Pour une pratique inform&eacute;e des programmes&#8239;&raquo;, <em>op.&nbsp;cit.</em></span> en explorant une logique de conception propre au num&eacute;rique, ne contraignant ni &agrave; un chantier de mise en page par support ni aux r&egrave;gles affordance d&rsquo;<em>Adobe</em>. Par exemple, l&rsquo;outil texte d&rsquo;<em>Indesign</em> simule un bloc de caract&egrave;re mobiles tandis qu&rsquo;en CSS le texte est g&eacute;r&eacute; de fa&ccedil;on &laquo;&#8239;liquide&#8239;&raquo; en s&rsquo;adaptant au support, &agrave; l&rsquo;&eacute;chelle ou au format &agrave; partir de la s&eacute;mantique d&eacute;crite dans le document HTML.</p>
<p>Les technologies du Web permettent aussi de b&eacute;n&eacute;ficier d&rsquo;un &eacute;cosyst&egrave;me de travail collaboratif<span class="footnote">Maudet Nolwenn, <em>S&rsquo;approprier pour mieux partager&#8239;: Outils num&eacute;riques pour la collaboration en design</em>. Our Collaborative Tools, 2023</span> entre designeur&middot;euses (pour collaborer sur un m&ecirc;me projet et/ou mettre en commun ses comp&eacute;tences, utiliser un outil fabriqu&eacute; par autrui ou contribuer au d&eacute;veloppement d&rsquo;un outil) et avec le public ou le&middot;a client&middot;e de l&rsquo;outil. Lors de nos &eacute;changes de courriels, Sarah Garcin &eacute;voquait justement la fa&ccedil;on dont les technologies du Web lui ont permis, ainsi qu&rsquo;&agrave; ses collaborateur&middot;ices-commanditaires, de travailler simultan&eacute;ment sur l&rsquo;&eacute;dition d&rsquo;un livre en pensant un processus &eacute;ditorial sp&eacute;cifique au projet. </p>
<blockquote>
&laquo;&#8239;J&rsquo;ai r&eacute;alis&eacute; un template avec un CSS. Une fois les contenus de l&rsquo;&eacute;dition &eacute;crits, nous les avons tous les 4&nbsp;int&eacute;gr&eacute;s &agrave; la plateforme. C&rsquo;&eacute;tait int&eacute;ressant, car mes 3&nbsp;collaborateur&middot;ices / commanditaires se rendaient compte de certaines choses qui ne fonctionnaient pas dans leurs textes pendant l&rsquo;int&eacute;gration et i&middot;els voyaient leurs textes se mettre en page quasi en m&ecirc;me temps qu&rsquo;i&middot;els l&rsquo;int&eacute;graient. [...] L&rsquo;&eacute;dition &eacute;tait toujours en ligne, chacun&middot;e pouvait y acc&eacute;der quand i&middot;els voulaient. Plus de centaines de mails pour dire ‹&#8239;&nbsp;j&rsquo;ai oubli&eacute; une phrase ici&hellip;&#8239;› ‹&#8239;il manque des guillemets l&agrave;&hellip;&#8239;› etc. On peaufin&eacute; le design en int&eacute;grant les contenus et les corrections.&#8239;&raquo;
</blockquote>
<p>En outre, le paradigme textuel du code d&eacute;synchronise aussi la conceptualisation des principes graphiques et leur traduction visuelle<span class="footnote"><em>Ibid.</em></span>, puisqu&rsquo;au contraire du WYSIWYG le&middot;a designeur&middot;euse ne visualise pas son travail pendant qu&rsquo;i&middot;el le produit. Cela incite &agrave; penser plus en amont les syst&egrave;mes de fond et de forme par le biais d&rsquo;une s&eacute;rie de r&egrave;gles et de principes clairs qu&rsquo;on impose par le code. Au premier abord, cette m&eacute;thode de travail prive le&middot;a designeur&middot;euse d&rsquo;une part de geste, pusiqu&rsquo;i&middot;el ne fait qu&rsquo;&eacute;diter du contenu textuel. On n&eacute;gligerait alors la possibilit&eacute; pour les designeur&middot;euses de d&eacute;velopper et d&rsquo;utiliser des interfaces et des formes d&rsquo;interactivit&eacute; alternatives. En amont, la conceptualisation se fait souvent par du croquis ou une maquette papier. Certain&middot;es designeur&middot;euses conceptualisent aussi des interfaces alternatives qui engagent le corps &agrave; diff&eacute;rents degr&eacute;s&#8239;: la PJ&nbsp;Machine <span class="fig-call">[fig. 32]</span> de Sarah Garcin permet de mettre en page des documents imprim&eacute;s &agrave; partir d&rsquo;une interface physique compos&eacute;e de boutons d&rsquo;arcade tandis qu&rsquo;une interface de PAO par le geste <span class="fig-call">[fig. 33]</span> a &eacute;t&eacute; exp&eacute;riment&eacute;e durant le workshop &laquo;&#8239;Interfacial Workout&#8239;&raquo; ayant eu lieu lors des rencontres Hackers &amp; Designers de 2019.</p>
<p><img alt="fig. 33 La PJ Machine, une bo&icirc;te compos&eacute;e de boutons de jeu d&rsquo;arcade pour contr&ocirc;ler une interface Web de PAO, fabriqu&eacute;e par Sarah Garcin." src="./img/2-3-3/interface-pjmachine.jpg" /></p>
<p><img alt="fig. 34 Interface corporelle de PAO par le geste, experimentation ayant eu lieu au cours de le workshop Hackers &amp; Designers Interfacial Workout en 2019." src="./img/2-3-3/interface-HD.jpg" /> </p>
</article>
<article id="Le travail sans le labeur">
<h3 class="sommaire">
Le travail sans le labeur
</h3>
<blockquote>
&laquo;&#8239;Si [...] je d&eacute;veloppe un logiciel libre, ce n&rsquo;est pas d&rsquo;abord pour obtenir un salaire c&rsquo;est pour m&rsquo;enrichir en un sens beaucoup plus riche que le c&eacute;l&egrave;bre &ldquo;Enrichissez-vous&rdquo;, et peut-&ecirc;tre aussi gagner ou &eacute;conomiser un peu d&rsquo;argent &agrave; cette occasion, mais surtout me construire et m&rsquo;&eacute;panouir dans la vie, et comme &ecirc;tre vivant.&#8239;&raquo;<span class="footnote">Stiegler Bernard, Kyrou Ariel Auteur Pr&eacute;facier et S&eacute;m&eacute;niako Boris, <em>L&rsquo;emploi est mort, vive le travail&#8239;&#8239;! &#8239;: entretien avec Ariel Kyrou</em>, <em>op.&nbsp;cit.</em></span>
</blockquote>
<p>Il y a dans l&rsquo;<em>ethos</em> des hackeur&middot;euses, comme dans l&rsquo;id&eacute;al de l&rsquo;artisan de Morris, la volont&eacute; de revenir &agrave; un travail valorisant et de participer pleinement &agrave; la production de logiciels sans &ecirc;tre r&eacute;duit&middot;e au r&ocirc;le d&rsquo;un morceau de la cha&icirc;ne de production. Dans cette vision du travail, le rapport au plaisir est similaire &agrave; l&rsquo;&eacute;lan spirituel que nous abordions plus t&ocirc;t. En travaillant de fa&ccedil;on autonome, faisant ellui-m&ecirc;me le choix de ses t&acirc;ches et de la gestion de son temps et ses ressources, le&middot;a designeur&middot;euse pourrait i&middot;el aussi travail par plaisir, &eacute;laguant le labeur du sens du mot travail.</p>
<p>Nous avons effectivement montr&eacute; qu&rsquo;il est possible de travailler pour construire quelque chose, apprendre et d&eacute;velopper des savoirs, plut&ocirc;t qu&rsquo;uniquement pour une r&eacute;mun&eacute;ration. Attention cela dit &agrave; ne pas retomber dans le pi&egrave;ge exploitant du &laquo;&#8239;travail-passion&#8239;&raquo; au travers duquel le capitaliste (patron&middot;ne, commanditaire) tirera profit de l&rsquo;appr&eacute;ciation du travail pour se permettre de sous-payer. Le but n&rsquo;est pas de produire de la plus-value<span class="footnote">France culture, &laquo;&#8239;Le Capital de Karl Marx, La fabrique de la plus-value&#8239;&raquo;, coll.&laquo;&#8239;Les Chemins de la philosophie&#8239;&raquo;.</span> en travaillant plus, parce qu&rsquo;on s&rsquo;y pla&icirc;t, mais de voir le travail comme une occasion de d&eacute;velopper des savoirs et de tirer une satisfaction de l&rsquo;ouvrage.</p>
</article>
</div>
</section>
<!-- CONCLUSION -->
<section id="Conclusion">
<h1 class="sommaire">
Conclusion
</h1>
<div id="Conclusion">
<article>
<p>Pour reprendre leur autonomie sur leurs outils, les designeur&middot;euses graphiques ont d&rsquo;abord besoin de repenser ce qu&rsquo;est le travail. Transformer ce temps laborieux en une occasion d&rsquo;apprendre et de d&eacute;velopper des comp&eacute;tences leur ouvre la voie d&rsquo;un retour vers l&rsquo;exp&eacute;rimentation autonome de l&rsquo;outil. En refusant l&rsquo;ali&eacute;nation par l&rsquo;automatisation de la machine et la fermeture des outils propri&eacute;taires, i&middot;els se lib&egrave;rent de l&rsquo;outil unique qui conditionne &agrave; la fois l&rsquo;usage de la machine et la production formelle.
Ce retour &agrave; une vision positive du travail (qui n&rsquo;est pas seulement le fait d&rsquo;&ecirc;tre employ&eacute; mais renvoie &agrave; l&rsquo;id&eacute;e moderne, h&eacute;g&eacute;lienne<span class="footnote">SOBEL Richard, &laquo;&#8239;Travail et reconnaissance chez Hegel. Une perspective anthropologique au fondement des d&eacute;bats contemporains sur le travail et l&rsquo;int&eacute;gration&#8239;&raquo;, in Revue du MAUSS &#8470;23, p.&nbsp;196-210 </span> d&rsquo;une lib&eacute;ration &#8209; de soi dans la communaut&eacute; &#8209; par le travail) se fait par la r&eacute;&eacute;valuation du rapport du&middot;de la designeur&middot;euse &agrave; l&rsquo;outil, glissant du statut d&rsquo;utilisateur&middot;ice &agrave; celui de cr&eacute;ateur&middot;ice ou de designeur&middot;euse&#8209;hackeur&middot;euse. En refusant de &laquo;&#8239;faire avec&#8239;&raquo; les outils impos&eacute;s par l&rsquo;industrie, i&middot;el change de d&eacute;marche et peut faire un pas de c&ocirc;t&eacute; de l&rsquo;industrie en s&rsquo;&eacute;mancipant des contraintes d&rsquo;outils, de m&eacute;thodes et de rythmes de travail. D&rsquo;une part, cela demande &agrave; revenir sur toute la profession, de l&rsquo;&eacute;cole au milieu professionnel, pour se lib&eacute;rer des injonctions de l&rsquo;industrie capitaliste du design graphique. D&rsquo;autre part, il est n&eacute;cessaire que les designeur&middot;euses puissent prendre le temps d&rsquo;apprendre &agrave; comprendre et &agrave; fabriquer ou &agrave; alt&eacute;rer leurs outils en s&rsquo;int&eacute;ressant au code.</p>
<p>C&rsquo;est l&agrave; que l&rsquo;<em>ethos</em> des hackeur&middot;euses et des libristes intervient et semble, d&eacute;j&agrave;, empreint de pistes de solutions. Plus qu&rsquo;une fa&ccedil;on curieuse et libre d&rsquo;int&eacute;ragir avec la machine et le logiciel, i&middot;els ouvrent la voie sur une consid&eacute;ration plus contemporaine du travail sans le labeur, &agrave; la fa&ccedil;on d&rsquo;un&middot;e artisan&middot;e num&eacute;rique. Cette qu&ecirc;te du plaisir dans le travail pousse les designeur&middot;euses&#8209;hackeur&middot;euses vers les jubilations de l&rsquo;exploration technique et formelle de la production de design graphique. S&rsquo;en suit un engagement &eacute;thique qui consid&egrave;re les autres designeur&middot;euses comme des collaborateur&middot;ices potentielles, la production comme un&middot;e contribution aux communs de design graphique et l&rsquo;usag&egrave;r&middot;e comme utilsateur&middot;ice du design. </p>
<p>En dressant l&rsquo;&eacute;tat des lieux de ce qu&rsquo;est le travail de designeur&middot;euses graphique, ce m&eacute;moire cherche &agrave; mettre en lumi&egrave;re d&rsquo;autres possibles et &agrave; ouvrir un &eacute;change et une r&eacute;flexion collective sur notre profession. C&rsquo;est maintenant dans la pratique qu&rsquo;il nous faut &laquo;&#8239;r&eacute;duire l&rsquo;espace&#8239;&raquo;<span class="footnote">&laquo;&#8239;Peut-on grandir sans se trahir&#8239;?&#8239;&raquo;, Arte, Les id&eacute;es larges, 2023.</span> entre ce qui est et ce qui pourra&icirc;t &ecirc;tre, et pour cela, le changement de posture vis&#8209;&agrave;&#8209;vis de l&rsquo;outil ne peut &ecirc;tre suffisant. Il faut, pour les designeur&middot;euses graphiques, une morale appliqu&eacute;e &agrave; l&rsquo;ensemble des sph&egrave;res de la pratique. Vous trouverez &agrave; la suite un &eacute;crit explorant l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t du libre au-del&agrave; de l&rsquo;outil, recouvrant des espaces de libert&eacute; dans tous les espaces de la pratique, de notre organisation dans le travail &agrave; notre politisation, nos &eacute;changes et la diffusion de nos productions.</p>
</article>
</div>
</section>
<!-- ANNEXES -->
<section id="ANX">
<h1 id="Annexes" class="sommaire">
Annexes
</h1>
<div>
<article class="anx-1">
<h3 id="L&rsquo;ensemble de fonction" class="sommaire">
L&rsquo;ensemble de fonction
</h3>
<p><span class='intro-anx'>
Le texte ci-après explicite le schéma <span class='fig-call'>[fig. 11]<img alt="fig. 11 Schéma de l’ensemble de fonction par Victor Papanek, extrait de l’ouvrage «&#x202f;Design pour un monde réel&#x202f;», op.&nbsp;cit." src="./img/2-1-2/papanek_schema_fonction_design.png" /></span> de l&rsquo;ensemble de fonction de Victor Papanek. C&rsquo;est un court résumé des pages 44 à 60 de l&rsquo;ouvrage Design pour un monde réel édité en 2021 par Les presses du réel et traduit de Design for the Real World: Human Ecology and Social Change dont la publication originale date de 1971.
</span></p>
<h5 id="la-methode">La méthode</h5>
<ul>
<li>Les procédés de conceptualisation et de fabrication faisant une utilisation honnête des outils et matériaux en ne les choisissant que s&rsquo;il n&rsquo;y en a pas d&rsquo;autres qui feraient «&#8239;l&rsquo;affaire&#8239;» plus efficacement et pour moins cher.</li>
</ul>
<h5 id="lutilisation">L&rsquo;utilisation</h5>
<ul>
<li>Le fait que le design fonctionne pour l&rsquo;usage qui en est fait, qu&rsquo;il corresponde ou non à l&rsquo;usage imaginé par le·a designeur·euse.</li>
</ul>
<h5 id="le-besoin">Le besoin</h5>
<ul>
<li>La réponse du design à un besoin «&#8239;économique&#8239;», «&#8239;psychologique&#8239;», «&#8239;spirituel&#8239;», «&#8239;technique&#8239;» ou «&#8239;intellectuel&#8239;» plutôt qu&rsquo;à des «&#8239;exigences et des désirs éphémères&#8239;».</li>
</ul>
<h5 id="la-telesis">La télésis</h5>
<ul>
<li>L&rsquo;inscription cohérente du design dans la société et la nature dans lesquelles il est utilisé, sa correspondance au mode de vie de l&rsquo;usagèr·e</li>
</ul>
<h5 id="lassociation">L&rsquo;association</h5>
<ul>
<li>La signification du design par association de ses qualités à notre «&#8239;conditionnement psychologique&#8239;», les valeurs qu&rsquo;il incarne</li>
</ul>
<h5 id="lesthetique">L&rsquo;esthétique</h5>
<ul>
<li>L&rsquo;appréciation esthétique du design, le «&#8239;beau&#8239;» qui ne peut exister qu&rsquo;en relation avec le reste de l&rsquo;ensemble de fonction. Elle émane, selon Papanek, de l&rsquo;association des six autres domaines.</li>
</ul>
</article>
<article id="Entretien avec Sarah Garcin" class="anx-2">
<h3 class="sommaire">
Entretien avec Sarah Garcin
</h3>
<li class="entretien-euji"><p>
Bonjour Sarah, </p><p>
[...] Seriez-vous int&eacute;ress&eacute;e et disponible pour &eacute;changer sur le sujet au travers d&rsquo;une entrevue&#8239;? Celle-ci portera sur votre positionnement en tant que designeuse faisant le choix de cr&eacute;er des outils libres, comme avec l&rsquo;Atelier des Chercheurs par exemple.</p><p>D&rsquo;avance merci, </li>
<p></p><p></p>
<li class="entretien-sarah"><p>
Bonjour Emma-Jade, </p><p>
[...]
Avec plaisir pour &eacute;changer avec vous sur ces sujets.
Est-ce que &ccedil;a vous convient si on fait &ccedil;a par &eacute;crit par mail&#8239;?
[...]</p><p>Bien &agrave; vous, </li>
<p></p><p></p>
<li class="entretien-euji"><p>
[...] Je souhaite vous interroger sur vos activit&eacute;s au sein de l&rsquo;atelier des chercheurs, et en dehors, pour essayer de comprendre votre positionnement sur les outils libre, en tant que designer qui en fabrique et en utilise.
[Je pose ensuite une s&eacute;rie de questions, auxquelles Sarah&nbsp;Garcin r&eacute;pond juste ensuite.]
</li>
<p></p><p></p>
<li class="entretien-sarah"><p>
[...]
Voici une premi&egrave;re r&eacute;ponse &agrave; vos questions.
J&rsquo;ai r&eacute;pondu spontan&eacute;ment, il y a peut-&ecirc;tre des fautes d&rsquo;orthographe ou des formulations malheureuses (n&rsquo;h&eacute;sitez pas &agrave; reformuler au besoin).
Je digresse, th&eacute;orise et ne r&eacute;pond pas forc&eacute;ment directement aux questions. Et je n&rsquo;&eacute;voque pas beaucoup la question du graphisme, car pour moi elle est accessoire, c&rsquo;est finalement plut&ocirc;t un outil qu&rsquo;un sujet en soit. Mais n&rsquo;h&eacute;sitez pas &agrave; me reposer des questions en rapport avec mes r&eacute;ponses, je me ferai un plaisir de compl&eacute;ter (par exemple je donne tr&egrave;s peu d&rsquo;exemples de projets...). On peut d&eacute;marrer une sorte de ping-pong.</p><p>Bien &agrave; vous, Sarah </p><p></p><p>
</li>
<li class="entretien-euji"><p>
Qu&rsquo;est-ce qui vous a pouss&eacute;e &agrave; la cr&eacute;ation d&rsquo;outils libres, et comment transforment-ils et/ou influencent-ils selon vous les mani&egrave;res de travailler&#8239;?
</li>
<p></p><p></p>
<li class="entretien-sarah"><p>
J&rsquo;ai commenc&eacute; &agrave; vouloir cr&eacute;er mes propres outils quand j&rsquo;&eacute;tais &eacute;tudiante en 3<sup>e</sup> ann&eacute;e des Beaux-Arts de Rennes (d&eacute;sormais nomm&eacute;e EESAB Rennes). &Agrave; l&rsquo;&eacute;poque, je n&rsquo;avais aucune id&eacute;e de ce que pouvait repr&eacute;senter la culture du libre, je n&rsquo;avais aucune connaissance dans la pratique du code. Je tentais de bidouiller <em>Illustrator</em> pour cr&eacute;er des semblants de scripts, c&rsquo;est ainsi que j&rsquo;ai fait la d&eacute;couverte de <em>Scriptographer</em> et de J&uuml;rg Lenhi et par la m&ecirc;me occasion, de graphistes qui fabriquent leurs propres outils et qui les mettent &agrave; disposition de la communaut&eacute;. La m&ecirc;me ann&eacute;e, j&rsquo;ai appris <em>Processing</em>, le <em>HTML</em> et le <em>CSS</em>. Comme une r&eacute;v&eacute;lation, le code m&rsquo;est apparu comme l&rsquo;outil dont j&rsquo;avais besoin pour mettre en application ce que je tentais de faire en bidouillant Illustrator.</p><p>
J&rsquo;ai ensuite fait un stage dans le collectif <em>g&#x2011;u&#x2011;i</em>, que j&rsquo;ai int&eacute;gr&eacute; par la suite. C&rsquo;est &agrave; ce moment l&agrave; que nous avons commenc&eacute; &agrave; nous int&eacute;resser &agrave; la culture du libre et aux logiciels libres, qui nous paraissaient plus en accord avec nos valeurs et nos mani&egrave;res de travailler. Nous suivions depuis un moment le travail du collectif <em>Open Source Publishing</em>, et leur projet <em>html2&nbsp;print</em> nous parlait tout particuli&egrave;rement. En effet, avec <em>g-u-i</em> nous faisions &agrave; la fois des sites et des &eacute;ditions, souvent les deux pour une m&ecirc;me projet. Il nous semblait donc tout &agrave; fait logique de simplifier le travail et de n&rsquo;avoir qu&rsquo;une seule source de gestion du contenu permettant la g&eacute;n&eacute;ration de diff&eacute;rents supports (site internet, &eacute;dition, affiche etc.). Aussi nous int&eacute;ressions aux dispositifs de documentation en live, dans ce cadre nous avons d&eacute;velopp&eacute; diff&eacute;rents programmes et dispositifs. C&rsquo;est dans ce contexte, que j&rsquo;ai d&eacute;velopp&eacute; avec un camarade de classe, Victor Lebeau, mon projet de dipl&ocirc;me autour du logiciel libre et de la documentation. Un logiciel de prise de notes collaboratif permettant la mise en forme automatique du contenu et l&rsquo;export imprimable.</p><p>
Dans le m&ecirc;me temps, quelques m&egrave;tres plus loin, Louis Eveillard, Pauline Gourlet, Juliette Mancini et Ferdinand Dervieux commen&ccedil;aient le d&eacute;veloppement d&rsquo;un logiciel de documentation pour les enfants. Naturellement, nous nous sommes rapproch&eacute;s et avons partag&eacute; nos exp&eacute;riences, ces deux projets poss&eacute;dant des enjeux similaires. C&rsquo;est ainsi qu&rsquo;&agrave; la suite de mon dipl&ocirc;me j&rsquo;ai rejoint le labo de recherche <em>Sociable Media</em> &agrave; l&rsquo;ENSADLab, et que j&rsquo;ai int&eacute;gr&eacute; le collectif nomm&eacute; plus tard L&rsquo;Atelier des Chercheurs. C&rsquo;&eacute;tait important pour moi que les outils d&eacute;velopp&eacute;s ensemble soit sous licence libre et soit <em>open source</em>. Nous travaillons dans le domaine publique (l&rsquo;&eacute;cole), il me parait coh&eacute;rent que les outils utilis&eacute;s dans le public soit ouverts et emprunt d&rsquo;une certaine &eacute;thique (mais apparemment le minist&egrave;re de l&rsquo;&eacute;ducation n&rsquo;est pas totalement d&rsquo;accord avec moi).</p><p>
Toutes ces ann&eacute;es o&ugrave; nous avons travaill&eacute; dans les classes au d&eacute;veloppement de <em>do.doc</em> notamment (depuis maintenant 10&nbsp;ans), nous avons analysé comment l&rsquo;introduction d&rsquo;un nouvel outil dans un environnement de travail pouvait changer les mani&egrave;res de travailler mais aussi d&rsquo;&ecirc;tre ensemble. Pauline Gourlet a d&rsquo;ailleurs &eacute;crit sa th&egrave;se l&agrave;-dessus. </p><p>
D&rsquo;abord, avec do.doc, nous avons fait le choix d&rsquo;un outil hybride &agrave; la fois tangible et num&eacute;rique. Ce qui cr&eacute;e dans une salle de classe un espace particulier de travail. Un espace convivial dans lequel on peut &eacute;changer, travailler, manipuler, collaborer. &Ccedil;a reconfigure totalement la classe et l&rsquo;organisation des activit&eacute;s.</p><p>
Ensuite, nous avons pris le parti de d&eacute;velopper l&rsquo;outil <em>in situ</em>, en le testant dans des contextes, en observant et en prenant en compte les retours des utilisateur&middot;ices. Les &eacute;l&egrave;ves et les enseignants, peuvent ainsi participer &agrave; la conception du logiciel suivant leurs besoins tr&egrave;s concrets. </li>
<p></p>
<p>
<li class="entretien-euji"><p>
Au sein de votre pratique de designer graphique, qu&rsquo;est-ce que les outils libres permettent&#8239;? Quels sont leurs grands enjeux, d&rsquo;apr&egrave;s vous&#8239;?
</li>
</p></p>
<p>
<li class="entretien-sarah"><p>
De faire un pas de c&ocirc;t&eacute;. J&rsquo;&eacute;voque souvent une sc&egrave;ne du film l&rsquo;An 01. Un film tir&eacute; d&rsquo;une BD de G&eacute;b&eacute;, dont le point de d&eacute;part est &laquo;&#8239;On arr&ecirc;te tout, on r&eacute;fl&eacute;chit (et c&rsquo;est pas triste)&#8239;&raquo;. D&eacute;j&agrave; il y a cette notion de prise de recul. En particulier, il y a cette sc&egrave;ne d&rsquo;une publicit&eacute; pirate qui passe &agrave; la t&eacute;l&eacute;. &laquo;&#8239;Et si on faisait un pas de c&ocirc;t&eacute;&#8239;&raquo;, on y voit un homme qui regarde par la fen&ecirc;tre, qui fait un pas de c&ocirc;t&eacute;, qui se retrouve face au mur, on lui dit &laquo;&#8239;Qu&rsquo;est ce que tu fais&#8239;&raquo;, il r&eacute;pond &laquo;&#8239;Je regarde dans ma t&ecirc;te&#8239;&raquo;. Se d&eacute;placer, changer de point de vue, se mettre dans une situation d&rsquo;inconfort, choisir ce que l&rsquo;on regarde, choisir l&rsquo;outil qui nous convient pour ce que l&rsquo;on veut faire. </p><p>
&Eacute;videmment il y a une dimension politique, avoir la main sur ses outils, les ma&icirc;triser, les contr&ocirc;ler. Ne pas &ecirc;tre soumis&middot;e &agrave; des d&eacute;cisions de grand groupe, qui impose des normes et des mani&egrave;res de faire, &ecirc;tre libre.
Quand on y pense, si on regarde les interfaces des premiers logiciels de PAO, rien n&rsquo;a chang&eacute;, les paradigmes sont toujours les m&ecirc;mes, une &laquo;&#8239;bo&icirc;te &agrave; outils&#8239;&raquo;, des calques, des d&eacute;placements en drag and drop d&rsquo;objets flottants dans la page...
Et on se rend compte du pouvoir des concepteurs de logiciels propri&eacute;taires quand ils nous tiennent. Quand ils nous tiennent avec un abonnement extr&ecirc;mement cher qui ne nous permet pas de poss&eacute;der le logiciel. Quand ils d&eacute;cident d&rsquo;arr&ecirc;ter le partenariat avec <em>Pantone</em>, que l&rsquo;acc&egrave;s aux couleurs <em>Pantone</em> devient payant et que les anciens fichiers poss&eacute;dant ce type de couleur sont alt&eacute;r&eacute;s. </p><p></p><p>
</li>
<li class="entretien-euji"><p>
Dans le cadre du m&eacute;moire, je cherche &agrave; comprendre s&rsquo;il y a r&eacute;ellement une forme d&rsquo;ali&eacute;nation du graphiste par ses outils, qui passe par une &laquo;&#8239;prol&eacute;tarisation&#8239;&raquo; (dans le sens o&ugrave; les outils propri&eacute;taires peuvent nous priver de savoirs et de savoir-faire, tant par leurs fonctionnalit&eacute;s que par l&rsquo;opacit&eacute; de leur fonctionnement). Les outils libres d&eacute;fendent une forme de r&eacute;appropriation, de culture du faire soi-m&ecirc;me. Selon vous, est-ce l&agrave; l&rsquo;enjeu principal de ces outils&#8239;? Permettent-ils vraiment d&rsquo;emp&ecirc;cher cette prol&eacute;tarisation et de reprendre possession de ses outils&#8239;? Si oui, comment&#8239;? Qu&rsquo;est ce qui pourrait &eacute;ventuellement leur manquer&#8239;?
</li></p>
<p>
<li class="entretien-sarah"><p>
Peut-&ecirc;tre pourrions nous faire un parall&egrave;le un peu &eacute;trange, logiciel propri&eacute;taire/logiciel libre et voiture/v&eacute;lo. Je ne prends pas cette exemple au hasard, je le prends car c&rsquo;est un des exemple qu&rsquo;utilise Ivan Illich dans son livre «&#8239;La Convivialit&eacute;&#8239;» pour faire la diff&eacute;rence entre un outil convivial (le v&eacute;lo) et un outil non convivial (la voiture).</p><p>Le v&eacute;lo (ici je parle bien du v&eacute;lo m&eacute;canique et non pas &eacute;lectrique) est totalement transparent, on voit son m&eacute;canisme, on voit bien comment &ccedil;a fonctionne, c&rsquo;est assez simple &agrave; r&eacute;parer, &ccedil;a ne co&ucirc;te pas tr&egrave;s cher, on d&eacute;veloppe un savoir faire m&eacute;canique, on peut le customiser &agrave; son go&ucirc;t. </p><p>
La voiture (et encore plus aujourd&rsquo;hui) cache un tas de m&eacute;canisme complexe et inaccessible, elle co&ucirc;te cher, est polluante, compliqu&eacute; &agrave; r&eacute;parer soit m&ecirc;me, elle fa&ccedil;onne les villes et les infrastructures (d&rsquo;une mani&egrave;re qui ne me convient pas personnellement), elle est vecteur d&rsquo;in&eacute;galit&eacute; sociale. </p><p>
Alors oui elle est rapide, plus rapide que le v&eacute;lo, elle permet de transporter plus de choses, elle permet d&rsquo;avoir chaud quand il fait froid et froid quand il fait chaud. En somme elle est confortable. </p><p>
Il y a un &eacute;norme paradoxe &agrave; tout ces avantages. Paradoxe d&eacute;velopp&eacute; par Ivan Illich dans son livre «&#8239;&Eacute;quit&eacute; et &Eacute;nergie&#8239;» (oui encore lui). Si on prend le m&ecirc;me trajet en voiture et en v&eacute;lo, disons Paris-Brest par exemple, on sait qu&rsquo;en voiture on mettra environ 6h, alors qu&rsquo;en v&eacute;lo on mettra 4&nbsp;jours. Mais si on regarde le temps que l&rsquo;on a pass&eacute; &agrave; travailler pour payer la voiture, son assurance, son parking, ses r&eacute;parations, le temps que l&rsquo;on a pass&eacute; &agrave; essayer de la garer, &agrave; aller prendre de l&rsquo;essence etc. et qu&rsquo;on le compare au temps pass&eacute; &agrave; s&rsquo;occuper de son v&eacute;lo, finalement on aura mis moins de temps &agrave; faire Paris-Brest en v&eacute;lo qu&rsquo;en voiture. </p><p>
&laquo;&#8239;La convivialit&eacute; est la libert&eacute; individuelle r&eacute;alis&eacute;e dans la relation de production au sein d&rsquo;une soci&eacute;t&eacute; dot&eacute;e d&rsquo;outils efficaces. Lorsqu&rsquo;une soci&eacute;t&eacute; [...] refoule la convivialit&eacute; en de&ccedil;&agrave; d&&rsquo;un certain niveau, elle devient la proie du manque; car aucune hypertrophie de la productivit&eacute; ne parviendra jamais &agrave; satisfaire les besoins cr&eacute;es et multipli&eacute;s &agrave; l&&rsquo;envie.&#8239;&raquo; (Au cas ce n&rsquo;&eacute;tait pas clair, je suis fan d&rsquo;Ivan Illich).</p>
<p>Finalement, pour moi c&rsquo;est un peu comme commander sur <em>Amazon</em> vs passer trois heures &agrave; aller chercher le livre que je cherche dans une librairie ou une biblioth&egrave;que. En ne commandant pas chez <em>Amazon</em>, je perds du temps, du temps &agrave; travailler fix&eacute;e sur ma chaise devant un ordinateur. Qu&rsquo;est-ce que j&rsquo;y gagne&#8239;? Je gagne une marche en ville, je d&eacute;couvrirai peut-&ecirc;tre une nouvelle librairie, j&rsquo;aurais peut-&ecirc;tre une discussion int&eacute;ressante avec le&middot;a libraire, j&rsquo;y d&eacute;couvrirai un livre essentiel &agrave; ma recherche, je rentrerai joyeuse de cette sortie. Je serai d&rsquo;autant plus joyeuse que je n&rsquo;aurais pas contribu&eacute; &agrave; faire fonctionner une soci&eacute;t&eacute; avec laquelle je ne suis absolument pas d&rsquo;accord. Pas d&rsquo;accord avec le principe m&ecirc;me, pas d&rsquo;accord avec les conditions de travail, pas d&rsquo;accord avec les ambitions de la personne qui la dirige, pas d&rsquo;accord avec les valeurs des diff&eacute;rents services propos&eacute;s par l&rsquo;entreprise... </p><p>
</li></p>
<p>
<li class="entretien-euji"><p>
[...] Avant tout, un grand merci pour votre r&eacute;ponse que j&rsquo;ai trouv&eacute; particuli&egrave;rement int&eacute;ressante. Cette fois encore, sentez-vous libre de r&eacute;pondre lorsque vous le pouvez. Ce premier &eacute;change m&rsquo;aide d&eacute;j&agrave; beaucoup.</p><p>Je m&rsquo;identifie beaucoup &agrave; votre approche du code, j&rsquo;ai moi-m&ecirc;me commenc&eacute; &agrave; l&rsquo;apprivoiser sans avoir connaissance du libre, justement parce qu&rsquo;il me permettait de faire les choses autrement et sans &ecirc;tre limit&eacute;e par le manque de certaines fonctionnalit&eacute;s dans d&rsquo;autres logiciels. Le rapport temps-productivit&eacute;-plaisir, lui aussi, me pose question. Je trouve que l&rsquo;image de la librairie permet de poser des mots ce sentiment &eacute;trange de devoir travailler vite, juste pour avoir plus de temps disponible pour continuer &agrave; travailler ensuite.</p><p>L&rsquo;un des reproches que j&rsquo;entends souvent &agrave; propos des logiciels libres &ndash; de la part de celleux qui ne les utilisent pas &ndash; c&rsquo;est le manque de professionnalisme de ceux-ci. Parce qu&rsquo;ils sont &laquo;&#8239;moins performants&#8239;&raquo; que les outils propri&eacute;taires, ils ne vaudraient pas le coup d&rsquo;&ecirc;tre utilis&eacute;s, sauf pour des productions tr&egrave;s exp&eacute;rimentales, et seraient un frein &agrave; la collaboration en milieu professionnel.</p><p>
Pourtant, il me semble que les outils libres (de d&eacute;veloppement, mais aussi les logiciels qui proposent des fichiers de travail en formats non-propri&eacute;taires tous simplement) permettent au contraire de trouver des moyens de collaborer. D&rsquo;une certaine fa&ccedil;on, &laquo;&#8239;faire un pas de c&ocirc;t&eacute;&#8239;&raquo; ne se limite pas &agrave; notre pratique personnelle de designer, c&rsquo;est peut-&ecirc;tre aussi se mettre &agrave; contre-courant des attentes de l&rsquo;industrie&#8239;? J&rsquo;aurais aim&eacute; savoir comment est-ce que cela peut se passer dans le cas o&ugrave; vous proposez des projets de design graphique en r&eacute;ponse &agrave; une commande. Le choix des outils libres conditionne-t-il l&rsquo;environnement de travail (les relations et collaborations, le rapport au temps, les &eacute;changes... plus que l&rsquo;environnement physique) dans lequel vous produisez&#8239;? Sont-ils parfois un frein aux ambitions esth&eacute;tiques&#8239;?</p><p>S&rsquo;il y a des projets sp&eacute;cifiques qui peuvent-&ecirc;tre des &eacute;l&eacute;ments de r&eacute;ponse, ou des situations de travail que vous aimeriez &eacute;voquer, ce serait avec plaisir.</p><p>Merci encore et bien &agrave; vous, </li>
</p>
<p>
<br>
<br>
<li class="entretien-sarah"><p>
[...] Je m&rsquo;excuse encore pour les d&eacute;lais de r&eacute;ponse. Je suis sous l&rsquo;eau !</p><p>Pour moi, &ccedil;a ne se limite effectivement pas &agrave; notre pratique du design. L&rsquo;utilisation d&rsquo;outils libres (mais aussi leur d&eacute;veloppement et leur partage) c&rsquo;est une partie d&rsquo;un mode vie. Une porosit&eacute; entre le professionnel et le personnel. &Ccedil;a va avec une certaine &eacute;thique. C&rsquo;est une d&eacute;marche militante. &Eacute;videmment que &ccedil;a conditionne nos environnements de travail. D&rsquo;abord parce que si je veux &ecirc;tre coh&eacute;rente (et c&rsquo;est mon avis personnel), je ne peux pas utiliser des outils libres dans une pratique exp&eacute;rimentale personnelle et &agrave; c&ocirc;t&eacute; aller faire des power points chez l&rsquo;Or&eacute;al. Ou &ccedil;a serait totalement absurde d&rsquo;utiliser des outils libres pour designer les plaquettes d&rsquo;Air France. Alors on choisit ses commandes, des projets qui correspondent &agrave; notre &eacute;thique, on choisit aussi les gens avec qui on travaille. Je me verrai mal travailler avec ou pour quelqu&rsquo;un qui est raciste ou sexiste. </p><p>Pour ce qui est du rapport au temps, c&rsquo;est une vraie question. Il y a effectivement cette critique qui revient souvent sur la performance des outils libres. &Ccedil;a prend plus de temps. J&rsquo;en suis pas s&ucirc;r. Je crois juste qu&rsquo;on est plus rapide &agrave; certains endroits et plus lents &agrave; d&rsquo;autres. Mais si on pense en terme de productivit&eacute; et de temps alors il me semble qu&rsquo;on re-rentre dans la logique capitaliste (d&eacute;sol&eacute; d&rsquo;utiliser les grands mots fourre-tout) qu&rsquo;on essaye d&rsquo;&eacute;viter en faisant un pas de c&ocirc;t&eacute;. On est toujours dans cette tension, on est entour&eacute; par cette soci&eacute;t&eacute; productivisme r&eacute;git par la croissante et le progr&egrave;s, c&rsquo;est impossible d&rsquo;en sortir. Utiliser des outils libres, c&rsquo;est un micro pas &agrave; c&ocirc;t&eacute; de cette soci&eacute;t&eacute; et c&rsquo;est assez r&eacute;jouissant et encourageant tout de m&ecirc;me.</p><p>Sur la question de l&rsquo;esth&eacute;tique, je crois qu&rsquo;il n&rsquo;y a pas de limite esth&eacute;tique. Je n&rsquo;ai pas d&rsquo;exemples de choses que je n&rsquo;ai pas r&eacute;ussi &agrave; faire avec des outils libres. C&rsquo;est plut&ocirc;t le contraire, &ccedil;a ouvre vers de nouvelles formes. J&rsquo;ai une anecdote &agrave; ce sujet. J&rsquo;ai fait travaill&eacute; des &eacute;tudiant&middot;es de 2<sup>e</sup> ann&eacute;e com avec un petit programme en ligne que j&rsquo;ai d&eacute;velopp&eacute; et qui permet de faire de la mise en page d&rsquo;affiche avec du <em>CSS</em> et une interface WYSIWYG. &Ccedil;a change totalement des paradigmes d&rsquo;<em>Adobe</em>, il n&rsquo;y a pas de drag and drop.&nbsp;Alors les &eacute;l&eacute;ments se superposent r&eacute;guli&egrave;rement. Un autre enseignant leur a demand&eacute; de r&eacute;aliser des affiches sur <em>Indesign</em>. Une des &eacute;tudiantes a pr&eacute;sent&eacute; son affiche tout en superposition en mentionnant que l&rsquo;id&eacute;e lui &eacute;tait venu en bidouillant mon programme. J&rsquo;ai trouv&eacute; &ccedil;a g&eacute;nial ! </p><p>Je peux finir ce mail assez th&eacute;orique par la description de deux projets de commande (avec les m&ecirc;mes commanditaires). En 2020, j&rsquo;ai commenc&eacute; &agrave; travailler pour le programme Forcast du media lab de Sciences Po pour la r&eacute;alisation d&rsquo;une &eacute;dition (plus particuli&egrave;rement avec Cl&eacute;mence Seurat, Robin de Mourat et Thomas Tari). &Ccedil;a les int&eacute;ressait d&rsquo;exp&eacute;rimenter un processus &eacute;ditorial non conventionnel et de travailler en web2print. On a d&rsquo;abord travaill&eacute; avec <em>Goji</em>, un logiciel libre d&eacute;velopp&eacute; par Robin de Mourat, un des chercheur du projet. <em>Goji</em> devait permettre de g&eacute;rer les contenus de l&rsquo;&eacute;dition et permettait de faire un export html. Il s&rsquo;est av&eacute;r&eacute; qu&rsquo;&agrave; terme, nous abandonn&eacute; Goji qui comportait trop de bugs et qui n&eacute;cessitait pas mal de nouvelles fonctionnalit&eacute;s pour &ecirc;tre utilisable. C&rsquo;&eacute;tait un processus long et compliqu&eacute;. Nous avons travaill&eacute; les contenus directement dans le <em>HTML</em> et la mise en page se faisait avec <em>Paged.js</em> et <em>CSS</em>. Ce qui a impliqu&eacute; un gros travail pour moi d&rsquo;int&eacute;gration des contenus, de correction etc. En travaillant ainsi, on s&rsquo;est dit que c&rsquo;&eacute;tait idiot de ne pas exploiter le fait que le web permet la dissociation des contenus et de la mise en page (ce qui n&rsquo;est pas du tout le cas dans <em>Indesign</em>). Finalement, on a termin&eacute; le livre tout en <em>HTML</em> &agrave; coup de nuits blanches d&rsquo;int&eacute;gration de correction et de micro-typo (le vrai probl&egrave;me qui prend du temps et qui est difficile &agrave; g&eacute;rer c&rsquo;est la micro typo en web2&nbsp;print, c&rsquo;est l&agrave; ou le WYSIWYG est important). Le livre est sorti en version imprim&eacute;e et en version web. On a trouv&eacute; des solutions avec l&rsquo;imprimeur pour avoir des fichiers avec lesquels ils pouvait travailler et on a adapt&eacute; le HTML pour en faire une version en ligne (le deal c&rsquo;&eacute;tait que les contenus du livre &eacute;taient enti&egrave;rement accessibles et en Creative Commons un an apr&egrave;s la sortie papier du livre). C&rsquo;&eacute;tait simple de faire ce passage du pdf imprimable au site web navigable. Si on en revient &agrave; la question du temps, on a gagn&eacute; un temps fou &agrave; ce moment l&agrave; (et aussi une coh&eacute;rence graphique puisqu&rsquo;on a quasiment utilis&eacute; le m&ecirc;me <em>CSS</em>). Pour voir ce que tout &ccedil;a donne, c&rsquo;est ici.
</p><p>
<a>https://controverses.org/mode-demploi/</a></p><p>Fin 2022, Cl&eacute;mence, Robin et Thomas avait un nouveau projet d&rsquo;&eacute;dition, du m&ecirc;me type. Une &eacute;dition de recherche sur une friche et une enqu&ecirc;te citoyenne participative. Iels m&rsquo;ont sollicit&eacute; de nouveau pour le design en web2print de celle-ci (le sujet parait coh&eacute;rent avec le fait d&rsquo;utiliser des outils libre). Fort de la premi&egrave;re exp&eacute;rience et toujours d&eacute;sireux&middot;ses de r&eacute;fl&eacute;chir au processus &eacute;ditorial, nous avons tent&eacute; autre chose. J&rsquo;ai mis en place un CMS, permettant de g&eacute;rer les contenus de l&rsquo;&eacute;dition en ligne. J&rsquo;ai r&eacute;alis&eacute; un template avec un CSS. Une fois les contenus de l&rsquo;&eacute;dition &eacute;crits, nous les avons tous les quatre int&eacute;gr&eacute;s &agrave; la plateforme. C&rsquo;&eacute;tait int&eacute;ressant, car mes trois collaborateur&middot;ices / commanditaires se rendaient compte de certaines chose qui ne fonctionnaient pas dans leurs textes pendant l&rsquo;int&eacute;gration et i&middot;els voyaient leurs textes se mettre en page quasi en m&ecirc;me temps qu&rsquo;i&middot;els l&rsquo;int&eacute;graient. On a pu comme &ccedil;a durant toute la dur&eacute;e de la fin de l&rsquo;&eacute;criture, des corrections et de la mise en page travailler en collaboration. L&rsquo;&eacute;dition &eacute;tait toujours en ligne, chacun&middot;e pouvait y acc&eacute;der quand i&middot;els voulaient. Plus de centaines de mails pour dire &laquo;&#8239;j&rsquo;ai oubli&eacute; une phrase ici...&#8239;&raquo; &laquo;&#8239;il manque des guillemets l&agrave;...&#8239;&raquo; etc. On peaufin&eacute; le design en int&eacute;grant les contenus et les corrections. J&rsquo;ai pass&eacute; beaucoup de temps avec la micro-typo, mais &ccedil;a je le savais d&rsquo;avance. L&rsquo;&eacute;dition vient juste d&rsquo;&ecirc;tre imprim&eacute;e, on attend de les recevoir ! Et bient&ocirc;t une adaptation web.</p><p>J&rsquo;esp&egrave;re que cet email ne part pas trop dans tous les sens, qu&rsquo;il reste compr&eacute;hensible et qu&rsquo;il r&eacute;pond &agrave; vos questionnements. [...]</p><p>Bien &agrave; vous, Sarah </p><p>
</li>
</article>
</div>
</section>
<!-- MANIFESTE -->
<section id="Manifeste">
<h1 class="sommaire">
Manifeste
</h1>
<div id="Manifeste">
<article>
<h2 id="liberons-le-design-graphique-pertinence-du-modele-libre-au-dela-de-loutil">Libérons le design graphique !<br>Pertinence du modèle libre au-delà de l&rsquo;outil</h2>
<h3 id="faire-un-pas-de-cote">Faire un pas de côté</h3>
<p>Lorsqu&rsquo;on refuse de se soumettre aux grands groupes propriétaires d&rsquo;outils et à leur conception du design graphique, qu&rsquo;on reprend le contrôle sur ses outils, qu&rsquo;on refuse d&rsquo;être contraint·es par des paradigmes logiciels qui n&rsquo;ont jamais changé et qu&rsquo;on arrête de dépenser notre argent dans des outils que l&rsquo;on ne peut même pas posséder, nous engageons une démarche militante. Dès lors que que le choix de se tourner vers les outils libres n&rsquo;est pas qu&rsquo;un choix personnel ou un moyen d&rsquo;expérimenter les formes, prenons le parti de faire un « pas de côté »<span>Expression issue des échanges de courriels avec Sarah Garcin.</span> vis à vis de l&rsquo;industrie. </p>
<p>En faisant ce pas de côté, laissons nous le droit de refuser les logiques de production qui voudraient que l&rsquo;on produise un maximum et le plus rapidement possible. Autorisons nous l&rsquo;expérimentation créative, donnons une place à l&rsquo;erreur, ouvrons nous à l&rsquo;exploration technique et prenons le temps de penser nos méthodes plutôt que de garder, par défaut, un même outil fonctionnel mais pas forcément optimal.</p>
<p>À l&rsquo;image des travailleur·euses de l&rsquo;art des collectifs Art en Grève ou La Buse<span>Burtin Zortea Julia, <em>Aujourd’hui, on dit travailleur·ses de l’art</em>, 369 éditions., Cognac, France, 369 éditions, coll.« Manuels », 2022.</span>, organisons-nous et mettons en place une solidarité concrète pour nos conditions de travail, notre rémunération et nos droits. Soyons solidaires face aux entreprises de la <em>tech</em> qui cherchent à monopoliser le lien entre les designeur·euses et les client·es par le développement de plateformes qui nous mettent en concurrence, nous poussent à brader nos prix<span>Comme Fiverr, et les autres plateformes de mise en relation client·es-designeur·euses. Ruben Pater, <em>Caps lock: how capitalism took hold of graphic design, and how to escape it</em>, Amsterdam, Pays-Bas, Valiz, 2021.</span> et à produire en masse à moindre coût, pour espérer séduire des algorithmes qui nous évaluent sur ces critères.<span>Comme le fait Canva, cf. Canva Creator Journey, https://www.canva.com/help/canva-creator-journey/, consulté le 01/12/2023.</span>
Comme les ouvrièr·es typographes l&rsquo;ont fait avant nous, engageons nous dans des luttes sociales ou politiques et prenons le parti d&rsquo;utiliser de nos compétences pour participer à celles-ci.</p>
<p>Repensons nos modèles économiques et éloignons nous des emplois aliénants qui nous demandent de ne pas compter nos heures, d&rsquo;être toujours plus productif·ves et de suivre des directives sans pouvoir les remettre en question. Utilisons l&rsquo;automatisation lorsqu&rsquo;elle nous libère des tâches fastidieuses, et profitons de ce gain de temps pour faire autre chose que le travail. Inspirons nous des modèles économiques de collectifs déjà existants, en nous assurant de tous·tes nous rémunérer aussi justement que possible. Il est par exemple possible de diviser équitablement l&rsquo;argent perçu pour un projet en fonction du travail fourni et en gardant un pourcentage pour le fonctionnement de la structure. Ce n&rsquo;est qu&rsquo;une possibilité, d&rsquo;autres pourraient être imaginées au travers d&rsquo;échanges et de prises de décisions collectives.
Faisons le choix de travailler avec<span>Expression tirée de la conférence du collectif Luuse à Bruxelles lors de l&rsquo;événement « Le design graphique comme outil d&rsquo;expérimentation ? » organisé par Morgane le Ferec et Colin Roustan dans le cadre de P(A)F - Pratiques (Artistiques) Fonctionnelles.</span>, et non pour, des personnes que nous choisissons. Cherchons à travailler sur des sujets épanouissants et en alignement avec nos valeurs, quitte à diversifier nos activités pour atteindre un équilibre économique. Balisons des espaces de travail dans lesquels chacun·e des acteur·ices d&rsquo;un projet se sentira considéré·e et à l&rsquo;aise, et soyons transparent·es sur nos méthodes. </p>
<h3 id="les-licences-libres">Les licences libres</h3>
<p>En mettant à mal la précieuse « propriété intellectuelle », le travail collaboratif nous encourage à produire un graphisme libre. Le « droit sacré à l&rsquo;originalité »<span>Ruben Pater, <em>Caps lock: how capitalism took hold of graphic design, and how to escape it</em>, <em>op.&nbsp;cit.</em></span> n&rsquo;est de toute façon assuré qu&rsquo;aux designeur·euses qui ont les moyens de financer un·e avocat·e pour les défendre, surtout à l&rsquo;heure ou les grandes entreprises n&rsquo;ont aucun scrupule à voler le travail des designeur·euses pour leurs productions, profitant d&rsquo;avoir l&rsquo;arsenal juridique nécessaire pour les déstabiliser.</p>
<p>Les licences libres permettent à tous·tes de bénéficier des productions d&rsquo;autrui, sans pour autant remplacer la propriété intellectuelle. Elles permettent plutôt aux producteur·ices de céder par avance certains droits et, de fait, de clarifier les conditions dans lesquelles leur production peut-être utilisée.</p>
<p>Les licences Creative Commons [fig. 33] sont les plus connues et offrent une large variété d&rsquo;usages possibles. D&rsquo;autres ont vu le jour telles que la SIL Open Font Licence pour les typographies et le domaine public est, lui aussi, une possibilité. Bien sûr, la liste n&rsquo;est pas exhaustive. Il est toujours possible de créer de nouvelles licences plus spécifiques comme l&rsquo;ACSL (Anti-Capitalist Software Licence)<span>Cette licence n&rsquo;est pas tout à fait libre dans la mesure où elle n&rsquo;assure les quatre libertés du libre qu&rsquo;aux individus, associations à but non lucratif, institutions éducatives et aux sous certaines conditions aux organisations qui cherchent à générer un profit pour tous·tes ses membres en permettant aux non-membres de fixer le coût de leur main d&rsquo;œuvre. The Anti-Capitalist Software Licence, https://anticapitalist.software/, consulté le 01/12/2023.</span>.</p>
<p><a href="./img/annexes/licences-cc.png">fig. 33 Les familles de licences Creative Commons : commercial / non commercial ; modifiable / non modifiable. Les licences vont de la moins à la plus restrictive.</a></p>
<p>La diffusion de nos productions sous licences libres permet aussi de passer sur des modes de production « cumulatifs »<span>Bosqué Camille, <em>Open design : fabrication numérique et mouvement maker</em>, Paris, France, Éditions B42, 2021.</span> au travers desquels plusieurs personnes transforment l&rsquo;ouvrage et échangent librement des informations sur les modifications. Elles permettent les <em>forks</em> et le partage des productions hors de la propriété exclusive de celle-ci, ou de la dissimulation des secrets de fabrication. En prenant la position d&rsquo;« auteur·ice-relai », reconnaissons que nous ne pouvons pas être propriétaire d&rsquo;une idée<span>Albert Jacquard, entretien mené par le collectif Libre Accès en 2010 suite à la rencontre « Garantir les libertés publiques pour préserver les biens communs ».</span> et que chacune de nos création a été « provoquée par la rencontre avec un autre »<span><em>Ibid.</em></span> et finira par nourrir elle aussi les idées d&rsquo;autrui.</p>
<h3 id="constituer-des-communs-graphiques">Constituer des communs graphiques</h3>
<p>La diffusion de nos productions sous licence libre est l&rsquo;élément clé de la constitution de communs graphiques. Les communs sont des ressources (digitales, matérielles, techniques ou théoriques) qui appartiennent et son gérées de manière collectives par une communauté. Ils représentent l&rsquo;ensemble des ressources et pratiques qui ne sont ni de propriété privée ou publique et sont une alternative à binarité, reposant sur un accès égal aux communs et au partage des décisions.
Les communs doivent pouvoir être accédés, partagés et transformés librement, surtout lorsqu&rsquo;ils ont été produits, rassemblés ou édités par la communauté.<span>Cardon Dominique, <em>Culture Numérique</em>, Paris, France, SciencesPo Les Presses, coll.« Les Petites humanités », 2019.</span></p>
<p>Refusons alors de se soumettre à des lois, telles que le <em>copyright</em> ou la propriété intellectuelle, qui freinent la constitutions de communs en privatisant les savoirs collectifs pour générer du profit.<span><em>Ibid.</em></span> Profitons de la mise en commun de capacités et de la circulation de nos idées<span>Collectif, « Open Source Publishing Relearn », <em><o> future <o></em>, 3 octobre 2011, http://f-u-t-u-r-e.org/r/02_OSP_Relearn_FR.md.</span> en devenant des auteur·ices-relais qui font avancer, par leurs pratiques, le bien commun et les pratiques d&rsquo;autrui. </p>
<p>Ouvrons nous aux <em>forks</em> et faisons circuler nos productions, comme le font déjà les typothèques libres, pour permettre leur usage par autrui. Contribuons à la mise en commun de ressources, comme le collectif Luuse le fait, et considérons que chacun·e mérite de bénéficier du partage culturel.</p>
<p>Et surtout, n&rsquo;oublions pas qu&rsquo;une production diffusée librement n&rsquo;est pas forcément une production issue d&rsquo;un travail gratuit. Ouvrons la discussion sur le libre avec nos commanditaires et faisons de notre éthique un étendard qu&rsquo;aucune proposition de rémunération ne peut faire tomber.</p>
</article>
</div>
</section>
<!-- COMPLEMENTS -->
<section id="complements">
<h1 id="Bibliographie" class="sommaire">
Bibliographie
</h1>
<div id="bib-div">
<article>
<h5>Concrétiser l’utopie</h5>
<ul>
<li>
<p>«&#x202f;Peut-on grandir sans se trahir&#x202f;?&#x202f;», Arte, <em>Les idées larges</em>, 2023.
</p></li>
</ul>
<h5>Travail, industrie et aliénation</h5>
<p></p>
<ul>
<li>
<p>Arendt Hannah, <em>Condition de l’homme moderne Poche</em>, traduit par Georges Fradier, Pocket, coll. «&#x202f;Agora&#x202f;», 2002.</p></li>
<li>
<p>France culture, «&#x202f;Le Capital de Karl Marx, La fabrique de la plus-Value&#x202f;», coll. «&#x202f;Les Chemins de la philosophie&#x202f;».</p>
</li>
<li>
<p>Pater Ruben, <em>Caps lock: how capitalism took hold of graphic design, and how to escape it</em>, Amsterdam, Pays-Bas, Valiz, 2021.</p>
</li>
<li>
<p>Stiegler Bernard, Kyrou Ariel Auteur Préfacier et Séméniako Boris, <em>L’emploi est mort, vive le travail&#x202f;!&#x202f;: entretien avec Ariel Kyrou</em>, Paris, France, Mille et Une Nuits, 2015.</p>
</li>
<li>
<p>Stiegler Bernard, «&#x202f;Prolétarisation&#x202f;», <em>Ars&nbsp;Industrialis</em>, <a href="%5B%5Dhttps://arsindustrialis.org/prol%C3%A9tarisation%5B%5D">https://arsindustrialis.org/prol%C3%A9tarisation</a>.</p>
</li>
</ul>
<p></p>
<h5>Repenser le travail</h5>
<ul>
<li>
<p>Boutmy Eugène, <em>Dictionnaire de l’argot des typographes&#x202f;: augmenté d’une histoire des typographes au XIXe siècle et d’un choix de coquilles célèbres</em>, Le mot et le Reste., Marseille, 2019.</p>
</li>
<li>
<p>Chancogne Thierry et Rouffineau Gilles, «&#x202f;Critical Design Graphic&#x202f;: qu’est-ce que c’est&#x202f;?&#x202f;», <em>in</em> étapes №185, octobre 2010, Paris, éditions Pyramid, <span class="no-wrap">p.&nbsp;66-70</span>.</p>
</li>
<li>
<p>Congar, Yves M.-J., «&#x202f;QUOD OMNES TANGIT, AB OMNIBUS TRACTARI ET APPROBARI DEBET&#x202f;», <em>in</em> Revue historique de droit français et étranger, Vol. 35 (1958), <span class="no-wrap">p.&nbsp;210-259</p>
</li>
<li>
<p>Sobel Richard, «&#x202f;Travail et reconnaissance chez Hegel. Une perspective anthropologique au fondement des débats contemporains sur le travail et l’intégration&#x202f;», <em>in</em> Revue du MAUSS №23, <span class="no-wrap">p.&nbsp;196-210</span>.</p>
</li>
<li>
<p>Discours prononcé le 10 août 1790, à la fête célébrée en l’honneur de Benjamin Franklin, par la société des ouvriers imprimeurs de Paris, Monographie par M&nbsp; L***, apprenti imprimeur.</p>
</li>
<li>
<p>Jacquet Hugues, <em>L’intelligence de la main</em>, préface de Pierre Maclouf, l’Harmattan, coll. «&#x202f;Logiques sociales&#x202f;», 2012.</p>
</li>
<li>
<p>Laski Gary. <em>Le design&#x202f;: Théorie esthétique de l’histoire industrielle</em>, Philosophie. Université Paris&#8209;Est, 2011.</p>
</li>
<li>
<p>Levit Briar, <em>Graphic Means: A History of Graphic Design Production</em>, 2017.</p>
</li>
<li>
<p>Maillet Clovis et Golsenne Thomas, <em>Un Moyen Âge libérateur</em>, MMPLH 004., Même pas l’hiver, 2022.</p>
</li>
<li>
<p>Minard Philippe, «&#x202f;Identité corporative et dignité ouvrière&#x202f;: le cas des typographes parisiens, 1789-1791&#x202f;», <em>in</em> Paris et la Révolution, Paris, Éditions de la Sorbonne, coll.«&#x202f;Histoire moderne&#x202f;», <span class="no-wrap">p.&nbsp;23-33</span>.</p>
</li>
<li>
<p>Morris William, <em>Comment nous vivons, comment nous pourrions vivre</em>, traduit par Francis Guevremont, Payot &amp; Rivages, coll.«&#x202f;Rivages Poche Petite Bibliothèque&#x202f;», 2013.</p>
</li>
</ul>
<h5>L’école</h5>
<ul>
<li>
<p>Huyghe Pierre-Damien, <em>Contre-temps. De la recherche et de ses enjeux&#x202f;: arts, architecture, design</em>, Paris, B42, 2017.</p>
</li>
<li>
<p>JO №0253, 30 octobre 2022, texte №23</p>
</li>
<li>
<p>Swanson Gunnar, «&#x202f;Graphic Design Education as a Liberal Art: Design and Knowledge <em>in</em> the University and the “Real World”&#x202f;», <em>Design Issues</em>, 10-1, t 1994, <span class="no-wrap">p.&nbsp;53‑63</span>.</p>
</li>
</ul>
<h5>Outils numériques et logiciels</h5>
<ul>
<li>
<p>Blanc Julie et Maudet Nolwenn, «&#x202f;Code 〈–〉 Design graphique Dix ans de relations&#x202f;», <em>in</em> <em>Graphisme en France - Création, outils, recherche, 2022</em>, Paris La Défense, France, Centre national des arts plastiques, 2022, <span class="no-wrap">p.&nbsp;7-33.</span></p>
</li>
<li>
<p>Donnot Kévin, <em>Graphisme en France 2012, code&lt;&gt; outils &lt;&gt; design</em>, Paris, France, Centre national des arts plastiques, 2012.</p>
</li>
<li>
<p>Grootens Joost, «&#x202f;Tools R Us&#x202f;», Graphisme en France, traduit par Barb M. Prynne, Création, Outils, Recherche 28, 2022, <span class="no-wrap">p.&nbsp;59‑88</span>.</p>
</li>
<li>
<p>Lehni Jürg, «&#x202f;The Future of Scriptographer is … Paper.js!&#x202f;», <em>Scriptographer</em>, 15 novembre 2012, consulté le 20 décembre 2023. <a href="%5B%5Dhttps://scriptographer.org/news/the-future-of-scriptographer-is-paper-js/%5B%5D">https://scriptographer.org/news/the-future-of-scriptographer-is-paper-js/</a></p>
</li>
<li>
<p>Masure Anthony, «&#x202f;Adobe&#x202f;: le créatif au pouvoir&#x202f;», <em>Strabic.fr</em>, «&#x202f;L’usager au pouvoir&#x202f;», juin 2011, consulté le 15 janvier 2024. <a href="https://www.anthonymasure.com/articles/2011-06-adobe-creatif-pouvoir">https://www.anthonymasure.com/articles/2011-06-adobe-creatif-pouvoir</a></p>
</li>
<li>
<p>Kévin Donnot, «&#x202f;Faire avec Pour une pratique informée des programmes&#x202f;», <em><em>in</em> <em>Technique et design graphique</em></em>, Paris, B42, coll. «&#x202f;Outils, médias, savoirs&#x202f;», 2020, <span class="no-wrap">p.&nbsp;95-115</span>.</p>
</li>
</ul>
<h5>Culture numérique</h5>
<ul>
<li>
<p>Cardon Dominique, <em>Culture Numérique</em>, Paris, France, SciencesPo Les Presses, coll.« Les Petites humanités », 2019.</p>
</li>
<li>
<p>Wiener Norbert, <em>Cybernétique et société</em>, Titre original&#x202f;: <em>Cybernetics and Society (The Human Use of Human Beings)</em>, Deux Rives., 1952.</p>
</li>
</ul>
<h5>Culture libre et hacking&#x202f;: généralités</h5>
<ul>
<li>
<p>Broca Sébastien, <em>Utopie du logiciel libre</em>, Le passager clandestin, 2013.</p>
</li>
<li>
<p>Collectif, «&#x202f;Hacker&#x202f;», <em>The Jargon File 4.4.7</em>, consulté le 29 décembre 2023. <a href="%5B%5Dhttp://www.catb.org/~esr/jargon/html/H/hacker.html%5B%5D">http://www.catb.org/~esr/jargon/html</a></p>
</li>
<li>
<p>Stallman Richard, «&#x202f;Le manifeste GNU - Projet GNU - Free Software Foundation&#x202f;», <em>Système d’exploitation GNU</em>, 1985. <a href="%5B%5Dhttps://www.gnu.org/gnu/manifesto.fr.html%5B%5D">https://www.gnu.org/gnu/manifesto.fr.html</a></p>
</li>
</ul>
<h5>Culture libre et hacking dans le design</h5>
<ul>
<li>
<p>Bosqué Camille, <em>Open design&#x202f;: fabrication numérique et mouvement maker</em>, Paris, France, Éditions B42, 2021.</p>
</li>
<li>
<p>Collectif Bye Bye Binary, «&#x202f;Revival&#x202f;», <em>LEXIQUNI</em>, consulté le 30 novembre 2023. <a href="https://genderfluid.space/lexiquni.html">https://genderfluid.space/lexiquni.html</a></p>
</li>
<li>
<p>Klein Xavier, «&#x202f;Libérons l’informatique&#x202f;», mémoire, ENSAAMA Olivier De Serres, Paris, 2013.</p>
</li>
<li>
<p>Maudet Nolwenn. <em>S’approprier pour mieux partager&#x202f;: Outils numériques pour la collaboration en design</em>. Our Collaborative Tools, 2023.</p>
</li>
<li>
<p>Ozeray Étienne, «&#x202f;Pour un design graphique libre&#x202f;», Mémoire, ÉnsAD, Paris, 2014.</p>
</li>
</ul>
<h5>L’outil et l’esthétique</h5>
<ul>
<li>
<p>Bourdieu Pierre, <em>La distinction critique sociale du jugement</em>, Minuit, 1979.</p>
</li>
<li>
<p>Papanek Victor, Design pour un monde réel, titre original&#x202f;: <em>Design for the Real World: Human Ecology and Social Change</em> sorti en 1971, Les presses du réel, 2021.</p>
</li>
<li>
<p>Tufte Edward R.<em>,The Cognitive Style of PowerPoint, 2003.</em></p>
</li>
<li>
<p>Ulm Elliot, «&#x202f;I made the same design in every program ever&#x202f;». <a href="https://youtu.be/sAk9SZ9yrMY">https://youtu.be/sAk9SZ9yrMY</a></p>
</li>
</ul>
</article>
</div>
<h1 id="Glossaire" class="sommaire">
Glossaire
</h1>
<div >
<article>
<h5 id="alienation">Aliénation</h5>
<ul>
<li>Dépossession de l&rsquo;humain de son autonomie de pensée et production.</li>
</ul>
<h5 id="api">API</h5>
<ul>
<li>Une API permet qu&rsquo;une application ou un programme accède aux données d&rsquo;une autre application, à distance.</li>
</ul>
<h5 id="automatisation">Automatisation</h5>
<ul>
<li>Remplacement de l&rsquo;action humaine par l&rsquo;action de la machine, en vue d&rsquo;augmenter la productivité. Elle participe à l&rsquo;aliénation de l&rsquo;humain en le dépossédant de ses moyens de production, ses outils, au profit de la machine qu&rsquo;il ne connaît pas pleinement.</li>
</ul>
<h5 id="autonomie">Autonomie</h5>
<ul>
<li>Liberté, indépendance morale ou intellectuelle. Faculté de penser par et pour soi.</li>
</ul>
<h5 id="boite-noire">Boîte Noire</h5>
<ul>
<li>Théorisée par Norbert Wiener dans <em>Cybernétique et société, Cybernetics and Society (The Human Use of Human Beings)</em>, publié aux éditions Deux Rives en 1952, la boîte noire est un système appréhendé uniquement au travers de ses <em>inputs</em> (entrées) et <em>outputs</em> (sorties) et dont le fonctionnement interne est opaque.</li>
</ul>
<h5 id="communs">Communs</h5>
<ul>
<li>Les ressources et pratiques (digitales, matérielles, techniques, théoriques) qui appartiennent et son gérées de manière collectives par une communauté. Ils ne sont ni de propriété privée ni publique et représentent une alternative à cette binarité qui repose sur un accès égal aux communs et au partage des décisions.</li>
</ul>
<h5 id="communaute">Communauté</h5>
<ul>
<li>Ensemble de personnes partageant un intérêt, une morale, une éthique et se rassemblant physiquement ou numériquement pour produire, s&rsquo;entraider, partager et améliorer leur production.</li>
</ul>
<h5 id="cms">CMS</h5>
<ul>
<li>Un <em>Content Manager System</em> est un programme informatique qui permet de gérer le contenu d&rsquo;un site web pour ensuite l&rsquo;injecter dans des templates qui le formalisent lors de la mise en ligne.</li>
</ul>
<h5 id="creative-coding"><em>Creative Coding</em></h5>
<ul>
<li>Utilisation de la programmation informatique à des fins artistiques, au travers d&rsquo;un processus d&rsquo;expérimentation et d&rsquo;ouverture aux résultats inattendus.</li>
</ul>
<h5 id="culture-libre">Culture libre</h5>
<ul>
<li>Mouvement social et sous&#8209;culture qui s&rsquo;engage pour les quatres principes du libre. (liberté d&rsquo;utilisation, d&rsquo;étude, de modification et de copie ou redistribution).</li>
</ul>
<h5 id="epanouissement">Épanouissement</h5>
<ul>
<li>Fait de se réaliser pleinement, d&rsquo;atteindre une forme d&rsquo;harmonie de développement.</li>
</ul>
<h5 id="ethique">Éthique</h5>
<ul>
<li>Comportement qui dépend à la fois de valeurs morales préexistantes et de la prise en considération des sujets et environnements alentours.</li>
</ul>
<h5 id="ethos"><em>Ethos</em></h5>
<ul>
<li>Tiré du grec du mot «&#x202f;coutume&#x202f;», l&rsquo;<em><em>ethos</em></em> désigne dans ce mémoire un ensemble de valeurs qui s&rsquo;incarne dans des actions et évolue au travers des pratiques.</li>
</ul>
<h5 id="free"><em>Free</em></h5>
<ul>
<li>En anglais, le terme signifie à la fois <em>libre</em> et <em>gratuit</em>, causant parfois des contresens dans la compréhension et la traduction de textes liés aux logiciels <em>free</em>. Ce souci ne se pose pas en français.</li>
</ul>
<h5 id="fork"><em>Fork</em></h5>
<ul>
<li>En informatique, branche divergente du développement d&rsquo;un programme. Un <em>fork</em>, une «&#x202f;dérivation&#x202f;», correspond à un nouveau projet qui émane d&rsquo;un autre, déjà existant, avant d&rsquo;évoluer dans une autre direction.</li>
</ul>
<h5 id="gratuit">Gratuit</h5>
<ul>
<li>Qui ne nécessite pas de contrepartie pécuniaire pour être obtenu, utilisé ou adopté.</li>
</ul>
<h5 id="hacker">Hacker</h5>
<ul>
<li>Selon Collectif, «&#x202f;Hacker&#x202f;», <em>The Jargon File 4.4.7</em> (traduction libre spécifiquement pour ce mémoire) «&#x202f;une personne qui apprécie explorer les détails de systèmes programmables et les façons d&rsquo;étendre leurs capacités, en opposition à la plupart des utilisateur·ices qui préférent n&rsquo;apprendre que le minimum nécessaire.&#x202f;» Le sens du mot <em><em>hacker</em></em> se rapproche du mot «&#x202f;bidouilleur·euse&#x202f;» en français.</li>
</ul>
<h5 id="hardware"><em>Hardware</em></h5>
<ul>
<li>Éléments matériels, composants physiques d&rsquo;une machine informatique. </li>
</ul>
<h5 id="liberte">Liberté</h5>
<ul>
<li>Possibilité d&rsquo;agir, de penser par soi&#8209;même, refus de toute sujétion aux choses, de toute pression d&rsquo;autrui. Absence d&rsquo;entraves, de préjugés dans la démarche intellectuelle.</li>
</ul>
<h5 id="libriste">Libriste</h5>
<ul>
<li>Membre de la communauté libre. </li>
</ul>
<h5 id="licence">Licence</h5>
<ul>
<li>Une licence, dans le domaine logiciel, est le contrat par lequel le·a titulaire des droits du logiciel (le·a propriétaire) définit les droits dont dispose l&rsquo;utilisateur·ice vis-à-vis de celui&#8209;ci.</li>
</ul>
<h5 id="licence-libre">Licence libre</h5>
<ul>
<li>Une licence libre est une licence avec laquelle le·a ou les auteur·ices font le choix de renoncer à une partie, ou l&rsquo;entièreté, de leurs droits d&rsquo;auteur·ice. Cette licence respecte les quatres principes du libre&#x202f;: utilisation, étude, redistribution et modification.</li>
</ul>
<h5 id="machine">Machine</h5>
<ul>
<li>Selon Norbert Wiener, système complexe, dont on étudie le comportement (entrées et sorties) plutôt que le fonctionnement profond. Dans ce mémoire, le mot désigne l&rsquo;ordinateur comme un appareil complexe qui fait fonctionner ensemble différents éléments de <em>software</em>. </li>
</ul>
<h5 id="moyens-de-production">Moyens de production</h5>
<ul>
<li>Les instruments de production (outils et machines) ainsi que la technique, les savoirs et savoirs&#8209;faire qui permettent le travail.</li>
</ul>
<h5 id="open-source"><em>Open Source</em></h5>
<ul>
<li>État du code d&rsquo;un programme qui est accessible, soit dans le programme lui&#8209;même soit grâce à une forme de documentation. Un programme <em>open source</em> n&rsquo;est pas forcément libre alors qu&rsquo;un logiciel libre est toujours <em>open source</em>.</li>
</ul>
<h5 id="outil">Outil</h5>
<ul>
<li>Le mot désigne ici les outils numériques, les logiciels. Paradoxalement, nous parlerons aussi d&rsquo;outils dans l&rsquo;outil, comme l&rsquo;outil «&#x202f;pinceau&#x202f;». Ceux&#8209;ci se rapprochent plutôt de «&#x202f;fonctionnalités&#x202f;». </li>
</ul>
<h5 id="pao">PAO</h5>
<ul>
<li>Publication Assistée par Ordinateur.</li>
</ul>
<h5 id="propriete">Propriété</h5>
<ul>
<li>Ensemble des droits exclusifs permettant l&rsquo;exploitation d&rsquo;une marque, d&rsquo;un brevet, d&rsquo;une licence, d&rsquo;un dessin, d&rsquo;une appellation et contre lesquels les propriétaires peuvent exiger une contrepartie pécuniaire.</li>
</ul>
<h5 id="software"><em>Software</em></h5>
<ul>
<li>La partie immatérielle, logicielle, d&rsquo;une machine informatique.</li>
</ul>
</article>
</div>
<h1 id="Remerciements" class="sommaire">
Remerciements
</h1>
<div >
<article>
<p>Je tiens &agrave; remercier toutes les personnes qui ont permis &agrave; ce m&eacute;moire d&rsquo;exister tel qu&rsquo;il est.
<br><br>
Merci &agrave; <em>L&eacute;nore&nbsp;Conte</em> et <em>Olivier&nbsp;Koettlitz</em>, mes tuteur·ices, pour leurs conseils aussi pr&eacute;cis que pr&eacute;cieux, l&rsquo;attention port&eacute;e &agrave; mon &eacute;crit et leurs relectures. Merci &agrave; <em>Bastien Sion</em> de m&rsquo;avoir transmis son affection si humaine pour le design graphique. J&rsquo;esp&egrave;re vous avoir (au moins un peu) fait changer d&rsquo;avis.
<br><br>
Merci &agrave; <em>&Eacute;O</em>, <em>BT</em>, <em>NP</em>, <em>LM</em>, <em>AG</em> et <em>RM</em> pour tout ce que vous m&rsquo;avez transmis lors de mon stage aux c&ocirc;t&eacute;s de <em>Luuse</em> l&rsquo;ann&eacute;e derni&egrave;re. Merci pour les comp&eacute;tences techniques (sans lesquelles tout aurait &eacute;t&eacute; bien plus laborieux), le pr&ecirc;t des bouquins et, surtout, les conversations passionnantes.
<br>
Merci &agrave; <em>Sarah Garcin</em> pour nos &eacute;changes par courriel, pour ta bienveillance et tes encouragements.
<br>
&Agrave; vous sept, merci de rendre concr&egrave;tes et visibles des visions du design graphique qui s&rsquo;autorisent &agrave; faire un pas de c&ocirc;t&eacute;.
<br><br>
Merci &agrave; <em>Th&eacute;o</em> pour les le&ccedil;ons de JavaScript, pour le script que je n&rsquo;aurai pas eu le temps d&rsquo;&eacute;crire et pour tout le reste. Merci &agrave; <em>In&egrave;s</em> et <em>Romy</em> pour cinq des plus chouettes ann&eacute;es de ma vie.
<br><br>
Merci &agrave; <em>Julien Taquet </em>pour le coup de pouce sur les traits de coupe et &agrave; l&rsquo;<em>Atelier Bien Vu</em> et <em>L&eacute;o Carbonnet</em> pour le suivi sur la mise en page.
<br>
Merci à Nicolas Taffin pour la relecture qui m'a permis de corriger la version web.</p>
</article>
</div>
</section>
</main>
<script src="./js/figureslegends.js"></script>
<script src="./js/mots-glossaire.js"></script>
<script src='./js/footnote.js'></script>
<script src='./js/garde.js'></script>
<script src='./js/sommaire.js'></script>
</body>
</html>