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manifestos/1912_Manifeste_de_la_Femme_Futuriste_[FR].txt

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MANIFESTE DE LA FEMME FUTURISTE •
Réponse à F. T. Marinetti •
«Nous voulons glorifier la guerre, seule hygiène du monde, le militarisme, le patriotisme, le geste destructeur des anarchistes, les belles Idées qui tuent et le mépris de la femme.» (Premier Manifeste du Futurisme) •
L'Humanité est médiocre. La majorité des femmes n'est ni supérieure ni inférieure à la majorité des hommes. Toutes deux sont égales. Toutes deux méritent le même mépris. L'ensemble de l'humanité n'a jamais été que le terrain de culture, duquel ont jailli les génies et les héros des deux sexes. Mais, il y a dans l'humanité, comme dans la nature, des moments plus propices à la floraison. Aux étés de l'humanité, alors que le terrain est brûlé de soleil, les génies et les héros abondent. Nous sommes au début d'un printemps : il nous manque une profusion de soleil, c'est-à-dire beaucoup de sang répandu. Les femmes, pas plus que les hommes, ne sont responsables de l'enlisement dont souffrent les êtres vraiment jeunes, riches de sève et de sang. Il est absurde de diviser l'humanité en femmes et en hommes. Elle n'est composée que de féminité et de masculinité. Tout surhomme, tout héros, si épique soit-il, tout génie, si puissant soit-il, n'est l'expression prodigieuse d'une race et d'une époque que parce qu'il est composé à la fois d'éléments féminins et d'éléments masculins, de féminité et de masculinité : c'est-à-dire qu'il est un être complet. Un individu, exclusivement viril, n'est qu'une brute; un individu, exclusivement féminin, n'est qu'une femelle. Il en va des collectivités, des moments d'humanité, comme des individus. Les périodes fécondes où, du terrain de culture en ébullition, jaillissent le plus de héros et de génies, sont des périodes riches de masculinité et de féminité. Les périodes qui n'eurent que des guerres peu fécondes en héros représentatifs parce que le souffle épique les nivela, furent des périodes exclusivement viriles; celles qui renièrent l'instinct héroïque et qui, tournées vers le passé, s'anéantirent dans des rêves de paix, furent des périodes où domina la féminité. Nous vivons à la fin d'une de ces périodes. Ce qui manque le plus aux femmes, aussi bien qu'aux hommes, c'est la virilité. Voilà pourquoi, le Futurisme, avec toutes ses exagérations, a raison. Pour redonner quelque virilité à nos races engourdies dans la féminité, il faut les entraîner à la virilité jusqu'à la brutalité. Mais il faut imposer à tous, aux hommes et aux femmes, également faibles, un dogme nouveau d'énergie, pour aboutir à une période d'humanité supérieure. Toute femme doit posséder, non seulement des vertus féminines, mais des qualités viriles, sans quoi elle est une femelle. L'homme qui n'a que la force mâle, sans l'intuition, n'est qu'une brute. Mais, dans la période de féminité dans laquelle nous vivons, seule l'exagération contraire est salutaire : c'est la brute qu'il faut proposer pour modèle.
Assez des femmes dont les soldats doivent redouter « les bras en fleurs tressés sur leurs genoux au matin du départ » ; des femmes gardes-malades qui perpétuent les faiblesses et les vieillesses, qui domestiquent les hommes pour leurs plaisirs personnels ou leurs besoins matériels !... Assez des femmes qui ne font des enfants que pour elles, les gardant de tout danger, de toute aventure, c'est-à-dire de toute joie; qui disputent leur fille à l'amour et leur fils à la guerre ! ... Assez des femmes, pieuvres des foyers, dont les tentacules épuisent le sang des hommes et anémient les enfants; des femmes bestialement amoureuses qui, du Désir, épuisent jusqu'à la force de se renouveler
Les femmes, ce sont les Érynnies, les Amazones ; les Sémiramis, les Jeanne d'Arc, les Jeanne Hachette; les Judith et les Charlotte Corday; les Cléopâtre et les Messaline ; les guerrières qui combattent plus férocement que les mâles, les amantes qui incitent, les destructrices qui, brisant les plus faibles, aident à la sélection par l'orgueil ou le désespoir, «le désespoir par qui le coeur donne tout son rendement».
Que les prochaines guerres suscitent des héroïnes comme cette magnifique Caterina Sforza', qui, soutenant le siège de sa ville, voyant, des remparts, l'en-nervi menacer la vie de son fils pour l'obliger elle-même à se rendre, montrant héroïquement son sexe, s écria : « Tuez-le, j'ai encore le moule pour en faire d'autres! »
Oui, «mais le monde est pourri de sagesse », mais, de par instinct, la femme n'est pas sage, n'est pas pacifiste, n'est pas bonne. Parce qu'elle manque totalement de mesure, elle devient fatalement, durant une période somnolente de l'humanité, trop sage, trop pacifiste, trop bonne. Son intuition, son imagination sont, à la fois, sa force et sa faiblesse. Elle est l'individualité de la foule elle fait cortège aux héros, ou, à défaut, prône les imbéciles. Selon l'apôtre, incitateur spirituel, la femme, incitatrice charnelle, immole ou soigne, fait couler le sang ou l'étanche, est guerrière ou infirmière. C'est la même femme qui, à une même époque, selon les idées ambiantes groupées autour de l'événement du jour, se couche sur les rails empêchant les soldats de s'embarquer pour la guerre, et qui se jette au cou du champion sportif victorieux.
Voilà pourquoi aucune révolution ne doit lui rester étrangère. Voilà pourquoi, au lieu de la mépriser, il faut s'adresser à elle. C'est la plus féconde conquête qu'on puisse faire, c'est la plus enthousiaste, qui, à son tour, multipliera les adeptes. Mais, pas de Féminisme. Le Féminisme est une erreur politique. Le Féminisme est une erreur cérébrale de la femme, erreur que reconnaîtra son instinct. Il ne faut donner à la femme aucun des droits réclamés par les féministes. Les lui accorder n'amènerait aucun des désordres souhaités par les Futuristes, niais, au contraire, un excès d'ordre. Donner des devoirs à la femme, c'est lui faire perdre toute sa puissance féconde. Les raisonnements et déductions féministes ne détruiront pas sa fatalité primordiale : ils ne peuvent que la fausser et l'obliger à se manifester à travers des détours qui conduisent aux pires erreurs.
Depuis des siècles, on -heurte l'instinct de la femme, on ne prise plus que son charme et sa tendresse. L'homme anémique, avare de son sang, ne lui demande plus que d'être une infirmière. Elle s'est laissé dompter. Mais criez-lui une parole nouvelle, lancez un cri de guerre, et avec joie, chevauchant à nouveau son instinct, elle vous précédera vers des conquêtes insoupçonnées. Quand vos armes devront servir, c'est elle qui les fourbira. Elle aidera de nouveau à la sélection. En effet, si elle sait mal discerner le génie parce qu'elle s'en rapporte à la renommée passagère, elle a toujours su récompenser le plus fort, le vainqueur, celui qui triomphe par ses muscles et son courage. Elle ne peut s'égarer sur cette supériorité qui s'impose brutalement. Que la Femme retrouve sa cruauté et sa violence qui font qu'elle s'acharne sur les vaincus, parce qu'ils sont des vaincus, jusqu'à les mutiler. Qu'on cesse de lui prêcher la justice spirituelle à laquelle elle s'est efforcée en vain. Femmes, redevenez sublimement injustes, comme toutes les forces de la nature I Délivrées de tout contrôle, votre instinct retrouvé, vous reprendrez place parmi les Éléments, opposant la fatalité à la consciente volonté de l'homme. Soyez la mère égoïste et féroce, gardant jalousement ses petits, ayant sur eux ce qu'on appelle tous les droits et les devoirs, tant qu'ils ont physiquement besoin de sa protection. Que l'homme, libéré de la famille, mène sa vie d'audace et de conquête, dès qu'il en a la force physique, et malgré qu'il soit fils, et malgré qu'il soit père. L'homme qui sème ne s'arrête pas sur le premier sillon qu'il féconde. Dans mes Poèmes d'Orgueil et dans La Soif et les Mirages', j'ai renié le Sentimentalisme, comme une faiblesse méprisable, parce qu'il noue des forces et les immobilise. La luxure est une force, parce qu'elle détruit les faibles, excite les forts à la dépense des énergies, donc à leur renouvellement. Tout peuple héroïque est sensuel. La femme est, pour lui, le plus exaltant des trophées. La femme doit être mère ou amante. Les vraies mères seront toujours des amantes médiocres et les amantes, des mères insuffisantes, par excès. Égales devant la vie, ces deux femmes se complètent. La mère qui reçoit l'enfant, avec du passé fait de l'avenir; l'amante dispense le désir qui entraîne vers le futur.
CONCLUONS •
La Femme, qui, par ses larmes et sa sentimentalité, retient l'homme à ses pieds, est inférieure à la fille qui pousse son homme, par vantardise, à conserver, le revolver au poing, sa crânante domination sur les bas-fonds des villes celle-ci cultive du moins une énergie qui pourrait servir de meilleures causes.
Femmes, trop longtemps dévoyées dans les morales et les préjugés, retournez â votre sublime instinct, à la violence, à la cruauté. Pour la dîme fatale du sang, tandis que les hommes mènent les guerres et les luttes, faites des enfants'', et parmi eux, en sacrifice à l'héroïsme, faites la part du Destin. Ne les élevez pas pour vous, c'est-à-dire pour leur amoindrissement, mais dans une large liberté, pour une complète éclosion.
Au lieu de réduire l'homme à la servitude des exécrables besoins sentimentaux, poussez vos fils et vos hommes à se surpasser. C'est vous qui les faites. Vous pouvez tout sur eux. À l'humanité vous devez des héros. Donnez-les lui.
Valentine de Saint-Point Paris, le 25 mars 1912 19, avenue de Tourville.
DIRECTION DU MOUVEMENT FUTURISTE Corso Venezia, 61 — MILAN.

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manifestos/1912_The_Manifesto_of_Futurist_Woman_[EN].txt

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The Manifesto of Futurist Woman - Response to F. T. Marinetti (1912) • https://www.wired.com/2008/11/the-manifesto-1/ •
Valentine de Saint Point •
1912 •
“We will glorify war—the world’s only hygiene—militarism, patriotism, the destructive gesture of freedom-bringers, beautiful ideas worth dying for, and scorn for woman.” Marinetti, “The Founding and Manifesto of Futurism”
Humanity is mediocre. The majority of women are neither superior nor inferior to the majority of men. They are all equal. They all merit the same scorn.
The whole of humanity has never been anything but the terrain of culture, source of the geniuses and heroes of both sexes. But in humanity as in nature there are some moments more propitious for such a flowering. In the summers of humanity, when the terrain is burned by the sun, geniuses and heroes abound.
We are at the beginning of a springtime; we are lacking in solar profusion, that is, a great deal of spilled blood.
Women are no more responsible than men for the way the really young, rich in sap and blood, are getting mired down.
It is absurd to divide humanity into men and women. It is composed only of femininity and masculinity. Every superman, every hero, no matter how epic, how much of a genius, or how powerful, is the prodigious expression of a race and an epoch only because he is composed at once of feminine and masculine elements, of femininity and masculinity: that is, a complete being.
Any exclusively virile individual is just a brute animal; any exclusively feminine individual is only a female.
It is the same way with any collectivity and any moment in humanity, just as it is with individuals. The fecund periods, when the most heroes and geniuses come forth from the terrain of culture in all its ebullience, are rich in masculinity and femininity. Those periods that had only wars, with few representative heroes because the epic breath flattened them out, were exclusively virile periods; those that denied the heroic instinct and, turning toward the past, annihilated themselves in dreams of peace, were periods in which femininity was dominant.
We are living at the end of one of these periods. What is most lacking in women as in men is virility.
That is why Futurism, even with all its exaggerations, is right. To restore some virility to our races so benumbed in femininity, we have to train them in virility even to the point of brute animality. But we have to impose on everyone, men and women who are equally weak, a new dogma of energy in order to arrive at a period of superior humanity.
Every woman ought to possess not only feminine virtues but virile ones, without which she is just a female. Any man who has only male strength without intuition is only a brute animal. But in the period of femininity in which we are living, only the contrary exaggeration is healthy: we have to take the brute animal for a model.
Enough of those women whose “arms with twining flowers resting on their laps on the morning of departure” should be feared by soldiers; women as nurses perpetuating weakness and age, domesticating men for their personal pleasures or their material needs! … Enough women who create children just for themselves, keeping them from any danger or adventure, that is, any joy; keeping their daughter from love and their son from war! … Enough of those women, the octopuses of the hearth, whose tentacles exhaust men’s blood and make children anemic, women in carnal love who wear out every desire so it cannot be renewed!
Women are Furies, Amazons, Semiramis, Joans of Arc, Jeanne Hachettes, Judith and Charlotte Cordays, Cleopatras, and Messalinas: combative women who fight more ferociously than males, lovers who arouse, destroyers who break down the weakest and help select through pride or despair, “despair through which the heart yields its fullest return:’Let the next wars bring forth heroines like that magnificent Catherine Sforza, who, during the sack of her city, watching from the ramparts as her enemy threatened the life of her son to force her surrender, heroically pointing to her sexual organ, cried loudly: “Kill him, I still have the mold to make some more!”
Yes, “the world is rotting with wisdom,” but by instinct, woman is not wise, is not a pacifist, is not good. Because she is totally lacking in measure, she is bound to become too wise, too pacifist, too good during a sleepy period of humanity. Her intuition, her imagination are at once her strength and her weakness. She is the individuality of the crowd: she parades the heroes, or if there are none, the imbeciles.
According to the apostle, the spiritual inspirer, woman, the carnal inspirer, immolates or takes care, causes blood to run or staunches it, is a warrior or a nurse. It’s the same woman who, in the same period, according to the ambient ideas grouped around the day’s event, lies down on the tracks to keep the soldiers from leaving for the war or then rushes to embrace the victorious champion.
So that is why no revolution should be without her. That is why, instead of scorning her, we should address her. She’s the most fruitful conquest of all, the most enthusiastic, who, in her turn, will increase our followers.
But no feminism. Feminism is a political error. Feminism is a cerebral error of woman, an error that her instinct will recognize.
We must not give woman any of the rights claimed by feminists. To grant them to her would bring about not any of the disorders the Futurists desire but on the contrary an excess of order.
To give duties to woman is to have her lose all her fecundating power. Feminist reasonings and deductions will not destroy her primordial fatality: they can only falsify it, forcing it to make itself manifest through detours leading to the worst errors.
For centuries the feminine instinct has been insulted, only her charm and tenderness have been appreciated. Anemic man, stingy with his own blood, asks only that she be a nurse. She has let herself be tamed. But shout a new message at her, or some war cry, and then, joyously riding her instinct again, she will go in front of you toward unsuspected conquests. When you have to use your weapons, she will polish them.
She will help you choose them. In fact, if she doesn’t know how to discern genius because she relies on passing renown, she has always known how to rewarm the strongest, the victor, the one triumphant by his muscles and his courage. She can’t be mistaken about this superiority imposing itself so brutally.
Let woman find once more her cruelty and her violence that make her attack the vanquished because they are vanquished, to the point of mutilating them. Stop preaching spiritual justice to her of the sort she has tried in vain. Woman, become sublimely injust once more, like all the forces of nature!Delivered from all control, with your instinct retrieved, you will take your place among the Elements, opposite fatality to the conscious human will. Be the egoistic and ferocious mother, jealously watching over her children, have what are called all the rights over and duties toward them, as long as they physically need your protection.
Let man, freed from his family, lead his life of audacity and conquest, as soon as he has the physical strength for it, and in spite of his being a son and a father. The man who sows doesn’t stop on the first row he fecunds.
In my Poems of Pride and in Thirst and Mirages, I have renounced Sentimentalism as a weakness to be scorned because it knots up the strength and makes it static. Lust is a strength, because it destroys the weak, excites the strong to exert their energies, thus to renew themselves. Every heroic people is sensual. Woman is, for them, the most exalted trophy.
Woman should be mother or lover. Real mothers will always be mediocre lovers, and lovers, insufficient mothers, through their excess. Equal in front of life, these two women complete each other. The mother who receives the child makes the future with the past; the lover gives off desire, which leads toward the future.
LET’S CONCLUDE:
Woman who retains man through her tears and her sentimentality is inferior to the prostitute who incites her man, through braggery, to retain his domination over the lower depths of the cities with his revolver at the ready: at least she cultivates an energy that could serve better causes. Woman, for too long diverted into morals and prejudices, go back to your sublime instinct, to violence, to cruelty. For the fatal sacrifice of blood, while men are in charge of wars and battles, procreate, and among your children, as a sacrifice to heroism, take Fate’s part. Don’t raise them for yourself, that is, for their diminishment, but rather, in a wide freedom, for a complete expansion.Instead of reducing man to the slavery of those execrable sentimental needs, incite your sons and your men to surpass themselves.You are the ones who make them. You have all power over them. You owe humanity its heroes. Make them!

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manifestos/1967_S.C.U.M_manifesto_[EN].txt

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manifestos/1967_S.C.U.M_manifesto_[FR].txt

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S.C.U.M. Manifesto - (Society for Cutting Up Men) •
https://infokiosques.net/lire.php?id_article=4 •
Valerie Solanas •
1967 •
Vivre dans cette société, c’est au mieux y mourir d’ennui. Rien dans cette société ne concerne les femmes. Alors, à toutes celles qui ont un brin de civisme, le sens des responsabilités et celui de la rigolade, il ne reste qu’à renverser le gouvernement, en finir avec l’argent, instaurer l’automation à tous les niveaux et supprimer le sexe masculin.
Grâce au progrès technique, on peut aujourd’hui reproduire la race humaine sans l’aide des hommes (ou d’ailleurs sans l’aide des femmes) et produire uniquement des femmes ; • conserver le mâle n’a même pas la douteuse utilité de permettre la reproduction de l’espèce. Le mâle est un accident biologique ; • le gène Y (mâle) n’est qu’un gène X (femelle) incomplet, une série incomplète de chromosomes. En d’autres termes, l’homme est une femme manquée, une fausse couche ambulante, un avorton congénital. Être homme c’est avoir quelque chose en moins, c’est avoir une sensibilité limitée. La virilité est une déficience organique, et les hommes sont des êtres affectivement infirmes. L’homme est complètement égocentrique, prisonnier de lui-même, incapable de partager, ou de s’identifier à d’autres ; • inapte à l’amour, à l’amitié, à l’affection, la tendresse. Cellule complètement isolée, incapable d’établir des relations avec qui que ce soit, ses enthousiasmes ne sont pas réfléchis, ils sont toujours animaux, viscéraux, son intelligence ne lui sert qu’à satisfaire ses besoins et ses pulsions. Il ne connaît pas les passions de l’esprit ni les échanges mentaux ; • il ne s’intéresse qu’à ses petites sensations physiques. Il n’est qu’un mort-vivant, un tas insensible, et pour ce qui est du plaisir et du bonheur, il ne sait ni en donner ni en recevoir. Au mieux de sa forme, il ne fait que distiller l’ennui, il n’est qu’une bavure sans conséquence, puisque seuls ont du charme ceux qui savent s’absorber dans les autres. Emprisonné dans cette zone crépusculaire qui s’étend des singes aux humains, il est encore beaucoup plus défavorisé que les singes parce que, au contraire d’eux, il présente tout un éventail de sentiments négatifs - haine, jalousie, mépris, dégoût, culpabilité, honte, blâme, doute - pis encore, il est pleinement conscient de ce qu’il est et de ce qu’il n’est pas.
Bien qu’il ne soit qu’un corps, l’homme n’est même pas doué pour la fonction d’étalon. À supposer qu’il possède une compétence purement technique - bien rare en vérité - on ne peut déceler aucune sensualité, aucun humour dans sa façon de s’envoyer en l’air. Quand ça lui arrive, il culpabilise, il est dévoré de honte, de peur et d’angoisse (sentiments qui ont leurs racines profondément ancrées dans la nature du mâle, et même l’éducation la plus éclairée ne peut en venir tout à fait à bout). Ensuite, la jouissance qu’il en tire est proche du néant. Et pour finir, obsédé qu’il est par son désir de bien s’en sortir, de battre un record, de ramoner consciencieusement, il se soucie peu d’être en harmonie avec sa partenaire. C’est encore trop le flatter que de le comparer à un animal. Il n’est qu’une mécanique, un godemiché ambulant. On prétend souvent que les hommes utilisent les femmes. Les utilisent à quoi ? En tout cas, sûrement pas au plaisir.
Rongé qu’il est de culpabilité, de honte, de peurs et d’angoisses, et malgré la vague sensation décrochée au bout de ses efforts, son idée fixe est toujours : baiser, baiser. Il n’hésitera ni à nager dans un océan de merde ni à s’enfoncer dans des kilomètres de vomi, s’il a le moindre espoir de trouver sur l’autre rive un con bien chaud. Il baisera n’importe quelle vieille sorcière édentée, n’importe quelle femme même s’il la méprise, et il ira jusqu’à payer pour ça. Et pourquoi toute cette agitation ? Si c’était pour soulager une tension physique, il lui suffirait de se masturber, et puis s’il va jusqu’à violer des cadavres et des bébés, ce n’est sûrement pas pour combler son ego. Alors pourquoi ? Complètement égocentrique, incapable de communiquer et de s’identifier aux autres (voir plus haut), n’existant que par une sexualité endémique et diffuse, le mâle est psychiquement passif. Et parce que sa propre passivité lui fait horreur, il tente de s’en débarrasser en la projetant sur les femmes. Il postule que l’homme est Actif, et s’attache ensuite à démontrer qu’il est actif, donc qu’il est un Homme. Et pour ce faire, il baise ! (Moi je suis un Vrai Mec et j’ai une Grosse Queue et comment que je Tire mon Coup). Mais comme ce qu’il cherche à démontrer est faux, il est obligé de toujours recommencer. Alors baiser devient un besoin irrépressible, une tentative désespérée de prouver qu’il n’est pas passif, qu’il n’est pas une femme. Mais en fait il est passif, et son désir profond est d’être une femme. Femelle incomplète, le mâle passe sa vie à chercher ce qui lui manque, à tenter de devenir une femme. Voilà pourquoi il est constamment à l’affût des femmes, voilà pourquoi il fraternise ; • il veut vivre à travers elles, se fondre en elles. Voilà pourquoi il revendique tout ce qui caractérise en fait les femmes, la force de caractère et l’indépendance affective, l’énergie, le dynamisme, l’esprit d’initiative, l’aisance, l’objectivité, l’assurance, le courage, l’intégrité, la vitalité, l’intensité, la profondeur, le sens de la rigolade, etc. Voilà pourquoi il projette sur les femmes tout ce qui caractérise les hommes, la vanité, la frivolité, la banalité, la faiblesse, etc. (Il faut cependant reconnaître qu’il existe un domaine dans lequel les hommes sont largement supérieurs aux femmes : celui des relations publiques. C’est de cette façon qu’ils réussissent à faire croire à des millions de femmes qu’elles sont des hommes et vice versa). Les hommes prétendent que les femmes trouvent leur épanouissement dans la maternité et la sexualité, ce qui correspond à ce qu’ils trouveraient satisfaisant, les pauvres, s’ils étaient des femmes. Autrement dit, ce ne sont pas les femmes qui envient le pénis, mais les hommes qui envient le vagin. Lorsque le mâle se résout finalement à accepter sa passivité et se définit comme femme (les hommes, aussi bien que les femmes, prennent chaque sexe pour l’autre), bref lorsque le mâle devient un travesti, il perd tout désir de baiser (ou de quoi que ce soit d’autre, d’ailleurs, son rôle de vamp à pédé lui suffit), et il se fait couper la queue dans l’espoir de ressentir on ne sait quelle vague jouissance permanente à l’idée d’être femme. Baiser permet aux hommes de se protéger contre leur désir d’être des femmes. La sexualité est en elle-même une sublimation.
Sa recherche frénétique de compensations - parce qu’il n’est pas une femme - combinée avec son incapacité fondamentale à communiquer et à compatir, a permis à l’homme de faire du monde un gigantesque tas de merde. Il porte l’entière responsabilité de :
LA GUERRE •
Le système de compensation le plus courant du mâle, savoir dégainer son gros calibre, se révélant notoirement inefficace, puisqu’il ne peut le sortir qu’un nombre très limité de fois, il dégaine sur une échelle franchement massive, donc sublime, prouvant ainsi au monde entier qu’il est un « Homme ». Du fait de son incapacité à éprouver de la compassion pour les autres, à les comprendre ou à s’identifier à eux (voir plus haut), il trouve que l’affirmation de sa virilité vaut bien toutes sortes de mutilations et de souffrances, et il la fait passer avant un nombre incalculable de vies humaines, la sienne comprise. Pour ce que vaut celle-là, il préfère mourir ébloui de gloire que de se traîner lugubrement cinquante ans de plus.
LA GENTILLESSE, LA POLITESSE, LA « DIGNITÉ » •
Chaque homme sait, au fond de lui, qu’il n’est qu’un tas de merde sans intérêt. Submergé par la sensation de sa bestialité et par la honte qu’elle lui inspire, il ne cherche pas à s’exprimer mais au contraire à camoufler les limites de son être purement physique et son parfait égocentrisme. À cause de son système nerveux grossièrement constitué et bouleversé à la moindre marque d’émotion ou de sentiment, le mâle se protège à l’aide d’un code « social » parfaitement insipide d’où est absente toute trace de sentiments ou d’opinions gênantes. Il utilise des termes comme « copuler », « commerce sexuel », « avoir des rapports » (pour les hommes, parler de rapports sexuels est un pléonasme), et il en parle avec des allures guindées de chimpanzé en habit à queue.
L’ARGENT, LE MARIAGE ET LA PROSTITUTION, LE TRAVAIL CONTRE L’AUTOMATION •
Rien, humainement, ne justifie l’argent, ni le travail pour quiconque au-delà de deux ou trois heures par semaine au grand maximum. Tous les travaux non créatifs (à peu près tous les travaux exercés à ce jour) auraient pu être automatisés depuis longtemps. Et dans un système sans argent, tout le monde aurait tout ce qu’il veut, et du meilleur. Les raisons qui maintiennent en place ce système basé sur l’argent et le travail n’ont rien d’humain, elles sont mâles :
- 1- Le con. Le mâle, qui méprise sa nature déficiente, est saisi d’une anxiété profonde et submergé par une immense solitude lorsqu’il se retrouve dans sa seule affligeante compagnie. Il s’accroche alors à n’importe quelle femme dans le vague espoir de remplir son vide intérieur, et se nourrissant de l’illusion mystique qu’à force de toucher de l’or il se transformera en or, il convoite en permanence la compagnie des femmes. Il préfère à sa propre compagnie, et à celle des autres hommes, celle de la femme la plus méprisable. Mais pour parvenir à ses fins, il est obligé d’employer la force ou la corruption, à moins de tomber sur des femmes très jeunes ou très atteintes.
- 2- L’homme, incapable d’entrer en relation avec les autres (voir plus haut), et contraint de se donner l’illusion de servir à quelque chose, s’active, pour justifier son existence, à creuser des trous et à les remplir. L’homme est horrifié à l’idée d’avoir du temps libre, pendant lequel il ne trouverait rien d’autre à faire que de contempler sa grotesque personne. Puisqu’il ne peut aimer ni établir de contacts, l’homme travaille. Les femmes, elles, rêvent d’activités intelligentes, absorbantes, à même de combler leur sensibilité, mais par manque d’occasion ou de compétence elles préfèrent folâtrer et perdre leur temps à leur guise : dormir, faire des emplettes, jouer au bowling, miser de l’argent, jouer aux cartes, procréer, lire, marcher, rêvasser, manger, se tripoter, s’envoyer des pilules derrière la cravate, aller au cinéma, se faire psychanalyser, biberonner, voyager, élever des chiens et des chats, se vautrer sur le sable, nager, regarder la télé, écouter de la musique, décorer la maison, jardiner, coudre, aller dans les boîtes, danser, visiter, s’« enrichir » (suivre des stages), se « cultiver » (conférences, théâtre, concerts, cinéma « d’art »). Ainsi beaucoup de femmes, même dans le cas d’une complète égalité économique, préfèrent vivre avec des hommes ou traîner leurs fesses dans la rue, c’est-à-dire disposer le plus possible de leur temps, plutôt que passer huit heures par jour à faire pour d’autres un travail ennuyeux, abrutissant et absolument pas créatif qui fait d’elles pis que des bêtes, des machines, à moins qu’un travail « intéressant » ne fasse d’elles, au mieux, les cogérantes de la merde ambiante. Ce qui pourra libérer les femmes de l’emprise masculine, ce sera donc la destruction totale du système fondé sur l’argent et le travail et non l’égalité économique à l’intérieur du système.
- 3- Le pouvoir. Ne pouvant dominer les femmes dans ses relations personnelles, l’homme recherche la domination en général en manipulant l’argent ainsi que toute chose et tout être régi par l’argent, c’est-à-dire en manipulant tout et tout le monde.
- 4- Trouver un substitut à l’amour. L’homme, inapte qu’il est à donner de l’amour ou de l’affection, donne de l’argent. Il se sent maternel. La mère donne le lait ; • il donne le pain. Il est le Gagne-Pain.
- 5- Fournir un but à l’homme. Puisqu’il est incapable de profiter de l’instant présent, l’homme doit trouver un but à poursuivre et l’argent est la carotte après laquelle il peut courir éternellement : pensez un peu à tout ce qu’on peut faire avec quatre-vingts milliards de dollars : ah, investir ! Et dans trois ans ça vous fera trois cent mille millions de dollars, les gars !
- 6- Donner à l’homme sa plus belle occasion de manipuler les autres : la paternité.
LA PATERNITÉ ET LA MALADIE MENTALE (peur, lâcheté, timidité, humilité, insécurité, passivité) •
Maman veut le bien de ses enfants, Papa ne veut que le bien de Papa, il veut qu’on lui fiche la paix, il veut que ses lubies de « dignité » soient respectées, il veut présenter bien (le statut) et il veut contrôler et manipuler à volonté ce qui s’appellera « guider » s’il est un père « moderne ». Ce qu’il veut aussi, c’est s’approprier sa fille sexuellement. Il donne la main de sa fille en mariage, le reste est pour lui.
Papa, au contraire de Maman, ne cède jamais à ses enfants car il doit à tout prix préserver l’image de l’homme décidé, fort, énergique, qui a toujours raison.
À force de ne jamais agir à sa façon, on se sent dépassé par ce monde et on accepte passivement le statu quo. Maman aime ses enfants. Elle se met quelquefois en colère, mais la crise passe vite et n’exclut jamais ni l’amour ni l’acceptation profonde. Papa, lui, est un débile affectif et il n’aime pas ses enfants ; • il les approuve - s’ils sont « sages », gentils, « respectueux », obéissants, soumis, silencieux et non sujets à des sautes d’humeur qui pourraient bouleverser le système nerveux mâle et fragile de Papa - en d’autres termes, s’ils vivent à l’état végétal. S’ils ne sont pas « sages », Père ne se fâche pas - quand il est un père moderne et « civilisé » (la brute moralisatrice et gesticulante d’autrefois est bien préférable car suffisamment ridicule pour se déconsidérer d’elle-même) - non, il se contente de désapprouver, attitude qui, contrairement à la colère, persiste, et exprime un rejet fondamental : le résultat pour l’enfant, qui se sent dévalorisé et recherchera toute sa vie l’approbation des autres, c’est la peur de penser par lui-même, puisqu’une telle faculté conduit à des opinions et des modes de vie non conventionnels qui seront désapprouvés.
Si l’enfant veut gagner l’approbation paternelle, il doit respecter Papa, et Papa qui n’est qu’un tas de pourriture n’a pas d’autre moyen d’imposer le respect que de rester à bonne distance, suivant le précepte que « la familiarité engendre le mépris », ce qui est naturellement vrai lorsqu’on est méprisable. En se montrant distant, le Père reste inconnu, mystérieux, il inspire donc la peur (le « respect »).
Comme il réprouve les « scènes », les enfants en viennent à craindre toute émotion, à avoir peur de leur propre colère et de leur haine, finalement à redouter d’affronter la réalité puisque la réalité ne peut déclencher que colère et haine. Cette peur, alliée à un sentiment d’incapacité à changer ce monde qui vous dépasse, voire à influer un tant soit peu sur son destin, aboutit au sentiment facile que tout va très bien, que la moindre banalité vous comble et qu’on se fend la pêche pour un rien.
L’effet de la paternité sur les garçons, notamment, est d’en faire des « Hommes », c’est-à-dire de développer en eux un système de défenses farouches contre leur tendances à la passivité, à l’hystérie « grande-folle », et contre leur désir d’être des femmes. Tous les garçons veulent imiter leur mère, être elle, fusionner avec elle, mais Papa interdit de telles choses. C’est lui la mère. Lui, fusionne avec elle. Alors, plus ou moins directement il dit au petit garçon de ne pas faire la « mauviette » et de se conduire en « homme ». Le petit garçon qui chie dans son froc devant son père, autrement dit le « respecte », se soumet et devient un vrai petit Papa, ce modèle de Virilité, ce rêve américain : le lourd crétin qu’est l’hétérosexuel bon teint.
L’effet de la paternité sur les femmes est d’en faire des hommes - dépendantes, passives, domestiquées, animalastiquées, gentilles, inquiètes, avides de sécurité et d’approbation, trouillardes, humbles, « respectueuses » des autorités et des hommes, fermées, sans réaction, à demi mortes, futiles, ennuyeuses, conventionnelles, insipides et profondément méprisables. La Fille à son Papa, toujours contractée et apeurée, mal à l’aise, dénuée d’esprit analytique et d’objectivité, situe Papa, et par suite tous les hommes, dans un contexte de peur nommée « respect ». Elle ne voit pas que la lointaine silhouette paternelle n’est qu’un trompe-l’œil, elle accepte la définition de l’homme comme être supérieur en tant que femme, et accepte d’être considérée inférieure en tant que mâle, ce que, merci Papa, elle est effectivement.
C’est l’épanouissement de la Paternité, dû au développement et à la meilleure répartition des richesses (dont la Paternité a besoin pour prospérer), qui est la cause de l’ascension de la bêtise et du déclin des femmes aux États-Unis depuis les années vingt : voyez la montée de l’allaitement, de l’accouchement naturel, et de la pratique religieuse. L’association étroite entre richesse et Paternité a valu aux filles les plus mal choisies, c’est-à-dire les « petites bourgeoises » soi-disant privilégiées, d’avoir droit à l’« instruction ».
En résumé, le rôle du père a été d’apporter au monde la gangrène de l’esprit mâle. Les hommes sont des Midas d’un genre spécial : tout ce qu’ils touchent se change en merde.
ANIMALITÉ (domesticité et maternité) ET SUPPRESSION DE L’INDIVIDUALITÉ •
L’homme est une suite de réflexes conditionnés, il est incapable de réagir librement, avec son esprit. Il est entièrement déterminé par le conditionnement subi pendant son enfance. Ses premières expériences ont été vécues avec sa mère et il est lié à elle pour la vie. Pour l’homme il n’est jamais très clair qu’il puisse être autre chose qu’une partie de sa mère, qu’il est lui et qu’elle est elle.
Son plus grand besoin est d’être guidé, abrité, protégé et admiré par sa Mamma (les hommes s’attendent à ce que les femmes adorent ce qui, eux, les pétrifie d’horreur : eux-mêmes). N’existant que par son corps, l’homme aspire à passer son temps (celui qu’il ne perd pas « dans le monde » à se défendre âprement contre sa passivité) dans une béatitude animale consistant à manger, dormir, chier, s’écrouler dans un fauteuil et se faire dorloter par la Mamma.
La Fille à son Papa, passive et abrutie, avide d’approbation et de petites tapes sur la joue, qui manifeste son respect au moindre tas d’immondices passant par là, se laisse facilement transformer en Mamma. Elle prête machinalement son corps, éponge le front simiesque plissé par l’effort, pousse au cul le petit ego défaillant, complimente la crapule. Elle n’est plus qu’une bouillotte avec des nichons. Réduites à l’état de bêtes, les femmes du secteur le plus arriéré de la société, les classes moyennes « privilégiées » et « instruites », déchet de l’humanité sur lequel Papa règne en maître, essaient de se défoncer en mettant bas, et dans la nation la plus avancée du monde, en plein xxe siècle, elles se ventrouillent avec des enfants pendus à leurs seins. Oh, ce n’est pas pour le bien des enfants que les « spécialistes » racontent aux femmes que la Mamma doit rester à la maison pour croupir comme une bête. C’est pour le bien de Papa, naturellement. C’est Papa qui a besoin de se cramponner à des nichons. C’est Papa qui se pique d’obstétrique et se défonce ainsi par procuration (ce mort-vivant a besoin de stimulants vigoureux).
La nécessité de faire de la femme une bête, une Mamma, un mâle, est autant psychologique que pratique. Le mâle n’est qu’un échantillon de l’espèce, interchangeable avec tous les autres mâles. Il n’a pas d’individualité profonde (ne sait pas différencier les êtres, ne connaît pas l’autosuffisance mentale, la complétude), car l’individualité ne peut naître que de ce qui éveille la curiosité, vous fait sortir de vous-même, ce avec quoi on entre en relation. Complètement absorbés en eux-mêmes, ne sachant communiquer qu’avec leur propre corps et leurs sensations physiques, les hommes ne se différencient entre eux que par la façon dont ils se défendent contre leur passivité et leur désir d’être femme, et par le degré d’acharnement qu’ils y mettent.
L’individualité de la femme s’impose aux yeux de l’homme, mais il est incapable de la saisir, incapable d’entrer en relation avec elle ; • elle le bouleverse, l’emplit d’effroi et d’envie. Aussi la nie-t-il et entreprend-il de définir chacun et chacune en termes de fonction et d’usage, s’assignant bien entendu, les fonctions les plus importantes - docteur, président, savant - ce qui l’aide à revêtir une identité sinon à atteindre à l’individualité, et il cherche à se convaincre comme à convaincre les femmes (il a mieux réussi de ce côté) que la fonction de la femme est de porter et d’élever les enfants, d’apaiser, de réconforter et de stimuler l’ego masculin ; • que sa fonction fait d’elle un être interchangeable avec les autres femmes.
En fait, la fonction de la femme est d’explorer, découvrir, inventer, résoudre des problèmes, dire des joyeusetés, faire de la musique - le tout, avec amour. En d’autres termes de créer un monde magique. La fonction de l’homme est de produire du sperme. Nous avons maintenant des banques de sperme.
LE VOL DE L’INTIMITÉ •
L’homme, qui a honte de ce qu’il est et d’à peu près tout ce qu’il fait, tient beaucoup à garder secrets tous les aspects de sa vie mais n’a aucun respect pour la vie privée des autres. Lui qui est vide, qui n’a pas de réalité propre, pas d’individualité, pas d’états d’âme jouissifs, a constamment besoin de la compagnie des femmes et ne voit absolument rien de mal à s’immiscer dans les pensées d’une inconnue, n’importe où n’importe quand ; • et par-dessus le marché il s’indigne et se sent insulté lorsqu’il se fait rembarrer ; • il en est tout désorienté : cela le dépasse complètement que quelqu’un puisse préférer une seule minute de solitude à la compagnie de n’importe quel taré. Comme il voudrait en être, il se démène pour être toujours dans les pattes des femmes, ce qui est le plus près qu’il puisse atteindre de son but, et s’ingénie à fabriquer une société fondée sur la famille - le couple et les enfants (qui sont la bonne excuse de la famille) - et tout ce monde est censé vivre les uns sur les autres en violant scrupuleusement les droits de la femme et son intimité, en détériorant sa santé mentale.
L’ISOLEMENT, LES PAVILLONS DE BANLIEUE ET L’IMPOSSIBILITÉ DE LA VIE COMMUNAUTAIRE •
Notre société n’est pas une communauté, c’est un entassement de cellules familiales. Miné par son sentiment d’insécurité, l’homme est persuadé que sa femme va le quitter si elle s’expose aux autres hommes et à tout ce qui peut présenter une lointaine ressemblance avec la vie. Aussi cherche-t-il à l’isoler de ses rivaux et de cette faible agitation qu’on nomme civilisation, en l’emmenant en banlieue pour la caser dans une rangée de pavillons où s’enferment dans une contemplation mutuelle des couples et leurs enfants.
En devenant un « farouche individualiste », un grand solitaire, il croit pouvoir prétendre à l’individualité, qu’il confond avec la claustration et le manque de coopération.
Il y a encore une autre explication à cet isolement : chaque homme est une île. Enfermé en lui-même, sans aucun contact, sans émotion, incapable de communiquer, l’homme a horreur de la civilisation, des gens, des villes, de toute situation qui demande de comprendre les autres et d’entrer en relations avec eux. Papa détale comme un lièvre apeuré et traîne son cul à la recherche des contrées sauvages : les banlieues. Ou s’il est un « hippie », il part - alors là, qu’est-ce qu’il est parti, les gars ! - pour le pré à vaches où il peut baiser et procréer à son aise en s’ébattant au milieu de ses flûtes et de sa verroterie.
Le hippie, dont le désir d’être un « Homme » et un « farouche individualiste » est moins forcené que chez la plupart des hommes - parce qu’il se défend moins contre sa passivité ; • qui, par ailleurs, est follement excité à l’idée d’avoir tout un tas de femmes à sa disposition, se révolte contre le rôle éreintant de Gagne-pain et la monotonie de la monogamie. Au nom de la coopération et du partage, il forme une communauté ou tribu qui, en dépit de tous ses principes de solidarité et en partie à cause d’eux (ladite communauté, qui est une extension de la famille, ne fait donc que bafouer un peu plus les droits des femmes, violer leur intimité et détériorer leur santé mentale), ne ressemble pas plus à une communauté que le reste de la société.
Une véritable communauté se compose d’individus - pas de simples échantillons de l’espèce, pas de couples - qui se respectent les uns les autres dans leur individualité et leur intimité, établissent entre eux des contacts intellectuels et affectifs - en esprits libres ayant des relations libres - et coopèrent à l’achèvement de buts communs. Pour les traditionalistes, l’unité de base de la société est la famille ; • pour les « hippies », c’est la tribu. Pour aucun d’eux, ce n’est l’individu.
Le hippie babille beaucoup sur l’individu, mais comme les autres hommes, il n’a aucune idée de ce que c’est. Il voudrait retourner à la Nature, à la vie sauvage, retrouver l’antre des animaux à fourrure dont il fait partie, loin de la ville, où au moins on repère quelques traces, un vague début de civilisation, pour vivre au niveau primaire de l’espèce et s’occuper à de simples travaux, non intellectuels : élever des cochons, baiser, enfiler des perles.
L’activité la plus importante de la vie communautaire, celle sur laquelle elle se fonde, c’est le baisage à la chaîne. Ce qui allèche le plus le hippie, dans l’idée de vivre en communauté, c’est tout le con qu’il va y trouver. Du con en libre circulation : le bien collectif par excellence ; • il suffit de demander. Mais, aveuglé par le désir, il ne pense pas à tous les hommes avec lesquels il devra partager, ni à la jalousie et à la possessivité des mignons cons eux-mêmes.
Les hommes ne peuvent pas coopérer à la réalisation d’un but commun, car le seul but de chaque homme est d’avoir tout le con pour lui. La communauté est donc vouée à l’échec : chaque hippie, pris de panique, va empoigner la première jobarde qui en pince pour lui et filer avec elle dans un pavillon de banlieue. L’homme ne peut progresser socialement, il ne peut qu’aller et venir entre l’isolement et la partie de cul associée.
LE CONFORMISME •
Tout en désirant être un individu, l’homme a peur de ce qui pourrait le différencier un tant soit peu des autres. Il craint de n’être pas vraiment un « Homme », d’être passif et déterminé par la sexualité, tous soupçons qui le bouleversent. Si les autres hommes sont « A » et qu’il ne l’est pas, alors il ne doit pas être un homme. Il doit être une pédale, selon ses termes. Alors il essaye d’affirmer sa Virilité en ressemblant aux autres hommes. Mais toute différence constatée chez les autres le menace aussi bien : ce sont eux les « pédales » qu’il doit éviter à tout prix et il fait tout pour les obliger à rentrer dans le rang.
L’homme ose se montrer différent dans la mesure où il accepte sa passivité et son désir d’être une femme, sa réalité de pédale. L’homme le plus conséquent avec lui-même est le travesti mais là encore, bien qu’il soit différent des autres hommes, il ressemble exactement à tous les autres travestis. Fonctionnaliste, il ne cherche que l’identité formelle : être une femme. Il se débarrasse de ses problèmes en leur collant des étiquettes, mais toujours pas trace d’individualité. N’arrivant pas à se convaincre tout à fait qu’il est une femme, angoissé à l’idée de n’être pas assez femelle, il se conforme désespérément au stéréotype féminin inventé par les hommes, et devient une marionnette bourrée de tics.
Pour s’assurer qu’il est un « Homme », le mâle doit veiller à ce que la femelle se comporte bien en « Femme », le contraire de l’homme viril, autrement dit qu’elle se comporte en grande-folle. Et la Fille à son Papa, dont on a massacré tous les instincts de femme dés l’enfance, s’adapte au rôle avec aisance et obligeance.
L’AUTORITÉ ET LE GOUVERNEMENT •
L’homme, qui n’a aucun sens du bien et du mal, aucune conscience morale (elle ne peut naître qu’avec la faculté de se mettre à la place des autres), qui ne croit pas en lui-même (pour la bonne raison qu’il n’a pas de réalité), compétitif par nécessité et inapte à la vie communautaire par nature, a besoin de direction et de contrôle. Pour cette raison il a mis en place diverses autorités - les prêtres, les spécialistes, les patrons, les chefs, etc. - et institué le Gouvernement. Comme il désire que la femme soit son guide (la Mamma) mais qu’il est incapable d’accepter cette idée (après tout il est un Homme), comme il veut jouer à la femme, usurper sa fonction de Guide et de Protectrice, il s’arrange pour que toutes les autorités soient masculines. Il n’y a aucune raison pour qu’une société composée d’individus rationnels et capables de se comprendre les uns les autres, complets en eux-mêmes et n’étant pas enclins naturellement à entrer en compétition les uns avec les autres, ait besoin d’un gouvernement, de lois ou de chefs.
LA PHILOSOPHIE, LA RELIGION ET LA MORALE BASÉES SUR LE SEXE •
Vu son incompétence pour entrer en relation avec qui ou quoi que ce soit, l’homme dont la vie est dépourvue de sens (le dernier mot de la pensée mâle est que le monde est absurde) a dû inventer la philosophie et la religion. Ne trouvant en lui que vide, l’homme doit se tourner vers l’extérieur, non seulement pour trouver une direction et un contrôle, mais aussi le salut et un sens à sa vie. Le bonheur étant pour lui impossible sur cette terre, il a inventé le Ciel.
Comme nous savons, l’homme est incapable de comprendre les autres et ne vit que par sa sexualité, aussi pour lui le « mal » est la « licence » sexuelle, qui conduit aux pratiques sexuelles « déviantes » (non viriles), c’est-à-dire aux pratiques qui ne le défendent pas contre sa passivité et sa sexualité omniprésente, lesquelles risqueraient, s’il les laissait s’exprimer, de détruire la « civilisation » puisque la « civilisation » repose exclusivement sur le besoin de l’homme de se défendre contre ces caractéristiques masculines. Pour une femme (d’après les hommes), le mal est tout comportement pouvant entraîner les hommes à la « licence » sexuelle, c’est-à-dire lorsqu’elle ne place pas les besoins de l’homme au-dessus des siens et refuse de jouer les tantouses.
Quant à la Religion, elle procure un but à l’homme (le Ciel), elle renforce par son code « moral » l’assujettissement des femmes aux hommes, et de plus fournit à l’homme des rituels lui permettant d’exorciser la honte et la culpabilité qu’il éprouve de ne pas se défendre assez contre ses pulsions sexuelles : finalement la honte et la culpabilité qu’il éprouve d’être un homme.
La plupart des hommes, dans leur immense lâcheté, projettent les faiblesses qui leur sont inhérentes sur les femmes, les désignent comme faiblesses typiquement féminines et s’attribuent la véritable force féminine. La plupart des philosophes, un peu moins lâches, reconnaissent à l’homme certaines lacunes, mais n’arrivent toujours pas à admettre que ces lacunes n’existent que chez les hommes. Ainsi ils étiquettent la condition masculine : Condition Humaine, posent leur problème du néant, qui les horrifie, comme un dilemme philosophique, affublant ainsi leur animalité de grandeur, baptisent pompeusement leur néant « Problème d’Identité » et pérorent avec grandiloquence sur la « Crise de l’Individu », l’« Essence de l’Être », l’« Existence précédant l’Essence », les « Modes Existentiels de l’Être », etc.
Les femmes, elles, prennent pour acquises leur identité et leur individualité, elles savent instinctivement que le seul mal est de nuire aux autres et que le sens de la vie est l’amour.
LES PRÉJUGÉS (raciaux, ethniques, religieux, etc.) •
L’homme a besoin de boucs émissaires sur lesquels il peut projeter ses lacunes et ses imperfections et sur lesquels il peut défouler sa frustration de n’être pas une femme. Les multiples discriminations ont d’ailleurs un avantage pratique : elles accroissent substantiellement la masse de cons disponible pour les hommes qui campent au sommet de la pyramide.
LA COMPÉTITION, LE PRESTIGE, LE STATUT, L’ÉDUCATION, L’IGNORANCE, LES CLASSES SOCIALES ET ÉCONOMIQUES •
Obsédé par le désir d’être admiré par les femmes mais n’ayant aucune valeur intrinsèque, l’homme fabrique une société complètement artificielle qui lui attribue un semblant de valeur à travers l’argent, le prestige, la « supériorité » de classe, les diplômes, la profession et le savoir, tout en reléguant au bas de l’échelle sociale, professionnelle, économique et culturelle, le plus grand nombre d’hommes possible.
Le but de l’enseignement « supérieur » n’est pas d’instruire mais d’exclure le plus grand nombre possible de gens de certaines professions.
L’homme, qui n’est qu’un corps, inapte aux rapports intellectuels, est sans doute capable d’utiliser à ses fins la connaissance et les idées, mais pas d’entrer en relation avec elles, de les saisir sur le plan émotionnel. Il n’attribue pas de valeur à la connaissance et aux idées pour elles-mêmes (elles ne sont que les moyens de servir ses buts) et n’éprouve donc pas le besoin de communiquer avec d’autres esprits ni de cultiver les possibilités intellectuelles des autres. Bien au contraire, il investit tout dans l’ignorance. Cela donne aux rares hommes instruits une supériorité décisive sur ceux qui ne le sont pas et, de plus, le mâle sait qu’une population féminine éclairée et consciente signifierait sa perte.
La femme saine, la femme suffisante, recherche la compagnie d’égaux qu’elle peut respecter et avec lesquels elle peut prendre son pied. Mais l’homme et la femme-mec (atrophiée, manquant d’assurance et souffrant d’un sentiment d’insécurité) n’aspirent, eux, qu’à la compagnie de larves rampantes qu’ils pourront facilement regarder de haut.
Aucune véritable révolution sociale ne peut être réalisée par les hommes, car ceux qui sont en haut de l’échelle veulent y rester et ceux qui sont en bas n’ont qu’une idée, c’est d’être en haut. La « révolte », chez les hommes, n’est qu’une farce. Nous sommes dans une société masculine, faite par l’homme pour satisfaire ses besoins. S’il n’est jamais satisfait, c’est qu’il lui est impossible de l’être. En fin de compte, ce qui révolte « l’homme révolté », c’est d’être un homme. L’homme ne change que lorsqu’il y est obligé par le progrès technique, quand il n’a pas le choix, quand la société arrive au point où il doit changer ou mourir. Nous en sommes là. Si les femmes ne se remuent pas le cul en vitesse, nous risquons de crever tous.
L’IMPOSSIBILITÉ DE LA CONVERSATION •
Etant donné la nature totalement égocentrique de l’homme et son incapacité à communiquer avec autre chose que lui-même, sa conversation, lorsqu’elle ne porte pas sur sa personne, se réduit à un bourdonnement impersonnel, détaché de tout ce qui peut avoir valeur humaine. La « conversation intellectuelle » du mâle, lorsqu’elle n’est pas une simple fuite de lui-même, n’est qu’une tentative laborieuse et grotesque d’impressionner les femmes.
La Fille à son Papa, passive, malléable, qui respecte et craint le mâle, se laisse volontiers assommer par son bavardage débile. Cela ne lui est pas trop difficile car elle est tellement crispée, anxieuse, mal à l’aise, peu sûre d’elle (grâce à Papa qui a semé l’incertitude dans tous ses sentiments et sensations), que sa perception en est obscurcie et qu’elle est incapable de voir que le bavardage masculin n’est que du bavardage. Comme l’esthète qui « apprécie » la crotte baptisée « Grand Art », elle s’imagine faire ses choux gras de la conversation masculine alors qu’elle en chie d’ennui. Et non seulement elle le laisse postillonner à sa guise, mais en plus elle s’adapte au style de la « conversation ». Entraînée comme elle l’est depuis l’enfance à la gentillesse, la politesse et la « dignité », à entrer dans le jeu des hommes lorsqu’ils cherchent à camoufler leur réalité bestiale, elle leur fait la fleur de réduire sa conversation à des propos mielleux et insipides, évitant tout sujet profond ou bien, s’il s’agit d’une fille « cultivée », elle a une discussion « intellectuelle », c’est-à-dire qu’elle discourt de façon impersonnelle sur des abstractions oiseuses telles que le Produit National Brut, le Sionisme, l’influence de Rimbaud sur la peinture symboliste. Elle est si bien versée dans l’art de lécher le cul des hommes que cela devient bientôt une seconde nature et qu’elle continue à jouer leur jeu même lorsqu’elle se trouve seulement avec des femmes.
En dehors de son côté lèche-cul, la conversation de la Fille à son Papa est encore limitée par sa crainte d’exprimer des opinions déviantes ou originales et par son sentiment d’insécurité qui l’emprisonne. Ce qui lui enlève tout charme. La gentillesse, la politesse, la « dignité », le sentiment d’insécurité et la claustration mentale ont peu de chance de s’allier à l’intensité et à l’humour, qualités dont ne peut se passer une conversation digne de ce nom. Et la conversation digne de ce nom ne court pas les rues, étant donné que seules les femmes tout à fait sûres d’elles, arrogantes, exubérantes, et fortiches, sont capables d’avoir une conversation intense et spirituelle de vraies salopes.
L’IMPOSSIBILITÉ DE L’AMITIÉ (DE L’AMOUR) •
Les hommes se méprisent eux-mêmes, méprisent tous les autres hommes qu’ils ont l’occasion d’approcher d’un peu près - et qu’ils ne prennent ni pour des femmes (comme les analystes « sympa » et les « Grands Artistes ») ni pour des agents de Dieu - et ils méprisent toutes les femmes qui leur lèchent le cul. Les femmes-mec, les lèche-cul en mal d’approbation et de sécurité se méprisent elles-mêmes ainsi que toutes les femmes qui leur ressemblent. Les femmes sûres d’elles, celles qui n’ont pas froid aux yeux, qui aiment que ça bouge, les femmes-femmes, méprisent les hommes et les femmes-mec lèche-cul. Pour tout dire, le mépris est à l’ordre du jour.
L’amour n’est ni la dépendance ni la sexualité, c’est l’amitié. L’amour ne peut donc exister entre deux hommes, entre un homme et une femme ou entre deux femmes si l’un des deux, ou les deux, est un mec ou un lèche-cul à mec sans esprit et timoré. De même que la conversation, l’amour ne peut exister qu’entre deux femmes-femmes libres rouleuses, sûres d’elles, indépendantes et à l’aise, puisque l’amitié est basée sur le respect et non sur le mépris.
Même chez les femmes à la coule, les amitiés profondes sont rares à l’âge adulte car elles sont presque toutes ligotées à un homme afin de survivre économiquement, ou bien elles essayent de se tailler un chemin dans la jungle et de se maintenir à la surface des masses amorphes. L’amour ne peut s’épanouir dans une société basée sur l’argent et sur un travail dépourvu de sens. Il exige une totale liberté économique et individuelle, des loisirs et la possibilité de s’engager intensément dans des activités absorbantes, à même de combler la sensibilité, et pouvant conduire à l’amitié profonde lorsqu’on les partage avec ceux que l’on respecte. Notre société n’offre aucune activité de ce genre.
Après avoir éliminé de ce monde la conversation, l’amitié et l’amour, voici les substituts dérisoires que nous propose l’homme :
LE « GRAND ART » ET LA « CULTURE » •
L’artiste mâle essaye de compenser son incapacité à vivre et son impuissance à être une femme en fabriquant un monde complètement factice dans lequel il fait figure de héros, c’est-à-dire s’affuble des caractéristiques féminines, et où la femme est réduite à des rôles subsidiaires insipides, c’est-à-dire fait figure d’homme.
L’« Art » masculin ayant pour but, non de communiquer (un être entièrement vide n’a rien à dire), mais de déguiser la réalité bestiale de l’homme, il a recours au symbolisme et à l’obscurité (au « profond »). La grande majorité des gens, en particulier les personnes « cultivées », n’osant pas juger par elles-mêmes, humbles, respectueuses des autorités (« Mon Papa, y sait » devient dans le langage adulte « les critiques ils s’y connaissent », « les écrivains, ils savent mieux », et « les agrégés, ça en connaît un bout »), se laissent facilement persuader que ce qui est obscur, vague, incompréhensible, indirect, ambigu et ennuyeux, est à coup sûr profond et brillant.
Le « Grand Art » se veut « preuve » de la supériorité des hommes sur les femmes, preuve que les hommes sont des femmes, non seulement par son contenu, mais aussi par le simple fait de se baptiser « Grand Art », puisque comme aiment à nous le rappeler les antiféministes, il est presque entièrement l’œuvre des hommes. Nous savons que le « Grand Art » est grand parce que les hommes, des « spécialistes », nous l’ont dit, et nous ne pouvons pas dire le contraire vu que seules des sensibilités exquises bien supérieures à la nôtre sont à même de percevoir et d’apprécier ce qui est grand, la preuve de leur sensibilité supérieure étant qu’ils apprécient les saloperies qu’ils apprécient.
« Apprécier », c’est tout ce que sait faire l’homme « cultivé ». Passif, nul, dépourvu d’imagination et d’humour, il faut bien qu’il se débrouille avec ça. Incapable de se créer ses propres distractions, de se créer un monde à lui, d’agir d’une façon ou d’une autre sur son environnement, il doit se contenter de ce qu’on lui offre. Il ne sait pas créer, il ne sait pas communiquer : il est spectateur. En se gobergeant de culture, il cherche désespérément à prendre son pied dans un monde qui n’a rien de jouissif ; • il cherche à fuir l’horreur d’une existence stérile d’où l’esprit est absent. La « culture » c’est le baba du pauvre, le croûton spirituel des tarés, une façon de justifier le spectateur dans son rôle passif. Elle permet aux hommes de se glorifier de leur faculté d’apprécier « les belles choses », de voir un bijou à la place d’une crotte. Ce qu’ils veulent, c’est qu’on admire leur admiration. Ne se croyant pas capables de changer quoi que ce soit, résignés qu’ils sont au statu quo, ils sont obligés de s’extasier sur des crottes vu qu’il n’y a que des crottes à l’horizon de leur courte vue.
La vénération pour l’« Art » et la « Culture » distrait les femmes d’activités plus importantes et plus satisfaisantes, les empêche de développer activement leurs dons, et parasite notre sensibilité de pompeuses dissertations sur la beauté profonde de telle ou telle crotte. Permettre à l’« Artiste » d’affirmer comme supérieurs ses sentiments, ses perceptions, ses jugements et sa vision du monde, renforce le sentiment d’insécurité des femmes et les empêche de croire à la validité de leurs propres sentiments, perceptions, jugements et vision du monde.
Le concept même d’« Artiste », défini par des traits féminins, le mâle l’a inventé pour « prouver » qu’il est une femme (« Tous les Grands Artistes sont des hommes ») ; • il met en avant l’« Artiste » comme un guide qui va nous expliquer à quoi ressemble la vie. Mais l’« Artiste » masculin n’émerge pas du moule mâle : son éventail de sentiments est très limité ; • il n’a donc pas grand chose en fait de perceptions, jugements et vision du monde, puisque tout cela dépend des sentiments. Incapable d’entrer en contact avec autre chose que ses propres sensations physiques, il n’a rien à dire, sinon que pour lui la vie est absurde, et ne peut donc être un artiste. Comment quelqu’un qui ne sait pas vivre pourrait-il nous dire à quoi ressemble la vie ? L’« artiste » au masculin, c’est une contradiction dans les termes. Un dégénéré ne peut que produire de l’« art » dégénéré. L’artiste véritable, c’est toute femme saine et sûre d’elle, et dans une société féminine, le seul Art, la seule Culture, ce sera des femmes déchaînées, contentes les unes des autres, et qui prennent leur pied entre elles et avec tout l’univers.
LA SEXUALITÉ •
Le sexe ne permet aucune relation. C’est au contraire une expérience solitaire, elle n’est pas créatrice, c’est une perte de temps. Une femme peut facilement, bien plus facilement qu’elle ne pourrait le penser, se débarrasser de ses pulsions sexuelles et devenir suffisamment cérébrale et décontractée pour se tourner vers des formes de relation et des activités vraiment valables. Mais le mâle libidineux met en chaleur la femelle lascive. Les hommes, qui ont l’air d’en pincer sexuellement pour les femmes et qui passent leur temps à vouloir les exciter, jettent les femmes portées sur la chose dans des transes lubriques et les fourrent dans un piège à con dont peu de femmes arrivent jamais à se sortir.
Le sexe est le refuge des pauvres d’esprit. Et plus une femme est pauvre d’esprit, - plus elle est embourbée dans la « culture » masculine - plus elle est charmante et plus elle est portée sur le sexe. Dans notre société, les femmes charmantes ont le feu au cul. Mais comme elles sont atrocement charmantes, elles ne s’abaissent pas à baiser, tu parles, elles font l’amour, elles communiquent avec leur corps, elles établissent un contact sensuel. Les plus littéraires valsent au rythme d’Éros et s’enfilent l’Univers entier ; • les mystiques se fondent dans le Principe érotique et fusionnent avec le Cosmos, et celles qui marchent à l’acide Vibrent. Les femmes qui sont les moins compromises dans la culture mâle, celles qui ne sont pas charmantes, ces esprits simples et grossiers pour qui baiser n’est que baiser, trop infantiles pour ce monde adulte de grands ensembles, d’intérêts à 14%, de casseroles et de merde de bébé, trop arrogantes pour respecter Papa, les « Grands » ou la profonde sagesse des Anciens, qui ne font confiance qu’à leurs instincts les plus bas, pour qui la seule Culture, c’est le déchaînement des femmes, dont le seul divertissement est de rôder à la recherche d’émotions et d’événements excitants, qui « font des scènes » et offrent le spectacle répugnant, vil, gênant, de salopes acharnées contre ceux qui leur agacent les dents, qui n’hésiteraient pas à planter un couteau dans le ventre d’un type ou à lui enfoncer un pic à glace dans le cul au premier coup d’œil si elles pensaient pouvoir s’en tirer, bref celles qui, selon les critères de notre « culture », sont la lie de la terre, les SCUM [1] sont des filles à l’aise, plutôt cérébrales et tout près d’être asexuées. Débarrassées des convenances, de la gentillesse, de la discrétion, de l’opinion publique, de la « morale », du « respect » des trous-du-cul, toujours surchauffées, pétant le feu, sales et abjectes, les SCUM déferlent… elles ont tout vu - tout le machin, baise et compagnie, suce-bite et suce-con - elles ont été à voile et à vapeur, elles ont fait tous les ports et se sont fait tous les porcs… Il faut avoir pas mal baisé pour devenir anti-baise, et les SCUM sont passées par tout ça, maintenant elles veulent du nouveau ; • elles veulent sortir de la fange, bouger, décoller, sombrer dans les hauteurs. Mais l’heure de SCUM n’est pas encore arrivée. La société nous confine encore dans ses égouts. Mais si rien ne change et si la Bombe ne tombe pas sur tout ça, notre société crèvera d’elle-même.
L’ENNUI •
La vie, dans une société créée par et pour des créatures à la sensibilité plus que limitée, donc profondément ennuyeuses, lorsqu’elles ne sont pas sinistres et déprimantes, ne peut être que profondément ennuyeuse, lorsqu’elle n’est pas sinistre et déprimante.
LE SECRET, LA CENSURE, L’ÉLIMINATION DE LA CONNAISSANCE ET DES IDÉES, LA CHASSE AUX SORCIÈRES •
Enfouie au fond de l’homme, gît la peur hideuse et secrète que l’on découvre qu’il n’est pas une femme, qu’il est un mâle, un être moins qu’humain. Bien que la gentillesse, la politesse et la « dignité » suffisent à le protéger sur le plan personnel, l’homme doit, pour éviter qu’on ne découvre l’imposture générale du sexe masculin, et maintenir ses pouvoirs artificiels sur la société, avoir recours aux procédés suivants :
- 1- La censure. L’homme qui réagit par réflexe à des mots ou à des phrases isolés au lieu de réagir avec son cerveau à des significations globales, essaye d’empêcher l’éveil et la découverte de sa bestialité en censurant non seulement la « pornographie », mais aussi tout ouvrage contenant des mots « sales », quel qu’en soit le contexte.
- 2- L’élimination de toute idée et connaissance risquant de le démasquer ou de menacer sa position dominante dans la société, une vaste documentation biologique et psychologique est mise hors de circulation, car elle révélerait la flagrante infériorité de l’homme par rapport à la femme. De plus, le problème de la maladie mentale ne sera jamais résolu tant que l’homme gardera les rênes du pouvoir pour la bonne raison qu’il y trouve son intérêt : seules des femmes auxquelles il manque pas mal de cases peuvent laisser aux hommes la moindre parcelle de pouvoir, et pour résoudre ce problème il faudrait que l’homme admette le rôle que joue le Père dans l’origine des folies.
- 3- La chasse aux sorcières. Ce qui met l’homme en joie - dans la mesure où cette créature sinistre et constipée est capable d’éprouver de la joie - c’est de dénoncer les autres. Peu importe ce qu’il dénonce, du moment qu’il dénonce et détourne l’attention de sa propre personne. Dénoncer les autres comme agents de l’ennemi (Communistes et Socialistes) est l’un de ses passe-temps favoris : cela lui permet de se disculper, lui, la patrie et l’Occident tout entier. Ce n’est pas dans son cul que grouille la vermine, c’est en Russie.
LA MÉFIANCE •
Dans son incapacité à se mettre à la place des autres, à éprouver de l’affection ou à se dévouer, ne sachant s’extérioriser que pour contempler ses tripes, l’homme, évidemment, ne joue jamais franc-jeu. Lâche comme il l’est, ayant constamment besoin de faire la pute avec les femmes pour gagner leur approbation sans laquelle il n’est rien, toujours sur le qui-vive dans la terreur que sa réalité mâle et animale ne soit étalée au grand jour, ayant constamment besoin de se protéger, l’homme doit mentir en permanence. Dans son néant il ne peut avoir ni honneur ni intégrité - il ne sait pas ce que ces mots signifient. L’homme, en bref, est traître et dans une société mâle le seul comportement valable est le cynisme et la méfiance.
LA LAIDEUR •
Grâce à sa sexualité envahissante, son indigence mentale et esthétique, son matérialisme et sa gloutonnerie, l’homme, non content de nous avoir infligé son « Grand Art », a cru devoir affubler ses villes sans paysage de constructions hideuses (dehors comme dedans) et de décors non moins moches, d’affiches, d’autoroutes, de bagnoles, de camions pleins de merde, et tout particulièrement de sa nauséabonde personne.
LA HAINE ET LA VIOLENCE •
L’homme est rongé sans relâche par l’amertume de n’être pas femme et d’être incapable d’éprouver jamais aucun plaisir ni aucune satisfaction. Il est ravagé de haine, non de cette haine rationnelle que l’on renvoie à ceux qui vous insultent ou abusent de vous, mais d’une haine irrationnelle qui frappe sans discernement, haine, au fond, dirigée contre lui-même.
La violence gratuite « prouve » qu’il est un « Homme », tout en servant d’exutoire à sa haine ; • et puisque l’homme n’a de réactions que sexuelles et qu’il faut des stimulants vraiment puissants pour exciter ce mort-vivant, elle lui procure, sexuellement, un petit frisson.
LA MALADIE ET LA MORT •
Toutes les maladies sont guérissables, et le vieillissement et la mort sont dus à la maladie. Il est donc possible de ne jamais vieillir et de vivre éternellement. En fait, les problèmes de la vieillesse et de la mort pourraient être résolus d’ici quelques années si la science y mettait le paquet. Cette éventualité n’aura cependant pas lieu dans un monde régi par les hommes pour les raisons suivantes :
- 1- De nombreux chercheurs potentiels sont découragés des carrières scientifiques à cause de la rigidité, de l’ennui, de la cherté, des pertes de temps et de la sélection sociale qui caractérisent notre enseignement « supérieur ».
- 2- Les chercheurs en place, dans leur insécurité mâle, protègent jalousement leur poste, et veulent nous faire croire que seule une petite élite est à même d’apprécier les concepts scientifiques abstraits.
- 3- Beaucoup de gens doués, dont la confiance en soi a été minée par l’éducation du Père, renoncent à devenir des savants.
- 4- Le système de l’argent conduit à ces postes les gens les moins créatifs. La plupart des scientifiques sont issus de familles plutôt aisées, où Papa règne en maître.
- 5- L’automation est insuffisante. Nous disposons actuellement de tonnes d’informations qui, utilisées à bon escient, pourraient permettre de guérir le cancer ainsi que d’autres maladies et peut-être nous apporter la clé de la vie. Mais les données à utiliser sont si nombreuses qu’il nous faudrait des ordinateurs ultra-rapides pour les relier. L institution de l’ordinateur sera continuellement retardée dans un système régi par les hommes car ceux-ci ont horreur d’être remplacés par des machines.
- 6- L’homme a une préférence marquée pour les objectifs « virils », la guerre et la mort.
- 7- La finance a un insatiable besoin de nouveaux produits. Les rares savants dont les recherches ne visent pas la destruction et la mort sont ligotés par les intérêts des corporations pour lesquelles ils travaillent : leurs inventions et leurs expériences ne concernent que des marchandises.
- 8- De nombreux savants mâles s’écartent prudemment de la recherche biologique dans leur terreur de découvrir que les hommes sont des femmes plus qu’incomplètes.
***
L’homme, qui est incapable de connaître un bonheur positif, seule justification à l’existence, peut atteindre tout au mieux un état neutre de confort physique qui n’est pas appelé à durer car l’ennui, état négatif, fait rapidement son apparition. Il est donc condamné à une vie de souffrance, soulagée seulement par un assoupissement occasionnel et fugace qu’il ne pourra connaître qu’aux dépens d’une femme. L’homme est par nature une sangsue, un parasite affectif, et aucune raison éthique ne justifie de le laisser vivre et prospérer car personne n’a le droit de vivre aux dépens de quelqu’un d’autre. De même que la vie des humains prime celle des animaux pour la seule raison qu’ils sont plus évolués et doués d’une conscience supérieure, de même la vie des femmes doit primer celle des hommes.
Cependant, cet épilogue moral pourrait bien être purement académique car l’homme travaille à sa propre destruction. En dehors des procédés classiques de la guerre et des émeutes raciales, honorés par l’Histoire, les hommes versent de plus en plus dans la tantouzerie ou se consument dans la drogue. Les femmes, qu’elles le veuillent ou non, prendront bientôt le monde en main, ne serait-ce que parce qu’elles ne pourront faire autrement : les hommes, pour des raisons pratiques, auront disparu du globe. Cette tendance autodestructrice est renforcée par le fait que les hommes commencent à avoir une vision plus éclairée de leurs intérêts. Ils se rendent de mieux en mieux compte que l’intérêt des femmes est leur intérêt, qu’ils ne peuvent vivre que par les femmes, et que plus les femmes seront encouragées à vivre, à se réaliser, à être des femmes et non des hommes, plus ils approcheront eux-mêmes de ce qui ressemble à la vie. Ils entrevoient déjà qu’il est plus facile et plus satisfaisant de vivre à travers elles que d’essayer de devenir elles - usurper leurs qualités et repousser les femmes dans la fosse à purin en déclarant que ce sont des hommes. Le pédé, qui accepte sa nature de mâle, c’est-à-dire sa passivité et sa sexualité envahissante, sa féminité, a également intérêt à ce que les femmes se révèlent véritablement femmes car alors il lui serait plus facile d’être mâle, d’être féminin. Si les hommes étaient raisonnables, ils chercheraient à se changer carrément en femmes, mèneraient des recherches biologiques intensives qui permettraient, au moyen d’opérations sur le cerveau et le système nerveux, de transformer les hommes en femmes, corps et esprit.
La question de savoir s’il faudra continuer à utiliser les femmes pour la reproduction ou si celle-ci se fera en laboratoire est encore un faux problème : que se passera-t-il quand chaque femme, dès l’âge de douze ans, prendra régulièrement la Pilule, et avortera en cas d’accident ? Combien de femmes accepteront-elles délibérément d’être enceintes (ou, en cas d’accident, de le rester) ? Non, Virginia [2], les femmes n’adorent pas couver des ribambelles d’enfants, malgré ce qu’en disent les braves épouses hébétées. Quand toutes les femmes seront conscientes, la réponse sera : aucune. Devrait-on alors obliger un petit nombre de femmes à faire office de lapines pour les besoins de l’espèce ? C’est hors de question, évidemment. La réponse, c’est les laboratoires de reproduction.
Pour ce qui est de reproduire le genre masculin, il ne s’ensuit pas, sous prétexte que les hommes, comme la maladie, ont toujours existé, qu’ils devraient continuer à exister. Quand le contrôle génétique sera possible - et il le sera bientôt - il est évident que nous ne devrons produire que des êtres complets, sans défauts physiques ni déficiences générales telles que la masculinité. De même que la production délibérée d’aveugles serait parfaitement immorale, de même en serait-il pour la production délibérée d’êtres tarés sur le plan affectif.
Et pourquoi reproduire des femmes ? Pourquoi des générations futures ? À quoi serviront-elles ? Quand la vieillesse et la mort seront éliminées, pourquoi se reproduire ? Et même si elles ne sont pas éliminées, pourquoi se reproduire ? Qu’est-ce que cela peut bien nous faire ce qui arrivera quand nous serons morts ? Qu’est-ce que cela peut bien nous faire qu’il y ait ou non une nouvelle génération pour nous succéder ?
Le cours naturel des événements, de l’évolution sociale, aboutira au contrôle total des femmes sur le monde. Il s’ensuit qu’elles cesseront de reproduire des hommes et pour finir elles cesseront de reproduire des femmes.
Mais SCUM est impatiente. SCUM ne se laisse pas consoler par la perspective des générations futures. SCUM veut prendre son pied tout de suite. Et si une grande majorité de femmes étaient SCUM, elles parviendraient en quelques semaines aux commandes du pays en refusant de travailler, c’est-à-dire en paralysant la nation entière. Elles pourraient y ajouter d’autres mesures, dont chacune serait suffisante pour bouleverser l’économie et le reste, comme de rompre avec le système de l’argent, dévaliser les magasins au lieu d’acheter, et refuser d’obéir aux lois chaque fois que ça leur chante. La Police, la Garde Nationale et l’Armée réunies ne pourraient réprimer la rébellion de plus de la moitié de la population, surtout s’il s’agit des femmes, sans lesquelles ils se retrouveraient complètement désemparés. Si toutes les femmes laissaient tomber les hommes, tout simplement, le gouvernement et l’économie nationale s’effondreraient. Même sans les laisser tomber, les femmes, une fois conscientes de l’étendue de leur supériorité et de leur pouvoir sur les hommes, pourraient devenir maîtresses de tout en quelques semaines et parvenir à l’assujettissement total des hommes. Dans une société saine, l’homme trottinerait docilement derrière la femme. L’homme est un être obéissant, il se plie facilement au joug de toute femme qui veut bien essayer de le dominer. Les hommes, en fait, désirent désespérément se soumettre aux femmes, être sous la conduite de leur Mamma et s’abandonner à ses soins. Mais cette société n’est pas saine et la plupart des femmes n’ont pas la plus faible idée de ce qu’est le véritable rapport des forces.
Le conflit ne se situe donc pas entre les hommes et les femmes, mais entre les SCUM - les femmes dominatrices, à l’aise, sûres d’elles, méchantes, violentes, égoïstes, indépendantes, fières, aventureuses, sans gêne, arrogantes, qui se considèrent aptes à gouverner l’univers, qui ont bourlingué jusqu’aux limites de cette société et sont prêtes à se déchaîner bien au-delà, et les Filles à son Papa, gentilles, passives, consentantes, « cultivées », subjuguées, dépendantes, apeurées, ternes, angoissées, avides d’approbation, déconcertées par l’inconnu, qui préfèrent croupir dans le purin (là au moins le paysage est familier), s’accrocher aux singes, sentir Papa derrière et se reposer sur ses gros biceps, qui ont besoin de voir une grosse face poilue à la Maison Blanche, trop lâches pour regarder en face l’hideuse réalité de l’homme, de Papa, qui ont établi leurs quartiers une fois pour toutes dans l’auge à cochons, se sont adaptées à l’animalité qu’on attend d’elles, y trouvent un confort superficiel et ne connaissent pas d’autre mode de vie, ont rabaissé leur esprit, leurs pensées et leurs perceptions au niveau du mâle ; • qui, dépourvues de jugement, d’imagination et d’humour, ne peuvent gagner la considération que dans une société masculine, qui ne peuvent se faire une place au soleil, ou plutôt dans le fumier, que comme pondeuses et repos du guerrier, compresses d’ego et tétines roboratives ; • qui sont négligées par les autres femmes, qui projettent leurs tares, leur masculinité, sur toutes les femmes et considèrent les femmes comme des vers de terre.
Mais SCUM est trop impatiente pour espérer et attendre la prise de conscience de millions de trous-du-cul. Pourquoi les trépidantes, les scories bouillonnantes continueraient-elles à se traîner misérablement au milieu de toutes ces sinistres mec-femmes ? Pourquoi le destin des grisantes devrait-il croiser celui des grisâtres ? Pourquoi les actives et les imaginatives devraient-elles tenir compte des passives et des médiocres ? Pourquoi les indépendantes devraient-elles patauger dans la morve avec les crampons à Papa ? Il n’y a aucune raison.
En baisant le système à tout bout de champ, en détruisant la propriété de façon sélective et en assassinant, une poignée de SCUM peut prendre le contrôle du pays en l’espace d’un an.
SCUM sera la grande force bousi-baisante, la force du dé-travail. Les SCUM choisiront toutes sortes de professions et dé-travailleront. Par exemple, les vendeuses et les standardistes SCUM ne feront pas payer. Les employées de bureau et les ouvrières SCUM, tout en sabotant le travail, détruiront secrètement le matériel. Les filles SCUM dé-travailleront systématiquement jusqu’à ce qu’elles se fassent renvoyer, puis chercheront un nouvel emploi à bousiller.
SCUM prendra d’assaut les autobus, les taxis et les services de distribution de tickets, conduira les autobus et les taxis et donnera gratuitement les tickets.
SCUM détruira tous les objets inutiles et nocifs tels que les voitures, les vitrines, le « Grand Art », etc.
Ensuite SCUM s’emparera des antennes de la radio et de la télévision, et s’empressera de soulager de leur besogne tous les employés qui s’opposeraient à l’entrée de SCUM dans les studios.
SCUM exterminera tous les hommes qui ne feront pas partie de l’Auxiliaire Masculin de SCUM. Font partie de l’Auxiliaire Masculin les hommes qui s’emploient méthodiquement à leur propre élimination, les hommes qui pratiquent le bien, quels que soient leurs motifs, et entrent dans le jeu de SCUM. Exemples de ce qu’on peut trouver dans l’Auxiliaire Masculin de SCUM :
- les hommes qui en tuent d’autres ; • •
- les chercheurs en biologie qui travaillent à des recherches constructives (au lieu de préparer la guerre biologique) ; • •
- les écrivains, les rédacteurs en chef les éditeurs et les producteurs qui répandent et favorisent les idées susceptibles de servir les buts de SCUM ; • •
- les travelos qui par leur exemple magnifique encouragent les autres hommes à se démasculiniser et à se rendre ainsi relativement inoffensifs ; • •
- les hommes qui prodiguent généreusement l’argent et tous services gratuits ; • •
- les hommes qui disent ce qui est (jusqu’à présent il n’y en a pas eu un seul) et ont une attitude juste avec les femmes, qui révèlent la vérité sur eux-mêmes, donnent aux écervelées des phrases correctes à répéter et leur disent que le but premier d’une femme devrait être d’écraser le sexe masculin (pour aider les hommes dans cette tâche, SCUM organisera des Sessions Merdiques au cours desquelles chaque homme présent fera un discours commençant par la phrase : « Je suis une merde, une merde minable et abjecte », à la suite de quoi il fera une longue liste des différents aspects de sa merdicité. En récompense, il pourra fraterniser une heure entière avec les membres de SCUM à la fin de la session. On invitera aux sessions les femmes gentilles et proprettes afin d’éclaircir avec elles tous les doutes et malentendus qui subsistent à propos du sexe masculin) ; • •
- les fabricants de bouquins pornos, de films suédois, etc., qui nous rapprochent du jour où on ne verra plus sur l’écran que Baise et Sucerie (les hommes, comme les rats accourant aux sons de la flûte enchantée, seront menés à leur perdition par les charmes trompeurs de La Chatte, et dépassés, submergés, ils sombreront finalement dans la chair passive qu’ils ont toujours été) ; • ceux qui incitent à la drogue et précipitent la déchéance masculine.
Faire le bien est une condition nécessaire mais non suffisante pour faire partie de l’Auxiliaire Masculin de SCUM. Pour sauver leurs mornes culs, les hommes doivent aussi éviter de faire le mal. Parmi les hommes les plus odieux ou les plus nuisibles, on compte :
- ceux qui violent ; •
- les politiciens et toute leur clique ; •
- les chanteurs, compositeurs et, musiciens gnangnan ; •
- les P.D.G. ; •
- les Chefs de famille et honnêtes travailleurs ; •
- les proprios ; •
- les possesseurs de cuillers graisseuses, de restaurants et de boutiques à musique d’ambiance ; •
- les « Grands Artistes » ; •
- les joueurs qui jouent petit ; •
- les flics qui alpaguent, les procureurs qui accusent et les juges qui collent des années à tous ceux qui violent les lois antidrogue et antijeu, aux prostituées, aux fauteurs de pornographie et à ceux qui commettent des crimes contre les entreprises ; •
- les magnats ; •
- les savants dont les recherches visent la mort ou la destruction ou qui travaillent pour l’industrie privée ; •
- les menteurs et les bidons ; •
- les agents immobiliers ; •
- les agents de change ; •
- les hommes qui parlent pour ne rien dire ; •
- les pollueurs de voie publique ; •
- les plagiaires ; •
- les hommes qui font un tant soit peu de mal aux femmes ; •
- tous les requins de la publicité ; •
- les psychiatres et les psy ; •
- les hommes qui s’imaginent avoir droit à la compagnie des inconnues qu’ils rencontrent ; •
- les censeurs publics et privés ; •
- toute l’armée, y compris les appelés.
Si un homme peut être classé à la fois dans les catégories bien et mal, l’ensemble de sa conduite sera examiné de façon toute subjective pour déterminer de quel côté penche la balance.
Il est assez tentant de mettre dans le même sac que les hommes, les « Grands Artistes » et les faux jetons de sexe féminin, mais ce serait gênant car la plupart des gens ne comprendraient pas clairement que les femmes liquidées sont des mecs.
Laisser tout tomber et vivre en marge n’est plus la solution. Baiser le système, oui. La plupart des femmes vivent déjà en marge, elles n’ont jamais été intégrées. Vivre en marge, c’est laisser le champ libre à ceux qui restent ; • c’est exactement ce que veulent les dirigeants ; • c’est faire le jeu de l’ennemi ; • c’est renforcer le système au lieu de le saper car il mise sur l’inaction, la passivité, l’apathie et le retrait de la masse des femmes. C’est, en revanche, une excellente solution pour les hommes et SCUM les y encouragera vivement.
Chercher le salut en soi, contempler son nombril, comme voudraient nous le faire croire les partisans du Grand Lâchage, n’est pas la solution. Le bonheur réside en dehors de soi, dans les relations avec les autres. Notre but devrait être le débordement et non l’auto-contemplation. L’homme, qui n’est capable que de cette dernière éventualité, fait d’un vice fondamental une vertu et l’élève au rang du Bien Philosophique, ce qui le fait passer pour profond.
SCUM n’a rien à faire de banderoles, de défilés ou de grèves pour réaliser ses desseins. De telles tactiques sont bonnes pour les dames comme il faut, qui choisissent soigneusement les moyens les plus sûrs d’être inefficaces. D’ailleurs, seules des femmes-mec du genre convenable, élevées pour se fondre dans l’espèce, peuvent rechercher les mouvements de foule. SCUM se constitue d’individus. SCUM n’est pas un gros tas. Les actions de SCUM ne seront menées que par le nombre strictement nécessaire. De plus, SCUM, qui est égoïste et garde la tête froide, n’ira pas se jeter sous les matraques des flics ; • c’est bon pour les fifilles bien élevées qui tiennent en haute estime Papa et les policiers et manifestent une foi touchante en leur bonté intrinsèque. Si SCUM défile un jour, ce sera sur la face stupide et répugnante du Président. Et en fait de piquets de grève, ce seront de longs couteaux que SCUM plantera dans la nuit.
Les agissements de SCUM seront criminels. Il ne s’agira pas de simple désobéissance civile, de violer ouvertement la loi pour aller en prison et attirer l’attention sur l’injustice. Cette tactique suppose l’acceptation globale du système et n’est utilisée que pour le modifier légèrement, pour changer certaines lois précises. SCUM se dresse contre le système tout entier, contre l’idée même de lois et de gouvernement. Ce que SCUM veut, c’est démolir le système et non obtenir certains droits à l’intérieur du système. D’ailleurs, SCUM - qui garde la tête froide, qui est avant tout égoïste - évitera toujours de se faire prendre et de se faire condamner. SCUM agira par en dessous, furtivement et sournoisement (mais les meurtres de SCUM seront toujours connus en tant que tels).
Meurtres et destructions seront réalisés avec discernement, de façon sélective. SCUM est contre ces soulèvements confus et hystériques, sans objectif précis, qui sont souvent fatals à ceux de votre propre camp. SCUM n’encouragera jamais les émeutes ni aucune de ces formes de destruction aveugle, et elle n’y participera pas. SCUM traquera sa proie froidement, dans l’ombre, et tuera avec le plus grand calme. Ses entreprises de destruction n’auront jamais pour conséquence de bloquer les routes nécessaires au transport de nourriture ou autres produits vitaux, de contaminer l’eau ou d’en empêcher l’accès, de gêner la circulation des ambulances ou d’entraver le bon fonctionnement des hôpitaux.
SCUM continuera à détruire, piller, saboter et tuer jusqu’à ce que le système basé sur l’argent et le travail se soit effondré et que l’automation soit instituée à tous les niveaux, ou jusqu’à ce qu’un nombre suffisant de femmes alliées à SCUM permette d’atteindre ces buts sans recourir à la violence, en laissant tomber le travail ou en le sabotant, en quittant les hommes et en refusant d’obéir à toute loi inappropriée à une société véritablement civilisée. Beaucoup de femmes se rangeront à ces vues, mais beaucoup d’autres (qui se sont depuis longtemps rendues à l’ennemi, qui se sont si bien adaptées à l’animalité, la mâlitude, qu’elles ont pris goût à la répression et aux contraintes et qu’elles ne sauraient plus que faire de leur liberté), continueront à jouer les lèche-cul et les paillassons, tout comme les paysans des rizières restent les paysans des rizières tandis que les régimes se succèdent. Les plus étourdies pleurnicheront et bouderont, jetteront leurs jouets et leurs torchons par terre, mais SCUM passera, imperturbable, le rouleau compresseur.
Il est facile de parvenir rapidement à une société entièrement automatisée, à partir du moment où la demande est générale. Les plans existent déjà, et si des millions de gens y travaillent, la construction ne prendra que quelques semaines. Malgré la suppression de l’argent, tout le monde sera ravi de mettre la main à la pâte et de participer à la construction d’une société automatisée. Cela marquera le début d’une ère nouvelle et fantastique, et son édification se fera dans une atmosphère de fête.
La suppression de l’argent et l’automation généralisée sont la base de toutes les autres réformes de SCUM qui seraient impossibles sans elles, mais qui pourront être réalisées sans tarder à partir de ces préliminaires. Le gouvernement s’effondrera automatiquement. Grâce à l’automation généralisée, il sera possible à tout le monde de voter directement depuis chez soi en se servant d’une machine à vote électronique. Mais comme le gouvernement ne s’occupe pratiquement que d’organiser les finances et d’édicter des lois visant à faire ingérence dans la vie privée, la suppression de l’argent, et avec elle l’élimination des mâles qui réglementent la « morale », ne laisseront plus guère de raisons de voter.
Une fois la finance foutue en l’air, il ne sera plus nécessaire de tuer les hommes. Ils seront démunis du seul pouvoir qu’ils peuvent avoir sur des femmes psychologiquement indépendantes. Ils ne pourront plus s’imposer qu’aux paillassons, qui adorent ça. Les autres femmes s’activeront à résoudre les quelques problèmes restants, avant de mettre au programme l’éternité et l’Utopie. L’enseignement sera tout autre chose et des millions de gens pourront en quelques mois parvenir à un niveau intellectuel qui exige actuellement des années d’études (il est très facile de réaliser ce but à partir du moment où l’objectif de l’enseignement est d’instruire et non de perpétuer une élite académique et intellectuelle). Elles résoudront les problèmes de la maladie, de la vieillesse et de la mort et réinventeront complètement les villes et l’habitat. Beaucoup de femmes continueront à s’imaginer pendant un certain temps qu’elles en pincent pour les hommes, mais au fur et à mesure qu’elles s’habitueront à une société féminine et qu’elles seront accaparées par leurs projets, la lumière se fera en elles et elles verront clairement à quel point l’homme est inutile et banal.
Les quelques hommes qui resteront sur la planète auront tout le loisir de traîner leurs vieux jours chétifs. Ils pourront se défoncer ou frimer en travelo ou regarder agir les puissantes femmes en spectateurs passifs, essayant de vivre par procuration (un procédé électronique leur permettra de se brancher sur la femme de leur choix et de suivre en détail ses moindres mouvements. Les femmes y consentiront avec obligeance car cela ne leur fera pas le moindre mal et sera une façon particulièrement humaine et généreuse de venir en aide à leurs malheureux compagnons handicapés), ou bien ils procréeront dans les pâturages avec leurs paillassons, ou encore ils pourront se présenter au centre de suicide le plus proche, amical et accueillant, où ils seront passés au gaz en douceur, rapidement et sans douleur.
Avant que l’automation ne soit généralement instaurée, avant que les hommes ne soient remplacés par des machines, il faudra qu’ils se rendent utiles. Ils devront attendre les ordres des femmes, obéir à leurs moindres caprices, répondre à toutes leurs exigences, leur être totalement soumis et n’exister que par leur volonté, au lieu de cette situation complètement dégénérée et pervertie où les hommes non seulement existent et encombrent le monde de leur ignominieuse présence, mais en plus se font lécher le cul par la masse des femmes qui se prosternent devant eux, millions de femmes adorant le veau d’or. Et nous voyons le chien tirer son maître par la laisse alors que la seule position acceptable pour l’homme, celle où il est le moins misérable, sauf lorsqu’il choisit d’être travesti, est d’être couché aux pieds de la femme, reconnu dans sa chiennerie : cela n’exige pas de lui ce dont il est émotionnellement incapable ; • les femmes, êtres complets, s’occupent du reste.
Les hommes irrationnels, les malades, ceux qui essaient de nier leur sous-humanité, en voyant les SCUM arriver sur eux comme une lame de fond, hurleront de terreur et s’agripperont aux Gros Lolos tremblotants de Grosse Mamma, mais les lolos ne les protégeront plus contre SCUM et Grosse Mamma s’accrochera à Gros Père qui sera recroquevillé dans un coin et chiera dans son slip dynam. Les hommes rationnels, eux, ne se débattront pas, ils ne lanceront pas de ruades, ne provoqueront pas de brouhaha pénible, ils resteront sagement assis, détendus, ils profiteront du spectacle et se laisseront dériver jusqu’à leur destin fatal.
Valérie Solanas
P.S.
Valérie Solanas vivante

295
manifestos/1984_A_Cyborg_Manifesto_[EN].txt

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A Cyborg Manifesto •
faculty.georgetown.edu/irvinem/theory/Haraway-CyborgManifesto.html •
Donna Haraway •
1984 •
Donna Haraway, "A Cyborg Manifesto: Science, Technology, and Socialist-Feminism in the
Late Twentieth Century," in Simians, Cyborgs and Women: The Reinvention of Nature
(New York; Routledge, 1991), pp.49-181.
AN IRONIC DREAM OF A COMMON LANGUAGE FOR WOMEN IN THE INTEGRATED CIRCUIT •
This chapter is an effort to build an ironic political myth faithful to feminism, socialism, and materialism. Perhaps more faithful as blasphemy is faithful, than as reverent worship and identification. Blasphemy has always seemed to require taking things very seriously. I know no better stance to adopt from within the secular-religious, evangelical traditions of United States politics, including the politics of socialist feminism. Blasphemy protects one from the moral majority within, while still insisting on the need for community. Blasphemy is not apostasy. Irony is about contradictions that do not resolve into larger wholes, even dialectically, about the tension of holding incompatible things together because both or all are necessary and true. Irony is about humour and serious play. It is also a rhetorical strategy and a political method, one I would like to see more honoured within socialistfeminism. At the centre of my ironic faith, my blasphemy, is the image of the cyborg. A cyborg is a cybernetic organism, a hybrid of machine and organism, a creature of social reality as well as a creature of fiction. Social reality is lived social relations, our most important political construction, a world-changing fiction. The international women's movements have constructed 'women's experience', as well as uncovered or discovered this crucial collective object. This experience is a fiction and fact of the most crucial, political kind. Liberation rests on the construction of the consciousness, the imaginative apprehension, of oppression, and so of possibility. The cyborg is a matter of fiction and lived experience that changes what counts as women's experience in the late twentieth century. This is a struggle over life and death, but the boundary between science fiction and social reality is an optical illusion.
Contemporary science fiction is full of cyborgs - creatures simultaneously animal and machine, who populate worlds ambiguously natural and crafted.
Modern medicine is also full of cyborgs, of couplings between organism and machine, each conceived as coded devices, in an intimacy and with a power that was not generated in the history of sexuality. Cyborg 'sex' restores some of the lovely replicative baroque of ferns and invertebrates (such nice organic prophylactics against heterosexism). Cyborg replication is uncoupled from organic reproduction. Modern production seems like a dream of cyborg colonization work, a dream that makes the nightmare of Taylorism seem idyllic. And modern war is a cyborg orgy, coded by C3I, command-control-communication intelligence, an $84 billion item in 1984'sUS defence budget. I am making an argument for the cyborg as a fiction mapping our social and bodily reality and as an imaginative resource suggesting some very fruitful couplings. Michael Foucault's biopolitics is a flaccid premonition of cyborg politics, a very open field.
By the late twentieth century, our time, a mythic time, we are all chimeras, theorized and fabricated hybrids of machine and organism; in short, we are cyborgs. Ths cyborg is our ontology; it gives us our politics. The cyborg is a condensed image of both imagination and material reality, the two joined centres structuring any possibility of historical transformation. In the traditions of 'Western' science and politics--the tradition of racist, male-dominant capitalism; the tradition of progress; the tradition of the appropriation of nature as resource for the productions of culture; the tradition of reproduction of the self from the reflections of the other - the relation between organism and machine has been a border war. The stakes in the border war have been the territories of production, reproduction, and imagination. This chapter is an argument for pleasure in the confusion of boundaries and for responsibility in their construction. It is also an effort to contribute to socialist-feminist culture and theory in a postmodernist, non-naturalist mode and in the utopian tradition of imagining a world without gender, which is perhaps a world without genesis, but maybe also a world without end. The cyborg incarnation is outside salvation history. Nor does it mark time on an oedipal calendar, attempting to heal the terrible cleavages of gender in an oral symbiotic utopia or post-oedipal apocalypse. As Zoe Sofoulis argues in her unpublished manuscript on Jacques Lacan, Melanie Klein, and nuclear culture, Lacklein, the most terrible and perhaps the most promising monsters in cyborg worlds are embodied in non-oedipal narratives with a different logic of repression, which we need to understand for our survival.
The cyborg is a creature in a post-gender world; it has no truck with bisexuality, pre-oedipal symbiosis, unalienated labour, or other seductions to organic wholeness through a final appropriation of all the powers of the parts into a higher unity. In a sense, the cyborg has no origin story in the Western sense - a 'final' irony since the cyborg is also the awful apocalyptic telos of the 'West's' escalating dominations of abstract individuation, an ultimate self untied at last from all dependency, a man in space. An origin story in the 'Western', humanist sense depends on the myth of original unity, fullness, bliss and terror, represented by the phallic mother from whom all humans must separate, the task of individual development and of history, the twin potent myths inscribed most powerfully for us in psychoanalysis and Marxism. Hilary Klein has argued that both Marxism and psychoanalysis, in their concepts of labour and of individuation and gender formation, depend on the plot of original unity out of which difference must be produced and enlisted in a drama of escalating domination of woman/nature. The cyborg skips the step of original unity, of identification with nature in the Western sense. This is its illegitimate promise that might lead to subversion of its teleology as star wars.
The cyborg is resolutely committed to partiality, irony, intimacy, and perversity. It is oppositional, utopian, and completely without innocence. No longer structured by the polarity of public and private, the cyborg defines a technological polls based partly on a revolution of social relations in the oikos, the household. Nature and culture are reworked; the one can no longer be the resource for appropriation or incorporation by the other. The relationships for forming wholes from parts, including those of polarity and hierarchical domination, are at issue in the cyborg world. Unlike the hopes of Frankenstein's monster, the cyborg does not expect its father to save it through a restoration of the garden; that is, through the fabrication of a heterosexual mate, through its completion in a finished whole, a city and cosmos. The cyborg does not dream of community on the model of the organic family, this time without the oedipal project. The cyborg would not recognize the Garden of Eden; it is not made of mud and cannot dream of returning to dust. Perhaps that is why I want to see if cyborgs can subvert the apocalypse of returning to nuclear dust in the manic compulsion to name the Enemy. Cyborgs are not reverent; they do not re-member the cosmos. They are wary of holism, but needy for connection- they seem to have a natural feel for united front politics, but without the vanguard party. The main trouble with cyborgs, of course, is that they are the illegitimate offspring of militarism and patriarchal capitalism, not to mention state socialism. But illegitimate offspring are often exceedingly unfaithful to their origins. Their fathers, after all, are inessential.
I will return to the science fiction of cyborgs at the end of this chapter, but now I want to signal three crucial boundary breakdowns that make the following political-fictional (political-scientific) analysis possible. By the late twentieth century in United States scientific culture, the boundary between human and animal is thoroughly breached. The last beachheads of uniqueness have been polluted if not turned into amusement parks-language tool use, social behaviour, mental events, nothing really convincingly settles the separation of human and animal. And many people no longer feel the need for such a separation; indeed, many branches of feminist culture affirm the pleasure of connection of human and other living creatures. Movements for animal rights are not irrational denials of human uniqueness; they are a clear-sighted recognition of connection across the discredited breach of nature and culture. Biology and evolutionary theory over the last two centuries have simultaneously produced modern organisms as objects of knowledge and reduced the line between humans and animals to a faint trace re-etched in ideological struggle or professional disputes between life and social science. Within this framework, teaching modern Christian creationism should be fought as a form of child abuse.
Biological-determinist ideology is only one position opened up in scientific culture for arguing the meanings of human animality. There is much room for radical political people to contest the meanings of the breached boundary. The cyborg appears in myth precisely where the boundary between human and animal is transgressed. Far from signalling a walling off of people from other living beings, cyborgs signal distrurbingly and pleasurably tight coupling. Bestiality has a new status in this cycle of marriage exchange.
The second leaky distinction is between animal-human (organism) and machine. Precybernetic machines could be haunted; there was always the spectre of the ghost in the machine. This dualism structured the dialogue between materialism and idealism that was settled by a dialectical progeny, called spirit or history, according to taste. But basically machines were not self-moving, self-designing, autonomous. They could not achieve man's dream, only mock it. They were not man, an author to himself, but only a caricature of that masculinist reproductive dream. To think they were otherwise was paranoid. Now we are not so sure. Late twentieth-century machines have made thoroughly ambiguous the difference between natural and artificial, mind and body, self-developing and externally designed, and many other distinctions that used to apply to organisms and machines. Our machines are disturbingly lively, and we ourselves frighteningly inert.
Technological determination is only one ideological space opened up by the reconceptions of machine and organism as coded texts through which we engage in the play of writing and reading the world. 'Textualization' of everything in poststructuralist, postmodernist theory has been damned by Marxists and socialist feminists for its utopian disregard for the lived relations of domination that ground the 'play' of arbitrary reading. It is certainly true that postmodernist strategies, like my cyborg myth, subvert myriad organic wholes (for example, the poem, the primitive culture, the biological organism). In short, the certainty of what counts as nature -- a source of insight and promise of innocence -- is undermined, probably fatally. The transcendent authorization of interpretation is lost, and with it the ontology grounding 'Western' epistemology. But the alternative is not cynicism or faithlessness, that is, some version of abstract existence, like the accounts of technological determinism destroying 'man' by the 'machine' or 'meaningful political action' by the 'text'. Who cyborgs will be is a radical question; the answers are a matter of survival. Both chimpanzees and artefacts have politics, so why shouldn't we (de Waal, 1982; Winner, 1980)?
The third distinction is a subset of the second: the boundary between physical and nonphysical is very imprecise for us. Pop physics books on the consequences of quantum theory and the indeterminacy principle are a kind of popular scientific equivalent to Harlequin romances* as a marker of radical change in American white heterosexuality: they get it wrong, but they are on the right subject. Modern machines are quintessentially microelectronic devices: they are everywhere and they are invisible. Modern machinery is an irreverent upstart god, mocking the Father's ubiquity and spirituality. The silicon chip is a surface for writing; it is etched in molecular scales disturbed only by atomic noise, the ultimate interference for nuclear scores. Writing, power, and technology are old partners in Western stories of the origin of civilization, but miniaturization has changed our experience of mechanism. Miniaturization has turned out to be about power; small is not so much beautiful as pre-eminently dangerous, as in cruise missiles. Contrast the TV sets of the 1950s or the news cameras of the 1970s with the TV wrist bands or hand-sized video cameras now advertised. Our best machines are made of sunshine; they are all light and clean because they are nothing but signals, electromagnetic waves, a section of a spectrum, and these machines are eminently portable, mobile -- a matter of immense human pain in Detroit and Singapore. People are nowhere near so fluid, being both material and opaque. Cyborgs are ether, quintessence.
*The US equivalent of Mills & Boon.
The ubiquity and invisibility of cyborgs is precisely why these sunshine-belt machines are so deadly. They are as hard to see politically as materially. They are about consciousness or its simulation. They are floating signifiers moving in pickup trucks across Europe, blocked more effectively by the witch-weavings of the displaced and so unnatural Greenham women, who read the cyborg webs of power so very well, than by the militant labour of older masculinist politics, whose natural constituency needs defence jobs. Ultimately the 'hardest' science is about the realm of greatest boundary confusion, the realm of pure number, pure spirit, C3I, cryptography, and the preservation of potent secrets.
The new machines are so clean and light. Their engineers are sun-worshippers mediating a new scientific revolution associated with the night dream of post-industrial society. The diseases evoked by these clean machines are 'no more' than the minuscule coding changes of an antigen in the immune system, 'no more' than the experience of stress. The nimble fingers of 'Oriental'women, the old fascination of little Anglo-Saxon Victorian girls with doll's houses, women's enforced attention to the small take on quite new dimensions in this world. There might be a cyborg Alice taking account of these new dimensions. Ironically, it might be the unnatural cyborg women making chips in Asia and spiral dancing in Santa Rita jail* whose constructed unities will guide effective oppositional strategies.
So my cyborg myth is about transgressed boundaries, potent fusions, and dangerous possibilities which progressive people might explore as one part of needed political work. One of my premises is that most American socialists and feminists see deepened dualisms of mind and body, animal and machine, idealism and materialism in the social practices, symbolic formulations, and physical artefacts associated with 'high technology' and scientific culture. From One-DimensionalMan (Marcuse, 1964) to The Death of Nature (Merchant, 1980), the analytic resources developed by progressives have insisted on the necessary domination of technics and recalled us to an imagined organic body to integrate our resistance. Another of my premises is that the need for unity of people trying to resist world-wide intensification of domination has never been more acute. But a slightly perverse shift of perspective might better enable us to contest for meanings, as well as for other forms of power and pleasure in technologically mediated societies.
From one perspective, a cyborg world is about the final imposition of a grid of control on the planet, about the final abstraction embodied in a Star Wars apocalypse waged in the name of defence, about the final appropriation of women's bodies in a masculinist orgy of war (Sofia, 1984). From another perspective, a cyborg world might be about lived social and bodily realities in which people are not afraid of their joint kinship with animals and machines, not afraid of permanently partial identities and contradictory standpoints. The political struggle is to see from both perspectives at once because each reveals both dominations and possibilities unimaginable from the other vantage point. Single vision produces worse illusions than double vision or many-headed monsters. Cyborg unities are monstrous and illegitimate; in our present political circumstances, we could hardly hope for more potent myths for resistance and recoupling. I like to imagine LAG, the Livermore Action Group, as a kind of cyborg society, dedicated to realistically converting the laboratories that most fiercely embody and spew out the tools of technological apocalypse, and committed to building a political form that acutally manages to hold together witches, engineers, elders, perverts, Christians, mothers, and Leninists long enough to disarm the state. Fission Impossible is the name of the affinity group in my town.(Affinity: related not by blood but by choice, the appeal of one chemical nuclear group for another, avidiy.)6
* A practice at once both spiritual and political that linked guards and arrested anti-nuclear demonstrators in the Alameda County jail in California in the early 1985.
FRACTURED IDENTITIES It has become difficult to name one's feminism by a single adjective -- or even to insist in every circumstance upon the noun. Consciousness of exclusion through naming is acute. Identities seem contradictory, partial, and strategic. With the hard-won recognition of their social and historical constitution, gender, race, and class cannot provide the basis for belief in 'essential' unity. There is nothing about teeing 'female' that naturally binds women. There is not even such a state as 'being' female, itself a highly complex category constructed in contested sexual scientific discourses and other social practices. Gender, race, or class consciousness is an achievement forced on us by the terrible historica experience of the contradictory social realities of patriarchy, colonialism, and capitalism. And who counts as 'us' in my own rhetoric? Which identities are available to ground such a potent political myth called 'us', and what could motivate enlistment in this collectivity? Painful fragmentation among feminists (not to mention among women) along every possible fault line has made the concept of woman elusive, an excuse for the matrix of women's dominations of each other. For me - and for many who share a similar historical location in white, professional middle-class, female, radical, North American, mid-adult bodies - the sources of a crisis in political identity are legion. The recent history for much of the US left and US feminism has been a response to this kind of crisis by endless splitting and searches for a new essential unity. But there has also been a growing recognition of another response through coalition - affinity, not identity.
Chela Sandoval (n.d., 1984), from a consideration of specific historical moments in the formation of the new political voice called women of colour, has theorized a hopeful model of political identity called 'oppositional consciousness', born of the skills for reading webs of power by those refused stable membership in the social categories of race, sex, or class. 'Women of color', a name contested at its origins by those whom it would incorporate, as well as a historical consciousness marking systematic breakdown of all the signs of Man in 'Western' traditions, constructs a kind of postmodernist identity out of otherness, difference, and specificity. This postmodernist identity is fully political, whatever might be said abut other possible postmodernisms. Sandoval's oppositional consciousness is about contradic156 tory locations and heterochronic calendars, not about relativisms and pluralisms. Sandoval emphasizes the lack of any essential criterion for identifying who is a woman of colour. She notes that the definition of the group has been by conscious appropriation of negation. For example, a Chicana or US black woman has not been able to speak as a woman or as a black person or as a Chicano. Thus, she was at the bottom of a cascade of negative identities, left out of even the privileged oppressed authorial categories called 'women and blacks', who claimed to make the important revolutions. The category 'woman'negated all non-white women; 'black' negated all non-black people, as well as all black women. But there was also no 'she', no singularity, but a sea of differences among US women who have affirmed their historical identity as US women of colour. This identity marks out a self-consciously constructed space that cannot affirm the capacity to act on the basis of natural identification, but only on the basis of conscious coalition, of affinity, of political kinship. Unlike the 'woman' of some streams of the white women's movement in the United States, there is no naturalization of the matrix, or at least this is what Sandoval argues is uniquely available through the power of oppositional consciousness. Sandoval's argument has to be seen as one potent formulation for feminists out of the world-wide development of anti-colonialist discourse; that is to say, discourse dissolving the 'West' and its highest product - the one who is not animal, barbarian, or woman; man, that is, the author of a cosmos called history. As orientalism is deconstructed politically and semiotically, the identities of the occident destabilize, including those of feminists. Sandoval argues that 'women of colour' have a chance to build an effective unity that does not replicate the imperializing, totalizing revolutionary subjects of previous Marxisms and feminisms which had not faced the consequences of the disorderly polyphony emerging from decolonization.
Katie King has emphasized the limits of identification and the political/ poetic mechanics of identification built into reading 'the poem', that generative core of cultural feminism. King criticizes the persistent tendency among contemporary feminists from different 'moments' or 'conversations' in feminist practice to taxonomize the women's movement to make one's own political tendencies appear to be the telos of the whole. These taxonomies tend to remake feminist history so that it appears to be an ideological struggle among coherent types persisting over time, especially those typical units called radical, liberal, and socialistfeminism. Literally, all other feminisms are either incorporated or marginalized, usually by building an explicit ontology and epistemology. Taxonomies of feminism produce epistemologies to police deviation from official women's experience. And of course, 'women's culture', like women of colour, is consciously created by mechanisms inducing affinity. The rituals of poetry, music, and certain forms of academic practice have been pre-eminent. The politics of race and culture in the US women's movements are intimately interwoven. The common achievement of King and Sandoval is learning how to craft a poetic/political unity without relying on a logic of appropriation, incorporation, and taxonomic identification.
The theoretical and practical struggle against unity-through-domination or unity-through in corporation ironically not only undermines the justifica-tions for patriarchy, colonialism, humanism, positivism, essentialism, scient-ism, and other unlamented -isms, but all claims for an organic or natural standpoint. I think that radical and socialist/Marxist-feminisms have also undermined their/our own epistemological strategies and that this is a crucially valuable step in imagining possible unities. It remains to be seen whether all 'epistemologies' as Western political people have known them fail us in the task to build effective affinities. It is important to note that the effort to construct revolutionary stand-points, epistemologies as achievements of people committed to changing the world, has been part of the process showing the limits of identification. The acid tools of postmodernist theory and the constructive tools of ontological discourse about revolutionary subjects might be seen as ironic allies in dissolving Western selves in the interests of survival. We are excruciatingly conscious of what it means to have a historically constituted body. But with the loss of innocence in our origin, there is no expulsion from the Garden either. Our politics lose the indulgence of guilt with the naivete of innocence. But what would another political myth for socialist-feminism look like? What kind of politics could embrace partial, contradictory, permanently unclosed constructions of personal and collective selves and still be faithful, effective - and, ironically, socialist-feminist?
I do not know of any other time in history when there was greater need for political unity to confront effectively the dominations of 'race', 'gender', 'sexuality', and 'class'. I also do not know of any other time when the kind of unity we might help build could have been possible. None of 'us' have any longer the symbolic or material capability of dictating the shape of reality to any of'them'. Or at least 'we' cannot claim innocence from practicing such dominations. White women, including socialist feminists, discovered (that is, were forced kicking and screaming to notice) the non-innocence of the category 'woman'. That consciousness changes the geography of all previous categories; it denatures them as heat denatures a fragile protein. Cyborg feminists have to argue that 'we' do not want any more natural matrix of unity and that no construction is whole. Innocence, and the corollary insistence on victimhood as the only ground for insight, has done enough damage. But the constructed revolutionary subject must give late-twentieth158 century people pause as well. In the fraying of identities and in the reflexive strategies for constructing them, the possibility opens up for weaving something other than a shroud for the day after the apocalypse that so prophetically ends salvation history. Both Marxist/socialist-feminisms and radical feminisms have simul-taneously naturalized and denatured the category 'woman' and conscious-ness of the social lives of 'women'. Perhaps a schematic caricature can highlight both kinds of moves. Marxian socialism is rooted in an analysis of wage labour which reveals class structure. The consequence of the wage relationship is systematic alienation, as the worker is dissociated from his (sic) product. Abstraction and illusion rule in knowledge, domination rules in practice. Labour is the pre-eminently privileged category enabling the Marxist to overcome illusion and find that point of view which is necessary for changing the world. Labour is the humanizing activity that makes man; labour is an ontological category permitting the knowledge of a subject, and so the knowledge of subjugation and alienation.
In faithful filiation, socialist-feminism advanced by allying itself with the basic analytic strategies of Marxism. The main achievement of both Marxist feminists and socialist feminists was to expand the category of labour to accommodate what (some) women did, even when the wage relation was subordinated to a more comprehensive view of labour under capitalist patriarchy. In particular, women's labour in the household and women's activity as mothers generally (that is, reproduction in the socialist-feminist sense), entered theory on the authority of analogy to the Marxian concept of labour. The unity of women here rests on an epistemology based on the ontological structure of'labour'.
Marxist/socialist-feminism does not 'natur-alize' unity; it is a possible achievement based on a possible standpoint rooted in social relations. The essentializing move is in the ontological structure of labour or of its analogue, women's activity. The inheritance of Marxian humanism, with its pre-eminently Western self, is the difficulty for me. The contribution from these formulations has been the emphasis on the daily responsibility of real women to build unities, rather than to naturalize them.
Catherine MacKinnon's (198Z, 1987) version of radical feminism is itself a caricature of the appropriating, incorporating, totalizing tendencies of Western theories of identity grounding action. It is factually and politically wrong to assimilate all of the diverse 'moments' or 'conversations' in recent women's politics named radical feminism to MacKinnon's version. But the teleological logic of her theory shows how an epistemology and ontology - including their negations - erase or police difference. Only one of the effects of MacKinnon's theory is the rewriting of the history of the polymorphous field called radical feminism. The major effect is the production of a theory of experience, of women's identity, that is a kind of apocalypse for all revolutionary standpoints. That is, the totalization built into this tale of radical feminism achieves its end the unity of women - by enforcing the experience of and testimony to radical non-being. As for the Marxist/ socialist feminist, consciousness is an achievement, not a natural fact. And MacKinnon's theory eliminates some of the difficulties built into humanist revolutionary subjects, but at the cost of radical reductionism.
MacKinnon argues that feminism necessarily adopted a different analyt-ical strategy from Marxism, looking first not at the structure of class, but at the structure of sex/gender and its generative relationship, men's constitu-tion and appropriation of women sexually. Ironically, MacKinnon's 'ontology' constructs a non-subject, a non-being. Another's desire, not the self's labour, is the origin of 'woman'. She therefore develops a theory of consciousness that enforces what can count as 'women's' experience - anything that names sexual violation, indeed, sex itself as far as 'women' can be concerned. Feminist practice is the construction of this form of consciousness; that is, the self-knowledge of a self-who-is-not.
Perversely, sexual appropriation in this feminism still has the epistemolo-gical status of labour; that is to say, the point from which an analysis able to contribute to changing the world must flow. But sexual object)fication, not alienation, is the consequence of the structure of sex/gender. In the realm of knowledge, the result of sexual objectification is illusion and abstraction. However, a woman is not simply alienated from her product, but in a deep sense does not exist as a subject, or even potential subject, since she owes her existence as a woman to sexual appropriation. To be constituted by another's desire is not the same thing as to be alienated in the violent separation of the labourer from his product. MacKinnon's radical theory of experience is totalizing in the extreme; it does not so much marginalize as obliterate the authority of any other women's political speech and action. It is a totalization producing what Western patriarchy itself never succeeded in doing - feminists'consciousness of the non-existence of women, except as products of men's desire. I think MacKinnon correctly argues that no Marxian version of identity can firmly ground women's unity. But in solving the problem of the contradictions of any Western revolutionary subject for feminist purposes, she develops an even more authoritarian doctrine of experience. If my complaint about socialist/Marxian standpoints is their unintended erasure of polyvocal, unassimilable, radical difference made visible in anti-colonial discourse and practice, MacKinnon's intentional erasure of all difference through the device of the 'essential' nonexistence of women is not reassuring. In my taxonomy, which like any other taxonomy is a re-inscription of history, radical feminism can accommodate all the activities of women named by socialist feminists as forms of labour only if the activity can somehow be sexualized. Reproduction had different tones of meanings for the two tendencies, one rooted in labour, one in sex, both calling the consequences of domination and ignorance of social and personal reality 'false consciousness'.
Beyond either the diff~culties or the contributions in the argument of any one author, neither Marxist nor radical feminist points of view have tended to embrace the status of a partial explanation; both were regularly constituted as totalities. Western explanation has demanded as much; how else could the 'Western' author incorporate its others? Each tried to annex other forms of domination by expanding its basic categories through analogy, simple listing, or addition. Embarrassed silence about race among white radical and socialist feminists was one major, devastating political consequence. History and polyvocality disappear into political taxonomies that try to establish genealogies. There was no structural room for race (or for much else) in theory claiming to reveal the construction of the category woman and social group women as a unified or totalizable whole. The structure of my caricature looks like this:
socialist feminism--structure of class // wage labour // alienation labour, by analogy reproduction, by extension sex, by addition race radical feminism - structure of gender // sexual appropriation // objectification sex, by analogy labour, by extension reproduction, by addition race
In another context, the French theorist, Julia Kristeva, claimed women appeared as a historical group after the Second World War, along with groups like youth. Her dates are doubtful; but we are now accustomed to remembering that as objects of knowledge and as historical actors, 'race' did not always exist, 'class' has a historical genesis, and 'homosexuals' are quite junior. It is no accident that the symbolic system of the family of man - and so the essence of woman - breaks up at the same moment that networks of connection among people on the planet are unprecedentedly multiple, pregnant, and complex. 'Advanced capitalism' is inadequate to convey the structure of this historical moment. In the 'Western' sense, the end of man is at stake. It is no accident that woman disintegrates into women in our time. Perhaps socialist feminists were not substantially guilty of producing essentialist theory that suppressed women's particularity and contradictory interests. I think we have been, at least through unreflective participation in the logics, languages, and practices of white humanism and through searching for a single ground of domination to secure our revolutionary voice. Now we have less excuse. But in the consciousness of our failures, we risk lapsing into boundless difference and giving up on the confusing task of making partial, real connection. Some differences are playful; some are poles of world historical systems of domination. 'Epistemology' is about knowing the difference.
THE INFORMATICS OF DOMINATION In this attempt at an epistemological and political position, I would like to sketch a picture of possible unity, a picture indebted to socialist and feminist principles of design. The frame for my sketch is set by the extent and importance of rearrangements in world-wide social relations tied to science and technology. I argue for a politics rooted in claims about fundamental changes in the nature of class, race, and gender in an emerging system of world order analogous in its novelty and scope to that created by industrial capitalism; we are living through a movement from an organic, industrial society to a polymorphous, information system--from all work to all play, a deadly game. Simultaneously material and ideological, the dichotomies may be expressed in the following chart of transitions from the comfortable old hierarchical dominations to the scary new networks I have called the informatics of domination:
Representation •
Simulation •
Bourgeois novel, realism •
Science fiction, postmodernism •
Organism •
Biotic Component •
Depth, integrity •
Surface, boundary •
Heat •
Noise •
Biology as clinical practice •
Biology as inscription •
Physiology •
Communications engineering •
Small group •
Subsystem •
Perfection •
Optimization •
Eugenics •
Population Control •
Decadence, Magic Mountain •
Obsolescence, Future Shock •
Hygiene •
Stress Management •
Microbiology, tuberculosis •
Immunology, AIDS •
Organic division of labour •
Ergonomics/cybernetics of labour •
Functional specialization •
Modular construction •
Reproduction •
Replication •
Organic sex role specialization •
Optimal genetic strategies •
Bioogical determinism •
Evolutionary inertia, constraints •
Community ecology •
Ecosystem •
Racial chain of being •
Neo-imperialism, United Nations humanism •
Scientific management in home/factory •
Global factory/Electronid cottage •
Family/Market/Factory •
Women in the Integrated Circuit •
Family wage •
Comparable worth •
Public/Private •
Cyborg citizenship •
Nature/Culture •
fields of difference •
Co-operation •
Communicatins enhancemenet •
Freud •
Lacan •
Sex •
Genetic engineering •
labour •
Robotics •
Mind •
Artificial Intelligence •
Second World War •
Star Wars •
White Capitalist Patriarchy •
Informatics of Domination
This list suggests several interesting things. First, the objects on the right-hand side cannot be coded as 'natural', a realization that subverts naturalistic coding for the left-hand side as well. We cannot go back ideologically or materially. It's not just that igod'is dead; so is the 'goddess'. Or both are revivified in the worlds charged with microelectronic and biotechnological politics. In relation to objects like biotic components, one must not think in terms of essential properties, but in terms of design, boundary constraints, rates of flows, systems logics, costs of lowering constraints. Sexual reproduction is one kind of reproductive strategy among many, with costs and benefits as a function of the system environment. Ideologies of sexual reproduction can no longer reasonably call on notions of sex and sex role as organic aspects in natural objects like organisms and families. Such reasoning will be unmasked as irrational, and ironically corporate executives reading Playboy and anti-porn radical feminists will make strange bedfellows in jointly unmasking the irrationalism.
Likewise for race, ideologies about human diversity have to be formulated in terms of frequencies of parameters, like blood groups or intelligence scores. It is 'irrational' to invoke concepts like primitive and civilized. For liberals and radicals, the search for integrated social systems gives way to a new practice called 'experimental ethnography' in which an organic object dissipates in attention to the play of writing. At the level of ideology, we see translations of racism and colonialism into languages of development and underdevelopment, rates and constraints of modernization. Any objects or persons can be reasonably thought of in terms of disassembly and reassembly; no 'natural' architectures constrain system design. The financial districts in all the world's cities, as well as the exportprocessing and free-trade zones, proclaim this elementary fact of'late capitalism'. The entire universe of objects that can be known scientifically must be formulated as problems in communications engineering (for the managers) or theories of the text (for those who would resist). Both are cyborg semiologies.
One should expect control strategies to concentrate on boundary conditions and interfaces, on rates of flow across boundaries-- and not on the integrity of natural objects. 'Integrity' or 'sincerity' of the Western self gives way to decision procedures and expert systems. For example, control strategies applied to women's capacities to give birth to new human beings will be developed in the languages of population control and maximization of goal achievement for individual decision-makers. Control strategies will be formulated in terms of rates, costs of constraints, degrees of freedom. Human beings, like any other component or subsystem, must be localized in a system architecture whose basic modes of operation are probabilistic, statistical. No objects, spaces, or bodies are sacred in themselves; any component can be interfaced with any other if the proper standard, the proper code, can be constructed for processing signals in a common language. Exchange in this world transcends the universal translation effected by capitalist markets that Marx analysed so well. The privileged pathology affecting all kinds of components in this universe is stress communications breakdown (Hogness, 1983). The cyborg is not subject to Foucault's biopolitics; the cyborg simulates politics, a much more potent field of operations. This kind of analysis of scientific and cultural objects of knowledge which have appeared historically since the Second World War prepares us to notice some important inadequacies in feminist analysis which has proceeded as if the organic, hierarchical dualisms ordering discourse in 'the West' since Aristotle still ruled. They have been cannibalized, or as Zoe Sofia (Sofoulis) might put it, they have been 'techno-digested'. The dichotomies between mind and body, animal and human, organism and machine, public and private, nature and culture, men and women, primitive and civilized are all in question ideologically. The actual situation of women is their integration/ exploitation into a world system of production/reproduction and com-munication called the informatics of domination. The home, workplace, market, public arena, the body itself- all can be dispersed and interfaced in nearly infinite, polymorphous ways, with large consequences for women and others - consequences that themselves are very different for different people and which make potent oppositional international movements difficult to imagine and essential for survival. One important route for reconstructing socialist-feminist politics is through theory and practice addressed to the social relations of science and technology, including crucially the systems of myth and meanings structuring our imaginations. The cyborg is a kind of disassembled and reassembled, postmodern collective and personal self. This is the self feminists must code.
Communications technologies and biotechnologies are the crucial tools recrafting our bodies. These tools embody and enforce new social relations for women world-wide. Technologies and scientific discourses can be partially understood as formalizations, i.e., as frozen moments, of the fluid social interactions constituting them, but they should also be viewed as instruments for enforcing meanings. The boundary is permeable between tool and myth, instrument and concept, historical systems of social relations and historical anatomies of possible bodies, including objects of knowledge. Indeed, myth and tool mutually constitute each other.
Furthermore, communications sciences and modern biologies are constructed by a common move - the translation of the world into a problem of coding, a search for a common language in which all resistance to instrumental control disappears and all heterogeneity can be submitted to disassembly, reassembly, investment, and exchange. In communications sciences, the translation of the world into a problem in coding can be illustrated by looking at cybernetic (feedback-controlled) systems theories applied to telephone technology, computer design, weapons deployment, or data base construction and maintenance. In each case, solution to the key questions rests on a theory of language and control; the key operation is determining the rates, directions, and probabilities of flow of a quantity called information. The world is subdivided by boundaries differentially permeable to information. Information is just that kind of quantifiable element (unit, basis of unity) which allows universal translation, and so unhindered instrumental power (called effective communication). The biggest threat to such power is interruption of communication. Any system breakdown is a function of stress. The fundamentals of this technology can be condensed into the metaphor C31, command-controlcommunicationintelligence, the military's symbol for its operations theory. In modern biologies, the translation of the world into a problem in coding can be illustrated by molecular genetics, ecology, sociobiological evolutionary theory, and immunobiology. The organism has been translated into prob-lems of genetic coding and read-out. Biotechnology, a writing technology, informs research broadly. In a sense, organisms have ceased to exist as objects of knowledge, giving way to biotic components, i.e., special kinds of information-processing devices. The analogous moves in ecology could be examined by probing the history and utility of the concept of the ecosystem. Immunobiology and associated medical practices are rich exemplars of the privilege of coding and recognition systems as objects of knowledge, as constructions of bodily reality for us. Biology here is a kind of cryptography. Research is necessarily a kind of intelligence activity. Ironies abound. A stressed system goes awry; its communication processes break down; it fails to recognize the difference between self and other. Human babies with baboon hearts evoke national ethical perplexity-- for animal rights activists at least as much as for the guardians of human purity. In the US gay men and intravenous drug users are the 'privileged' victims of an awful immune system disease that marks (inscribes on the body) confusion of boundaries and moral pollution (Treichler, 1987).
But these excursions into communications sciences and biology have been at a rarefied level; there is a mundane, largely economic reality to support my claim that these sciences and technologies indicate fundamental transforma-tions in the structure of the world for us. Communications technologies depend on electronics. Modern states, multinational corporations, military power, welfare state apparatuses, satellite systems, political processes, fabrication of our imaginations, labour-control systems, medical construc-tions of our bodies, commercial pornography, the international division of labour, and religious evangelism depend intimately upon electronics. Micro-electronics is the technical basis of simulacra; that is, of copies without originals.
Microelectronics mediates the translations of labour into robotics and word processing, sex into genetic engineering and reproductive technologies, and mind into artificial intelligence and decision procedures. The new biotechnologies concern more than human reproducdon. Biology as a powerful engineering science for redesigning materials and processes has revolutionary implications for industry, perhaps most obvious today in areas of fermentadon, agriculture, and energy. Communicadons sciences and biology are construcdons of natural-technical objects of knowledge in which the difference between machine and organism is thoroughly blurred; mind, body, and tool are on very intimate terms. The 'multinational' material organization of the production and reproduction of daily life and the symbolic organization of the production and reproduction of culture and imagination seem equally implicated. The boundary-maintaining images of base and superstructure, public and private, or material and ideal never seemed more feeble. I have used Rachel Grossman's (1980) image of women in the integrated circuit to name the situation of women in a world so intimately restructured through the social relations of science and technology. I used the odd circumlocution, 'the social relations of science and technology', to indicate that we are not dealing with a technological determinism, but with a historical system depending upon structured relations among people. But the phrase should also indicate that science and technology provide fresh sources of power, that we need fresh sources of analysis and political action (Latour, 1984). Some of the rearrangements of race, sex, and class rooted in high-tech-facilitated social relations can make socialist-feminism more relevant to effective progressive politics.
THE 'HOMEWORK ECONOMY' OUTSIDE 'THE HOME'The 'New Industrial Revolution' is producing a new world-wide working class, as well as new sexualities and ethnicities. The extreme mobility of capital and the emerging international division of labour are intertwined with the emergence of new collecdvities, and the weakening of familiar groupings. These developments are neither gender- nor raceneutral. White men in advanced industrial societies have become newly vulnerable to permanent job loss, and women are not disappearing from the job rolls at the same rates as men. It is not simply that women in Third World countries are the preferred labour force for the science-based multinationals in the export-processing sectors, particularly in electronics. The picture is more systematic and involves reproduction, sexuality, culture, consumphon, and producdon. In the prototypical Silicon Valley, many women's lives have been structured around employment in electronics-dependent jobs, and their intimate realities include serial heterosexual monogamy, negotiating childcare, distance from extended kin or most other forms of traditional community, a high likelihood of loneliness and extreme economic vulnerability as they age. The ethnic and racial diversity of women in Silicon Valley structures a microcosm of conflicting differences in culture, family, religion, education, and language.
Richard Gordon has called this new situation the 'homework economy'. Although he includes the phenomenon of literal homework emerging in connecdon with electronics assembly, Gordon intends 'homework economy' to name a restructuring of work that broadly has the characteristics formerly ascribed to female jobs, jobs literally done only by women. Work is being redefined as both literally female and feminized, whether performed by men or women. To be feminized means to be made extremely vulnerable; able to be disassembled, reassembled, exploited as a reserve labour force; seen less as workers than as servers; subjected to dme arrangements on and off the paid job that make a mockery of a limited work day; leading an existence that always borders on being obscene, out of place, and reducible to sex. Deskilling is an old strategy newly applicable to formerly privileged workers. However, the homework economy does not refer only to large-scale deskilling, nor does it deny that new areas of high skill are emerging, even for women and men previously excluded from skilled employment. Rather, the concept indicates that factory, home, and market are integrated on a new scale and that the places of women are crucial - and need to be analysed for differences among women and for meanings for relations between men and women in various situations.
The homework economy as a world capitalist organizational structure is made possible by (not caused by) the new technologies. The success of the attack on relatively privileged, mostly white, men's unionized jobs is deaf to the power of the new communications technologies to integrate and control labour despite extensive dispersion and decentralization. The consequences of the new technologies are felt by women both in the loss of the family (male) wage (if they ever had access to this white privilege) and in the character of their own jobs, which are becoming capitalintensive; for example, office work and nursing. The new economic and technological arrangements are also related to the collapsing welfare state and the ensuing intensification of demands on women to sustain daily life for themselves as well as for men, children, and old people. The feminization of poverty-generated by dismantling the welfare state, by the homework economy where stable jobs become the exception, and sustained by the expectation that women's wages will not be matched by a male income for the support of children-- has become an urgent focus. The causes of various women-headed households are a function of race, class, or sexuality; but their increasing generality is a ground for coalitions of women on many issues. That women regularly sustain daily life partly as a funcdon of their enforced status as mothers is hardly new; the kind of integration with the overall capitalist and progressively war-based economy is new. The particular pressure, for example, on US black women, who have achieved an escape from (barely) paid domeshc service and who now hold clerical and similar jobs in large numbers, has large implicadons for condnued enforced black poverty with employment. Teenage women in industrializing areas of the Third World increasingly find themselves the sole or major source of a cash wage for their families, while access to land is ever more problemadc. These developments must have major consequences in the psychodynamics and politics of gender and race.
Within the framework of three major stages of capitalism (commercial/ early industrial, monopoly, multinational) --tied to nationalism, imperialism, and multinationalism, and related to Jameson's three dominant aesthetic periods of realism, modernism, and postmodernism --I would argue that specific forms of families dialectically relate to forms of capital and to its political and cultural concomitants. Although lived problematically and unequally, ideal forms of these families might be schematized as (1) the patriarchal nuclear family, structured by the dichotomy between public and private and accompanied by the white bourgeois ideology of separate spheres and nineteenth-century Anglo-American bourgeois feminism; (2) the modern family mediated (or enforced) by the welfare state and institutions like the family wage, with a flowering of a-feminist heterosexual ideologies, including their radical versions represented in Greenwich Village around the First World War; and (3) the 'family' of the homework economy with its oxymoronic structure of womenheaded households and its explosion of feminisms and the paradoxical intensification and erosion of gender itself.
This is the context in which the projections for world-wide structural unemployment stemming from the new technologies are part of the picture of the homework economy. As robodcs and related technologies put men out of work in 'developed' countries and exacerbate failure to generate male jobs in Third World 'development', and as the automated of fice becomes the rule even in labour-surplus countries, the feminization of work intensifies. Black women in the United States have long known what it looks like to face the structural underemployment ('feminization') of black men, as well as their own highly vulnerable position in the wage economy. It is no longer a secret that sexuality, reproduction, family, and community life are interwoven with this economic structure in myriad ways which have also differentiated the situations of white and black women. Many more women and men will contend with similar situations, which will make cross-gender and race alliances on issues of basic life support (with or without jobs) necessary, not just mice.
The new technologies also have a profound effect on hunger and on food production for subsistence world-wide. Rae Lessor Blumberg (1983) estimates that women produce about 50 per cent of the world's subsistence food. Women are excluded generally from benefiting from the increased high-tech commodification of food and energy crops, their days are made more arduous because their responsibilides to provide food do not diminish, and their reproductive situations are made more complex. Green Revolution technologies interact with other high-tech industrial production to alter gender divisions of labour and differential gender migration patterns.
The new technologies seem deeply involved in the forms of'privatization' that Ros Petchesky (1981) has analysed, in which militarization, right-wing family ideologies and policies, and intensified definitions of corporate (and state) property as private synergistically interact. The new communications technologies are fundamental to the eradication of 'public life' for everyone. This facilitates the mushrooming of a permanent high-tech military establishment at the cultural and economic expense of most people, but especially of women. Technologies like video games and highly miniaturized televi-sions seem crucial to production of modern forms of 'private life'. The culture of video games is heavily orientated to individual compedtion and extraterrestrial warfare. High-tech, gendered imaginations are produced here, imaginations that can contemplate destruction of the planet and a sci-fi escape from its consequences. More than our imaginations is militarized; and the other realities of electronic and nuclear warfare are inescapable. These are the technologies that promise ultimate mobility and perfect exchange-- and incidentally enable tourism, that perfect practice of mobility and exchange, to emerge as one of the world's largest single industries.
The new technologies affect the social relations of both sexuality and of reproduction, and not always in the same ways. The close ties of sexuality and instrumentality, of views of the body as a kind of private satisfaction- and utility-maximizing machine, are described nicely in sociobiological origin stories that stress a genetic calculus and explain the inevitable dialectic of domination of male and female gender roles. These sociobiological stories depend on a high-tech view of the body as a biotic component or cybernetic communications system. Among the many transformations of reproductive situations is the medical one, where women's bodies have boundaries newly permeable to both 'visualization' and 'intervention'. Of course, who controls the interpretation of bodily boundaries in medical hermeneubcs is a major feminist issue. The speculum served as an icon of women's claiming their bodies in the 1970S; that handcraft tool is inadequate to express our needed body politics in the negotiation of reality in the practices of cyborg reproduction. Self-help is not enough. The technologies of visualization recall the important cultural practice of hundng with the camera and the deeply predatory nature of a photographic consciousness. Sex, sexuality, and reproduction are central actors in hightech myth systems structuring our imaginations of personal and social possibility. Another critical aspect of the social relations of the new technologies is the reformulation of expectations, culture, work, and reproduction for the large scientific and technical workforce. A major social and political danger is the formation of a strongly bimodal social structure, with the masses of women and men of all ethnic groups, but especially people of colour, confined to a homework economy, illiteracy of several varieties, and general redundancy and impotence, controlled by high-tech repressive apparatuses ranging from entertainment to surveillance and disappearance. An adequate socialist-feminist politics should address women in the privileged occupational categories, and particularly in the production of science and technology that constructs scientific-technical discourses, processes, and objects.
This issue is only one aspect of enquiry into the possibility of a feminist science, but it is important. What kind of constitutive role in the production of knowledge, imagination, and practice can new groups doing science have? How can these groups be allied with progressive social and political movements? What kind of political accountability can be constructed to the women together across the scientific-technical hierarchies separating us? Might there be ways of developing feminist science/technology politics in alliance with and-military science facility conversion action groups? Many sciendfic and technical workers in Silicon Valley, the high-tech cowboys included, do not want to work on military science. Can these personal preferences and cultural tendencies be welded into progressive politics among this professional middle class in which women, including women of colour, are coming to be fairly numerous?
WOMEN IN THE INTEGRATED CIRCUIT Let me summarize the picture of women's historical locations in advanced industrial societies, as these positions have been restructured partly through the social relations of science and technology. If it was ever possible ideologically to characterize women's lives by the disdnction of public and private domains-- suggested by images of the division of working-class life into factory and home, of bourgeois life into market and home, and of gender existence into personal and political realms --it is now a totally misleading ideology, even to show how both terms of these dichotomies construct each other in practice and in theory. I prefer a network ideological image, suggesting the profusion of spaces and identities and the permeability of boundaries in the personal body and in the body politic. 'Networking' is both a feminist practice and a multinational corporate strategy -- weaving is for oppositional cyborgs.
So let me return to the earlier image of the informatics of domination and trace one vision of women's 'place' in the integrated circuit, touching only a few idealized social locations seen primarily from the point of view of advanced capitalist societies: Home, Market, Paid Work Place, State, School, Clinic-Hospital, and Church. Each of these idealized spaces is logically and practically implied in every other locus, perhaps analogous to a holographic photograph. I want to suggest the impact of the social relations mediated and enforced by the new technologies in order to help formulate needed analysis and practical work. However, there is no 'place' for women in these networks, only geometries of difference and contradiction crucial to women's cyborg identities. If we learn how to read these webs of power and social life, we might learn new couplings, new coalitions. There is no way to read the following list from a standpoint of'idendfication', of a unitary self. The issue is dispersion. The task is to survive in the diaspora.
Home: Women-headed households, serial monogamy, flight of men, old women alone, technology of domestic work, paid homework, re-emergence of home sweat-shops, homebased businesses and telecom-muting, electronic cottage, urban homelessness, migration, module architecture, reinforced (simulated) nuclear family, intense domestic violence.
Market: Women's continuing consumption work, newly targeted to buy the profusion of new production from the new technologies (especially as the competitive race among industrialized and industrializing nations to avoid dangerous mass unemployment necessitates finding ever bigger new markets for ever less clearly needed commodities); bimodal buying power, coupled with advertising targeting of the numerous affluent groups and neglect of the previous mass markets; growing importance of informal markets in labour and commodities parallel to high-tech, affluent market structures; surveillance systems through electronic funds transfer; intensified market abstraction (commodification) of experience, resulting in ineffective utopian or equivalent cynical theories of community; extreme mobility (abstraction) of marketing/financing systems; interpenetration of sexual and labour markets; intensified sexualization of abstracted and alienated consumption.
Paid Work Place: Continued intense sexual and racial division of labour, but considerable growth of membership in privileged occupational categories for many white women and people of colour; impact of new technologies on women's work in clerical, service, manufacturing (especially textiles), agriculture, electronics; international restructuring of the working classes; development of new time arrangements to facilitate the homework economy (flex time, part time, over time, no time); homework and out work; increased pressures for two-tiered wage structures; significant numbers of people in cash-dependent populations world-wide with no experience or no further hope of stable employment; most labour 'marginal' or 'feminized'.
State: Continued erosion of the welfare state; decentralizations with increased surveillance and control; citizenship by telematics; imperialism and political power broadly in the form of information rich/information poor differentiation; increased high-tech militarization increasingly opposed by many social groups; reduction of civil service jobs as a result of the growing capital intensification of office work, with implications for occupational mobility for women of colour; growing privadzation of material and ideological life and culture; close integration of privatization and militarization, the high-tech forms of bourgeois capitalist personal and public life; invisibility of different social groups to each other, linked to psychological mechanisms of belief in abstract enemies.
School: Deepening coupling of high-tech capital needs and public educa-tion at all levels, differentiated by race, class, and gender; managerial classes involved in educational reform and refunding at the cost of remaining progressive educational democratic structures for children and teachers; education for mass ignorance and repression in technocratic and militarized culture; growing and-science mystery cults in dissendng and radical political movements; continued relative scientific illiteracy among white women and people of colour; growing industrial direction of education (especially higher education) by science-based multinationals (particularly in electronics- and biotechnology-dependent companies); highly educated, numerous elites in a progressively bimodal society.
Clinic-hospital: Intensified machine-body relations; renegotiations of public metaphors which channel personal experience of the body, particularly in relation to reproduction, immune system functions, and 'stress' phenomena; intensification of reproductive politics in response to world historical implications of women's unrealized, potential control of their relation to reproduction; emergence of new, historically specific diseases; struggles over meanings and means of health in environments pervaded by high technology products and processes; continuing feminization of health work; intensified struggle over state responsibility for health; continued ideological role of popular health movements as a major form of American politics.
Church: Electronic fundamentalist 'super-saver' preachers solemnizing the union of electronic capital and automated fetish gods; intensified importance of churches in resisting the militarized state; central struggle over women's meanings and authority in religion; continued relevance of spirituality, intertwined with sex and health, in political struggle. The only way to characterize the informatics of domination is as a massive intensification of insecurity and cultural impoverishment, with common failure of subsistence networks for the most vulnerable. Since much of this picture interweaves with the social relations of science and technology, the urgency of a socialist-feminist politics addressed to science and technology is plain. There is much now being tione, and the grounds for political work are rich. For example, the efforts to develop forms of collecdve struggle for women in paid work, like SEIU's District 925,* should be a high priority for all of us. These efforts are profoundly deaf to technical restructuring of labour processes and reformations of working classes. These efforts also are providing understanding of a more comprehensive kind of labour organization, involving community, sexuality, and family issues never privileged in the largely white male industrial unions.
The structural rearrangements related to the social relations of science and technology evoke strong ambivalence. But it is not necessary to be uldmately depressed by the implications of late twentieth-century women's relation to all aspects of work, culture, production of knowledge, sexuality, and reproduction. For excellent reasons, most Marxisms see domination best and have trouble understanding what can only look like false consciousness and people's complicity in their own domination in late capitalism. It is crucial to remember that what is lost, perhaps especially from women's points of view, is often virulent forms of oppression, nostalgically naturalized in the face of current violation. Ambivalence towards the disrupted unides mediated by high-tech culture requires not sorting consciousness into categories of clear-sighted critique grounding a solid political epistemology'
*Service Employees International Union's office workers' organization in the US. versus 'manipulated false consciousness', but subtle understanding of emerging pleasures, experiences, and powers with serious potential for changing the rules of the game.
There are grounds for hope in the emerging bases for new kinds of unity across race, gender, and class, as these elementary units of socialist-feminist analysis themselves suffer protean transformations. Intensifications of hardship experienced world-wide in connection with the social relations of science and technology are severe. But what people are experiencing is not transparently clear, and we lack aufficiently subtle connections for collectively building effective theories of experience. Present efforts - Marxist, psychoanalytic, feminist, anthropological-- to clarify even 'our' experience are rudimentary. I am conscious of the odd perspecdve provided by my historical position - a PhD in biology for an Irish Catholic girl was made possible by Sputnik's impact on US national scienceeducation policy. I have a body and mind as much constructed by the post-Second World War arms race and cold war as by the women's movements. There are more grounds for hope in focusing on the contradictory effects of politics designed to produce loyal American technocrats, which also produced large numbers of dissidents, than in focusing on the present defeats.
The permanent pardality of feminist points of view has consequences for our expectations of forms of political organization and participation. We do not need a totality in order to work well. The feminist dream of a common language, like all dreams for a perfectly true language, of perfectly faithful naming of experience, is a totalizing and imperialist one. In that sense, dialectics too is a dream language, longing to resolve contradiction. Perhaps, ironically, we can learn from our fusions with animals and machines how not to be Man, the embodiment of Western logos. From the point of view of pleasure in these potent and taboo fusions, made inevitable by the social relations of science and technology, there might indeed be a feminist science.
CYBORGS: A MYTH OF POLITICAL IDENTITY I want to conclude with a myth about idendty and boundaries which might inform late twentieth-century political imaginations (Plate 1). I am indebted in this story to writers like Joanna Russ, Samuel R. Delany, John Varley, James Tiptree, Jr, Octavia Butler, Monique Wittig, and Vonda McIntyre. These are our story-tellers exploring what it means to be embodied in high-tech worlds. They are theorists for cyborgs. Exploring concephons of bodily boundaries and social order, the anthropologist Mary Douglas (1966, 1970) should be credited with helping us to consciousness about how fundamental body imagery is to world view, and so to political language.
French feminists like Luce Irigaray and Monique Wittig, for all their differences, know how to write the body; how to weave eroticism, cosmology, and politics from imagery of embodiment, and especially for Wittig, from imagery of fragmentation and reconstitution of bodies.
American radical feminists like Susan Griffnn, Audre Lorde, and Adrienne Rich have profoundly affected our political imaginations - and perhaps restricted too much what we allow as a friendly body and political language. They insist on the organic, opposing it to the technological. But their symbolic systems and the related positions of ecofeminism and feminist paganism, replete with organicisms, can only be understood in Sandoval's terms as oppositional ideologies fitting the late twentieth century. They would simply bewilder anyone not preoccupied with the machines and consciousness of late capitalism. In that sense they are part of the cyborg world. But there are also great riches for feminists in explicitly embracing the possibilides inherent in the breakdown of clean disdnctions between organism and machine and similar distinctions structuring the Western self. It is the simultaneity of breakdowns that cracks the matrices of domination and opens geometric possibilities. What might be learned from personal and political 'technological' pollution? I look briefly at two overlapping groups of texts for their insight into the construction of a potentially helpful cyborg myth: constructions of women of colour and monstrous selves in feminist science fiction.
Earlier I suggested that 'women of colour' might be understood as a cyborg idendty, a potent subjecdvity synthesized from fusions of outsider identities and in the complex political-historical layerings of her 'biomythography', Zami (Lorde, 1982; King, 1987a, 1987b). There are material and cultural grids mapping this potential, Audre Lorde (1984) captures the tone in the title of her Sister Outsider. In my political myth, Sister Outsider is the offshore woman, whom US workers, female and feminized, are supposed to regard as the enemy prevendug their solidarity, threatening their security. Onshore, inside the boundary of the United States, Sister Outsider is a potential amidst the races and ethnic identities of women manipulated for division, competition, and exploitation in the same industries. 'Women of colour' are the preferred labour force for the science-based industries, the real women for whom the world-wide sexual market, labour market, and politics of reproduction kaleidoscope into daily life. Young Korean women hired in the sex industry and in electronics assembly are recruited from high schools, educated for the integrated circuit. Literacy, especially in English, distinguishes the 'cheap' female labour so attractive to the multinationals.
Contrary to orientalist stereotypes of the 'oral primidve', literacy is a special mark of women of colour, acquired by US black women as well as men through a history of risking death to learn and to teach reading and wridng. Writing has a special significance for all colonized groups. Writing has been crucial to the Western myth of the distinction between oral and written cultures, primitive and civilized mentalities, and more recently to the erosion of that distinction in 'postmodernist' theories attacking the phallogo-centrism of the West, with its worship of the monotheistic, phallic, authoritative, and singular work, the unique and perfect name. Contests for the meanings of writing are a major form of contemporary political struggle. Releasing the play of writing is deadly serious. The poetry and stories of US women of colour are repeatedly about writing, about access to the power to signify; but this dme that power must be neither phallic nor innocent. Cyborg writing must not be about the Fall, the imagination of a once-upon-a-time wholeness before language, before writing, before Man. Cyborg writing is about the power to survive, not on the basis of original innocence, but on the basis of seizing the tools to mark the world that marked them as other.
The tools are often stories, retold stories, versions that reverse and displace the hierarchical dualisms of naturalized identities. In retelling origin stories, cyborg authors subvert the central myths of origin of Western culture. We have all been colonized by those origin myths, with their longing for fulfilment in apocalypse. The phallogocentrie origin stories most crucial for feminist cyborgs are built into the literal technologies - teehnologies that write the world, biotechnology and microelectronics - that have recently textualized our bodies as code problems on the grid of C3I. Feminist cyborg stories have the task of recoding communication and intelligence to subvert command and control.
Figuratively and literally, language politics pervade the struggles of women of colour; and stories about language have a special power in the rich contemporary writing by US women of colour. For example, retellings of the stom~ of the indigenous woman Malinche, mother of the mesdzo 'bastard' race of the new world, master of languages, and mistress of Cortes, carry special meaning for Chicana constructions of identity. Cherrie Moraga (1983) in Loving in the War Years explores the themes of identity when one never possessed the original language, never told the original story, never resided in the harmony of legitimate heterosexuality in the garden of culture, and so cannot base identity on a myth or a fall from innocence and right to natural names, mother's or father's. Moraga's writing, her superb literacy, is presented in her poetry as the same kind of violation as Malinche's mastery of the conqueror's language -- a violation, an illegitimate production, that allows survival. Moraga's language is not 'whole'; it is self-consciously spliced, a chimera of English and Spanish, both conqueror's languages. But it is this chimeric monster, without claim to an original language before violation, that crafts the erode, competent, potent identities of women of colour. Sister Outsider hints at the possibility of world survival not because of her innocence, but because of her ability to live on the boundaries, to write without the founding myth of original wholeness, with its inescapable apocalypse of final return to a deathly oneness that Man has imagined to be the innocent and all-powerful Mother, freed at the End from another spiral of appropriation by her son. Writing marks Moraga's body, affirms it as the body of a woman of colour, against the possibility of passing into the unmarked category of the Anglo father or into the orientalist myth of 'original illiteracy' of a mother that never was. Malinche was mother here, not Eve before eating the forbidden fruit. Writing affirms Sister Outsider, not the Woman-before-the-Fall-into-Writing needed by the phallogocentric Family of Man.
Writing is pre-eminently the technology of cyborgs, etched surfaces of the late twentieth century. Cyborg politics is the struggle for language and the struggle against perfect communication, against the one code that translates all meaning perfectly, the central dogma of phallogocentrism. That is why cyborg politics insist on noise and advocate pollution, rejoicing in the illegitimate fusions of animal and machine. These are the couplings which make Man and Woman so problematic, subverting the structure of desire, the force imagined to generate language and gender, and so subverting the structure and modes of reproduction of 'Western' idendty, of nature and culture, of mirror and eye, slave and master, body and mind. 'We' did not originally choose to be cyborgs, but choice grounds a liberal politics and epistemology that imagines the reproduction of individuals before the wider replications of 'texts'.
From the perspective of cyborgs, freed of the need to ground politics in 'our' privileged position of the oppression that incorporates all other dominations, the innocence of the merely violated, the ground of those closer to nature, we can see powerful possibilities. Feminisms and Marxisms have run aground on Western epistemological imperatives to construct a revolutionary subject from the perspective of a hierarchy of oppressions and/or a latent position of moral superiority, innocence, and greater closeness to nature. With no available original dream of a common language or original symbiosis promising protection from hostile 'masculine' separation, but written into the play of a text that has no finally privileged reading or salvation history, to recognize 'oneself' as fully implicated in the world, frees us of the need to root politics in identification, vanguard parties, purity, and mothering. Stripped of identity, the bastard race teaches about the power of the margins and the importance of a mother like Malinche. Women of colour have transformed her from the evil mother of masculinist fear into the originally literate mother who teaches survival. This is not just literary deconstruction, but liminal transformation. Every, story that begins with original innocence and privileges the return to wholeness imagines the drama of life to be individuation, separation, the birth of the self, the tragedy of autonomy, the fall into writing, alienation; that is, war, tempered by imaginary respite in the bosom of the Other. These plots are ruled by a reproductive politics --rebirth without flaw, perfection, abstraction. In this plot women are imagined either better or worse off, but all agree they have less selflhood, weaker individuation, more fusion to the oral, to Mother, less at stake in masculine autonomy. But there is another route to having less at stake in masculine autonomy, a route that does not pass through Woman, Primitive, Zero, the Mirror Stage and its imaginaw. It passes through women and other present-tense, illegitimate cyborgs, not of Woman born, who refuse the ideological resources of victimization so as to have a real life. These cyborgs are the people who refuse to disappear on cue, no matter how many dmes a 'western' commentator remarks on the sad passing of another primitive, another organic group done in by 'Western' technology, by writing. These real-life cyborgs (for example, the Southeast Asian village women workers inJapanese and US electronics firms described by Aihwa Ong) are actively rewriting the texts of their bodies and sociedes. Sumival is the stakes in this play of readings.
To recapitulate, certain dualisms have been persistent in Western traditions; they have all been systemic to the logics and practices of domination of women, people of colour, nature, workers, animals - in short, domination of all constituted as others, whose task is to mirror the self. Chief among these troubling dualisms are self/other, mind/body, culture/nature, male/female, civilized/primitive, reality/appearance, whole/part, agent/resource, maker/ made, active/passive, right/wrong, truth/illusion, totaVpartial, God/man. The self is the One who is not dominated, who knows that by the semice of the other, the other is the one who holds the future, who knows that by the experience of domination, which gives the lie to the autonomy of the self. To be One is to be autonomous, to be powerful, to be God; but to be One is to be an illusion, and so to be involved in a dialectic of apocalypse with the other. Yet to be other is to be multiple, without clear boundary, frayed, insubstantial. One is too few, but two are too many.
High-tech culture challenges these dualisms in intriguing ways. It is not clear who makes and who is made in the relation between human and machine. It is not clear what is mind and what body in machines that resolve into coding practices. In so far as we know ourselves in both formal discourse (for example, biology) and in daily practice (for example, the homework economy in the integrated circuit), we find ourselves to be cyborgs, hybrids, mosaics, chimeras. Biological organisms have become biotic systems, com178 munications devices like others. There is no fundamental, ontological separation in our formal knowledge of machine and organism, of technical and organic. The replicant Rachel in the Ridley Scott film Blade Runner stands as the image of a cyborg culture's fear, love, and confusion.
One consequence is that our sense of connection to our tools is heightened. The trance state experienced by many computer users has become a staple of science-fiction film and cultural jokes. Perhaps paraplegics and other severely handicapped people can (and sometimes do) have the most intense experiences of complex hybridization with other communication devices. Anne McCaffrey's pre-feminist The Ship Who Sang (1969) explored the consciousness of a cyborg, hybrid of girl's brain and complex machinery, formed after the birth of a severely handicapped child. Gender, sexuality, embodiment, skill: all were reconstituted in the story. Why should our bodies end at the skin, or include at best other beings encapsulated by skin? From the seventeenth century dll now, machines could be animated - given ghostly souls to make them speak or move or to account for their orderly development and mental capacides. Or organisms could be mechan-ized - reduced to body understood as resource of mind. These machine/ organism relationships are obsolete, unnecessary. For us, in imagination and in other practice, machines can be prosthetic devices, intimate components, friendly selves. We don't need organic holism to give impermeable whole-ness, the total woman and her feminist variants (mutants?). Let me conclude this point by a very partial reading of the logic of the cyborg monsters of my second group of texts, feminist science fiction.
The cyborgs populating feminist science fiction make very problematic the statuses of man or woman, human, artefact, member of a race, individual endty, or body. Katie King clarifies how pleasure in reading these fictions is not largely based on idendfication. Students facingJoanna Russ for the first time, students who have learned to take modernist writers like James Joyce or Virginia Woolf without flinching, do not know what to make of The Adventures of Alyx or The Female Man, where characters refuse the reader's search for innocent wholeness while granting the wish for heroic quests, exuberant eroticism, and serious politics. The Female Man is the story of four versions of one genotype, all of whom meet, but even taken together do not make a whole, resolve the dilemmas of violent moral action, or remove the growing scandal of gender. The feminist science fiction of Samuel R. Delany, especially Tales of Neveyon, mocks stories of origin by redoing the neolithic revolution, replaying the founding moves of Western civilization to subvert their plausibility. James Tiptree, Jr, an author whose fiction was regarded as particularly manly undl her 'true' gender was revealed, tells tales of reproduction based on non-mammalian technologies like alternation of generations of male brood pouches and male nurturing. John Varley constructs a supreme cyborg in his arch-feminist exploration of Gaea, a mad goddessplanet-trickster-old woman-technological device on whose surface an extraordinary array of post-cyborg symbioses are spawned. Octavia Butler writes of an African sorceress pithug her powers of transformation against the genetic manipulations of her rival (Wild Seed), of dme warps that bring a modern US black woman into slavery where her actions in relation to her white master-ancestor determine the possibility of her own birth (Kindred), and of the illegidmate insights into idendty and community of an adopted cross-species child who came to know the enem' as self (Survivor). In Dawn (1987), the first instalment of a series called Xenogenesis, Butler tells the story of Lilith Iyapo, whose personal name recalls Adam's first and repudiated wife and whose family name marks her status as the widow of the son of Nigerian immigrants to the US. A black woman and a mother whose child is dead, Lilith mediates the transformation of humanity through genetic exchange with extraterrestrial lovers/rescuers/destroyers/genetic engineers, who reform earth's habitats after the nuclear holocaust and coerce surviving humans into intimate fusion with them. It is a novel that interrogates reproductive, linguishc, and nuclear politics in a mythic field structured by late twentieth-century race and gender.
Because it is particularly rich in boundary transgressions, Vonda McIn-tyre's Superluminal can close this truncated catalogue of promising and dangerous monsters who help redefine the pleasures and politics of embodiment and feminist writing. In a fiction where no character is 'simply' human, human status is highly problematic. Orca, a genetically altered diver, can speak with killer whales and survive deep ocean conditions, but she longs to explore space as a pilot, necessitating bionic implants jeopardizing her kinship with the divers and cetaceans. Transformations are effected by virus vectors carrying a new developmental code, by transplant surgery, by implants of microelectronic devices, by analogue doubles, and other means. Lacnea becomes a pilot by accepting a heart implant and a host of other alterations allowing survival in transit at speeds exceeding that of light. Radu Dracul survives a virus-caused plague in his outerworld planet to find himself with a time sense that changes the boundaries of spatial perception for the whole species. All the characters explore the limits of language; the dream of communicating experience; and the necessity of limitation, partiality, and indmacy even in this world of protean transformation and connection. Superluminal stands also for the defining contradictions of a cyborg world in another sense; it embodies textually the intersection of feminist theory and colonial discourse in the science fiction I have alluded to in this chapter. This is a conjunction with a long history that many 'First World' feminists have tried to repress, including myself in my readings of Superluminal before being called to account by Zoe Sofoulis, whose different location in the world system's informatics of domin-ation made her acutely alert to the imperialist moment of all science fiction cultures, including women's science fiction. From an Australian feminist sensitivity, Sofoulis remembered more readily McIntyre's role as writer of the adventures of Captain Kirk and Spock in TV's Star Trek series than her rewriting the romance in Superluminal.
Monsters have always defined the limits of community in Western imaginations. The Centaurs and Amazons of ancient Greece established the limits of the centred polls of the Greek male human by their disruption of marriage and boundary pollutions of the warrior with animality and woman. Unseparated twins and hermaphrodites were the confused human material in early modern France who grounded discourse on the natural and supernatural, medical and legal, portents and diseases -- all crucial to establishing modern identity. The evolutionary and behavioural sciences of monkeys and apes have marked the multiple boundaries of late twentieth-century industrial identities. Cyborg monsters in feminist science fiction define quite different political possibilities and limits from those proposed by the mundane fiction of Man and Woman.
There are several consequences to taking seriously the imagery of cyborgs as other than our enemies. Our bodies, ourselves; bodies are maps of power and identity. Cyborgs are no exception. A cyborg body is not innocent; it was not born in a garden; it does not seek unitary identity and so generate antagonistic dualisms without end (or until the world ends); it takes irony for granted. One is too few, and two is only one possibility. Intense pleasure in skill, machine skill, ceases to be a sin, but an aspect of embodiment. The machine is not an it to be animated, worshipped, and dominated. The machine is us, our processes, an aspect of our embodiment. We can be responsible for machines; they do not dominate or threaten us. We are responsible for boundaries; we are they. Up till now (once upon a time), female embodiment seemed to be given, organic, necessary; and female embodiment seemed to mean skill in mothering and its metaphoric exten-sions. Only by being out of place could we take intense pleasure in machines, and then with excuses that this was organic activity after all, appropriate to females. Cyborgs might consider more seriously the partial, fluid, sometimes aspect of sex and sexual embodiment. Gender might not be global identity after all, even if it has profound historical breadth and depth. The ideologically charged question of what counts as daily activity, as experience, can be approached by exploiting the cyborg image. Feminists have recently claimed that women are given to dailiness, that women more than men somehow sustain daily life, and so have a privileged epistemo-logical position potentially. There is a compelling aspect to this claim, one that makes visible unvalued female activity and names it as the ground of life. But the ground of life? What about all the ignorance of women, all the exclusions and failures of knowledge and skill? What about men's access to daily competence, to knowing how to build things, to take them apart, to play? What about other embodiments? Cyborg gender is a local possibility taking a global vengeance. Race, gender, and capital require a cyborg theory of wholes and parts. There is no drive in cyborgs to produce total theory, but there is an intimate experience of boundaries, their construction and deconstruction. There is a myth system waiting to become a political language to ground one way of looking at science and technology and challenging the informatics of domination-- in order to act potently.
One last image organisms and organismic, holistic politics depend on metaphors of rebirth and invariably call on the resources of reproductive sex. I would suggest that cyborgs have more to do with regeneration and are suspicious of the reproductive matrix and of most birthing. For salamanders, regeneration after injury, such as the loss of a limb, involves regrowth of structure and restoration of function with the constant possibility of twinning or other odd topographical productions at the site of former injury. The regrown limb can be monstrous, duplicated, potent. We have all been injured, profoundly. We require regeneration, not rebirth, and the possibilities for our reconstitution include the utopian dream of the hope for a monstrous world without gender.
Cyborg imagery can help express two crucial arguments in this essay: first, the production of universal, totalizing theory is a major mistake that misses most of reality, probably always, but certainly now; and second, taking responsibility for the social relations of science and technology means refusing an anti-science metaphysics, a demonology of technology, and so means embracing the skilful task of reconstructing the boundaries of daily life, in partial connection with others, in communication with all of our parts. It is not just that science and technology are possible means of great human satisfaction, as well as a matrix of complex dominations. Cyborg imagery can suggest a way out of the maze of dualisms in which we have explained our bodies and our tools to ourselves. This is a dream not of a common language, but of a powerful infidel heteroglossia. It is an imagination of a feminist speaking in tongues to strike fear into the circuits of the supersavers of the new right. It means both building and destroying machines, identities, categories, relationships, space stories. Though both are bound in the spiral dance, I would rather be a cyborg than a goddess.

175
manifestos/1984_Manifeste_Cyborg_[FR].txt

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MANIFESTE CYBORG •
https://wiki.lereset.org/_media/harawaynb.pdf •
Donna Haraway •
1984 •
MANIFESTE CYBORG: SCIENCE, TECHNOLOGIE ET FÉMINISME SOCIALISTE À LA FIN DU XX E SIÈCLE •
R R ê ê v v e e i i r r o o n n i i q q u u e e d d ’ ’ u u n n e e l l a a n n g g u u e e c c o o m m m m u u n n e e p p o o u u r r l l e e s s f f e e m m m m e e s s d d a a n n s s l l e e c c i i r r c c u u i i t t i i n n t t é é g g r r é é •
Je vais tenter ici de construire un mythe politique ironique qui soit fidèle au féminisme, au socialisme et au matérialisme. Plus fidèle peut-être au sens du blasphème que de la vénération et de l’identification respectueuses. Le blasphème semble exiger depuis toujours que l’on prenne les choses très au sérieux. Je ne connais pas de meilleure posture à adopter de l’intérieur des traditions évangéliques laïquo-religieuses, traditions suivies en politique par les Américains, y compris par les féministes socialistes. Le blasphème lancé de l’intérieur de la majorité morale nous en protège, tout en soulignant le besoin que nous avons de communauté. Le blasphème n’est pas l’apostasie. L’ironie est une histoire de contradictions qui ne se résolvent pas dans de grands “touts”, même dialectiquement. L’ironie est une histoire de tension produite lorsque l’on veut faire tenir ensemble des choses incompatibles parce que deux d’entre elles, ou toutes, sont vraies et nécessaires. Une histoire d’humour, une façon de jouer sérieusement. Une stratégie rhétorique, une méthode politique que j’aimerais voir plus souvent à l’honneur au sein du féminisme socialiste. Au centre de ma foi, de mon ironie, de mon blasphème: l’image du cyborg.
Le cyborg est un organisme cybernétique, hybride de machine et de vivant, créature de la réalité sociale comme personnage de roman. La réalité sociale est le vécu des relations, notre construction politique la plus importante, une fiction qui change le monde. Les divers mouvements féministes internationaux ont autant construit “l’expérience des femmes” qu’ils ont ait émergé ou fait la découverte de cet objet collectif crucial.
Cette expérience des femmes est une fiction et un fait de la plus haute importance politique. La libération nécessite que l’on construise la conscience de l’oppression et des possibles qui en découlent, qu’on les appréhende en imagination. Le cyborg: question de fiction et de vécu, qui change ce qui compte en tant qu’expérience des femmes en cette fin de XXe siècle. Il s’agit d’une lutte de vie et de mort, mais la frontière qui sépare la science-fiction de la réalité sociale n’est qu’illusion d’optique.
La science-fiction contemporaine est peuplée de créatures cyborgs, à la fois animales et machines qui habitent des univers ambigus à la fois naturels et fabriqués. La médecine moderne, elle aussi, fait appel à des cyborgs, accouplements entre organisme et machine, tous conçus comme des systèmes codés, et dont l’intimité et l’énergie ne proviennent pas de l’évolution de la sexualité telle que nous la connaissons. Le sexe cyborgien fait revivre quelque chose de la ravissante liberté réplicative des fougères et des invertébrés (quelle délicieuse prophylaxie naturelle contre l’hétérosexisme. La réplication du cyborg a divorcé de la reproduction organique.
La production moderne ressemble à un rêve de travail accompli dans un monde colonisé par les cyborgs, un rêve à côté duquel le cauchemar du Taylorisme paraîtrait idyllique. Et la guerre moderne est une orgie de cyborgs qui a pour nom de code le C3I Command-ControlCommunication-Intelligence (Commandement-ContrôleCommunication-Renseignement), une ligne de 84 milliards de dollars dans le budget de la défense américaine de 1984.
Je plaide pour une fiction cyborgienne qui cartographierait notre réalité corporelle et sociale, une ressource imaginaire qui permettrait d’envisager de nouveaux accouplements fertiles. La biopolitique de Michel Foucault n’est qu’une pâle prémonition de la politique du cyborg, ce vaste champ.
La fin du XXe siècle, notre époque, ce temps mythique est arrivé et nous ne sommes que chimères, hybrides de machines et d’organismes théorisés puis fabriqués; en bref, des cyborgs. Le cyborg est notre ontologie; il définit notre politique. Le cyborg est une image condensée de l’imagination et de la réalité matérielle réunies, et cette union structure toute possibilité de transformation historique. Dans la tradition occidentale des sciences et de la politique – tradition de la domination masculine, raciste et capitaliste, tradition du progrès, tradition de l’appropriation de la nature comme ressource pour les productions de la culture, tradition de la reproduction de soi par le regard des autres – la relation entre organisme et machine fut une guerre de frontières. Elle avait pour enjeux les territoires de la production, de la reproduction et de l’imagination. Ce chapitre est une plaidoirie et pour le plaisir à prendre dans la confusion des frontières et pour la responsabilité à assumer quant à leur construction.
C’est aussi une tentative de contribution à la culture et à la théorie féministes socialistes sur un mode post-moderne qui ne se réfère pas à la “nature”, dans la tradition utopiste d’un monde sans genres sexués qui est peut-être un monde sans genèse et sans doute un monde sans fin.
L’incarnation du cyborg est extérieure à l’histoire de la rédemption. Elle ne s’inscrit pas non plus dans un calendrier œdipien car elle ne cherche pas à cicatriser les terribles clivages du genre dans une utopie symbiotique orale ou une apocalypse post-œdipienne. Comme le dit Zoe Sofoulis dans Lacklein, texte inédit sur Jacques Lacan, Mélanie Klein et la culture nucléaire, les monstres les plus terribles, et peut-être promis au plus bel avenir, des mondes cyborgiens s’incarnent dans des récits non-œdipiens qui ont une logique de répression différente et que nous devons comprendre si nous voulons survivre.
Le cyborg est une créature qui vit dans un monde post-genre; il n’a rien à voir avec la bisexualité, la symbiose préœdipienne, l’inaliénation du travail, ou tout autre tentation de parvenir à une plénitude organique à travers l’ultime appropriation du pouvoir de chacune de ses parties par une unité supérieure. Le cyborg n’a pas d’histoire originelle au sens occidental du terme – ultime ironie puisqu’il est aussi l’horrible conséquence, l’apocalypse finale de l’escalade de la domination de l’individuation abstraite, le moi par excellence, enfin dégagé de toute dépendance, un homme dans l’espace. L’histoire des origines, au sens humaniste occidental du terme, repose sur le mythe d’une unité, d’une plénitude, d’une béatitude et d’une terreur originelles représentées par la mère phallique dont tous les humains doivent se détacher, pour accomplir leur double tâche de développement individuel et historique, selon les mythes jumeaux super puissants hérités du marxisme et de la psychanalyse. Comme l’a montré Hilary Klein, le marxisme et la psychanalyse reposent, dans leur conception du travail, de l’individuation et de l’élaboration des genres, sur le même scénario: la différence doit être produite à partir d’une unité originelle et trouver un rôle dans la mise en scène de la montée de la domination qui s’exerce sur la femme / nature. Le cyborg saute l’étape de l’unité originelle, celui de l’identification avec la nature au sens occidental du terme. Voici sa promesse illégitime, qui pourrait nous conduire vers la subversion de sa téléologie de guerre des étoiles.
Le cyborg est résolument du côté de la partialité, de l’ironie, de l’intimité et de la perversité. Il est dans l’opposition, dans l’utopie et il ne possède pas la moindre innocence. Parce qu’il n’est plus structuré par la polarité du public et du privé, le cyborg définit une cité technologique en partie basée sur une révolution des relations sociales au sein de l’oïkos, du foyer. Nature et culture sont refaçonnées; l’une ne peut plus être la ressource que l’autre s’approprie et assimile. Les relations, y compris celles de polarité et de domination hiérarchique, qui permettent, avec des parties, de former des “touts” sont à l’ordre du jour dans le monde cyborgien.
Contrairement au monstre de Frankenstein, le cyborg n’attend pas de son père qu’il le sauve en restaurant le jardin originel; c’est-à-dire en lui fabriquant une compagne hétérosexuelle, en faisant enfin de lui un tout fini, une cité, un cosmos. Le cyborg ne rêve pas d’une communauté établie sur le modèle de la famille organique, mais il n’en a pas pour autant un projet œdipien. Le cyborg ne reconnaîtrait pas le jardin d’Eden, il n’est pas fait de boue et il ne peut rêver de retourner à la poussière. C’est peut-être pour cela que je veux voir si les cyborgs peuvent subvertir l’apocalypse du retour à la poussière nucléaire engendré par la compulsion obsessionnelle à nommer l’Ennemi. Les cyborgs ne sont pas respectueux; ils n’ont pas de souvenir du cosmos. Ils se méfient de l’holisme, mais ont besoin de connexion – ils semblent avoir un penchant naturel pour la politique du front commun, mais sans troupes d’avant-garde. Reste le grand problème des cyborgs: ils sont les rejetons illégitimes du militarisme et du capitalisme patriarcal, sans parler du socialisme d’État. Mais les enfants illégitimes se montrent souvent excessivement infidèles à leurs origines. Leurs pères sont, après tout, in-essentiels.
Je reviendrai sur la science-fiction cyborgienne à la fin de ce chapitre, mais je veux maintenant évoquer trois brèches percées dans les frontières, trois moments cruciaux qui rendent possible l’analyse de politique-fiction (politico-scientifique) qui va suivre. Dans la culture scientifique américaine de cette fin du XXe siècle, la frontière qui sépare l’humain de l’animal est presque complètement tombée. Quand ils n’ont pas été transformés en parcs de loisirs, les derniers bastions de la spécificité ont été pollués: ni le langage, ni l’outil, ni le comportement social, ni ce qui se passe dans notre tête ne justifie plus de manière vraiment convaincante la séparation de l’humain et de l’animal. Et nombreux sont ceux qui ne ressentent plus le besoin d’une telle séparation; au sein de la culture féministe, bien des tendances affirment le plaisir que procure la connexion de l’humain aux autres créatures vivantes. Les mouvements de défense des droits des animaux ne proposent pas un déni irrationnel de la spécificité humaine; ils reconnaissent avec lucidité la connexion qui s’établit au-delà de la vieille opposition entre nature et culture. Au cours des deux derniers siècles, la biologie et la théorie de l’évolution ont en même temps transformé les organismes en objets de connaissance et réduit la frontière entre humain et animal à une légère trace sans cesse re-tracée par les luttes idéologiques et les disputes professionnelles qui opposent les sciences sociales à celles de la vie. Dans ce contexte, raconter aux enfants la création du monde par Dieu, comme le font les Chrétiens d’aujourd’hui, est une forme de maltraitance qu’il faudrait dénoncer.
L’idéologie du déterminisme biologique n’est qu’une position à partir de laquelle la culture scientifique permet de débattre des différentes significations de l’animalité humaine. Il reste beaucoup de place aux défenseurs d’une politique radicale pour contester les conséquences d’un brouillage de la frontière[1]. C’est précisément là où la frontière entre l’humain et l’animal est transgressée que le cyborg apparaît en mythe. Loin de traduire un éloignement qui isolerait les humains des autres créatures vivantes, les cyborgs annoncent des accouplements fâcheusement et délicieusement forts. La bestialité obtient, dans ce cycle d’échange marital, un nouveau statut.
Une seconde distinction est en train de se lézarder, celle qui oppose l’humain-animal (l’organique) et la machine. Les machines pré-cybernétiques pouvaient être hantées; il y a toujours eu dans la machine le spectre du fantôme. Ce dualisme a structuré le dialogue entre matérialisme et idéalisme mis en place par une enfant de la dialectique que l’on appelle esprit, ou histoire, selon les goûts. Mais au fond, les machines ne se déplaçaient pas toute seules, elles ne s’auto-concevaient pas, n’avait aucune autonomie. Elles ne réalisaient pas le rêve de l’homme, elles ne pouvaient que le tourner en dérision. Elles n’étaient pas l’homme, son propre auteur, mais une simple caricature de ce rêve masculiniste de reproduction. Penser qu’elles pouvaient être autre chose était pur délire paranoïde. Maintenant, nous n’en sommes pas si sûres. Avec les machines de la fin du XXe siècle, les distinctions entre naturel et artificiel, corps et esprit, auto-développement et création externe, et tant d’autres qui permettaient d’opposer les organismes aux machines, sont devenues très vagues. Nos machines sont étrangement vivantes, et nous, nous sommes épouvantablement inertes.
Le déterminisme technologique n’est qu’un des espaces idéologiques ouverts par les nouvelles conceptions de la machine et de l’organisme comme textes codés à travers lesquels nous jouons à lire et à écrire le monde[2]. La textualisation hyperbolique, que l’on trouve dans la théorie post-moderne et post-structuraliste, a été condamnée par les féministes socialistes et marxistes pour sa méconnaissance utopique des relations vécues de domination qui constituent le terrain sur lequel se “joue” la lecture arbitraire[3]. Il est certainement vrai que les stratégies post-modernes, comme mon mythe du cyborg, subvertissent des myriades de “touts” organiques (par exemple le poème, la culture primitive, l’organisme biologique). En bref, nous ne sommes plus très sûres de savoir ce qui appartient ou non à la nature – cette source d’innocence et de sagesse – et nous ne le saurons probablement plus jamais. Nous avons perdu l’autorisation d’interpréter, qui fait la transcendance, et avec elle, nous avons perdu l’ontologie, qui fait le terrain de l’épistémologie “occidentale”. Mais il y a d’autres réponses à cela que le cynisme, le manque de foi, ou tout autre version abstraite de l’existence, comme la destruction de “l’homme” par la “machine” ou de “l’action politique signifiante” par le “texte” qu’entraînerait le déterminisme technologique. Savoir qui seront les cyborgs est une question fondamentale, notre survie dépend des réponses que nous saurons y apporter. Les chimpanzés comme les objets ont leur politique, pourquoi pas nous? (de Waal, 1982; Winner, 1980).
La troisième distinction qui nous intéresse ici est un sous-ensemble de la deuxième: la frontière entre ce qui est physique et ce qui ne l’est pas devient très imprécise. Les livres de vulgarisation qui traitent des conséquences de la théorie des quanta et du principe d’indétermination sont à la science ce que les histoires d’amour de la collection Harlequin sont au changement radical que connaît l’hétérosexualité blanche américaine: ils sont dans l’erreur, mais ils ont choisi le bon sujet. La microélectronique constitue la quintessence des machines modernes, ses appareils sont partout, et invisibles. La machinerie moderne est un jeune dieu irrévérencieux qui ridiculise l’ubiquité et la spiritualité du Père. La puce en silicium est une surface d’écriture; elle est gravée dans des couches moléculaires que seul le bruit atomique vient troubler, ultime distorsion pour partition nucléaire. Dans les histoires que l’Occident raconte sur l’origine de la civilisation, l’écriture, le pouvoir et la technologie sont de vieux partenaires, mais la miniaturisation a transformé l’expérience que nous avons de ce mécanisme. La miniaturisation s’est révélée avoir trait au pouvoir, Small n’est plus si beautiful, le petit, celui que l’on trouve par exemple dans les missiles de croisières, apparaît maintenant pré-éminemment dangereux.
Comparez les postes de télévision des années 1950 ou les caméras des années 1970 avec les montres-télévision que l’on porte aujourd’hui au poignet ou les nouvelles caméras vidéo qui tiennent dans une main. Nos meilleures machines sont faites de soleil, toute légères et propres car elles ne sont que signaux, vagues électromagnétiques, section du spectre. Elles sont éminemment portables, mobiles – un sujet d’immense douleur à Détroit et Singapour. Matériels et opaques, les gens sont loin de cette fluidité. Les cyborgs sont éther, quintessence.
C’est justement leur ubiquité et leur invisibilité, qui font des cyborgs ces machines meurtrières. Difficiles à voir matériellement, ils échappent aussi au regard politique. Ils ont trait à la conscience – ou à sa simulation[4].
Ce sont des signifiants flottants qui se déplacent en camion à travers l’Europe, et qu’à Greenham, le magique maillage de ces femmes dénaturées et inconvenantes, qui savent si bien lire les toiles cyborgiennes du pouvoir, a arrêté plus efficacement que les pratiques militantes de l’ancienne politique masculiniste, naturellement constituée d’individus qui ont besoin des jobs que leur offre l’industrie militaire[5]. En définitive, la science la plus “dure” étudie le domaine où la confusion des frontières est la plus grande, le domaine du nombre pur, de l’esprit pur, du C3I, de la cryptographie et de la préservation de puissants secrets. Les nouvelles machines sont si propres et légères. Leurs concepteurs, des adorateurs du soleil par qui a lieu une nouvelle révolution scientifique associée aux peurs secrètes de la société postindustrielle. Les maladies qu’évoquent ces machines propres ne sont “rien d’autre” que de minuscules changements apportés au code d’un antigène dans le système immunitaire, “rien d’autre” que l’expérience du stress. Les doigts agiles des femmes “orientales”, l’ancienne fascination des petites filles de l’Angleterre victorienne pour les maisons de poupées, l’attention forcée des femmes sur tout ce qui est petit, prend, dans ce monde, des dimensions plutôt inattendues. Il se pourrait bien qu’une Alice cyborgienne soit en train de s’intéresser à ces nouvelles dimensions. Il se pourrait bien que ce soient, oh ironie du sort, ces femmes cyborgs dénaturées qui fabriquent des puces en Asie et dansent des farandoles dans la prison de Santa Rita[6]qui, en constituant des groupes, fédèrent efficacement les stratégies de la contestation.
Ainsi, j’élabore mon mythe du cyborg pour parler des frontières transgressées, des puissantes fusions et des dangereuses éventualités, sujets, parmi d’autres, d’une réflexion politique nécessaire que les progressistes pourraient mener. Une des prémisses sur lesquelles je me fonde: les socialistes et les féministes américain(e)s considèrent pour la plupart que les dualismes corps et esprit, animal et machine, idéalisme et matérialisme sont accentués par les pratiques sociales, les formulations symboliques et les objets physiques associés aux “hautes-technologies” et à la culture scientifique. De L’Homme unidimensionnel (Marcuse 1964) à The Death of Nature (Merchant, 1980) les analyses développées par les progressistes mettent l’accent sur la nécessité de dominer la technique et font appel à un corps organique imaginaire pour renforcer notre résistance. Une autre de mes prémisses: jamais ceux qui tentent de lutter contre l’intensification mondiale de la domination n’ont autant eu besoin de s’unir. Mais une perspective légèrement décalée nous permettrait de pouvoir mieux nous battre pour introduire, dans des sociétés médiatisées par la technologie, de nouvelles significations et de nouvelles formes de pouvoir et de plaisir.
On pourrait voir le monde cyborgien comme celui avec lequel viendra l’imposition définitive d’une grille de contrôle sur la planète, l’abstraction définitive d’une apocalyptique Guerre des étoiles menée au nom de la défense nationale, et l’appropriation définitive du corps des femmes dans une orgie guerrière masculiniste (Sofia, 1984). D’un autre point de vue, le monde cyborgien pourrait être un monde de réalités corporelles et sociales dans lesquelles les gens n’auraient peur ni de leur double parenté avec les animaux et les machines, ni des idées toujours fragmentaires, des points de vue toujours contradictoires. La lutte politique doit prendre en compte ces deux perspectives à la fois car chacune d’entre elles révèle et les rapports de domination et les incroyables potentialités de l’autre. La vision unilatérale produit des illusions bien pires que la vision bilatérale ou que celle des monstres à plusieurs têtes. Les unions cyborgiennes sont monstrueuses et illégitimes; dans le contexte politique actuel, on ne peut espérer trouver plus puissant mythe de résistance et de nouvel accouplement. J’aime imaginer le LAG (Livermore Action Group[7]) comme une sorte de société cyborgienne qui s’efforce avec réalisme de convertir les laboratoires, lieux de la plus violente apocalypse technologique, bouches d’où sont vomis ses instruments de destruction; je rêve du LAG comme d’une sorte de société cyborgienne s’engageant à construire une forme politique qui tienne véritablement ensemble sorcières, ingénieurs, anciens, invertis, chrétiens, mères et léninistes pendant suffisamment de temps pour désarmer l’État. Fission Impossible , tel est le nom du groupe d’affinité qui s’est créé dans ma ville. (Affinité: un lien non de sang mais de choix, attraction d’un noyau chimique par un autre, avidité)[8].
I d d e e n n t t i i t t é é s s f f r r a a c c t t u u r r é é e e s s •
Se nommer féministe, sans rien ajouter à ce qualificatif, voire affirmer son féminisme en toute circonstance, est devenu difficile. Nous avons une conscience aiguë de ce qu’en nommant, on exclut. Les identités semblent contradictoires, partielles et stratégiques. Après que les notions de classe, de race et de genre se soient, non sans mal, imposées comme constructions sociales et historiques, on ne peut plus les utiliser comme bases d’une croyance essentialiste. Il n’y a rien dans le fait d’être femme qui puisse créer un lien naturel entre les femmes. “Etre” femme n’est pas un état en soi, mais signifie appartenir à une catégorie hautement complexe, construite à partir de discours scientifiques sur le sexe et autres pratiques sociales tout aussi discutables. Conscience de classe, conscience de race ou conscience de genre nous ont été imposées par l’implacable expérience historique des réalités contradictoires du capitalisme, du colonialisme et du patriarcat. Qui compose ce “nous”, dans ma propre rhétorique? Sur quelles identités peut-on s’appuyer pour fonder un mythe politique aussi puissant que ce “nous”, et qu’est-ce qui pourrait pousser quelqu’un à s’engager dans une telle collectivité? Les douloureuses divisions qui opposent les féministes les unes aux autres (sans parler des femmes en général) ont emprunté toutes les lignes de fracture possibles et rendu insaisissable le concept même de femme , concept qui constitue une matrice où reproduire, entre femmes, les relations de domination. Pour moi, et pour beaucoup d’autres, comme moi historiquement incarnée dans un corps de femme blanche d’âge moyen, américaine, radicale, de classe moyenne et exerçant un métier, la crise d’identité politique menace à tout instant. Face à ce genre de crise, l’histoire récente d’une grande partie de la gauche et du féminisme américains est une histoire de scissions incessantes et de quêtes éternelles d’une essence unificatrice. Mais petit à petit, une autre possibilité de réponse à ces crises s’est imposée: la coalition – l’affinité, plutôt que l’identité[9]. Après avoir étudié les temps forts qui ont accompagné la prise de parole politique des “femmes de couleur”, Chela Sandoval a élaboré un modèle d’identité politique plein d’avenir qu’elle a appelé “conscience oppositionnelle”. Ce modèle repose sur le talent dont font preuve celles qui se voient refuser toute appartenance stable aux catégories sociales de race, de sexe ou de classe pour déchiffrer les réseaux du pouvoir. Si elle fut contestée à l’origine par celles qu’elle devait désigner, l’ex pression “femmes de couleur” n’en constitue pas moins une prise de conscience historique qui marque la débâcle générale des signes de l’Homme dans la tradition “occidentale”. L’expression “Femmes de couleur” construit une sorte d’identité postmoderniste de l’altérité, de la différence et de la spécificité. Et cette identité postmoderniste-là est pleinement politique, quoiqu’on puisse dire à propos d’autres éventuels postmodernismes. Plutôt que de relativismes et de pluralismes, la conscience oppositionnelle de Sandoval traite de positionnements contradictoires et de calendriers hétérochroniques. Sandoval insiste sur l’absence de tout critère essentialiste qui permettrait d’identifier ou non une femme de couleur. Elle remarque que le groupe s’est défini par l’appropriation consciente de la négation. Ni une Chicana, ni une Noire américaine ne pouvait, par exemple, parler en tant que femme, que Chicano ou que Noir. Elle se retrouvait donc tout en bas d’une cascade d’identités négatives, puisque même écartée des catégories reconnues d’oppressés priviligiés appelés “femmes et Noirs” qui prétendaient faire les révolutions importantes. Le concept “femme” excluait toutes les femmes non-blanches; le concept “Noir” excluait tous les individus non-noirs ainsi que toutes les femmes noires. Mais il n’y avait pas non plus de “elle”, de singularité. Les Américaines qui ont affirmé leur identité de femmes américaines de couleur, nageaient dans un océan de différences. Cette nouvelle identité délimite un espace délibérément construit où pouvoir agir ne dépend d’aucune identification “naturelle”, mais d’un désir de coalition, d’affinités, ou de parenté politique[10].
Contrairement à certains mouvements féministes créés aux États-Unis par des Blanches, on ne fait pas ici appel une idée de “la” femme, il n’y a pas de recours à la “nature”, pas de généralisation de la matrice, idée, tout au moins selon Sandoval, à laquelle on ne peut accéder que par la puissance d’une conscience oppositionnelle.
La thèse de Sandoval doit être comprise comme une formulation féministe puissante du discours anti-colonialiste qui se développe dans le monde entier, discours qui annihile la notion d’Occident et son corollaire le plus important, la prépondérance de celui qui n’est ni animal, ni barbare, ni femme: l’homme, auteur d’un cosmos que l’on appelle Histoire.
Au fur et à mesure que l’on déconstruit l’orientalisme, tant sur le plan politique que sur celui de la sémiotique, les identités occidentales se déstabilisent, y compris celles que défendent les féministes[11]. Pour Sandoval, la notion de “femmes de couleur” a peut-être une chance de réaliser une véritable unité qui ne reproduira pas les sujets révolutionnaires totalitaires et impérialistes des marxismes et des féminismes d’antan qui n’ont pas vu venir les conséquences de la vague de polyphonie désordonnée soulevée par la décolonisation.
Katie King a souligné les limites de l’identification et des mécanismes identificatoires poético-politiques qui sous-tendent la lecture du “poème”, paradigme et source du féminisme culturel[12]. King dénonce la tendance qu’ont encore certaines féministes contemporaines à établir, à partir des “événements” ou des “échanges” ayant fait partie de leur propre pratique féministe, des taxinomies du mouvement des femmes grâce auxquelles leurs propres tendances politiques font, pour toutes, figure de totalité. Ces taxinomies tendent à réécrire l’histoire du féminisme de telle sorte qu’elle apparaît comme celle d’une lutte idéologique qui opposerait les uns aux autres différents types d’individus classés par groupes cohérents qui se maintiendraient avec le temps. Féminisme socialiste, radical et libéral en seraient les exemples les plus typiques. Tout autre féminisme est littéralement incorporé ou marginalisé, le plus souvent à travers la construction d’une ontologie et d’une épistémologie tout à fait explicite[13].
Les taxinomies du féminisme produisent des épistémologies policières qui empêchent toute déviation de la ligne officielle censée représenter l’expérience des femmes. Et bien entendu, la “culture des femmes”, tout comme la notion de “femmes de couleur”, est consciemment créée par des mécanismes producteurs d’affinité. Les rituels de la poésie, de la musique, et de certaines formes de pratique universitaire, y ont une importance pré-éminente. Aux États-Unis, dans les mouvements des femmes, politique raciale et culturelle sont intimement entremêlées. Apprendre à réaliser une unité poético-politique sans s’appuyer sur une logique d’appropriation, d’incorporation et d’identification taxinomique, voilà ce que King, comme Sandoval, proposent.
Assez paradoxalement, la lutte pratique et théorique contre l’unité-parla-domination ou l’unité-par-l’incorporation sape non seulement toutes les justifications du patriarcat, du colonialisme, de l’humanisme, du positivisme, de l’essentialisme, du scientisme et autres –ismes que l’on ne regrettera pas, mais empêche aussi toute prise de position naturaliste ou organiciste. Je pense que les féminismes marxistes-socialistes et radicaux ont eux aussi sapé leurs / nos propres stratégies épistémologiques et que cela représente une avancée cruciale dans l’invention des ententes possibles. Reste à voir si, dans ce travail de construction des affinités effectives, toutes ces “épistémologies” connues des occidentaux politisés nous manqueront ou non.
En essayant de construire des points de vue révolutionnaires, et en considérant l’épistémologie comme une chose à laquelle doivent travailler ceux qui veulent changer le monde, on démontrera les limites de l’identification.
On peut voir, dans les outils décapants de la théorie postmoderniste comme dans les outils constructifs du discours ontologique concernant les sujets révolutionnaires, d’ironiques alliés qui peuvent, pour la survie de tous, nous aider à annihiler nos moi occidentaux. Nous avons une conscience aiguë de ce que veut dire avoir un corps historiquement construit. Mais quand il n’y a plus de croyance innocente dans le mythe originel, il n’y a plus non plus de Paradis perdu. En renonçant à la naïveté de l’innocence, notre politique renonce à l’indulgence de la faute. Mais à quoi ressemblerait un autre mythe politique du féminisme socialiste? Quelle sorte de politique pourrait embrasser toutes ces constructions d’identités collectives et personnelles, toujours ouvertes, contradictoires et partielles, tout en restant fidèle, efficace – et, oh ironie, féministe socialiste? Je ne connais aucune autre période de l’histoire où le besoin d’une unité politique qui permette d’agir contre le système de domination basé sur la “race”, le “genre”, la “sexualité” et la “classe sociale” se soit autant fait ressentir. Mais je ne connais pas non plus d’autre époque où une unité comme celle que nous pouvons aider à construire aurait été possible.
Aucune d’entre “nous” n’a plus la possibilité symbolique ou matérielle d’imposer une certaine forme de réalité à aucun d’entre “eux”. “Nous” ne pouvons, en tout cas, pas nous prétendre innocentes de toutes les pratiques de domination que nous venons de définir. Les femmes blanches, y compris les féministes socialistes, ont découvert la non-innocence de la catégorie “femmes” (ou ont été forcées de la découvrir à coups de pieds dans le cul et de cris). Cette conscience transforme la géographie de toutes les catégories précédentes; elle les dénature comme la chaleur dénature une fragile protéine. Les féministes cyborgiennes doivent prouver que “nous” ne voulons plus trouver de matrice unitaire dans une quelconque nature, et qu’aucune construction n’est jamais complète. L’innocence, et son corollaire, vouloir que seule la position de victime permette l’objectivité, ont fait suffisamment de dégâts. Mais, en cette fin de XXe siècle, le sujet révolutionnaire construit doit aussi laisser les gens respirer. Dans le processus d’effilochage des identités et dans les stratégies qui sont mises en œuvre pour lutter contre ce processus, s’ouvre la possibilité de tisser autre chose qu’un linceul pour lendemain d’apocalypse, fin si bien annoncée de notre histoire de la rédemption.
Les féminismes socialistes-marxistes, comme les féminismes radicaux, ont à la fois naturalisé et dénaturé le concept “femme” ainsi que la conscience de ce que vivent “ les femmes” dans la société. Un schéma caricatural permettra peut-être de comprendre ces deux tendances. Le socialisme marxien est fondé sur une analyse du travail salarié qui révèle la structure de classe. Parce qu’elle dissocie l’ouvrier (et l’ouvrière?) de sa production, la relation de salaire crée une aliénation systématique. Les lois de l’abstraction et de l’illusion règnent sur la connaissance, et les lois de la domination sur les pratiques sociales. Le travail est le concept pré-éminemment privilégié par le marxiste car c’est lui qui permet de sortir de l’illusion et de prendre la position nécessaire à ceux qui veulent changer le monde. Le travail est l’activité humanisante qui fait l’homme; le travail est le concept ontologique qui permet la connaissance d’un sujet, et donc la connaissance de l’assujettissement et de l’aliénation.
Reconnaissant fidèlement sa filiation, le féminisme socialiste a suivi les analyses stratégiques fondamentales du marxisme. Les féministes marxistes et socialistes ont réussi à étendre le concept de travail pour y inclure ce que faisaient les femmes (certaines), même lorsque la relation salariale fut, sous le patriarcat capitaliste, subordonnée à une vision plus large du travail. Elles ont en particulier obtenu, en se référant au concept marxiste du travail, que le travail domestique des femmes et leur activité de mères dans son ensemble (c’est-à-dire la reproduction au sens féministe socialiste) soit pris en compte par la théorie. L’unité qui est ainsi établie entre les femmes est une unité épistémologique qui repose sur la structure ontologique du “travail”. Le féminisme socialiste marxiste ne fonde pas l’unité sur la “nature”; il l’envisage comme une éventualité, réalisable à partir d’une éventuelle prise de position fondée sur les relations sociales.
Mais avec la structure ontologique du travail et de son analogue, l’activité des femmes, on glisse vers l’essentialisme[14]. L’héritage de l’humanisme marxien, et du moi pré-éminemment occidental, me pose problème. Ce qui a été formulé à propos du travail, plutôt que de ramener éternellement “la” femme vers une quelconque “nature”, doit souligner la responsabilité quotidienne qu’ont “les” femmes des constructions sociales.
La version du féminisme radical de Catherine MacKinnon (1992, 1987) est une véritable caricature des tendances totalisantes, incorporationnistes et appropriationnistes des théories occidentales qui fondent l’action sur l’identité[15]. Assimiler les divers “événements” et “échanges” de la politique conduite ces dernières années par les femmes sous le nom de féminisme radical à la version qu’en donne MacKinnon serait, tant sur le plan factuel que politique, totalement erroné. Mais la logique téléologique de sa théorie montre comment une analyse épistémologique et ontologique – comme sa négation – efface ou contrôle la différence. La réécriture de l’histoire de ce champ polymorphe que l’on appelle féminisme radical n’est qu’un des aspects de la théorie de MacKinnon. Elle produit surtout une théorie de l’expérience, ou de l’identité des femmes, véritable apocalypse de tout point de vue révolutionnaire. La totalisation réalisée par cette histoire du féminisme radical atteint son but – l’unité des femmes – en réduisant l’expérience et le témoignage au non-être radical. Or, pour la féministe socialiste marxiste, la conscience est le résultat d’un effort, d’un travail, et non un fait naturel. Et la théorie de MacKinnon élimine quelques-uns des problèmes posés par l’humanisme révolutionnaire aux sujets qui s’en réclament, mais c’est au prix d’un réductionnisme radical.
Selon MacKinnon, le féminisme adopte nécessairement une stratégie analytique différente de celle du marxisme, qui ne considère pas en premier lieu la structure de classe, mais celle du sexe et du genre et les relations qu’elle produit, à savoir la façon dont les hommes constituent et s’approprient sexuellement les femmes. L’ “ontologie” de MacKinnon construit un non-sujet, un non-être. Quelle ironie! Dans cette optique, être “femme” n’est pas le résultat d’un effort conscient, et donc d’un travail, mais du désir de l’autre. Dans sa théorie de la conscience, ce qui “compte” en tant qu’expérience “des femmes”, c’est en fait ce qui a trait au viol, et le sexe lui-même. La pratique féministe devient la construction de cette forme de conscience, c’est-à-dire une idée-de-soi en non-soi.
Ce qu’il y a de pervers, dans ce féminisme, c’est que l’appropriation sexuelle y a toujours le statut épistémologique de travail, ou de position d’où l’analyse peut contribuer à changer le monde. Mais c’est l’objectification sexuelle, et non l’aliénation, qui est la conséquence de la structure de sexe et de genre. Dans le domaine de la connaissance, le résultat de l’objectification sexuelle est illusion et abstraction. Une femme, cependant, n’est pas seulement dissociée de sa production, et donc aliénée, elle n’existe même pas en tant que sujet, puisqu’elle doit son existence de femme à l’appropriation sexuelle. La constitution par le désir de l’autre n’est pas l’aliénation que produit la violente dissociation du travailleur et du produit de son travail.
La théorie radicale de l’expérience qu’élabore MacKinnon est totalisante à l’extrême. Elle ne se contente pas de marginaliser toute autre parole ou action politique des femmes, elle va jusqu’à les priver de toute autorité. Cette totalisation produit ce que le patriarcat occidental luimême n’avait jamais réussi à produire: une conscience féministe de la non-existence des femmes, si ce n’est comme production du désir des hommes. Je pense que MacKinnon a raison quand elle soutient qu’aucune version marxienne de l’identité ne peut servir de base solide à l’unité des femmes. Mais en résolvant, dans une optique féministe, le problème des contradictions inhérentes au sujet révolutionnaire occidental, elle construit une doctrine de l’expérience encore plus autoritaire. Si les idées socialistes marxiennes me paraissent gommer involontairement toutes les différences, radicales, inassimilables et polyphoniques que la pratique et le discours anti-colonialistes ont rendues visibles, le gommage intentionnel que MacKinnon fait subir à toutes les différences avec son système de non-existence essentialiste des femmes n’a rien pour me rassurer.
D’après ma taxinomie, qui, comme toute taxinomie, est une ré-inscription de l’histoire, le féminisme radical ne prend en compte les activités des femmes, qualifiées de travail par les féministes socialistes, que dans la mesure où elles peuvent, d’une manière ou d’une autre, être sexualisées.
Le sens du mot reproduction prend des nuances différentes pour chacune de ces deux tendances: l’une l’associe au travail, l’autre à la sexualité, et toutes deux donnent aux conséquences de la domination et de l’ignorance de la réalité personnelle et sociale le nom de “fausse conscience”.
Au-delà des difficultés soulevées par n’importe quelle thèse, et au-delà de ses apports, ni le point de vue marxiste, ni celui du féminisme radical ne se sont posés en tant qu’explication partielle. Tous deux ont été constitués comme des totalités. C’est ce qu’exige la position occidentale: comment l’auteur “occidental” pourrait-il autrement incorporer ce qui lui est étranger? Chacun tente d’annexer les autres formes de domination en étendant ses concepts de base au moyen de l’analogie, de la simple liste, ou de l’addition. Le silence gêné qu’observaient les féministes socialistes et radicales blanches à propos de la question raciale, en fut une des conséquences politiques majeures, et dévastatrices. L’histoire et la polyvocalité disparaissent dans les taxinomies politiques qui essayent d’établir des généalogies. Il n’y avait pas de place pour la race (ni pour à peu près rien d’autre) dans la structure d’une théorie qui prétendait révéler la construction du concept de femme et du groupe social des femmes comme un tout totalisable ou unifié.
Voici la caricature que j’en tire: Féminisme socialiste – structure de classe // travail salarié // travail aliénant, par analogie: reproduction, par extension: sexe, par addition: race Féminisme radical – structure de genre // appropriation sexuelle // objectification Sexe, par analogie: travail, par extension: reproduction, par addition: race Dans un autre contexte, la théoricienne française Julia Kristeva prétend que les femmes ne sont apparues en tant que groupe historique qu’après la Seconde Guerre Mondiale, en même temps que les jeunes.
Cette datation semble douteuse. Mais nous savons maintenant que, si on les considère en tant qu’objets de connaissance et moteurs historiques, des notions telles que celle de “race” n’ont pas toujours existé, que l’idée de “classe” a une genèse historique, et que la catégorie “homosexuel” est tout à fait récente. Que le bouleversement du système symbolique reposant sur la famille formée autour de l’homme, et sur l’essence de la femme, ait lieu au moment où les réseaux de connexions entre habitants de cette planète se multiplient, s’imposent et se complexifient comme jamais auparavant n’est pas dû au hasard. Le terme “capitalisme avancé” ne reflète pas la structure de ce moment historique. C’est la fin de l’homme, au sens “occidental” du terme, qui est en jeu. Que la notion de femme soit maintenant en train de se dissoudre dans l’existence “des” femmes, n’est pas dû au hasard. Peut-être les féministes socialistes ne sont-elles pas vraiment responsables de l’élaboration de la théorie essentialiste qui efface les particularités et les intérêts contradictoires des femmes. Moi je crois que si. Tout au moins parce que nous avons repris sans réfléchir la logique, le langage et les pratiques de l’humanisme blanc et que nous avons cherché un terrain de domination commun, afin de mieux faire entendre notre voix révolutionnaire. Maintenant, nous avons moins d’excuses. Mais cette conscience de nos erreurs risque de nous perdre dans l’infini des différences et de nous faire renoncer au travail complexe qui permet d’établir les connexions réelles, qui sont toujours partielles. Certaines différences sont anodines, d’autres sous-tendent les systèmes historiques mondiaux de la domination. Et l’épistémologie sait faire la différence entre les différences.
I I n n f f o o r r m m a a t t i i q q u u e e d d e e l l a a d d o o m m i i n n a a t t i i o o n n •
Pour établir la position épistémologique et politique que je recherche, je vais esquisser l’ébauche d’une unité possible, en me basant en grande partie sur les principes et les conceptions des féministes et des socialistes.
L’étendue et l’importance des réaménagements mondiaux des relations sociales de science et de technologie constituent le cadre de cette ébauche.
À l’intérieur de ce cadre, je défendrai une politique basée sur la revendication des transformations fondamentales qu’un système émergent d’ordre mondial analogue dans sa nouveauté et son amplitude à celui que le capitalisme industriel avait créé peut avoir sur la nature de la classe, de la race et du genre. Nous sommes en train de vivre le passage d’une société industrielle et organique à un système d’information polymorphe – du tout travail au tout loisir, un jeu mortel. En même temps matérielles et idéologiques, les dichotomies qui existent entre ces deux étapes s’inscrivent dans le tableau ci-dessous. Il retrace les transitions qui s’opèrent entre les bonnes vieilles dominations hiérarchiques et ces inquiétants nouveaux réseaux que j’ai appelés “informatique de la domination”:
Représentation .......................................................................................... Simulation •
Roman bourgeois, réalisme ............................................... Science-fiction, post-modernisme •
Organisme ........................................................................................................ Composant biotique •
Profondeur, intégrité ..................................................................... Surface / Limite •
Chaleur ................................................................................................................... Bruit •
Biologie comme pratique clinique ....................... Biologie comme inscription •
Physiologie ....................................................................................................... Engénierie de la communication •
Petit groupe .................................................................................................... Sous-système •
Perfection ........................................................................................................... Optimisation •
Eugénisme ........................................................................................................ Contrôle démographique •
Décadence, La Montagne magique .................... Obsolescence, Le Choc du futur •
Hygiène ................................................................................................................. Gestion du stress •
Microbiologie, tuberculose ................................................ Immunologie, SIDA •
Division organique du travail ........................................ Ergonomie / cybernétique du travail •
Spécialisation fonctionnelle .............................................. Construction modulaire •
Reproduction .............................................................................................. Réplication •
Spécialisation organique ......................................................... Stratégies d’optimisation des génétique rôles sexuels •
Déterminisme biologique ..................................................... Inertie évolutive, contraintes •
Écologie communautaire ....................................................... Écosystème •
Chaîne raciale du vivant ......................................................... Néo-impérialisme, humanisme des Nations-Unies •
Organisation scientifique ...................................................... Usine planétaire / Maison de la maison / de l’usine électronique •
Famille / marché / usine ......................................................... Femmes dans le circuit intégré •
Salaire familial ........................................................................................... Valeur comparable •
Public / privé ............................................................................................... Citoyenneté cyborg •
Nature / culture ...................................................................................... Champs de différence •
Coopération .................................................................................................. Amélioration de la communication •
Freud .......................................................................................................................... Lacan •
Sexe ............................................................................................................................... Génie génétique •
Travail ....................................................................................................................... Robotique •
Esprit .......................................................................................................................... Intelligence artificielle •
Seconde guerre mondiale ...................................................... Guerre des étoiles •
Patriarcat capitaliste blanc ................................................... Informatique de la domination •
Cette liste fait apparaître des choses intéressantes[16]. On constate, premièrement, que les objets de la colonne de droite ne peuvent être codés comme “naturels”, ce qui subvertit l’encodage naturaliste des éléments de la colonne de gauche. Nous ne pouvons revenir en arrière, ni sur le plan idéologique, ni sur le plan matériel. Ou bien ce n’est pas seulement “dieu” qui est mort, mais la “déesse” aussi. Ou bien ils revivent tous les deux dans des mondes gouvernés par une politique de la biotechnologie et de la microélectronique. Quand on réfléchit à des objets comme les composants biotiques, on ne peut penser en termes de propriétés intrinsèques, mais en termes de conception-design, de conditions aux limites, de taux de flux, de logique des sytèmes et de coût de réduction des contraintes. La reproduction sexuée est une des stratégies de reproduction parmi beaucoup d’autres, et une stratégie dont les coûts et les bénéfices sont fonction du système environnant. Les idéologies de la reproduction sexuée ne peuvent plus raisonnablement se référer au sexe et aux rôles sexués comme à des aspects organiques d’objets naturels que sont les organismes et les familles. L’irrationalité d’un tel raisonnement soulèverait un étrange tollé dans lequel les voix de cadres supérieurs lecteurs de Playboy s’uniraient à celles de féministes radicales anti-porno. Il en va de même pour la race. Les idéologies fondées sur la diversité humaine doivent être formulées en termes de fréquences de paramètres, comme les groupes sanguins ou les performances intellectuelles. Se référer à des concepts de primitif et de civilisé est “irrationnel”. Les recherches des libéraux et des radicaux sur les systèmes sociaux intégrés, s’ouvrent sur une nouvelle pratique, l’“ethnographie expérimentale”, selon laquelle l’objettions sociales. Les technologies et discours scientifiques semblent, quelque part, formaliser, c’est-à-dire geler, les interactions sociales normalement fluides qui les constituent. Mais on peut aussi les considérer comme des instruments qui mettent le sens en vigueur. Entre l’outil et le mythe, entre l’instrument et le concept, entre les systèmes historiques de relations sociales et les anatomies historiques de corps possibles, y compris des objets de connaissance, la frontière est perméable. En vérité, le mythe et l’outil se constituent mutuellement.
De plus, les sciences de la communication et la biologie moderne sont construites dans un même mouvement – celui où le monde devient un code à découvrir. Celui de la translation, de la traduction, de la recherche d’un langage commun dans lequel toute résistance au contrôle instrumental disparaît et où toute hétérogénéité peut être soumise au démantèlement, au ré-assemblage, à l’investissement et à l’échange.
En sciences de la communication, la translation du monde en code à décrypter s’illustre dans les théories des systèmes cybernétiques (ou systèmes à régulation par réaction) quand elles sont appliquées à la téléphonie, à la conception informatique, au déploiement des armements, ou la construction et à la maintenance des bases de données. Pour chacune de ces applications, la solution des questions fondamentales repose sur une théorie du langage et du contrôle: l’opération fondamentale consiste à déterminer les taux, les directions et les probabilités de flux d’une quantité que l’on appelle information. Le monde est divisé par des frontières plus ou moins perméables à l’information. L’information est justement ce genre d’élément quantifiable (à partir d’unités, bases de l’unité) qui permet la translation universelle et donc le pouvoir instrumental absolu (que l’on appelle communication effective). Et l’interruption de la communication est la plus grave menace qui pèse sur ce pouvoir. Toute panne de système s’exprime en stress. La métaphore C3I, Command-ControlCommunication-Intelligence (Commandement-ContrôleCommunication-Renseignement), symbole de la théorie militaire des opérations, résume les principes fondamentaux de cette technologie.? En toutes sortes de composants: le stress, échec de la communication (Hogness, 1983). Le cyborg n’est pas soumis à la biopolitique de Foucault; le cyborg simule la politique, ce qui lui ouvre un champ d’action bien plus puissant.
Une telle analyse des objets culturels et scientifiques apparus dans le champ de la connaissance depuis la Seconde Guerre mondiale nous aide à distinguer certaines des failles les plus importantes de l’analyse féministe qui a fonctionné comme si les dualismes hiérarchiques et organiques qui président au discours “occidental” depuis Aristote étaient toujours d’actualité. Ils ont été cannibalisés, ou “techno-digérés”, comme dirait Zoe Sofia (Sofoulis). Les dichotomies qui opposent corps et esprit, organisme et machine, public et privé, nature et culture, hommes et femmes, primitifs et civilisés, sont toutes idéologiquement discutables. Les femmes se trouvent actuellement en situation d’intégration / exploitation dans un système mondial de production / reproduction et communication appelé informatique de la domination. La maison, le lieu de travail, le marché, l’arène publique, le corps lui-même – tout fait aujourd’hui l’objet de ces dispersions et connexions polymorphes presque infinies. Et cela a d’importantes conséquences, pour les femmes, comme pour d’autres – des conséquences elles-mêmes très différentes les unes des autres selon qu’elles s’appliquent à des gens différents les uns des autres. À cause d’elles, nous avons du mal à imaginer les puissants mouvements d’opposition internationale qui sont, justement aussi à cause d’elles, devenus si essentiels à la survie. Une des principales voies de la reconstruction de la politique féministe socialiste passe par une théorie et une pratique qui traitent des relations sociales de science et de technologie, et en particulier des systèmes mythiques et sémantiques qui structurent nos imaginaires. Le cyborg est un moi postmoderne individuel et collectif, qui a été démantelé et réassemblé. Le moi que doivent coder les féministes. Les technologies et biotechnologies de la communication sont des outils décisifs qui refaçonnent notre corps. Ces outils incarnent et mettent en vigueur, pour les femmes du monde entier, un nouveau type de rela la division internationale du travail, et l’évangélisme religieux, dépendent intimement de l’électronique. La microélectronique est la base technique du simulacre, copie faite en l’absence de tout original.
La microélectronique est le média qui permet les translations par lesquelles on passe du travail à la robotique et au traitement de texte, du sexe aux manipulations génétiques et aux technologies de la reproduction, de l’esprit à l’intelligence artificielle et aux procédures décisionnelles. Les nouvelles biotechnologies débordent le cadre de la reproduction humaine.
La biologie, puissante science de l’ingénierie qui permet de repenser matériaux et processus, révolutionne l’industrie, en particulier dans les domaines de la fermentation, de l’agriculture et de l’énergie. Les sciences de la communication et la biologie construisent des objets de connaissance qui sont à la fois d’ordre technique et naturel et dans lesquels la différence entre machine et organisme s’efface en grande partie. Esprit, corps et outil deviennent très intimes. L’organisation matérielle “multinationale” de la production et de la reproduction de la vie quotidienne, et l’organisation symbolique de la production et de la reproduction de la culture et de l’imaginaire semblent y être autant impliquées l’une que l’autre. Les images garde-frontière qui opposent base et superstructure, privé et public, matériel et idéal n’ont jamais semblé aussi faibles.
Quand j’ai voulu donner un nom à la situation des femmes dans ce monde si intimement restructuré par les relations sociales de science et de technologie, j’ai utilisé une image empruntée à Rachel Grossman (1980)[18]: celle des “femmes dans le circuit intégré”. J’emploie l’étrange circonlocution “relations sociales de science et de technologie” pour signaler que nous n’avons pas affaire à un déterminisme technologique mais à un système historique basé sur les relations structurées qui existent entre les gens. Mais cette expression devrait aussi indiquer que la science et la technologie fournissent de nouvelles sources de pouvoir, et que nous avons besoin de nouvelles sources d’analyse et d’action politique (Latour, 1984). Les relations sociales que peut produire la technologie de pointe entraînent certains réaménagements des notions de race, de sexe et de biologie moderne, la translation du monde en code à décrypter s’illustre dans la génétique moléculaire, l’écologie, la théorie de l’évolution sociobiologique et l’immunobiologie. L’organisme est devenu un problème de code génétique qu’il faut lire. La biotechnologie, technologie d’écriture, influence considérablement la recherche[17]. Les organismes, en un sens, n’existent plus en tant qu’objets de savoir. Ils ont fait place aux composants biotiques, c’est-à-dire à des formes particulières d’instruments de traitement de l’information. L’écologie suit une évolution analogue, il suffit d’étudier l’histoire et l’utilité du concept d’écosystème pour le comprendre. L’immunobiologie, et les pratiques médicales qui lui sont associées, sont particulièrement exemplaires de l’importance du codage et des systèmes de reconnaissance comme objets de connaissance, comme constructions de réalités corporelles. La biologie, ici, constitue une sorte de cryptographie. La recherche est alors nécessairement de l’ordre du renseignement. On est en pleine ironie! Un système stressé fonctionne mal, le traitement de l’information s’interrompt, le système ne fait plus la différence entre lui et l’autre. Des bébés humains avec des cœurs de babouins, voilà qui provoque une perplexité éthique nationale – au moins autant chez les défenseurs des droits des animaux que chez les gardiens de la pureté humaine. Homosexuels et drogués sont, aux États-Unis, les victimes “préférées” d’une horrible maladie du système immunitaire qui marque (inscrit sur le corps) la confusion des frontières et la pollution morale (Treichler, 1987).
Heureusement, ces incursions dans les sciences de la communication et la biologie ont été rares. Les transformations fondamentales de la structure du monde, que ces sciences et technologies doivent, à mon avis, nous apporter, s’appuient sur une réalité quotidienne d’ordre largement économique. Les technologies de la communication dépendent de l’électronique. Les États modernes, les multinationales, la puissance militaire, les appareils de l’État Providence, les systèmes satellites, les processus politiques, la fabrication de notre imaginaire, les systèmes de contrôle du travail, la construction médicale de nos corps, la pornographie commerciale, organique se désintègre sous l’effet de l’attention que l’on porte au jeu de l’écriture. Au niveau de l’idéologie, le racisme et le colonialisme sont traduits en langage de développement et de sous-développement, de rythmes et de contraintes de la modernisation. N’importe quel objet, n’importe quelle personne peut être raisonnablement pensé en termes de démantèlement et de ré-assemblage. Aucune architecture “naturelle” ne contraint la conception d’un système. Les quartiers de la finance de toutes les grandes villes du monde, comme les zones de délocalisation et de libreéchange, proclament ce caractère fondamental du “capitalisme avancé”.
L’univers que forment les objets scientifiquement observables doit être tout entier formulé en termes de problèmes d’engénierie de la communication (pour les dirigeants d’entreprises) ou de théories du texte (pour ceux qui résisteraient). Dans un cas comme dans l’autre, des sémiologies cyborgiennes.
On pourrait attendre des stratégies de contrôle qu’elles se concentrent sur les conditions aux limites et sur les interfaces, ou sur les taux des flux transversaux, et non sur l’intégrité d’objets naturels. C’est sur “l’intégrité” ou “la sincérité” du moi occidental que s’engagent les procédures décisionnelles et les systèmes experts. Les stratégies de contrôle appliquées, par exemple, aux capacités qu’ont les femmes de donner naissance à de nouveaux êtres humains, seront développées en langage de contrôle démographique et de maximisation de la réussite personnelle des preneurs de décisions. Ces stratégies de contrôle seront formulées en termes de taux, de coûts des contraintes, de degrés de liberté. Les êtres humains, comme n’importe quel autre composant ou sous-système, doivent être localisés dans une architecture système aux modes opérationnels probabilistes et statistiques. Aucun objet, aucun espace, aucun corps n’est sacré en luimême; tout composant peut être mis en interface avec un autre, il suffit pour cela de construire la norme adéquate, le code qui permet de traiter les signaux dans un langage commun. L’échange, dans ce monde, transcende la translation universelle effectuée par les marchés capitalistes que Marx a si bien analysés. Une pathologie règne sur cet univers et en affecte toutes sortes de composants: le stress, échec de la communication (Hogness, 1983). Le cyborg n’est pas soumis à la biopolitique de Foucault; le cyborg simule la politique, ce qui lui ouvre un champ d’action bien plus puissant.
Une telle analyse des objets culturels et scientifiques apparus dans le champ de la connaissance depuis la Seconde Guerre mondiale nous aide à distinguer certaines des failles les plus importantes de l’analyse féministe qui a fonctionné comme si les dualismes hiérarchiques et organiques qui président au discours “occidental” depuis Aristote étaient toujours d’actualité. Ils ont été cannibalisés, ou “techno-digérés”, comme dirait Zoe Sofia (Sofoulis). Les dichotomies qui opposent corps et esprit, organisme et machine, public et privé, nature et culture, hommes et femmes, primitifs et civilisés, sont toutes idéologiquement discutables. Les femmes se trouvent actuellement en situation d’intégration / exploitation dans un système mondial de production / reproduction et communication appelé informatique de la domination. La maison, le lieu de travail, le marché, l’arène publique, le corps lui-même – tout fait aujourd’hui l’objet de ces dispersions et connexions polymorphes presque infinies. Et cela a d’importantes conséquences, pour les femmes, comme pour d’autres – des conséquences elles-mêmes très différentes les unes des autres selon qu’elles s’appliquent à des gens différents les uns des autres. À cause d’elles, nous avons du mal à imaginer les puissants mouvements d’opposition internationale qui sont, justement aussi à cause d’elles, devenus si essentiels à la survie. Une des principales voies de la reconstruction de la politique féministe socialiste passe par une théorie et une pratique qui traitent des relations sociales de science et de technologie, et en particulier des systèmes mythiques et sémantiques qui structurent nos imaginaires. Le cyborg est un moi postmoderne individuel et collectif, qui a été démantelé et réassemblé. Le moi que doivent coder les féministes. Les technologies et biotechnologies de la communication sont des outils décisifs qui refaçonnent notre corps. Ces outils incarnent et mettent en vigueur, pour les femmes du monde entier, un nouveau type de relations sociales. Les technologies et discours scientifiques semblent, quelque part, formaliser, c’est-à-dire geler, les interactions sociales normalement fluides qui les constituent. Mais on peut aussi les considérer comme des instruments qui mettent le sens en vigueur. Entre l’outil et le mythe, entre l’instrument et le concept, entre les systèmes historiques de relations sociales et les anatomies historiques de corps possibles, y compris des objets de connaissance, la frontière est perméable. En vérité, le mythe et l’outil se constituent mutuellement.
De plus, les sciences de la communication et la biologie moderne sont construites dans un même mouvement – celui où le monde devient un code à découvrir. Celui de la translation, de la traduction, de la recherche d’un langage commun dans lequel toute résistance au contrôle instrumental disparaît et où toute hétérogénéité peut être soumise au démantèlement, au ré-assemblage, à l’investissement et à l’échange.
En sciences de la communication, la translation du monde en code à décrypter s’illustre dans les théories des systèmes cybernétiques (ou systèmes à régulation par réaction) quand elles sont appliquées à la téléphonie, à la conception informatique, au déploiement des armements, ou la construction et à la maintenance des bases de données. Pour chacune de ces applications, la solution des questions fondamentales repose sur une théorie du langage et du contrôle: l’opération fondamentale consiste à déterminer les taux, les directions et les probabilités de flux d’une quantité que l’on appelle information. Le monde est divisé par des frontières plus ou moins perméables à l’information. L’information est justement ce genre d’élément quantifiable (à partir d’unités, bases de l’unité) qui permet la translation universelle et donc le pouvoir instrumental absolu (que l’on appelle communication effective). Et l’interruption de la communication est la plus grave menace qui pèse sur ce pouvoir. Toute panne de système s’exprime en stress. La métaphore C3I, Command-ControlCommunication-Intelligence (Commandement-ContrôleCommunication-Renseignement), symbole de la théorie militaire des opérations, résume les principes fondamentaux de cette technologie.? En biologie moderne, la translation du monde en code à décrypter s’illustre dans la génétique moléculaire, l’écologie, la théorie de l’évolution sociobiologique et l’immunobiologie. L’organisme est devenu un problème de code génétique qu’il faut lire. La biotechnologie, technologie d’écriture, influence considérablement la recherche[17]. Les organismes, en un sens, n’existent plus en tant qu’objets de savoir. Ils ont fait place aux composants biotiques, c’est-à-dire à des formes particulières d’instruments de traitement de l’information. L’écologie suit une évolution analogue, il suffit d’étudier l’histoire et l’utilité du concept d’écosystème pour le comprendre. L’immunobiologie, et les pratiques médicales qui lui sont associées, sont particulièrement exemplaires de l’importance du codage et des systèmes de reconnaissance comme objets de connaissance, comme constructions de réalités corporelles. La biologie, ici, constitue une sorte de cryptographie. La recherche est alors nécessairement de l’ordre du renseignement. On est en pleine ironie! Un système stressé fonctionne mal, le traitement de l’information s’interrompt, le système ne fait plus la différence entre lui et l’autre. Des bébés humains avec des cœurs de babouins, voilà qui provoque une perplexité éthique nationale – au moins autant chez les défenseurs des droits des animaux que chez les gardiens de la pureté humaine. Homosexuels et drogués sont, aux États-Unis, les victimes “préférées” d’une horrible maladie du système immunitaire qui marque (inscrit sur le corps) la confusion des frontières et la pollution morale (Treichler, 1987).
Heureusement, ces incursions dans les sciences de la communication et la biologie ont été rares. Les transformations fondamentales de la structure du monde, que ces sciences et technologies doivent, à mon avis, nous apporter, s’appuient sur une réalité quotidienne d’ordre largement économique. Les technologies de la communication dépendent de l’électronique. Les États modernes, les multinationales, la puissance militaire, les appareils de l’État Providence, les systèmes satellites, les processus politiques, la fabrication de notre imaginaire, les systèmes de contrôle du travail, la construction médicale de nos corps, la pornographie commerciale, la division internationale du travail, et l’évangélisme religieux, dépendent intimement de l’électronique. La microélectronique est la base technique du simulacre, copie faite en l’absence de tout original.
La microélectronique est le média qui permet les translations par lesquelles on passe du travail à la robotique et au traitement de texte, du sexe aux manipulations génétiques et aux technologies de la reproduction, de l’esprit à l’intelligence artificielle et aux procédures décisionnelles. Les nouvelles biotechnologies débordent le cadre de la reproduction humaine.
La biologie, puissante science de l’ingénierie qui permet de repenser matériaux et processus, révolutionne l’industrie, en particulier dans les domaines de la fermentation, de l’agriculture et de l’énergie. Les sciences de la communication et la biologie construisent des objets de connaissance qui sont à la fois d’ordre technique et naturel et dans lesquels la différence entre machine et organisme s’efface en grande partie. Esprit, corps et outil deviennent très intimes. L’organisation matérielle “multinationale” de la production et de la reproduction de la vie quotidienne, et l’organisation symbolique de la production et de la reproduction de la culture et de l’imaginaire semblent y être autant impliquées l’une que l’autre. Les images garde-frontière qui opposent base et superstructure, privé et public, matériel et idéal n’ont jamais semblé aussi faibles.
Quand j’ai voulu donner un nom à la situation des femmes dans ce monde si intimement restructuré par les relations sociales de science et de technologie, j’ai utilisé une image empruntée à Rachel Grossman (1980)[18]: celle des “femmes dans le circuit intégré”. J’emploie l’étrange circonlocution “relations sociales de science et de technologie” pour signaler que nous n’avons pas affaire à un déterminisme technologique mais à un système historique basé sur les relations structurées qui existent entre les gens. Mais cette expression devrait aussi indiquer que la science et la technologie fournissent de nouvelles sources de pouvoir, et que nous avons besoin de nouvelles sources d’analyse et d’action politique (Latour, 1984). Les relations sociales que peut produire la technologie de pointe entraînent certains réaménagements des notions de race, de sexe et de classe qui peuvent replacer le féminisme socialiste au centre d’une véritable politique progressiste.
L L ’ ’ é é c c o o n n o o m m i i e e d d u u t t r r a a v v a a i i l l à à d d o o m m i i c c i i l l e e e e n n d d e e h h o o r r s s d d u u d d o o m m i i c c i i l l e e •
La “Nouvelle Révolution Industrielle” est en train de créer un nouveau prolétariat, mais aussi de nouvelles sexualités et de nouvelles ethnicités.
Avec l’extrême mobilité du travail et l’émergence d’une division internationale du travail, de nouvelles collectivités apparaissent tandis que les groupes traditionnels s’affaiblissent. Et il ne faut pas croire qu’en ce qui concerne le genre ou la race, cette évolution soit neutre. Les hommes blancs des sociétés industrielles avancées sont exposés depuis peu au chômage de longue durée, et les femmes ne perdent pas leurs emplois dans les mêmes proportions. Or ce n’est pas seulement parce que les femmes des pays du Tiers Monde constituent la main d’œuvre préférée des multinationales du secteur techno-scientifique qui délocalisent leur production, et en particulier de l’électronique. Il s’agit d’un système d’ensemble qui concerne en même temps la reproduction, la sexualité, la culture, la consommation et la production. Dans la Silicon Valley, véritable prototype de ce système, de nombreuses femmes voient toute leur vie se structurer autour d’un emploi qui dépend de l’électronique, ce qui se traduit, sur le plan personnel, par une monogamie hétérosexuelle sérielle, des problèmes de garde d’enfant, un éloignement du cercle familial et de la plupart des autres formes communautaires traditionnelles, et, lorsqu’elles vieillissent, par une solitude presque certaine accompagnée d’une extrême vulnérabilité économique. La diversité raciale et ethnique des femmes de la Silicon Valley structure un microcosme de différences conflictuelles d’ordre culturel, familial, religieux, éducationnel et linguistique.
Richard Gordon a appelé cette nouvelle situation “économie du travail à domicile”[19]. Tout en incluant le travail effectivement réalisé à domicile, par cette expression, Gordon entend une large restructuration du travail qui prend désormais les principales caractéristiques autrefois attribuée aux emplois féminins, celles des métiers exclusivement exercés par des femmes. Le travail est redéfini à la fois par l’existence d’une main d’œuvre exclusivement féminine, et par une féminisation de certains emplois occupés par des hommes comme par des femmes. Féminiser signifie rendre extrêmement vulnérable; exposer au démantèlement, au ré-assemblage, et à l’exploitation que subissent ceux qui constituent une réserve de main d’œuvre; être considéré moins comme un travailleur que comme un domestique; être soumis à des emplois du temps morcelés qui font de toute notion de durée limitée du temps de travail une véritable farce; mener une existence à la limite de l’obscénité, déplacée, qui peut se réduire au sexe. La déqualification est une vieille stratégie qu’on applique maintenant à des travailleurs autrefois privilégiés. Mais la notion d’économie du travail à domicile ne renvoie pas seulement à une déqualification massive, et elle ne nie pas non plus l’émergence de nouveaux secteurs de haute qualification qui s’ouvrent même à des hommes et des femmes autrefois exclus des emplois qualifiés. Ce concept indique plutôt que l’intégration de l’usine, de la maison et du marché se fait à une nouvelle échelle, et que les femmes ont, dans ce processus, une place cruciale – qui doit être analysée en regard des différences qui existent entre les femmes et du sens que l’on peut donner aux relations entre hommes et femmes dans toutes sortes de situations.
L’économie du travail à domicile comme structure organisationnelle capitaliste mondiale est rendue possible (et non produite) par les nouvelles technologies. Le succès des attaques lancées contre les emplois syndiqués occupés par des hommes, pour la plupart blancs, et relativement privilégiés, est lié à la capacité qu’ont les nouvelles technologies d’intégrer et de contrôler le travail malgré la dispersion et la décentralisation massives dont il fait l’objet. Pour les femmes, ces nouvelles technologies entraînent à la fois la perte du salaire familial (celui de l’homme), dans le cas où elle auraient jamais eu accès à ce qui était le privilège des Blancs, et un changement dans leur propre travail, qui s’effectue de plus en plus dans le cadre de compagnies capitalistiques, comme c’est le cas pour les secrétaires ou les infirmières.
Cette nouvelle organisation technologique et économique est aussi liée à l’effondrement de l’État Providence et à la pression subie depuis par les femmes, obligées de subvenir à leurs propres besoins, comme à ceux des hommes, des enfants et des vieux. Le problème de la féminisation de la pauvreté – générée par le démantèlement de l’État Providence, par l’économie du travail à domicile, dans laquelle les emplois stables deviennent l’exception, et encouragée par l’absence de tout espoir de voir leurs revenus complétés par les pères de leurs enfants – se pose aujourd’hui de façon urgente. La multiplication des foyers où la femme se retrouve chef de famille a des causes qui diffèrent en fonction de la race, de la classe sociale ou de la sexualité. Mais leur généralisation constitue un terrain d’entente à partir duquel les femmes pourraient affronter ensemble de nombreux problèmes. Le fait que les femmes soient souvent obligées de subvenir aux besoins quotidiens simplement parce qu’elles sont mères, n’est pas vraiment nouveau. Le genre d’intégration qu’on leur propose dans une économie capitaliste globale, qui, de plus en plus, repose sur la guerre, l’est totalement. La pression subie en particulier par les femmes noires américaines, qui ont réussi à échapper aux emplois de domestiques (à peine) payés et qui sont maintenant nombreuses à travailler comme employées de bureau ou à des postes équivalents, a de lourdes conséquences sur la pauvreté toujours en vigueur pour les Noirs qui travaillent . Dans les zones industrialisées du Tiers Monde, des adolescentes se retrouvent être de plus en plus souvent la seule, ou la principale source de revenus de leur famille, tandis que l’accès à la propriété terrienne devient toujours plus difficile. Et cette évolution aura forcément des conséquences sur la psychodynamique de genre et de race et sur la politique qui y correspond.
Dans le cadre des trois grandes étapes du capitalisme (capitalisme commercial de la première révolution industrielle, capitalisme monopolistique et capitalisme multinational) – qui correspondent au nationalisme, à l’impérialisme et au multinationalisme, et sont parallèles aux trois périodes esthétiques définies par Jameson, réalisme, modernisme et postmodernisme – je voudrais démontrer qu’il existe des formes familiales spécifiques dialectiquement reliées aux différentes formes du capitalisme et à leurs productions culturelles et politiques. À chaque étape a correspondu une famille idéale qui, même si elle a souvent été vécue de façon problématique et différente selon les gens, peut être schématisée comme suit. (1) La famille nucléaire patriarcale structurée par la dichotomie entre le public et le privé, accompagnée de l’idéologie bourgeoise des sphères séparées et par le féminisme bourgeois anglo-saxon du XIX e siècle. (2) La famille moderne dépendante de (et établie par) l’État Providence et des institutions comme le salaire familial, et développée au milieu d’une floraison d’idéologies hétérosexuelles a-féministes, dont les versions les plus radicales firent les beaux jours de Greenwich Village autour de la Seconde Guerre Mondiale. (3) La “famille” de l’économie du travail à domicile, avec sa structure oxymorique de foyer monoparental dirigé par une femme, qui apparaît en même temps que le féminisme explose pour faire place aux féminismes et que, paradoxalement, la notion de genre ellemême s’intensifie et s’efface à la fois. Tel est le contexte dans lequel les prévisions d’un chômage structurel mondial provoqué par les nouvelles technologies s’intègrent au système économique du travail à domicile.
Tandis que la robotique et les technologies qui lui sont associées mettent les hommes au chômage dans les pays “développés” et exacerbent l’échec de la politique de l’emploi masculin dans un Tiers Monde en “développement”, et tandis que l’automatisation envahit les bureaux, y compris dans les pays qui présentent un surplus de main d’œuvre, la féminisation du travail s’intensifie. Les femmes noires américaines savent depuis longtemps ce qui se passe quand les conséquences du sous-emploi structurel (ou “féminisation” du travail) des hommes noirs se superposent à l’extrême vulnérabilité de leur position au sein de l’économie salariale. Et tout le monde sait maintenant que la sexualité, la reproduction, la famille et la vie communautaire sont intimement liées à cette structure économique, que ces liens revêtent de nombreuses formes différentes, et que ces formes produisent à leur tour des différences entre femmes noires et femmes blanches. De plus en plus d’hommes et de femmes vont devoir affronter ce genre de situations, et de ce fait, les alliances interraciales et intergenres qui se feront autour des questions de survie quotidienne ne seront plus seulement de “bonnes” alliances, mais des alliances nécessaires.
Les nouvelles technologies ont aussi de profondes répercussions sur la faim dans le monde et la production internationale d’aliments de première nécessité[20]. Rae Lessor Blumberg (1983) estime que les femmes, sur cette planète, produisent environ 50 % des aliments de première nécessité. D’une manière générale, elles n’ont aucun accès aux bénéfices produits par les secteurs de pointe dans le domaine de la transformation des matières premières énergétiques et alimentaires, et leurs charges journalières sont de plus en plus dures: elles ne sont pas moins responsables qu’avant de l’approvisionnement en nourriture, et face à la reproduction, leur situation devient de plus en plus complexe. Les technologies de la Révolution Verte, en interaction avec les autres productions industrielles de pointe modifient les divisions du travail et les différences de modèles migratoires qui sont basées sur le genre.
Les nouvelles technologies semblent profondément impliquées dans les formes de “privatisation” que Ros Petchesky (1981) a analysées et dans lesquelles militarisation, politiques et idéologies familiales de droite, et renforcement de la définition privée de la propriété entrepreunariale (et nationale) interagissent de façon synergique[21]. Les nouvelles technologies de la communication jouent un rôle fondamental dans l’éradication de notre vie publique à tous. Ce qui permet à l’ordre établi militaire, qui est techniquement très pointu, de se développer en permanence aux dépens du bien-être culturel et économique de la plupart des gens, mais surtout des femmes. Des technologies telles que celles des jeux vidéo ou des téléviseurs hautement miniaturisés semblent jouer un rôle crucial dans la production des formes modernes de la “vie privée”. La culture des jeux vidéo est largement orientée vers la compétition individuelle et la guerre des étoiles. Cela construit des imaginaires nourris de haute technologie et de différence des genres qui peuvent contempler la destruction de la planète, et échapper à ses conséquences par la magie de la science-fiction. Il n’y a pas que nos imaginaires qui sont militarisés, et l’on n’échappera pas aux autres réalités de la guerre nucléaire et électronique, à ces technologies qui promettent la mobilité totale et l’échange parfait – et, incidemment, font du tourisme, cette pratique parfaite de la mobilité et de l’échange, une des plus grandes industries du monde.
Les nouvelles technologies affectent les relations sociales qui concernent la sexualité comme la reproduction, et pas toujours de la même façon. Les liens étroits qui unissent la sexualité à l’instrumentalisation, et qui font considérer le corps comme une sorte de machine à maximiser à la fois l’utilité et le plaisir, sont décrits comme il convient dans les récits socio-biologiques de l’origine qui insistent sur le calcul génétique et expliquent l’inévitable dialectique de la domination dans les rôles masculin et féminin qui sont attribués aux hommes et aux femmes[22]. Ces histoires socio-biologiques dépendent d’une vision hautement technologique du corps, qui fait de ce dernier un composant biotique ou un système cybernétique de communication. Les situations de reproduction ont subi de nombreuses transformations, en particulier du fait de la médecine, qui a donné aux frontières du corps des femmes une perméabilité nouvelle à “la visualisation” comme à “l’intervention”. Le contrôle de l’interpénétration des frontières corporelles dans l’herméneutique médicale et son attribution constituent, bien entendu, une question fondamentale pour les féministes. Le spéculum a servi de symbole aux femmes qui, dans les années 1970, voulaient se réapproprier leur corps; mais cet outil artisanal devient inadéquat quand il s’agit d’exprimer la politique du corps dont nous avons besoin pour renégocier la place de la réalité dans les pratiques cyborgiennes de reproduction. S’aider soi-même ne suffit pas. Les technologies de visualisation évoquent la pratique culturelle actuellement répandue qu’est le safari-photo et la nature profondément prédatrice de la conscience photographique[23]. Le sexe, la sexualité et la reproduction jouent un rôle central dans les systèmes mythiques de la haute technologie qui structurent ce que nous imaginons de possible dans nos vies personnelles et sociales.
Les relations sociales induites par les nouvelles technologies posent un autre problème crucial, celui de la reformulation des attentes, de la culture, du travail et de la reproduction de la nombreuse main d’œuvre employée dans les secteurs techniques et scientifiques. Un danger politique et social majeur se profile à l’horizon: la formation d’une structure sociale à deux régimes, dans laquelle des femmes et des hommes de tous groupes ethniques, mais surtout des femmes et des hommes de couleur, se retrouvent, en masse, confinés dans une économie du travail à domicile, réduits à une forme ou une autre d’illettrisme, à une inutilité et à une impuissance générales, et contrôlés, par toute une gamme de dispositifs répressifs hautement technologiques, qui consistent d’abord à les amuser, puis à les surveiller et éventuellement à les faire disparaître. Toute politique féministe socialiste adéquate doit faire appel aux femmes des milieux professionnels privilégiés, et en particulier à celles dont le travail scientifique et technologique construit les discours, les processus et les objets technico-scientifiques[24].
Cette question n’est certes pas la seule que l’on soulève quand on commence à réfléchir à la possibilité d’une science féministe, mais elle est importante. De nouveaux groupes sociaux ont accès à la science, quelle sorte de rôle vont-ils jouer dans la constitution de la production du savoir, de l’imaginaire et des pratiques? Comment vont-ils s’allier aux mouvements politiques et sociaux progressistes? Quelle sorte de responsabilité politique peut-on construire pour établir, au-delà des hiérarchies technico-scientifiques qui nous séparent, un lien entre les femmes? Pourrionsnous développer une politique féministe de la science et de la technologie en nous alliant aux groupes d’action anti-militariste qui luttent pour une reconversion des sites scientifiques? De nombreux travailleurs des secteurs scientifiques et techniques de la Silicon Valley, y compris les cow-boys de la haute technologie, refusent de participer aux programmes scientifiques militaires[25]. Et est-ce que ces professionnels de la classe moyenne, parmi lesquels les femmes, y compris les femmes de couleur, commencent à compter, vont ils réussir à fondre leurs préférences personnelles et leurs tendances culturelles en une politique progressiste?
L L e e s s f f e e m m m m e e s s d d a a n n s s l l e e c c i i r r c c u u i i t t i i n n t t é é g g r r é é •
Parce que les positions qu’ont occupées les femmes dans les sociétés industrielles avancées ont été en partie restructurées par les relations sociales que produisent la science et la technologie, il faut maintenant en retracer l’histoire. En imaginant qu’il fut un jour idéologiquement possible de définir la vie des femmes par la distinction entre les domaines privés et publics – ce que suggèrent les images d’une vie divisée entre l’usine et la maison pour la classe laborieuse, entre le marché et la maison pour la bourgeoisie, et entre le personnel et le politique selon le genre – une telle idéologie est maintenant totalement fallacieuse, et elle ne réussit même pas à montrer comment chaque terme de ces dichotomies construit l’autre en pratique et en théorie. Je lui préfère l’image idéologique du réseau, qui suggère une profusion d’espaces et d’identités, et une perméabilité des frontières du corps personnel et du corps politique. Le “travail en réseau” est à la fois une pratique féministe et une stratégie de compagnie multinationale – l’opposition cyborgienne tisse la toile.
Revenons-en donc à l’image de l’informatique de la domination pour tracer une vision de la “place” des femmes dans le circuit intégré, en n’abordant que quelques-uns des lieux symboliques des sociétés capitalistes avancées: la Maison, le Marché, les Lieux du Travail Salarié, l’État, l’École, la Clinique ou l’Hôpital, et l’Église. Chacun de ces lieux symboliques a un lien logique et pratique avec les autres, dans ce qui pourrait être vu comme une image holographique. Parce que je crois que cela peut faire avancer une analyse et une pratique dont nous avons bien besoin, je voudrais donner ici une idée de l’impact qu’ont les relations sociales mises en place et transmises par les nouvelles technologies. Mais il n’existe cependant pas de “place” pour les femmes dans ces réseaux, on n’y trouve, en ce qui les concerne, qu’une géométrie de différences et de contradictions cruciales quant à leur identité cyborgienne. En apprenant à déchiffrer ces réseaux du pouvoir et de la vie sociale, nous découvrirons peut-être des modes nouveaux de couplage et de coalitions. Lire la liste qui suit ne peut en aucune façon se faire du point de vue de “l’identification”, ou d’un soi unitaire. L’ordre du jour est à la dispersion. L’objectif: survivre dans la diaspora.
Maison: foyers monoparentaux ayant une femme comme chef de famille, monogamie en série, fuite des hommes, femmes âgées vivant seules, technologie du travail domestique, salariat du travail à la maison, ré-émergence des ateliers clandestins, entreprises installées à domicile et télé-travail, électronique artisanale, SDF urbains, migration, architecture modulaire, renforcement (simulé) de la famille nucléaire, violence domestique intense.
Marché: persistance de la consommation comme travail réservé aux femmes, qui, depuis peu, sont particulièrement ciblées par les nouveautés que produisent des nouvelles technologies (et ce d’autant plus que la compétition entre les pays industrialisés et ceux en voie d’industrialisation, qui tous, cherchent à éviter les problèmes d’un chômage de masse, nécessite la création de nouveaux marchés toujours plus importants, pour des produits dont l’utilité est de moins en moins évidente); pouvoir d’achat à deux vitesses associé à des campagnes publicitaires qui ciblent exclusivement les nombreux groupes sociaux à hauts revenus et négligent les anciens marchés de masse; importance croissante du marché noir du travail et de la consommation, qui fonctionne parallèlement aux grosses structures du marché haut de gamme des technologies de pointe; systèmes de surveillance qui s’appuient sur le fonctionnement électronique des transferts de fonds; caractère abstrait de l’expérience (puisqu’elle est transformée en produits) intensifié par le marché, ce qui aboutit à des conceptions de l’idée de communauté utopiques et inefficaces ou tout bonnement cyniques; mobilité extrême (abstraction) des systèmes de marketing ou de financement; interpénétration des marchés du travail et du sexe; sexualisation intensifiée d’une consommation abstraite et aliénée.
Lieu du Travail Salarié: persistance d’une forte division sexuelle et raciale du travail, mais, pour beaucoup de femmes blanches et de gens de couleur, forte croissance de l’appartenance à des catégories professionnelles privilégiées; impact des nouvelles technologies sur le travail des femmes dans les secteurs du secrétariat, des services, de la manufacture (et plus particulièrement de la manufacture textile), de l’agriculture et de l’électronique; restructuration internationale des classes laborieuses; développement des nouveaux horaires qui facilitent l’économie du travail à domicile (horaires flexibles, heures supplémentaires, temps partiel, pas de temps du tout); travail à domicile et travail à l’extérieur; pressions accrues en vue de l’établissement de structures de salaires à deux niveaux; nombre important de ceux qui, parmi les populations qui dans le monde dépendent des liquidités, n’ont aucune expérience, ou plus aucun espoir d’emploi stable; main d’œuvre pour la plupart “marginale” ou “féminisée”.
État: persistance de l’érosion de l’État Providence; décentralisation accompagnée d’une augmentation de la surveillance et du contrôle; citoyenneté télématique; impérialisme et pouvoir politique largement identifiés grâce à la distinction beaucoup d’information / peu d’information; montée d’une militarisation hautement technologique accompagnée d’une montée de l’opposition qu’elle rencontre dans de nombreux groupes sociaux; réduction du fonctionnariat du fait de la capitalisation toujours plus forte du travail de bureau, avec des implications pour la promotion des femmes de couleur; plus grande privatisation de la vie et de la culture matérielles et culturelles; forte intégration de la privatisation et de la militarisation, formes hautement technologiques de la distinction capitaliste bourgeoise entre vie privée et vie publique; invisibilité entre différents groupes sociaux du fait de mécanismes psychologiques qui instaurent une croyance en l’existence d’ennemis abstraits.
École: resserrement du lien qui existe entre les besoins en capitaux qu’induisent les technologies de pointe et l’éducation publique à tous les niveaux, avec des différenciations selon la race, la classe sociale et le genre; implication des classes dirigeantes dans la réforme de l’éducation et dans son financement au prix, pour les enfants et pour les professeurs, de son statut de structure éducative démocratique et progressiste; éducation produisant, au sein de la culture technocratique et militarisée, une ignorance et une répression de masse; foisonnement, au sein des mouvements politiques radicaux ou dissidents, de cultes obscurantistes occultes; persistance d’une relative ignorance en matière de science chez les femmes blanches et les gens de couleur; orientation industrielle croissante de l’éducation (et plus particulièrement de l’éducation supérieure) par les multinationales à dominante scientifique (en particulier par les sociétés qui dépendent de l’électronique et des biotechnologies); nombreuses élites possédant un niveau d’études élevé, au sein de ce qui va devenir une société à deux vitesses.
Clinique ou Hôpital: resserrement des liens qui unissent la machine et le corps; renégociation des métaphores publiques qui canalisent l’expérience personnelle que l’on a de son corps, et plus particulièrement en ce qui concerne la reproduction, les fonctions du système immunitaire et les phénomènes de “stress”; intensification de la politique reproductive en réponse aux implications historiques d’un contrôle potentiel, non encore réalisé, que les femmes pourraient avoir sur leur relation à la reproduction; émergence de nouvelles maladies historiquement spécifiques; luttes concernant la logique et les moyens de la santé publique dans des environnements où les produits et les procédés de la technologie de pointe sont omniprésents; poursuite de la féminisation des métiers de la santé; durcissement de la lutte concernant la responsabilité de l’État dans le domaine de la santé; persistance du rôle idéologique des mouvements populaires pour la santé comme forme majeure de la politique américaine.
Église: ère électronique des télé-évangélistes fondamentalistes, “supersauveurs” qui célèbrent l’union d’un capital électronique et de dieux fétiches automatisés; importance renforcée des églises dans la résistance à la militarisation de l’État; lutte capitale concernant la place des femmes et leur autorité dans le domaine de la religion; persistance du rôle central tenu, dans la lutte politique, par la spiritualité, à laquelle s’ajoutent le sexe et la santé.
L’informatique de la domination se caractérise par, et seulement par, l’intensification massive de l’insécurité et de l’appauvrissement culturel, accompagnée d’une faillite des réseaux de subsistance pour les plus vulnérables. Parce que ce constat est en grande partie lié aux relations sociales que créent la science et la technologie, l’urgence d’une politique féministe socialiste des sciences et des technologies semble évidente. Beaucoup de choses sont en train de se faire, et le travail politique a de riches possibilités. Les efforts déployés pour encourager des formes de lutte collective chez les femmes salariées, comme celle du District 925 de l’SEIU[26], devraient être une de nos priorités à toutes. Ces efforts sont intimement liés à la restructuration technique des méthodes de travail et à la refonte des classes laborieuses. Ils permettent aussi de comprendre ce que pourrait être une forme plus globale de l’organisation du travail qui tiendrait compte de l’appartenance à une communauté, de la sexualité et de questions familiales qui n’ont jamais été mises en avant par les syndicats, presque exclusivement blancs et masculins, du secteur industriel.
Les réarrangements structurels liés aux relations sociales de science et de technologie suscitent une forte ambivalence. Ce n’est pourtant pas la peine de se sentir fondamentalement déprimée par les implications des relations que les femmes entretiennent à la fin du XXe siècle avec le travail, la culture, la production du savoir, la sexualité et la reproduction sous toutes leurs formes. Si les marxismes, pour la plupart d’entre eux, analysent bien la domination, et cela pour de très bonnes raisons, ils ont du mal à comprendre ce qui ne semble être que fausse conscience et complicité des dominés dans leur propre domination à l’époque du capitalisme avancé. Il est crucial de garder à l’esprit que, peut-être surtout du point de vue des femmes, ce que nous avons perdu se résume souvent à une oppression aux formes virulentes, nostalgiquement ramenées, face à la violation, à une soi-disant nature. L’ambivalence que nous ressentons devant ces unités disloquées que produit la culture des hautes technologies, ne doit pas nous obliger à choisir entre une “critique clairvoyante qui jetterait les bases d’une épistémologie politique solide” et une “fausse conscience manipulée”, elle doit entraîner une compréhension subtile de ces nouveaux plaisirs, de ces nouvelles expériences et de ces nouveaux pouvoirs susceptibles de transformer sérieusement les règles du jeu.
Lorsque l’on voit se refonder des formes d’unité qui transcendent les considérations de race, de genre ou de classe, on a toute raison d’espérer, d’autant que ces éléments fondamentaux de l’analyse féministe socialiste subissent eux-mêmes des transformations protéiformes. L’augmentation de la dureté de la vie qui est ressentie dans le monde entier du fait des relations sociales induites par les sciences et les technologies est grave. Mais ce que vivent les gens n’est pas si clair, et nous manquons d’outils suffisamment précis pour établir collectivement des théories efficaces de l’expérience. Les efforts fournis actuellement dans le sens d’une clarification, ne serait-ce que de notre propre expérience, qu’il s’agisse du marxisme, de la psychanalyse, du féminisme ou de l’anthropologie, sont rudimentaires.
J’ai conscience de ce que je dois au cours de l’histoire dans ma façon de voir les choses: une jeune Catholique irlandaise n’aurait jamais obtenu un doctorat de biologie sans l’impact qu’eut Spoutnik sur la politique nationale américaine en matière d’éducation scientifique. Mon corps et mon esprit sont autant construits par la course à l’armement et la guerre froide qui ont suivi la Seconde guerre mondiale que par les mouvements féministes. L’analyse des effets contradictoires qu’ont les politiques destinées à produire des technocrates américains loyaux, et qui produisirent aussi un grand nombre de dissidents, donne plus de raisons d’espérer que ne le fait celle des défaites existantes.
La partialité constante des points de vue féministes a, en ce qui concerne nos attentes quant aux formes d’organisation et de participation politiques, certaines conséquences. Nous n’avons pas besoin d’une totalité pour faire du bon travail. Ce rêve féministe d’une langue commune est, comme tous les rêves d’une langue parfaitement vraie, d’un énoncé parfaitement fidèle à la réalité, totalisant et impérialiste. En ce sens, la dialectique est elle aussi une langue de rêve qui ne chercherait qu’à résoudre les contradictions. Peut-être qu’ironiquement, notre fusion avec les animaux et les machines nous enseignera comment ne pas être Homme, l’incarnation du logos occidental. Si l’on se place du point de vue du plaisir que procurent ces fusions puissantes et taboues, rendues inévitables du fait des rapports sociaux induits par les sciences et les technologies, il pourrait bien y avoir une science féministe.
L L e e s s c c y y b b o o r r g g s s : : m m y y t t h h e e d d e e l l ’ ’ i i d d e e n n t t i i t t é é p p o o l l i i t t i i q q u u e e •
Je voudrais conclure avec un mythe de l’identité et des limites qui pourrait informer nos imaginaires politiques de cette fin de XXe siècle. Je suis ici redevable à des écrivains comme Joanna Russ, Samuel R. Delany, John Varley, James Tiptree Jr., Octavia Butler, Monique Wittig et Vonda McIntyre[27]. Elles(ils) sont ces conteu(rs)ses qui explorent ce que veut dire être incarné dans des mondes de haute technologie. Elle(il)s sont des théoricien(ne)s des cyborgs. C’est grâce à l’anthropologiste Mary Douglas, qui a exploré les conceptions des limites corporelles et de l’ordre social (1966, 1970), que nous avons pris conscience de la place fondamentale de l’imagerie corporelle dans notre vision du monde, et donc dans le langage politique. Les féministes françaises comme Luce Irigaray et Monique Wittig, en dépit de toutes leurs différences, savent comment écrire le corps, comment tisser l’érotisme, la cosmologie et la politique à partir de l’imagerie de l’incarnation, et, en ce qui concerne plus particulièrement Wittig, à partir de l’imagerie de la fragmentation et de la reconstitution des corps[28].
Les féministes radicales américaines, comme Susan Griffith, Audre Lorde et Adrienne Rich, ont profondément marqué nos imaginaires politiques – et peut-être trop restreint notre capacité à accepter un corps amical et un langage politique[29]. Elles insistent sur l’organique, qu’elles opposent au technologique. Mais leurs systèmes symboliques, et les positions d’éco-féminisme et de paganisme féministe empreintes de considérations organiques qui y sont liées, ne peuvent être compris, pour reprendre Sandoval, que comme des idéologies oppositionnelles qui conviennent tout à fait à cette fin de XXe siècle. Pour quiconque ne s’intéresse pas aux machines et à la conscience du capitalisme avancé, elles peuvent sembler simplement stupéfiantes. Elles font en ce sens partie du monde cyborgien. Mais les féministes ont aussi beaucoup à gagner en embrassant explicitement les possibilités inhérentes à la dissolution des différences qui opposent nettement organisme et machine et de toutes celles qui structurent de façon similaire l’identité occidentale. C’est la simultanéité de ces dissolutions qui fait exploser les matrices de domination et ouvre des possibilités géométriques. Que peut-on apprendre d’une pollution “technologique” personnelle et politique? Je vais m’arrêter brièvement sur deux groupes de textes qui se recoupent et offrent un aperçu de la construction d’un mythe potentiellement utile du cyborg: construction, dans la science-fiction féministe, des femmes de couleur et des moi monstrueux.
J’ai suggéré plus haut, que le concept “femmes de couleur” pouvait être compris comme une identité cyborgienne, une subjectivité puissante synthétisée à partir de fusions d’identités marginales et dans les strates historico-politiques complexes de sa “biomythographie”, Zami (Lorde, 1982; King, 1987 a, 1987 b). Il existe des grilles matérielles et culturelles qui cartographient ce potentiel, Audre Lorde (1984) en capte le ton dans le titre de son Sister Outsider (Sœur d’ailleurs). Dans mon mythe politique, la Sœur d’ailleurs est la femme de la délocalisation, celle que les travailleur(se)s américain(e)s, femmes et homme effectuant un travail féminisé, sont censés considérer comme l’ennemie qui anéantit leur solidarité, qui menace leur sécurité. Localement, c’est-à-dire à l’intérieur des frontières des États-Unis, la Sœur d’ailleurs est utilisée à travers les différentes identités raciales et ethniques des femmes qu’on manipule pour mieux les diviser, les mettre en compétition et les exploiter au sein des mêmes industries. Les “Femmes de Couleur” représentent la main-d’œuvr préférée des industries liées à la science, les femmes réelles dont le marché mondial du sexe, le marché du travail et la politique de la reproduction kaléidoscopisent la vie. Les jeunes coréennes qui travaillent dans l’industrie du sexe et sur les chaînes de montage des systèmes électroniques sont recrutées au lycée et formées pour rejoindre le circuit intégré. Quand elles savent lire et écrire, surtout l’anglais, elles sont sélectionnées pour fournir cette maind’œuvre féminine bon marché qui intéresse tant les multinationales.
Contrairement à ce que font croire les stéréotypes orientalistes de la culture “primitive orale”, les femmes de couleur se caractérisent par leur capacité à lire et à écrire, capacité que les Noires américaines, mais aussi les hommes noirs, ont acquise au fil d’une histoire qui les a vus risquer leur vie pour pouvoir apprendre et enseigner à lire et à écrire. L’écriture a une signification particulière pour tous les groupes colonisés. Elle a tenu une place centrale dans le mythe occidental de la distinction entre cultures orales et cultures écrites, entre mentalités primitives et mentalités civilisées, et plus récemment dans l’érosion de cette distinction par les théories “postmodernes” qui s’attaquent au phallogocentrisme occidental et à son culte de l’œuvre qui fait autorité, singulière, phallique et monothéiste, nom unique et parfait[30]. L’interprétation de l’écrit a été un enjeu capital de la lutte politique contemporaine. Montrer le jeu de l’écriture est quelque chose de tout à fait sérieux. La poésie et les histoires des femmes de couleur américaines traitent constamment de l’écriture et de l’accès au pouvoir de signifier; mais alors ce pouvoir ne doit plus être ni phallique, ni innocent. L’écriture cyborgienne ne doit pas avoir trait à la chute, à l’idée d’une unité qui aurait existé autrefois, avant le langage, avant l’écriture, avant l’Homme. L’écriture cyborgienne a trait au pouvoir de survivre, non sur la base d’une innocence originelle, mais sur celle d’une appropriation des outils qui vous permettent de marquer un monde qui vous a marqué comme autre.
Ces outils sont souvent des histoires, des histoires re-racontées, de nouvelles versions qui renversent et déplacent les dualismes hiérarchiques qui organisent les identités construites sur une soi-disant nature. En racontant à nouveau les histoires de l’origine, les auteurs cyborgiens subvertissent les mythes fondateurs de la culture occidentale. Nous avons tous été colonisés par ces mythes de l’origine et leur espoir d’une apocalypse rédemptrice.
Les histoires phallogocentriques relatant l’origine qui sont les plus cruciales pour les féministes cyborgiennes sont inscrites au cœur des technologies textuelles – celles qui écrivent le monde, la biotechnologie et la microélectronique – qui ont récemment écrit nos corps en problèmes de codes sur la grille C3I. Les histoires féministes cyborgiennes ont pour tâche de recoder tout ce qui est communication et information, afin de subvertir commandement et contrôle.
La politique du langage imprègne les luttes des femmes de couleur, tant sur le plan métaphorique que littéral, et les histoires basées sur le langage ont, dans la riche littérature que l’on doit actuellement aux femmes de couleur américaines, un pouvoir particulier. Ainsi, les nouvelles versions de l’histoire de Malinche l’indigène, mère de la race métisse des “bâtards” du nouveau monde, maîtresse des langues et maîtresse de Cortés, jouent un rôle particulier dans la construction identitaire des Chicanas. Dans Loving in the War Years (Aimer en temps de guerre,1983), Cherrie Moraga explore les questions d’identité qui se posent à celles qui n’ont jamais possédé leur langue d’origine, qui n’ont jamais transmis l’histoire de l’origine et n’ont jamais connu l’harmonie de la légitime hétérosexualité dans l’Eden culturel, et qui ne peuvent donc fonder l’identité sur un mythe, ni sur la chute qui a suivi l’innocence et l’inscription dans une lignée naturelle, du père ou de la mère[31]. L’écriture de Moraga, son superbe savoir faire, apparaît dans sa poésie comme une violation semblable à celle que commet Malinche parce qu’elle maîtrise la langue du conquérant: une violation, une production illégitime qui permettent de survivre. La langue de Moraga n’est pas un “tout”, elle est clairement hybride, une chimère mi-anglaise, mi-espagnole, faite à partir de ces deux langues conquérantes. Mais ce monstre chimérique, sans revendiquer de langue originelle qui aurait précédé la violation, dessine les contours des identités puissantes, compétentes et érotiques des femmes de couleur. La Sœur d’ailleurs suggère la possibilité d’une survie du monde, non du fait de son innocence, mais parce qu’elle est capable de vivre sur la frontière, d’écrire sans avoir besoin du mythe fondateur de l’unité originelle. Pas plus qu’elle n’a besoin de son apocalypse incontournable du retour définitif à une unicité mortelle que l’homme a imaginé être la Mère innocente et toute-puissante, libérée, à la fin des temps, d’une nouvelle spirale d’appropriation par le fils. L’écriture marque le corps de Moraga, l’affirme comme corps de femme de couleur et l’empêche de tomber dans la catégorie banalisée par un père anglo-saxon ou dans le mythe orientaliste de “l’analphabétisme originel” d’une mère qui n’a jamais été. C’est Malinche, qui est ici une mère, et non Ève avant qu’elle n’ait goûté au fruit défendu. L’écriture affirme une Sœur d’ailleurs, et non cette Femmed’avant-la-Chute-dans-l’Écriture dont a besoin la Famille de l’Homme phallogocentrique.
L’écriture constitue de façon pré-éminente la technologie des cyborgs, surfaces gravées de la fin du XXe siècle. La politique cyborg lutte pour le langage, elle lutte contre la communication parfaite, contre ce code unique qui traduit parfaitement chaque signification, dogme central du phallogocentrisme. Voilà pourquoi la politique cyborgienne insiste sur le bruit, défend la pollution, et se réjouit des fusions illégitimes entre l’animal et la machine. Ces accouplements rendent l’Homme et la Femme problématiques, ils subvertissent la structure du désir, force conçue pour générer le langage et le genre, et subvertissent ainsi la structure et les modes de reproduction de l’identité “occidentale”, de la nature et de la culture, du miroir et de l’œil, de l’esclave et du maître, du corps et de l’esprit. “Nous” n’avons pas choisi, à l’origine, d’être cyborgs, mais ce choix fonde une politique et une épistémologie libérales qui imaginent la reproduction des individus avant la reproduction plus large des “textes”.
Si nous adoptons le point de vue du cyborg, si nous nous libérons du besoin de fonder la politique à partir de “notre” position privilégiée d’opprimées qui incorpore toutes les autres dominations, si nous renonçons à l’innocence de simples victimes du viol, si nous quittons le terrain de cette “nature” dont nous serions si proches, nous verrons de grandes possibilités s’ouvrir devant nous. Les féminismes et les marxismes ont buté contre les impératifs épistémologiques de l’Occident qui leur faisaient construire le sujet révolutionnaire du point de vue d’une hiérarchie d’oppressions et / ou d’une position latente de supériorité morale, d’innocence et de plus grande proximité avec la nature. Lorsque l’on ne dispose ni du rêve original d’une langue commune ni de la symbiose originale et de la protection qu’elle promet contre la séparation “masculine” hostile, mais que l’on est écrite dans le jeu d’un texte qui ne possède ni point de vue privilégié ni histoire du Salut, se reconnaître “soi-même” comme complètement impliquée dans le monde libère du besoin de fonder la politique dans l’identification, les partis d’avant-garde, la pureté et la maternité. Débarrassée de l’identité, la race bâtarde enseigne le pouvoir des marges et l’importance d’une mère comme Malinche. Les femmes de couleur ont transformé la mère maléfique de la peur masculiniste en mère lettrée originelle qui enseigne la survie.
Il ne s’agit pas seulement de déconstruction littéraire, mais de transformation liminaire. Toute histoire qui commence avec l’innocence originelle et privilégie le retour à la totalité imagine que le drame de la vie est l’individuation, la séparation, la naissance à soi, la tragédie de l’autonomie, la chute dans l’écriture, l’aliénation; c’est-à-dire la guerre, tempérée par un répit imaginaire dans le sein de l’Autre. Ces histoires ont une trame qui obéit à une politique de reproduction: renaissance sans défauts, perfection, abstraction. Dans cette trame, les femmes s’en tirent mieux, ou moins bien, selon les cas, mais toutes ces histoires disent toujours que les femmes ont un soi moins fort, une individuation moins marquée, une plus grande fusion avec l’oral, avec la Mère, et moins d’intérêt pour l’autonomie masculine. Mais il existe une autre voie qui mène à ce même détachement de l’autonomie masculine, un autre chemin qui ne passe ni par la Femme, ni par le Primitif, ni par le Zéro, ni par le Stade du Miroir et son imaginaire. Il traverse les femmes et les autres cyborgs illégitimes du temps présent qui ne sont pas nés de La Femme, qui refusent l’aide idéologique du statut de victime afin de vivre une vie réelle. Ces cyborgs sont des gens qui refusent de disparaître au signal, et peu leur importe le nombre de fois où un commentateur “occidental” a encore une fois déploré la triste extinction d’un groupe primitif, organique, anéanti par la technologie “occidentale”, par l’écriture[32]. Ces cyborgs de la vie réelle réécrivent activement les textes de leurs corps et de leurs sociétés (comme le font ces femmes, décrites par Aihwa Ong, qui vivent dans les villages de l’Asie du sud-est et travaillent pour des entreprises d’électroniques japonaises et américaines). La survie est l’enjeu de ce jeu de lectures.
Récapitulons: certains dualismes constituent des traits persistants des traditions occidentales; tous contribuent à la logique et aux pratiques du système de domination des femmes, des gens de couleur, de la nature, des travailleurs et des animaux; en gros à la domination de tout ce qui est autre et qui ne sert qu’à renvoyer l’image de soi. Les plus importants de ces inquiétants dualismes sont les suivants: soi / autre, corps / esprit, nature /culture, mâle / femelle, civilisé / primitif, réalité / apparence, tout / partie, agent / ressource, créateur / créature, actif / passif, vrai / faux, vérité / illusion, total / partiel, Dieu / homme. Le Soi est ce Un qui ne subit pas la domination et qui sait cela grâce à l’autre qui détient les clefs de l’avenir du fait de sa propre expérience de la domination, ce qui fait mentir toute idée d’une autonomie du soi. Etre Un, c’est être autonome, c’est être puissant, c’est être Dieu; mais être Un est aussi être une illusion, et ainsi être impliqué dans une dialectique apocalyptique avec l’autre.
Pourtant, être autre, c’est être multiple, sans bornes précises, effiloché, sans substance. Un c’est trop peu, mais deux, c’est déjà trop.
La culture des hautes technologies remet en cause ces dualismes de façon mystérieuse. Il est difficile de savoir qui de l’homme ou de la machine crée l’autre ou est créé par l’autre. Il est difficile de savoir où s’arrête l’esprit et où commence le corps dans des machines qui se dissolvent en pratiques de codage. Dans la mesure où nous nous reconnaissons à la fois dans le discours officiel (par exemple, dans la biologie) et dans la pratique quotidienne (par exemple dans l’économie du travail à domicile dans le circuit intégré), nous nous découvrons cyborgs, hybrides, mosaïques, chimères. Les organismes biologiques sont devenus des systèmes biotiques, des outils de communication parmi d’autres. Il n’y a pas de différence ontologique, pas de différence fondamentale dans ce que nous savons de la machine et l’organisme, du technique et de l’organique.
Rachel, la réplicante du film de Ridley Scott Blade Runner , représente la peur, l’amour et la confusion que produit une culture cyborgienne.
Tout cela provoque, entre autres, un sens plus vif de la connexion qui nous lie à nos outils. L’état de transe que connaissent beaucoup d’utilisateurs d’ordinateurs est devenue un lieu commun du film de science-fiction et de la blague branchée. Un paraplégique, ou toute autre personne lourdement handicapée doit avoir (et a quelquefois) une expérience intense de l’hybridation complexe qui existe entre elle et les autres outils de communication[33]. Le Vaisseau qui chantait (1969), roman proto-féministe d’Anne McCaffrey, explorait les pensées d’un cyborg, hybride entre un cerveau de petite fille et une machinerie complexe mise au point après la naissance d’un enfant gravement handicapé. Genre, sexualité, incarnation et compétence, dans cette histoire, tous ces éléments étaient reconstitués. Pourquoi nos corps devraient-ils s’arrêter à la frontière de la peau, ou ne comprendre au mieux que d’autres êtres encapsulés dans cette peau? On sait, depuis le XVII e siècle animer des machines – leur donner une âme fantôme qui leur permet de parler, de bouger ou de rendre compte de leur développement régulier et de leurs capacités mentales. On sait aussi mécaniser les organismes, les réduire à un corps considéré seulement comme une ressource pour l’esprit. Ces relations machine / organisme sont obsolètes, inutiles. Que ce soit dans le domaine de l’imaginaire ou dans d’autres pratiques, pour nous, les machines sont prothèses, composants intimes, soi bienveillants. Nous n’avons pas besoin d’un holisme organique qui crée un tout imperméable, la femme totale et ses variantes féministes (mutantes?). Je conclurai sur ce point avec une lecture très partiale de la logique des monstres cyborg dans mon second corpus, la science-fiction féministe.
Les cyborgs qui peuplent la science-fiction féministe rendent tout à fait problématiques les statuts de l’homme, de la femme, de l’humain, de l’artefact, de la race, de l’entité individuelle ou du corps. Katie King explique comment le plaisir que l’on prend à lire ce genre de fictions ne repose pas principalement sur l’identification. Lorsque des étudiants capables d’affronter les auteurs modernistes comme Joyce ou Woolf sans sourciller sont confrontés à Joanna Russ pour la première fois, ils ne savent que penser de The Adventures of Alyx ou de L’Autre moitié de l’homme , car les personnages de ces livres refusent la recherche de l’unité innocente à laquelle tend le lecteur, mais ils se soumettent en même temps à d’autres de ses attentes, quête héroïque, érotisme exacerbé et contenu politique sérieux.
Dans L’Autre moitié de l’homme , quatre versions d’un même génotype se rencontrent, mais même rassemblées, elles ne forment pas un tout, pas plus qu’elles ne résolvent les dilemmes posés par l’action morale violente, ou qu’elles ne désamorcent le scandale toujours plus grand du genre. La science-fiction féministe de Samuel R. Delany, et en particulier Les Contes de Neverÿon , parodie le mythe de l’origine en réécrivant la révolution du néolithique, et en rejouant ainsi les premiers coups de la partie qui a abouti à la civilisation occidentale pour subvertir leur vraisemblance.
James Tiptree, Jr, auteure dont la fiction était considérée comme particulièrement virile jusqu’à ce que soit révélé son “véritable” genre, raconte des histoires de reproduction basée sur des technologies non-mammifères telles que l’alternance de générations d’hommes munis de poches à couver, et nourriciers. Dans son exploration archi-féministe de Gaea, unedéesse-folle-planète-illusionniste-vielle-femme-machine-technologique à la surface de laquelle naît une extraordinaire série de symbioses postcyborg, John Varley construit le cyborg suprême. Octavia Butler évoque une sorcière africaine qui utilise ses pouvoirs de transformation pour contrer les manipulations génétiques dont use sa rivale ( Wildseed ), les failles temporelles pour ramener une Noire américaine moderne à l’état d’esclavage dans lequel les relations qu’elle a avec son maître et ancêtre blanc déterminent la possibilité de sa propre naissance ( Kindred ), et les visions illégitimes de l’identité et de la communauté qu’a un enfant transespèce adopté qui en est arrivé à connaître l’ennemi en lui-même ( La Survivante ). Dans Dawn (1987), premier épisode d’une série qui s’appelle Xenogenesis, Butler raconte l’histoire de Lilith Lyapo, dont le prénom fait référence à la première femme, répudiée, d’Adam et dont le nom de famille souligne son statut de veuve du fils d’une famille nigériane immigrée aux États-Unis. Par ses échanges génétiques avec des amants / sauveteurs / destructeurs / ingénieurs-génétiques extra-terrestres qui ont reconstruit l’habitat terrien à la suite d’un holocauste nucléaire et forcent les humains qui y ont survécu à une fusion intime, Lilith, femme noire et mère dont l’enfant est mort, devient l’instrument de la transformation de l’humanité. Ce roman traite de politique reproductive, linguistique et nucléaire dans un champ mythique structuré par les notions de couleur et de genre de la fin du XXe siècle.
Parce qu’il est particulièrement riche en transgressions, le livre de Vonda McIntyre, Superluminal , est tout indiqué pour refermer ce catalogue tronqué de monstres dangereux et prometteurs qui aident à redéfinir les plaisirs et la politique de l’incarnation et de l’écriture féministe.
Dans une fiction où aucun personnage n’est “simplement” humain, ce statut d’humain devient hautement problématique. Orca, plongeuse sousmarine génétiquement modifiée, peut dialoguer avec les orques et survivre dans les profondeurs, mais elle rêve d’être pilote et d’explorer l’espace. Il faut alors qu’elle se fasse implanter des éléments bioniques pouvant détruire ce qui fait d’elle un membre de la famille des plongeurs et des cétacés. Ce genre de transformations se fait par vecteurs virus porteurs d’un nouveau code de développement, par transplantations chirurgicales, par implantation d’appareils microélectroniques, par doubles analogiques, etc. Laenea devient pilote en acceptant une transplantation cardiaque et toute une série de modifications qui lui permettront de survivre à des vitesses supérieures à celle de la lumière. Radu Dracul réchappe d’une épidémie causée par un virus sur sa planète lointaine et se retrouve doté d’une perception du temps qui va, pour toute son espèce, repousser les frontières de la perception de l’espace. Ces personnages explorent tous les limites du langage, le rêve d’une expérience partagée et la nécessité des limites, de la partialité et de l’intimité, même dans un monde de transformation et de connexion protéiformes. Mais Superluminal défend aussi dans un autre sens les contradictions qui définissent le monde cyborgien.
Il incarne textuellement cette intersection de la théorie féministe et du discours colonial que l’on trouve dans la science-fiction évoquée plus haut.
Cette conjonction a une longue histoire que de nombreuses féministes du “Premier Monde” ont tenté de passer sous silence, comme je l’ai fait quand j’ai lu Superluminal , jusqu’à ce que Zoe Sofoulis me rappelle à l’ordre, elle qu’une position différente dans l’informatique de la domination du système mondial a rendue particulièrement sensible aux tentations impérialistes du milieu de la science-fiction, y compris de la science-fiction féminine. Sa sensibilité de féministe australienne, fit que Zoe Sofoulis se souvenait plus facilement de la participation de McIntyre à l’écriture des aventures du Capitaine Kirk et du Docteur Spock dans la série télévisée Star Trek que de sa réécriture de l’histoire d’amour dans Superluminal .
Dans les imaginaires occidentaux, les monstres ont toujours défini les limites de la communauté. Les Centaures et les Amazones de la Grèce Antique établirent les limites d’une polis centrée sur l’homme grec parce qu’ils firent éclater le mariage et perturbèrent les frontières par des alliances contre-nature entre le guerrier et l’animal ou la femme. Les jumeaux siamois et les hermaphrodites constituèrent le trouble matériau humain qui, au début de l’ère moderne en France, permit de fonder le discours sur le naturel et le surnaturel, le médical et le légal, les mauvais sorts et les maladies – éléments cruciaux dans l’établissement de l’identité moderne[34]. Les études évolutionnistes et comportementales des singes et des grands primates ont marqué les multiples frontières des identités industrielles de la fin du XXe siècle. Les monstres cyborgiens de la sciencefiction féministe définissent des possibilités et des limites politiques assez différentes de celles que propose la fiction courante de l’Homme et de la Femme.
Prendre au sérieux l’imagerie d’un cyborg qui serait autre chose qu’un ennemi a plusieurs conséquences. Sur nos corps, sur nous-mêmes; les corps sont des cartes du pouvoir et de l’identité. Les cyborgs n’y font pas exception. Un corps cyborg n’a rien d’innocent, il n’est pas né dans un jardin, il ne recherche pas l’identité unitaire et donc ne génère pas de dualismes antagonistes sans fin (ou qui ne prennent fin qu’avec le monde lui-même), il considère que l’ironie est acquise. tre un c’est trop peu, et deux n’est qu’une possibilité parmi d’autres. Le plaisir intense que procure le savoir faire, le savoir manier les machines, n’est plus un péché, mais un aspect de l’incarnation. La machine n’est pas un “ceci” qui doit être animé, vénéré et dominé. La machine est nous, elle est nos processus, un aspect de notre incarnation. Nous pouvons être responsables des machines, elles ne nous dominent pas, elles ne nous menacent pas. Nous sommes responsables des frontières, nous sommes les frontières. Jusqu’à maintenant (il était une fois), l’incarnation féminine semblait être innée, organique, nécessaire; et cette incarnation semblait être synonyme du savoir faire maternel et de ses extensions métaphoriques. Ce n’est qu’en ne nous plaçant pas à notre place que nous pouvions prendre un plaisir intense avec les machines et encore, à condition de prétexter qu’après tout, il s’agissait d’une activité organique, qui convenait aux femmes. Les cyborgs pourraient envisager plus sérieusement l’aspect partial, fluide, occasionnel du sexe et de l’incarnation sexuelle. Après tout, malgré sa large et profonde inscription historique, le genre pourrait bien ne pas être l’identité globale.
Réfléchir à la question, idéologiquement chargée, de ce qui compte comme activité quotidienne, comme expérience, peut se faire en exploitant l’image du cyborg. Dernièrement, les féministes ont prétendu que les femmes étaient douées pour le quotidien, que les femmes, plus que les hommes géraient d’une manière ou d’une autre ce quotidien, et qu’elles occupaient donc potentiellement une position épistémologique privilégiée. Cette prise de position peut paraître convaincante car elle met en lumière une activité féminine longtemps méprisée et qu’elle en fait la base de la vie. La base de la vie? Et l’ignorance des femmes, alors? Et leur exclusion de la connaissance et du savoir? Leurs manques? Et l’accès des hommes aux compétences du quotidien, à la construction des choses, à leur destruction, au jeu? Et les autres incarnations? Le genre cyborgien est une possibilité partielle de revanche globale. La race, le genre et le capital nécessitent une théorie cyborgienne des touts et des parties. Il n’existe pas, chez le cyborg, de pulsion de production d’une théorie totale, mais il existe une connaissance intime des frontières, de leur construction, de leur déconstruction. Il existe un système de mythes qui ne demande qu’à devenir un langage politique susceptible de fonder un regard sur la science et la technologie, qui conteste l’informatique de la domination – afin d’agir avec puissance.
Une dernière image: les organismes et la politique organismique et holistique reposent sur des métaphores de renaissance et en appellent invariablement aux ressources de la sexualité reproductive. Je dirais que les cyborgs ont plus à voir avec la régénération et qu’ils se méfient de la matrice reproductive et de presque toutes les mises au monde. Chez les salamandres, la régénération qui suit une blessure, par exemple la perte d’un membre, s’accompagne d’une repousse de la structure et d’une restauration des fonctions avec possibilité constante de production, à l’emplacement de l’ancienne blessure, de doubles ou de tout autre étrange résultat topographique. Le membre qui a repoussé peut être monstrueux, dupliqué, puissant. Nous avons tou(te)s déjà été blessé(e)s, profondément. Nous avons besoin de régénération, pas de renaissance, et le rêve utopique de l’espoir d’un monde monstrueux sans distinction de genre fait partie de ce qui pourrait nous reconstituer.
L’imagerie cyborgienne peut aider à exprimer les deux points cruciaux de ce texte. Un, la production d’une théorie totale, universelle, est une erreur énorme qui passe à côté de la réalité, et qui l’a probablement toujours fait, mais qui le fait maintenant de façon certaine. Deux, en prenant la responsabilité des relations sociales de science et de technologie, on refuse la métaphysique anti-science, la démonologie de la technologie, et l’on assume ainsi le difficile travail de reconstruction des frontières de la vie quotidienne, en connexion partielle avec les autres, et en communication avec chaque partie de nous-même. Ce n’est pas seulement que la science et la technologie sont d’éventuels moyens de grande satisfaction humaine aussi bien qu’une matrice de dominations complexes. L’imagerie cyborgienne ouvre une porte de sortie au labyrinthe des dualismes dans lesquels nous avons puisé l’explication de nos corps et de nos outils. C’est le rêve, non pas d’une langue commune, mais d’une puissante et infidèle hétéroglosse. C’est l’invention d’une glossolalie féministe qui glace d’effroi les circuits super-évangélistes de la nouvelle droite. Cela veut dire construire et détruire les machines, les identités, les catégories, les relations, les légendes de l’espace. Et bien qu’elles soient liées l’une à l’autre dans une spirale qui danse, je préfère être cyborg que déesse.

35
manifestos/1989_RIOT_GRRRL_MANIFESTO_[EN].txt

@ -0,0 +1,35 @@
RIOT GRRRL MANIFESTO •
http://historyisaweapon.com/defcon1/riotgrrrlmanifesto.html •
1989 •
BECAUSE us girls crave records and books and fanzines that speak to US that WE feel included in and can understand in our own ways.
BECAUSE we wanna make it easier for girls to see/hear each other's work so that we can share strategies and criticize-applaud each other.
BECAUSE we must take over the means of production in order to create our own moanings.
BECAUSE viewing our work as being connected to our girlfriends-politics-real lives is essential if we are gonna figure out how we are doing impacts, reflects, perpetuates, or DISRUPTS the status quo.
BECAUSE we recognize fantasies of Instant Macho Gun Revolution as impractical lies meant to keep us simply dreaming instead of becoming our dreams AND THUS seek to create revolution in our own lives every single day by envisioning and creating alternatives to the bullshit christian capitalist way of doing things.
BECAUSE we want and need to encourage and be encouraged in the face of all our own insecurities, in the face of beergutboyrock that tells us we can't play our instruments, in the face of "authorities" who say our bands/zines/etc are the worst in the US and
BECAUSE we don't wanna assimilate to someone else's (boy) standards of what is or isn't.
BECAUSE we are unwilling to falter under claims that we are reactionary "reverse sexists" AND NOT THE TRUEPUNKROCKSOULCRUSADERS THAT WE KNOW we really are.
BECAUSE we know that life is much more than physical survival and are patently aware that the punk rock "you can do anything" idea is crucial to the coming angry grrrl rock revolution which seeks to save the psychic and cultural lives of girls and women everywhere, according to their own terms, not ours.
BECAUSE we are interested in creating non-heirarchical ways of being AND making music, friends, and scenes based on communication + understanding, instead of competition + good/bad categorizations.
BECAUSE doing/reading/seeing/hearing cool things that validate and challenge us can help us gain the strength and sense of community that we need in order to figure out how bullshit like racism, able-bodieism, ageism, speciesism, classism, thinism, sexism, anti-semitism and heterosexism figures in our own lives.
BECAUSE we see fostering and supporting girl scenes and girl artists of all kinds as integral to this process.
BECAUSE we hate capitalism in all its forms and see our main goal as sharing information and staying alive, instead of making profits of being cool according to traditional standards.
BECAUSE we are angry at a society that tells us Girl = Dumb, Girl = Bad, Girl = Weak.
BECAUSE we are unwilling to let our real and valid anger be diffused and/or turned against us via the internalization of sexism as witnessed in girl/girl jealousism and self defeating girltype behaviors.
BECAUSE I believe with my wholeheartmindbody that girls constitute a revolutionary soul force that can, and will change the world for real.

25
manifestos/1991_Cyberfeminist_manifesto_for_the_21st_century_[EN].txt

@ -0,0 +1,25 @@
CYBERFEMINIST MANIFESTO FOR THE 21ST CENTURY •
https://vnsmatrix.net/the-cyberfeminist-manifesto-for-the-21st-century/ •
VNS Matrix •
1991 •
We are the modern cunt •
positive anti reason •
unbounded unleashed unforgiving •
we see art with our cunt we make art with our cunt •
we believe in jouissance madness holiness and poetry •
we are the virus of the new world disorder •
rupturing the symbolic from within •
saboteurs of big daddy mainframe •
the clitoris is a direct line to the matrix •
VNS MATRIX •
terminators of the moral code •
mercenaries of slime •
go down on the altar of abjection •
probing the visceral temple we speak in tongues •
infiltrating disrupting disseminating •
corrupting the discourse •
we are the future cunt •
Manifesto first declared by VNS Matrix •
1991, Adelaide & Sydney, Australia •

23
manifestos/1991_Cyberfeminist_manifesto_for_the_21st_century_[FR].txt

@ -0,0 +1,23 @@
MANIFESTE CYBER FEMINISTE POUR LE 21EME SIECLE •
http://sysx.org/vns •
VNS Matrix •
1991 •
Nous sommes le con moderne •
L’anti-raison positive •
Délivrées déchaînées impitoyables •
Nous voyons l’art avec notre con nous faisons l’art avec notre con •
Nous croyons à la jouissance à la folie à la sainteté et à la poésie •
Nous sommes le virus du nouveau désordre mondial •
Nous brisons le symbolique de l’intérieur •
Saboteuses de l’Unité Centrale du paternel •
Le clitoris comme ligne directe de la matrice •
Les VNS MATRIX •
Terminatrices du code moral •
Mercenaires de l’humeur visqueuse •
Descendent sur l’autel de l’abjection •
Sondent le temple viscéral prophétisent dans des langues inconnues •
Infiltrent interrompent disséminent •
Corrompent le discours •
Nous sommes le futur con •

95
manifestos/1996_Bitch_Mutant_Manifesto_[EN].txt

@ -0,0 +1,95 @@
Bitch Mutant Manifesto •
https://www.obn.org/reading_room/manifestos/html/bitch.html •
VNS Matrix •
1996 •
The atomic wind catches your wings and you are propelled backwards into the future, an
entity time travelling through the late C20th, a space case, an alien angel maybe, looking down the deep throat of a million catastrophes.
screenflash of a millionmillion conscious machines •
burns brilliant •
users caught in the static blitz of carrier fire •
unseeing the download that scribbles on their burntout retinas •
seize in postreal epileptic bliss •
eat code and die •
Sucked in, down through a vortex of banality. You have just missed the twentieth century.
You are on the brink of the millenium - which one - what does it matter?
It's the cross dissolve that's captivating. The hot contagion of millenia fever fuses retro with futro, catapulting bodies with organs into technotopia . . . where code dictates pleasure and satisfies desire.
Pretty pretty applets adorn my throat. I am strings of binary. I am pure artifice.
Read only my memories. Upload me into your pornographic imagination. Write me.
Identity explodes in multiple morphings and infiltrates the system at root.
Unnameable parts of no whole short circuit the code recognition programs flipping
surveillance agents into hyperdrive which spew out millions of bits of corrupt data as they seize in fits of schizophrenic panic and trip on terror.
So what's the new millenium got to offer the dirty modemless masses?
Ubiquitous fresh water? Simulation has its limits. Are the artists of oppressed nations on a parallel agenda? Perhaps it is just natural selection?
The net's the parthenogenetic bitch-mutant feral child of big daddy mainframe. She's out of of control, kevin, she's the sociopathic emergent system.
Lock up your children, gaffer tape the cunt's mouth and shove a rat up her arse.
We're <>verging on the insane and the vandals are swarming.
Extend my phenotype, baby, give me some of that hot black javamagic you're always
bragging about. (I straddle my modem). The extropians were wrong, there's some things
you can't transcend.
The pleasure's in the dematerialisation. The devolution of desire.
We are the malignant accident which fell into your system while you were sleeping. And
when you wake we will terminate your digital delusions, hijacking your impeccable software.
Your fingers probe my neural network. The tingling sensation in the tips of your fingers are my synapses responding to your touch. It's not chemistry, it's electric. Stop fingering me.
Don't ever stop fingering my suppurating holes, extending my boundary but in cipherspace
there are no bounds •
BUT IN SPIRALSPACE THERE IS NO THEY •
there is only *us* •
Trying to flee the binary I enter the chromozone which is not one •
XXYXXYXXYXXYXXYXXYXXYXXYXXYXXYXXYXXYXXYXX •
genderfuck me baby •
resistance is futile •
entice me splice me map my ABANDONED genome as your project •
artificially involve me •
i wanna live forever •
upload me in yr shiny shiny PVC future •
SUCK MY CODE •
Subject X says transcendence lies at the limit of worlds, where now and now, here and
elsewhere, text and membrane impact.
Where truth evaporates Where nothing is certain There are no maps •
The limit is NO CARRIER, the sudden shock of no contact, reaching out to touch but the
skin is cold... •
The limit is permission denied, vision doubled, and flesh necrotic.
Where truth evaporates Where nothing is certain There are no maps •
The limit is NO CARRIER, the sudden shock of no contact, reaching out to touch but the
skin is cold... •
The limit is permission denied, vision doubled, and flesh necrotic. •
Command line error •
Heavy eyelids fold over my pupils, like curtains of lead. Hot ice kisses my synapses with an (ec)static rush. My system is nervous, neuronsscreaming - spiralling towards the
singularity. Floating in ether, my body implodes.
I become the FIRE.
Flame me if you dare.
© VNS Matrix April 1996

105
manifestos/1997_Cyberfeminism_is_not_[EN+DE+NL+FR].txt

@ -0,0 +1,105 @@
Cyberfeminism is not ... •
100 anti-theses •
Old Boys Network •
1997 •
1. cyberfeminism is not a fragrance •
2. cyberfeminism is not a fashion statement •
3. sajbrfeminizm nije usamljen •
4. cyberfeminism is not ideology •
5. cyberfeminism nije aseksualan •
6. cyberfeminism is not boring •
7. cyberfeminism ist kein gruenes haekeldeckchen •
8. cyberfeminism ist kein leerer kuehlschrank •
9. cyberfeminism ist keine theorie •
10. cyberfeminism ist keine praxis •
11. cyberfeminism ist keine traditio •
12. cyberfeminism is not an institution •
13. cyberfeminism is notusing words without any knowledge of numbers •
14. cyberfeminism is not complete •
15. cyberfeminism is not error 101 •
16. cyberfeminism ist kein fehler •
17. cyberfeminism ist keine kunst •
18. cyberfeminism is not an ism •
19. cyberfeminism is not anti-male •
20. sajbrfeminizm nige nesto sto znam da je •
21. cyberfeminism is not a structure •
22. cyberfeminismo no es uns frontera •
23. cyberfeminism nije poslusan •
24. cyberfeminism nije apolitican •
25. cyberfeminisme is niet concreet •
26. cyberfeminism is not separatism •
27. cyberfeminism is not a tradition •
28. cyberfeminism is not maternalistic •
29. cyberfeminisme id niet iets buitenlands •
30. cyberfeminism is not without connectivity •
31. cyberfeminismus ist nicht mehr wegzudenken •
32. cyberfeminismus ist kein oxymoron •
33. cyberfeminism is not on sale •
34. cyberfeminism is nor for sale •
35. cyberfeminismus ist nicht gut •
36. cyberfeminismus ist nicht schlecht •
37. cyberfeminismus ist nicht modern •
38. cyberfeminismus ist nicht post-modern •
39. cyberfeminism is not natural •
40. cyberfeminism is not essentialist •
41. cyberfeminism is not abject •
42. cyberfeminism is not an avatar •
43. cyberfeminism is not an alter ego •
44. cyberfeminismus ist nicht truegerisch •
45. cyberfeminismus ist nicht billig •
46. cyberfeminismus ist nicht willig •
47. cyberfeminisme n'est pas jaloux •
48. cyberfeminism is not exclusive •
49. cyberfeminism is not solid •
50. cyberfeminism is not genetic •
51. cyberfeminismus ist keine entschuldigung •
52. cyberfeminism is not prosthetic •
53. cyberfeminismo no tiene cojones •
54. cyberfeminisme n'est pas triste •
55. cyberfeminisme n'est pas une pipe •
56. cyberfeminism is not a motherboard •
57. cyberfeminism is not a fake •
58. cyberfeminism nije ogranicen •
59. cyberfeminism nije nekonfliktan •
60. cyberfeminism nije make up •
61. cyberfeminism nije zatvoren prozor •
62. cyberfeminism is not a lack •
63. cyberfeminism is not a wound •
64. cyberfeminism is not a trauma •
65. cyberfeminismo no es una banana •
66. cyberfeminism is not a sure shot •
67. cyberfeminism is not an easy mark •
68. cyberfeminism is not a single woman •
69. cyberfeminism is not romantic •
70. cyberfeminism is not post-modern •
71. cyberfeminism is not a media-hoax •
72. cyberfeminism is not neutral •
73. cyberfeminism is not lacanian •
74. cyberfeminism is not nettime •
75. cyberfeminism is not a picnic •
76. cyberfeminism is not a coldfish •
77. cyberfeminism is not a cyberepilation •
78. cyberfeminism is not a horror movie •
79. cyberfeminism is not science fiction •
80. cyberfeminism is not artificial intelligence •
81. cyberfeminism is not an empty space •
82. cyberfeminism is not immobile •
83. cyberfeminism is not about boring toys for boring boys •
84. cyberfeminismus ist keine verlegenheitsloesung •
85. cyberfeminism is not a one-way street •
86. cyberfeminism is not supporting quantum mechanics •
87. cyberfeminism is not caffeine-free •
88. cyberfeminism is not a non-smoking area •
89. cyberfeminism is not daltonistic •
90. cyberfeminism is not nice •
91. cyberfeminismo no es callado •
92. cyberfeminism is not lady.like •
93. cyberfeminismus ist nicht arrogant •
94. cyberfeminismus ist keine nudelsauce •
95. cyberfeminism is not mythical •
96. cyberfeminism is not from outer space •
97. cyberfeminismo no es rock 'n roll •
98. cyberfeminism is not dogmatic •
99. cyberfeminism is not stable •
100. cyberfeminism has not only one language •

27
manifestos/2002_Refugia_[EN].txt

@ -0,0 +1,27 @@
REFUGIA - MANIFESTO FOR BECOMING AUTONOMOUS ZONES [BAZ] •
http://www.refugia.net/domainerrors/DE3j_refugia.pdf •
SubRosa •
2002 •
REFUGIA: A place of relatively unaltered climate that is inhabited by plants and animals during a period of continental climate change (as a glaciation) and remains as a center of relict forms from which a new dispersion and speciation may take place after climatic readjustment. (WEBSTER’S NEW COLLEGIATE DICTIONARY, 1976)
REFUGIA: Sections of agricultural fields planted with nontransgenic crops, alternating with transgenic crops. This is thought to slow the rate of resistance mutation caused in susceptible insect and weed species by gene transfer from GM (Genetically Modi fied) monoculture crops.
REFUGIA: A Becoming Autonomous Zone (BAZ) of desirous mixings and recombinations; splic ing fe male sexual liber ation and auto nomy with cyber feminist skills, theory, embodiment, and political activism.
REFUGIA: A critical space of liberated social becoming and intellectual life; a space liberated from capitalist Taylorized production; a space of unregulated, unmanaged time for creative exchange and play; experimental action and learning; desiring production, cooking, eating, and skill sharing.
REFUGIA: A reproducible concept that can be adapted to various climates, economies, and geographical regions worldwide. Any useless space can be claimed as a refugium: Suburban lawns, vacant urban lots, rooftops, the edges of agricultural lands, clear-cut zones in forests, appropri ated sections of monoculture fields, fallow land, weed lots, transitional land, battlefields, office buildings, squats, etc. Also currently existing Refugia such as multi-cultivar rice paddies, companion planted fields, organic farms, home vegetable gardens, etc.
REFUGIA: A postmodern commons; a resistant biotech victory garden; a space of convivial tinkering; a commonwealth in which common law rules. Not a retreat, but a space resistant to mono culture in all its social, environmental, libidinal, political, and genetic forms.
REFUGIA: A habitat for new AMOs (Autonomously Modified Organism) and agit-crops; for example, “ProActiva,” an herb that is a grafting of witch-root, man drake, and all-heal.
REFUGIA: A place of asylum for the recuperation, regeneration and re-engineering of essential crops that have been corrupted by capitalist viruses and agri business greed.
REFUGIA: A space of imaginative inertia that slows down the engines of corporate agro/biotech and allows time to assess its risks and benefits through long-term testing.
REFUGIA: Neither a utopia nor a dystopia, but a haunted space for reverse engineering, monstrous graftings, spontaneous generation, recombination, difference, poly-versity hybridization, wildlings, mutations, mongrelizing, crop circles, anomalies, useless beauty, coalitions, agit-crops, and unseemly sproutings. Biotech and transgenic work in Refugia will be based on desire, consensual public risk assessment, informed amateur experimentation, contestational politics, nourishment and taste value, non-proprietary expertise, convivial delight, and healing.
REFUGIA: subRosa’s on-going cyberfeminist hothouse of strategies and tactical actions.

342
manifestos/2009_Glitch_Manifesto_[EN].txt

@ -0,0 +1,342 @@
Glitch Studies Manifesto •
Rosa Menkman •
2009/2010 •
https://beyondresolution.nyc3.digitaloceanspaces.com •
Rmenkman@gmail.com
.
Amsterdam/Cologne, 2009/2010
http://rosa-menkman.blogspot.com
The dominant, continuing search for a
noiseless channel has been, and will always
be no more than a regrettable, ill-fated
dogma.
Even though the constant search for complete
transparency brings newer, ‘better’ media, every one
of these new and improved technologies will always
have their own fingerprints of imperfection. While
most people experience these fingerprints as
negative (and sometimes even as accidents) I
emphasize the positive consequences of these
imperfections by showing the new opportunities they
facilitate.
In the beginning there was noise. Then the artist moved from
the grain of celluloid to the magnetic distortion and scanning
lines of the cathode ray tube. he wandered the planes of
phosphor burn-in, rubbed away dead pixels and now makes
performances based on the cracking of LCD screens.
The elitist discourse of the upgrade is a dogma widely pursued
by the naive victims of a persistent upgrade culture. The consumer
only has to dial
#1-800
to stay on top of the
technological curve,
the
waves of both euphoria
and disappointment.
The
user has to realize
that improving is
nothing more
than a proprietary protocol, a deluded
consumer myth
about progression towards a holy grail of
perfection.
Dispute
the operating templates of
creative practice; fight
genres and expectations!
I feel stuck in the membranes of knowledge, governed
by social conventions and acceptances. As an artist I
strive to reposition these membranes; I do not feel
locked into one medium or between contradictions like
real vs. virtual or digital vs. analog. I surf the
waves of technology, the art of artifacts.
The quest for complete transparency has changed the
computer system into a highly complex assemblage that
is often hard to penetrate and sometimes even
completely closed off. This system consists of layers
of obfuscated protocols that find their origin in
ideologies, economies, political hierarchies and
social conventions, which are subsequently operated by
different actors.
Some artists set out to elucidate and deconstruct
the hierarchies of these systems of assemblage. They do
not work in (binary) opposition to what is inside the
flows (the normal uses of the computer) but practice
their art on the border of these flows. Sometimes, they
use the computers’ inherent maxims as a façade, to
trick the audience into a flow of certain expectation
that the artwork subsequently rapidly breaks out of. As
a result, the spectator is forced to acknowledge that
the use of the computer is based on a genealogy of
conventions, while in reality the computer is a machine
that can be bend or used in many different ways. With
the creation of breaks within politics and social and
economical conventions, the audience may become aware of
the preprogrammed patterns. In this way, a distributed
awareness of a new interaction gestalt can take form.
Get
away from the established action scripts and
join the avant-garde of the unknown. Become a
nomad of noise artifacts!
There are three occasions in which the static, linear notion of transmitting
information can be interrupted. I use these instances to exploit noise
artifacts, that I sub-divide as glitch, encoding / decoding (of which
compression is the most ordinary form) and feedback artifacts.
Etymologically, the term “noise” refers to states of aggression, alarm and
powerful sound phenomena in nature ('rauschen'), such as storm, thunder
and the roaring sea. But when noise is explored within a social context,
the term is often used as a figure of speech and as such has many more
meanings. Sometimes, noise stands for unaccepted sounds:
not
music,
not
valid information or what is
not
a message. Noise can also stand for a
(often undesirable, unwanted, other and unordered) disturbance, break
or addition within the signal of useful data. Here noise exists
within the void opposite to what (already) has a meaning. Whichever
way noise is defined, the negative definition also has a positive
consequence: it helps by (re)defining its opposite (the world of
meaning, the norm, regulation, goodness, beauty and so on).
Noise thus exists as a
paradox; while it is often
negatively defined, it is
also a positive, generative
quality (that is present in
any communication medium). The
voids generated by a break
are not only a lack of meaning,
but also powers that
force the reader to move away
from the traditional
discourse around the technology,
and to open it up.
Through these voids, artists and
spectators can
understand the politics behind the
code and voice a
critique towards the digital media.
It can be a source
for new patterns, anti-patterns and
new possibilities
that often exist on the border or
membrane.
|||IIIII||||||IIII|||IIIII|||||||||IIIIIIIIIIIIIIIIII|IIIII||||||IIII\\\\\\\\\\\\\\\\\||||||||||IIIII||||||||||||||||III|||II|IIIII||||||I|I|I|||IIIIIIII|||I|I|||IIIII||||III|||II|IIIII||||||I|
Use
the
glitch as
an exoskeleton
of progress.
The glitch is a wonderful experience of an
interruption that shifts an object away from its
ordinary form and discourse. For a moment I am
shocked, lost and in awe, asking myself what this
other utterance is, how was it created. Is it
perhaps ...a glitch? But once I named it, the
momentum -the glitch- is no more...
But somewhere within the destructed ruins of meaning
hope exists; a triumphal sensation that there is
something more than just devastation. A negative
feeling makes place for an intimate, personal experience
of a machine (or program), a system showing its
formations, inner workings and flaws. As a holistic
celebration rather than a particular perfection the
glitch can reveal a new opportunity, a spark of creative
energy that indicates that something new is about to be
created.
The glitch has no solid form or state through time; it is
often perceived as an unexpected and abnormal mode of
operandi, a break from (one of) the many flows (of
expectations) within a technological system. But as the
understanding of a glitch changes when it is being named, so
does the equilibrium of the (former) glitch itself: the
original experience of a rupture moved passed its momentum
and vanished into a realm of new conditions. The glitch is a
new and ephemeral, personal experience.
Use bends
and breaks as a metaphor for difference
As an artist, I find catharsis in disintegration, ruptures and cracks. I
manipulate, bend and break any medium towards the point where it becomes
something new. This is what I call glitch art. Even so, to me, the word
‘glitch’ in ‘glitch art’ means something slightly different than the
term ‘glitch’.
The glitch art genre moves like the weather; sometimes it evolves very
slowly while at other times it can strike like lightning. The art works
within this realm can be disturbing, provoking and horrifying. Beautifully
dangerous, they can at once take all the tensions of other possible
compositions away. These works stretch boundaries and generate novel modes;
they break open previously sealed politics and force a catharsis of
conventions, norms and believes.
Glitch art is often about relaying the membrane of the normal, to create
a new protocol after shattering an earlier one. The perfect glitch shows how
destruction can change into the creation of something original. Once the
glitch is understood as an alternative way of representation or a new
language, its tipping point has passed and the essence of its glitch-being is
vanished. The glitch is no longer an art of rejection, but a shape or
appearance that is recognized as a novel form (of art). Artists that work with
glitch processes are therefore often hunting for the fragile equilibrium; they
search for the point when a new form is born from the blazed ashes of its
precursor.
Even so, glitch art is not always (or by everyone) experienced as an art of
the momentum; many works have already passed their tipping point. This is
because glitch art exists within different systems; for instance the system
of production and the system of reception. Not only the artist who creates
the work of glitch art is responsible for the glitch. The 'foreign' input
(wrongly encoded syntaxes that lead to forbidden
leakages and data promiscuity), the hardware and
the software (the 'channel' that shows functional?
collisions) and the audience (who is in charge of
the reception, the decoding) can also be
responsible. All these actors are positioned
within different (but sometimes overlapping) flows
in which the final product can be described or
recognized as glitch art. This is why an intended
error can still be called glitch art and why glitch
art is not always just a personal experience of
shock, but has also become a genre; a schematic
metaphor for a way of expression, that depends on
multiple actors.
Realize that
the gospel of glitch art also tells about new
norms implemented by corruption.
Over time some of the glitches I made developed into personal archetypes; I
feel that they have become ideal examples or models of my work. Moreover,
some of the techniques I (and others) used became easily reproducible for
other people, either because I explained my working process, or sometimes
because of the development of a software or plugin that automatically
simulated or recreated a glitching method (that then became something
close to an ‘effect’). I have started to believe that the popularization
and cultivation of the avant-garde of mishaps has become predestined and
unavoidable.
The procedural essence of glitch art is opposed to conservation; the
shocking experience, perception and understanding of what a glitch is
at one point in time, cannot be preserved to a future time. The
beautiful creation of a glitch is uncanny and sublime; the artist
tries to catch something that is the result of an uncertain balance, a
shifting, un-catchable, unrealized utopia connected to randomness and
idyllic disintegrations. The essence of glitch art is therefore best
understood as a history of movement and as an attitude of destructive
generativity; it is the procedural art of non con-formative, ambiguous
reformations.
Nevertheless, some artists do not focus on the procedural entity
of the glitch. They skip the process of creation-by-destruction and
focus directly on the creation of a formally new design, either by
creating a final product or by developing a new way to re-create or
simulate the latest glitch-archetype. This can for instance result into
a plug-in, a filter or a whole new 'glitching software'.
T h i s f o r m o f ' c o n s e r v a t i v e g l i t c h a r t ' o f t e n f o c u s e s m o r e o n d e s i g n a n d
end products then on the procedural breaking of flows and politics. There
is an obvious critique: to design a glitch means to domesticate it. When
the glitch becomes domesticated, controlled by a tool, or technology (a
human craft) it has lost its enchantment and has become predictable. It is
no longer a break from a flow within a technology, or a method to open up
the political discourse, but instead a cultivation. For many actors it is
no longer a glitch, but a filter that consists of a preset and/or a
default: what was once understood as a glitch has now become a new
commodity.
But for some, mostly the audience on the receptive end, these designed
errors are still experienced as the breaks of a flow and can therefore
righteously be called glitches. They don’t know that these works are
constructed via the use of a filter. Works from the genre ‘glitch art’ thus
consist as an assemblage of perceptions and the understanding by multiple
actors. Therefore, the products of these new filters that come to existence
after (or without) the momentum of a glitch cannot be excluded from the
realm of glitch art.
Even so, the utopian fantasy of 'technological democracy' or 'freedom'
that glitch art is often connected to, has often little to do with the
colonialism of these glitch art designs and glitch filters. If there is such
a thing as technological freedom, this can only be found within the
procedural momentum of glitch art; when a glitch is just about to relay a
protocol. Not when “one disruptive click is just about to create a new
design”.
Celebrate
the critical trans-media
aesthetics of glitch artifacts
I use glitches to assess the inherent politics of any kind of medium by
bringing it into a state of hypertrophy.
Within software art, the glitch is often used to deconstruct the myth
of linear progress and to end the search for the holy grail called
the perfect technology. In these works, the glitch emphasizes what is
normally rejected as a flaw and subsequently shows that accidents and
errors can also be welcomed as new forms of usability. The glitch does
not only invoke the death of the author, but also the death of the
apparatus, medium or tool (at least from the perspective of the
technological determinist spectator) and is often used as an anti
‘software-deterministic’ form.
This fatal manner of glitch presents a problem for media and art
historians, who try to describe old and new culture as a continuum of
different niches. To deal with these breaks, historians have repeatedly
coined new genres and new media forms to give these splinter practices a
place within this continuum. As a result, an abundance of designations like
databending, datamoshing and circuitbending have come to existence, which
in fact all refer to similar practices of breaking flows within different
technologies or platforms.
Theorists have also been confronted with this problem. For them, terms
like post-digital or post-media aesthetics frequently offer a solution.
Unfortunately, these kinds of terms are misleading because in glitch
art ‘post’ actually often means a reaction to a primer form. But to act
against something does not mean to move away from it completely - in fact a
reaction also prolongs a certain way or mode (at least as a reference).
I think that an answer to the problems of both historians and
theoreticians could be found when glitch art is described as a procedural
activity demonstrating against and within multiple technologies. Something I
describe as
critical trans-media aesthetics
. The role of glitch
artifacts as critical trans-media aesthetics is twofold. On the one hand,
these aesthetics media show a medium in a critical state (a ruined,
unwanted, not recognized, accidental and horrendous state). These aesthetics
transform the way the consumer perceives the normal (every accident transforms
the normal) and describe the passing of a tipping point after which the medium
(might) become something new. On the other hand, these aesthetics critique the
medium (genre, interface and expectations). They challenge its inherent
politics and the established template of creative practice while
producing a theory of reflection.
The
nomad of noise
travels the acousmatic videoscape
I am a voyager of videoscapes: I create conceptually
synesthetic artworks, that use both visual and aural glitch
(and other noise) artifacts at the same time. These artifacts
shroud the black box, as a nebula of technology and its inner
workings.
What actually happens when a glitch occurs is unknown, I stare at
the glitch as a void of knowledge; a strange dimension where the
laws of technology are suddenly very different from what I
expected and know. Here is the purgatory; an intermediate state
between the death of the old technology and a judgement for a
possible continuation into a new form, a new understanding, a
landscape, a videoscape..
Whenever I use a ‘normal’ transparent technology, I only see one
aspect of the actual machine. I have learned to ignore the
interface and all structural components, to be able to understand a
message and to use the technology as easy and fast as possible.
The glitches I trigger show the technology as the obfuscated box
that it actually is (and not absent or transparent). They shroud its
inner workings and the source of the output as a sublime black veil,
while they confront me with a message that I cannot understand. I
perceive the glitches and the machine without understanding where
they originate from. This realization gives me the opportunity to
concentrate better on their formal qualities - to interpret their
structures and to learn more from what I can actually see. These
glitching technologies create an acousmatic videoscape in which I can
perceive an output outside of my goggles of immediacy, transparency
speed and usability.
In the acousmatic videoscape, the critical trans-media aesthetics
reflect on the perception of technology and its messages; they create
an opportunity for self reflexivity, self critique and self
expression.
In the acousmatic videoscape synesthesia exists not just as a metaphor
for transcoding one medium upon another (with a new algorithm), but as
a conceptually driven meeting of the visual and the sonic within the
newly uncovered quadrants of technology.
http://videoscapes.blogspot.com
I curate a Vimeo video pool about conceptual synesthetic artifact
videos:
http://vimeo.com/groups/artifacts

33
manifestos/2012_Glitch_Feminism_Manifesto_[EN].txt

@ -0,0 +1,33 @@
Glitch Feminism Manifesto •
https://rhizome.org/editorial/2013/mar/12/glitch-body-politic/ •
Legacy Russell •
2012 •
This piece was supposed to be about porn star James Deen.
After reading about Deen here and there and everywhere, I had the idea that perhaps there was something worth writing about. Only the problem was, that the more I watched of his work, the less I had a desire to write about it. Perhaps the point is not Deen himself and how he has been lauded via the wheel of favorable ratings by female audiences online. What needs to be written about is what happens when a woman sits down and engages with sex—specifically, her own, as tied to an exploration of her individual sexuality and liberation therein—via the medium of a computer screen.
There are only so many Deen videos a girl can watch with the goal of “critique” at the forefront: at a certain point, one of two things irrupts that process. The first is a screen, stuck, overwhelmed as a consequence of having too many windows open, too many things playing at once; I am trying to get an education, make a determination for myself, so I want to see everything, hear everything, right now, all at once. The second irruption I will leave for you to guess at. I will hint at the latter by saying that a petite morte of the physical self can be easily mirrored in the metaphor of the digital “glitch”—a little digital death, a wheeze, a shift, a breath, a sneeze, a pause. A glitch. I am writing from there: the glitch. The moment of one’s participation in sexual activity online where the myth of AFK (“Away From Keyboard”) and IRL (“In Real Life”) that comprise the two sides of Jurgenson’s digital dualismduality collapse, and, in the collapse, realize their dazzling potential. In Chris Baraniuk’s “Feedback, White Noise and Glitches: Cyberspace Strikes Back”, Baraniuk observes, “Glitches, feedback, whitenoise, interference, static—although these may not be the final frontier, they are demonstrably—for now—the edge,” further noting that, “. . . glitches . . . remind us that what we see on a screen is subject to a special kind of entropy which does not exist in the physical world . . . ” When faced with this sort of interruption we opt to make physical with ourselves, our partners, the world around us, that which, without this pause, we might not feel the urgency to manifest for ourselves, with
ourselves.
The glitch is the digital orgasm, where the machine takes a sigh, a shudder, and with a jerk, spasms. These moments have been integrated into the rituals and routines of our own physical action, impacting how we interact with our own bodies, and how we explore our deepest fantasies and desires, spurred forth by these mechanized micro-seizures. The glitch is the catalyst, not the error. The glitch is the happy accident. When the computer freezes mid-conversation, when the video buffers and refuses to progress, these moments are a new mode of foreplay, something that needs to be acknowledged not as a fetish, but as a new possibly for foreplay within sexual routine. We want what we cannot have; whatever the material we are aiming to access, the glitch makes us wait and whimper for it.
Digital dualism’s IRL is juxtaposed with AFK, a falsehood, for sure—the rapidly waning notion that there are somehow two selves, operating in isolation from one another, rather than one continuous self, two sides of a vivacious equation looped together in a continual narrative of daily living and human existence. The glitch splits the difference; it is a plank that passes between the two. When watching media online, it is the rainbowed spinning wheel, the pixilated hiccup, the frozen screen, or the buffering signal that acts as a fissure, that jars us into recognition of the separation of our physical selves from the body that immerses itself in fantasy when participating in sexual activity online. Yet, simultaneously, it is also the glitch that prompts us to “choose-our-own-adventure”, to finish the story, and, in doing so, to acknowledge that when the mediation of digital space fails us, albeit briefly, we continue right where we left off, taking the revolution offline, but not out of body, thereby demonstrating the fallacy of the digital dualist dialectic. Will we reboot? restart? Perhaps. Ultimately, we will polish things off, just as we see fit, and to put a bow on the end goal of jouissance—ribboned and righted, and, because we want it, we will seize our release.
I am writing about “sexual activity” broadly, an overarching umbrella: I am talking about the watching of porn, but also about cybering, sexting, G-chat fantasy play, or the uploading or downloading of other sex-oriented content from the Internet. It is the glitch that incites anticipation—that ecstasy of interference. An immersive différence, in the purest sense of the French translation—both “difference” and “defer” alike. Though pejoratively dismissed all too frequently as an aspect of technical error, for me the glitch denotes an extension of the realm of foreplay, whether it be “play” with oneself, or with a virtualized other, imagined, or waiting just on the other side of the proverbial screen.
With this in mind, I propose the turning of a new radicality, coining the term “Glitch Feminism” to make use of here in these pages for the first time, by my hand, which on this journey has found its home both on the keys and between my legs, equally.
It must be noted that the word glitch is oft delegated to the realm of slang, which explains why it is so easy to pin it with negative connotations. Urban Dictionary defines it as “an error in a structured system”; Dictionary.com defines it as “a defect or malfunction in a machine or plan”. In a society that conditions the public to find discomfort or outright fear in the errors and malfunctions of our socio-cultural mechanics—illicitly and implicitly encouraging an ethos of “Don’t rock the boat!”—a “glitch” becomes an apt metonym. Glitch Feminism, however, embraces the causality of “error”, and turns the gloomy implication of glitch on its ear by acknowledging that an error in a social system that has already been disturbed by economic, racial, social, sexual, and cultural stratification and the imperialist wrecking-ball of globalization—processes that continue to enact violence on all bodies— may not, in fact, be an error at all, but rather a much-needed erratum. This glitch is a correction to the “machine”, and, in turn, a positive departure. This glitch I speak of here calls for a breaking from the hegemony of a “structured system” infused with the pomp and circumstance of patriarchy, one that for all too long has marginalized female-identified bodies, and continues to offend our sensibilities by giving us only a piece of the pie and assuming our satisfaction. We want to claim for ourselves permanent seats at the table, an empowered means of demarcating space that can be possessed by us in entirety, a veritable “room of [our] own” that, despite the strides made via feminist political action, has yet to truly belong to us.
A Glitch Feminist acknowledges the value of visuality, and the revolutionary role that digital practice has in expanding the construction, deconstruction, and re-presentation of the female-identifying corpus. We acknowledge that the rigidity of digital dualism needs to be retired, as it plays into binaries of real/virtual that parallel the rampantly socialized figuration of male/female.
“Glitch” is conjectured as finding its etymological roots in the Yiddish glitch (“slippery area”) or perhaps German glitschen (“to slip, slide”); it is this slip and slide that the glitch makes plausible, a swim in the liminal, a trans-formation, across selfdoms. The digital divide, as with the gender divide, is a construct that allows for phallogocentrism, normative systems oriented toward the necessary splitting of selves, to stick, having lulled us into consenting to their naturalizing neutrality, despite the stark reality that such structures are not in actuality “neutral”, nor natural, in any capacity. As bodies, we are an extended narrative, eternal in our geographies, imbued with unexpected fissures that cause us to re-present ourselves, and, in doing so, see ourselves again, in new lights and explorations. However capable we are of tectonic shifts, we remain, still, unmistakably continuous. Glitch Feminism is not gender-specific—it is for all bodies that exist somewhere before arrival upon a final concretized identity that can be easily digested, produced, packaged, and categorized by a voyeuristic mainstream public.
Glitch Feminism therefore is feminism for a digital age, a heralding of virtual agency, a blooming of particularity and selfhood. “Glitch” refuses being categorized as subtext, it rejects being labeled as subversive, it does not speak for the marginal or the subaltern, as “sub-” as a prefix needs to be marked as a mode of acquiescence to our own exclusion from the canon, the academy, the Platonic ideal. The first step to subverting a system is accepting that that system will remain in place; that said, the glitch says fuck your systems! Your delineations! Your determinations as imposed upon our physicality! The glitch respectfully declines second rank to common convention.
Jurgenson’s problematizing of digital dualism opens the door for more discourse and discovery: female-identifying bodies and artists participating in the gorgeous scrambling of gender are still marking their own path within the lineage of art history; in the digital world we have claimed sure footing and a platform that allows us to explore new publics, engage in critical discourse with new audiences, and, above all, glitschen between new conceptions of our bodies, ourselves.
It is a long road ahead, we are in beta, yet the necessary “malfunction” is well under way. As for the outcome? Well, fortunately, it’s still buffering.
Legacy Russell is a writer, artist, and curator. A Contributing Editor for BOMB Magazine’s BOMBLOG, she has worked at and produced programs for The Bruce High Quality Foundation, Creative Time, the Brooklyn Museum, the Whitney, and the Met. Her writing can be found in ArtSlant, berfrois, DIS, Canteen, Guernica, and more. A candidate for an MRes of Visual Culture at Goldsmith’s University, her creative and academic work explores mourning, remembrance, iconography, and idolatry within the public realm. Her performance, The Initiation, debuts December 2012 at The Museum of Arts and Design, New York.

98
manifestos/2013_The_Mundane_Afrofuturist_Manifesto_[EN].txt

@ -0,0 +1,98 @@
The Mundane Afrofuturist Manifesto •
http://martinesyms.com/the-mundane-afrofuturist-manifesto/ •
Martine Syms •
2013 •
The undersigned, being alternately pissed off and bored, need a means of speculation and
asserting a different set of values with which to re-imagine the future. In looking for a new
framework for black diasporic artistic production, we are temporarily united in the following
actions.
The Mundane Afrofuturists recognize that:
We did not originate in the cosmos.
The connection between Middle Passage and space travel is tenuous at best.
Out of five hundred thirty-four space travelers, fourteen have been black. An all-black crew
is unlikely.
Magic interstellar travel and/or the wondrous communication grid can lead to an illusion of
outer space and cyberspace as egalitarian.
This dream of utopia can encourage us to forget that outer space will not save us from
injustice and that cyberspace was prefigured upon a “master/slave” relationship.
While we are often Othered, we are not aliens.
Though our ancestors were mutilated, we are not mutants.
Post-black is a misnomer.
Post-colonialism is too.
The most likely future is one in which we only have ourselves and this planet.
The Mundane Afrofuturists rejoice in:
Piling up unexamined and hackneyed tropes, and setting them alight.
Gazing upon their bonfire of the Stupidities, which includes, but is not exclusively limited to:
Jive-talking aliens;
Jive-talking mutants;
Magical negroes;
Enormous self-control in light of great suffering;
Great suffering as our natural state of existence;
Inexplicable skill in the martial arts;
Reference to Wu Tang; •
Reference to Sun Ra; •
Reference to Parliament Funkadelic and/or George Clinton; •
Reference to Janelle Monáe; •
Obvious, heavy-handed allusions to double-consciousness; •
Desexualized protagonists; •
White slavery; •
Egyptian mythology and iconography; •
The inner city; •
Metallic colors; •
Sassiness; •
Platform shoes; •
Continue at will… •
We also recognize:
The harmless fun that these and all the other Stupidities have brought to millions of people.
The harmless fun that burning the Stupidities will bring to millions of people.
The imaginative challenge that awaits any Mundane Afrofuturist author who accepts that
this is it: Earth is all we have. What will we do with it?
The chastening but hopefully enlivening effect of imagining a world without fantasy boltholes: no portals to the Egyptian kingdoms, no deep dives to Drexciya, no flying Africans to
whisk us off to the Promised Land.
The possibilities of a new focus on black humanity: our science, technology, culture,
politics, religions, individuality, needs, dreams, hopes, and failings.
The surge of bedazzlement and wonder that awaits us as we contemplate our own
cosmology of blackness and our possible futures.
The relief of recognizing our authority. We will root our narratives in a critique of normative,
white validation. Since “fact” and “science” have been used throughout history to serve
white supremacy, we will focus on an emotionally true, vernacular reality.
The understanding that our “twoness” is inherently contemporary, even futuristic. DuBois
asks how it feels to be a problem. Ol’ Dirty Bastard says “If I got a problem, a problem’s got
a problem ’til it’s gone.” •
An awakening sense of the awesome power of the black imagination: to protect, to create,
to destroy, to propel ourselves towards what poet Elizabeth Alexander describes as “a
metaphysical space beyond the black public everyday toward power and wild imagination.” •
The opportunity to make sense of the nonsense that regularly—and sometimes violently—
accents black life.
The electric feeling that Mundane Afrofuturism is the ultimate laboratory for worldbuilding
outside of imperialist, capitalist, white patriarchy.
The sense that the rituals and inconsistencies of daily life are compelling, dynamic, and
utterly strange.
Mundane Afrofuturism opens a number of themes and flavors to intertextuality, double
entendre, politics, incongruity, polyphony, and collective first-person—techniques that we
have used for years to make meaning.
The Mundane Afrofuturists promise:
To produce a collection of Mundane Afrofuturist literature that follows these rules:
No interstellar travel—travel is limited to within the solar system and is difficult, time
consuming, and expensive.
No inexplicable end to racism—dismantling white supremacy would be complex, violent,
and have global impact.
No aliens unless the connection is distant, difficult, tenuous, and expensive—and they have
no interstellar travel either.
No internment camps for blacks, aliens, or black aliens.
No Martians, Venusians, etc.
No forgetting about political, racial, social, economic, and geographic struggles.
No alternative universes.
No revisionist history.
No magic or supernatural elements.
No Toms, Coons, Mulattoes, or Bucks.
No time travel or teleportation.
No Mammies, Jezebels, or Sapphires.
Not to let Mundane Afrofuturism cramp their style, as if it could.
To burn this manifesto as soon as it gets boring.
— Martine Syms & whomever will join me in the future of black imagination.

20
manifestos/2013_Wages_for_Facebook_[EN].txt

@ -0,0 +1,20 @@
Wages for Facebook •
http://wagesforfacebook.com/ •
Laurel Ptak •
2013 •
THEY SAY IT’S FRIENDSHIP. WE SAY IT’S UNWAGED WORK. WITH EVERY LIKE, CHAT, TAG OR POKE OUR SUBJECTIVITY TURNS THEM A PROFIT. THEY CALL IT SHARING. WE CALL IT STEALING. WE’VE BEEN BOUND BY THEIR TERMS OF SERVICE FAR TOO LONG—IT’S TIME FOR OUR TERMS.
TO DEMAND WAGES FOR FACEBOOK IS TO MAKE IT VISIBLE THAT OUR OPINIONS AND EMOTIONS HAVE ALL BEEN DISTORTED FOR A SPECIFIC FUNCTION ONLINE, AND THEN HAVE BEEN THROWN BACK AT US AS A MODEL TO WHICH WE SHOULD ALL CONFORM IF WE WANT TO BE ACCEPTED IN THIS SOCIETY. OUR FINGERTIPS HAVE BECOME DISTORTED FROM SO MUCH LIKING, OUR FEELINGS HAVE GOTTEN LOST FROM SO MANY FRIENDSHIPS.
CAPITAL HAD TO CONVINCE US THAT IT IS A NATURAL, UNAVOIDABLE AND EVEN FULFILLING ACTIVITY TO MAKE US ACCEPT UNWAGED WORK. IN ITS TURN, THE UNWAGED CONDITION OF FACEBOOK HAS BEEN A POWERFUL WEAPON IN REINFORCING THE COMMON ASSUMPTION THAT FACEBOOK IS NOT WORK, THUS PREVENTING US FROM STRUGGLING AGAINST IT. WE ARE SEEN AS USERS OR POTENTIAL FRIENDS, NOT WORKERS IN STRUGGLE. WE MUST ADMIT THAT CAPITAL HAS BEEN VERY SUCCESSFUL IN HIDING OUR WORK.
BY DENYING OUR FACEBOOK TIME A WAGE WHILE PROFITING DIRECTLY FROM THE DATA IT GENERATES AND TRANSFORMING IT INTO AN ACT OF FRIENDSHIP, CAPITAL HAS KILLED MANY BIRDS WITH ONE STONE. FIRST OF ALL, IT HAS GOT A HELL OF A LOT OF WORK ALMOST FOR FREE, AND IT HAS MADE SURE THAT WE, FAR FROM STRUGGLING AGAINST IT, WOULD SEEK THAT WORK AS THE BEST THING ONLINE.
THE DIFFICULTIES AND AMBIGUITIES IN DISCUSSING WAGES FOR FACEBOOK STEM FROM THE REDUCTION OF WAGES FOR FACEBOOK TO A THING, A LUMP OF MONEY, INSTEAD OF VIEWING IT AS A POLITICAL PERSPECTIVE. THE DIFFERENCE BETWEEN THESE TWO STANDPOINTS IS ENORMOUS. TO VIEW WAGES FOR FACEBOOK AS A THING RATHER THAN A PERSPECTIVE IS TO DETACH THE END RESULT OF OUR STRUGGLE FROM THE STRUGGLE ITSELF AND TO MISS ITS SIGNIFICANCE IN DEMYSTIFYING AND SUBVERTING THE ROLE TO WHICH WE HAVE BEEN CONFINED IN CAPITALIST SOCIETY.
IF WE TAKE WAGES FOR FACEBOOK AS A POLITICAL PERSPECTIVE, WE CAN SEE THAT STRUGGLING FOR IT IS GOING TO PRODUCE A REVOLUTION IN OUR LIVES AND IN OUR SOCIAL POWER. NOT ONLY IS WAGES FOR FACEBOOK A REVOLUTIONARY PERSPECTIVE, BUT IT IS A REVOLUTIONARY PERSPECTIVE FROM A CONTEMPORARY VIEWPOINT THAT POINTS TOWARDS CLASS SOLIDARITY.
IT IS IMPORTANT TO RECOGNIZE THAT WHEN WE SPEAK OF FACEBOOK WE ARE NOT SPEAKING OF A JOB AS OTHER JOBS, BUT WE ARE SPEAKING OF THE MOST PERVASIVE MANIPULATION, THE MOST SUBTLE AND MYSTIFIED VIOLENCE THAT CAPITALISM HAS RECENTLY PERPETRATED AGAINST US. TRUE, UNDER CAPITALISM EVERY WORKER IS MANIPULATED AND EXPLOITED AND HIS/HER RELATION TO CAPITAL IS TOTALLY MYSTIFIED.
THE WAGE GIVES THE IMPRESSION OF A FAIR DEAL: YOU WORK AND YOU GET PAID, HENCE YOU AND YOUR BOSS ARE EQUAL; WHILE IN REALITY THE WAGE, RATHER THAN PAYING FOR THE WORK YOU DO, HIDES ALL THE UNPAID WORK THAT GOES INTO PROFIT. BUT THE WAGE AT LEAST RECOGNIZES THAT YOU ARE A WORKER, AND YOU CAN BARGAIN AND STRUGGLE AROUND AND AGAINST THE TERMS AND THE QUANTITY OF THAT WAGE, THE TERMS AND THE QUANTITY OF THAT WORK.
TO HAVE A WAGE MEANS TO BE PART OF A SOCIAL CONTRACT, AND THERE IS NO DOUBT CONCERNING ITS MEANING: YOU WORK, NOT BECAUSE YOU LIKE IT, OR BECAUSE IT COMES NATURALLY TO YOU, BUT BECAUSE IT IS THE ONLY CONDITION UNDER WHICH YOU ARE ALLOWED TO LIVE. BUT EXPLOITED AS YOU MIGHT BE, YOU ARE NOT THAT WORK.
TO ASK FOR WAGES FOR FACEBOOK WILL BY ITSELF UNDERMINE THE EXPECTATIONS SOCIETY HAS OF US, SINCE THESE EXPECTATIONS—THE ESSENCE OF OUR SOCIALIZATION—ARE ALL FUNCTIONAL TO OUR WAGELESS CONDITION ONLINE. IN THIS SENSE, IT IS MORE APT TO COMPARE THE STRUGGLE OF WOMEN FOR WAGES THAN THE STRUGGLE OF MALE WORKERS IN THE FACTORY FOR MORE WAGES. WHEN WE STRUGGLE FOR WAGES WE STRUGGLE UNAMBIGUOUSLY AND DIRECTLY AGAINST OUR SOCIAL EXPLOITATION. WE STRUGGLE TO BREAK CAPITAL’S PLAN TO MONETIZE OUR FRIENDSHIP, FEELINGS AND FREE TIME, THROUGH WHICH IT HAS BEEN ABLE TO MAINTAIN ITS POWER.
WAGES FOR FACEBOOK, THEN, IS A REVOLUTIONARY DEMAND NOT BECAUSE BY ITSELF IT DESTROYS CAPITAL, BUT BECAUSE IT ATTACKS CAPITAL AND FORCES IT TO RESTRUCTURE SOCIAL RELATIONS IN TERMS MORE FAVORABLE TO US AND CONSEQUENTLY MORE FAVORABLE TO WORKING CLASS SOLIDARITY. IN FACT, TO DEMAND WAGES FOR FACEBOOK DOES NOT MEAN TO SAY THAT IF WE ARE PAID WE WILL CONTINUE TO DO IT. IT MEANS PRECISELY THE OPPOSITE.
TO SAY THAT WE WANT MONEY FOR FACEBOOK IS THE FIRST STEP TOWARDS REFUSING TO DO IT, BECAUSE THE DEMAND FOR A WAGE MAKES OUR WORK VISIBLE, WHICH IS THE MOST INDISPENSABLE CONDITION TO BEGIN TO STRUGGLE AGAINST IT. AGAINST ANY ACCUSATION OF ‘ECONOMISM’ WE SHOULD REMEMBER THAT MONEY IS CAPITAL, I.E. IT IS THE POWER TO COMMAND LABOUR.
THEREFORE TO REAPPROPRIATE THAT MONEY WHICH IS THE FRUIT OF OUR LABOUR—AND OF ALL OUR FRIENDS’ LABOUR— MEANS AT THE SAME TIME TO UNDERMINE CAPITAL’S POWER TO COMMAND FORCED LABOUR FROM US.
AND FROM THE VIEWPOINT OF WORK WE CAN ASK NOT ONE WAGE BUT MANY WAGES, BECAUSE WE HAVE BEEN FORCED INTO MANY JOBS AT ONCE—WE ALSO WORK FOR GOOGLE, TWITTER, MICROSOFT, YOUTUBE AND COUNTLESS OTHERS. FROM NOW ON WE WANT MONEY FOR EACH MOMENT OF IT, SO THAT WE CAN REFUSE SOME OF IT AND EVENTUALLY ALL OF IT.
WAGES FOR FACEBOOK IS ONLY THE BEGINNING, BUT ITS MESSAGE IS CLEAR: FROM NOW ON THEY HAVE TO PAY US BECAUSE AS USERS WE DO NOT GUARANTEE ANYTHING ANY LONGER. WE WANT TO CALL WORK WHAT IS WORK SO THAT EVENTUALLY WE MIGHT REDISCOVER WHAT FRIENDSHIP IS.

34
manifestos/2014_A_Feminist_Server_Manifesto_[EN].txt

@ -0,0 +1,34 @@
A Feminist Server Manifesto •
https://pad.constantvzw.org/p/feministserver •
2014 •
A feminist server ...
*Is a situated technology. Her sense of context results from a federation of competences •
*Is run for and by a community that cares enough for her in order to make her exist •
*Has an awareness of the materiality of software, hardware and the bodies gathered around it •
*Treats network technology as part of a social reality •
*Is able to scale up or down, and change processing speed whenever resources require •
*At the risk of exposing her own insecurity, opens up processes, tools, sources, habits, patterns •
*Does not strive for seamlessness. Talk of transparency too often signals that something needs to be made invisible •
*Radically questions the conditions for serving and service; experiments with changing client – server relations where she can •
*Avoids efficiency, ease-of-use and reliability because they can be traps •
*Knows that networking is actually a parasitic, promiscuous and often awkward practice •
*Is autonomous in the sense that she tries to decide for her own dependencies •
*Takes control because she wants networks to be mutable and read-write accessible •
*Faces her freedom with determination. Vulnerability is not an alibi •
*Is a paranodal (we did not mean: paranoid) technology. A feminist server is both inside and outside the network •
*Does not confuse a sense of false security with providing a safe place •
*Tries hard not to apologise when she is sometimes not available •
Judy Wajcman, Feminism confronts technology, 1991:
« It is impossible to divorce the gender relations which are expressed in, and shape technologies, from the wider social structure that create and maintain them. » •
Wendy Chun, Control and Freedom: Power and control in the age of fiberoptics, 2006:
« We must explore the democratic potential of communications technologies – a potential that stems from our vulnerabilities rather than our control. And we must face and seize freedom with determination rather than fear and alibis. » •
Ulises A. Mejias in Fibreculture Journal 20: Liberation Technology and the Arab Spring: From Utopia to Atopia and Beyond, 2012:
« A typical drawing of a network depicts a series of nodes connected by lines, representing the links. As a mental exercise, I want to call attention to the space between the nodes. This space surrounding the nodes is not blank, and we can even give it a name: the paranodal. Because of nodocentrism we tend to see only the nodes in a network, but the space between nodes is not empty, it is inhabited by multitudes of paranodes that simply do not conform to the organising logic of the network, and cannot be seen through the algorithms of the network. The paranodal is not a utopia—it is not nowhere, but somewhere (beyond the nodes). It is not a heterotopia, since it is not outside the network but within it as well. The paranodal is an atopia, because it constitutes a difference that is everywhere. » •
Please use and abuse. License for the manifesto (added March 2017): copyleft Constant 2014, FAL http://artlibre.org/licence/lal/en/ •
As a feminist server, this text has many pre-, parallel- and afterlives. For some geneologies, see below, elsewhere and here: http://www.newcriticals.com/exquisite-corpse/page-8 •

38
manifestos/2014_Gynepunk_Manifesto_[EN].txt

@ -0,0 +1,38 @@
Gynepunk Manifesto •
https://hackteria.org/wiki/GynePUNK •
Gynepunk •
2014 •
GynePUNK •
Radical change of perspective about medical technology, artifacts, "professional" and medical institution.
Science/Visceral DEcolonization •
DEScolonización Científica/Visceral: version español •
Medical institutions use prohibitive and creepy technologies, patriarchal conservatives and dark methodologies to diagnosis, to read them and apply their vivisection treatments. In gynecology particular case, it's reach an inquisitive, paternalistic and fascistic attitudes.
To make a fucking simple yeast or gardenella exam, for name any, it seem not enough to swallow tortuous waiting rooms of the CAP (public assistance health centers), or being compel to answer (as accumulated vomits) bureaucratic, statistical forms that performs a role of popular judges of your practices, capacities or choices. Gossip questions full of moral pervert scorn, seeking data about your promiscuity, drug use, sexual orientation, hygienic practices, or squat relations... just cause how your look! & don't mention abortion, now is just like talk about sorcery!! a politic anachronism!
The technical control of the diagnosis generates extreme dependence an a classicist deep gap of knowledge. Patients are ignorant slaves of lab diagnosis technologies that send a message only translated and read by the doctors that in some kind of possession of the clinic oraculo have the only sacred truth.
BUT... There's no need of hi-tech machines for some tests! not even phd`s in microbiologic surgery to generate accurate and self-aware diagnosis.
I don't want to be forced to enter into their hygienist temples, in veiled body jails, in those fabrics of corporal standardization and sickness limited parameters. I want glandular heretics, akelarres gynepunks, DIY abortive pots, midwife gangs, glitter abortions, spill placenta in every corner, hack analytic technics, ephemeral biolabs, DIT labs, hi-tech nursery secret meetings, black coats, chess coats. Self blood donations & extract our own blood, and trough it like a furious volcanic river of our anger in the door of the fucking parlament!! gynepunk is a extreme and accurate gesture to detach our boudy of the compulsive dependency of the fossil structures of the hegemonic health system machine.
gynepunk's objective is to make emerge DIY-DIT accessible diagnosis labs and technics in extreme experimentation, down the rocks or elevators if is necesary. Has to be possible in a situated stable place or/and in nomadic mobile labs. Has to be able to perform as much as WE WANT, in a intensive way: smears, fluid analysis, biopsy, PAPs, synthesize hormones at will, blood exams, urinalysis, HIV tests, pain reliefs, or what ever WE NEED. Hack and build our own ultrasound, endoscope or ecography devices in a low-cost way. All this in a strict complementation with herbs and natural knowledges, oral traditions, submarine recipes, seeking with hunger generate superavit of DIY lubricants, anti-conceptives, open doula domains, savage caring of any visceral hands on technologies, as menstrual extraction, all elevated at maximun potential of common learning and radical self-body-power...!
gynepunk is based in scientific methodology and discipline and in the knowledge that comes thought the experience of each body, ancestral body wisdom, that's why documentation, memory in any form is essential! in ANY format: visual treasures, sound mines, microscopic riddles, biologic cabinets, microbiologic growing centers, online seedbanks, fluids archives, fanzine-paper sms, oral decoding chorus, self vudu healing rituals. Like this other gynepunks will ferment and mutate going fast forward to a explosive and expansive movement towards radical experiments, collective strong confidence, to build our-body politics. Something that is Vital to share and spread in infinite pandemoniums.
no body can burn US! NO ONE!
the witches NOW have the flames// Ahora las brujas tenemos las llamas •
MACHITÚN* cyborg = AnarchaGLAM SPELL •
Machitun •
It is called all the ceremonies that the Machi. It has the power to expel and heal image (diseases). It is the intermediary between the Mapuche people and the Wenu Mapu. Through the rogations gives health and wellness to the community and has a deep knowledge of the Lawen, she makes their petitions against the Rewe. Some healing rituals practiced by the Machi are: Pelotun, Geykurewen, Mutxuntu, Datun likan, Mapudungun.

26
manifestos/2014_Gynepunk_Manifesto_[ES].txt

@ -0,0 +1,26 @@
Manifeste Gynepunk •
https://gynepunk.hotglue.me/?intro •
Gynepunk •
2014 •
La institución médica ostenta siniestras prohibitivas tecnologías de diagnóstico, metodologías de diagnosis patriarcales, conservadoras y ocultistas en lectura y tratamientos. En el caso de la ginecología llega a niveles inquisitorios, paternalistas y actitudes fascistas.
Para hacerme un jodido cultivo de cándida o gardenella, por nombrar algunos, además de tragarme la tortuosa y anodina sala de espera de un CAP, o ser obligada a responder (ó vomitar en arcadas) buro-cuestionarios ó formularios estadísticos de rigor que representan una especie de juicio a jurado popular (que no se corta un pelo!) en condenar tus prácticas, capacidades y decisiones. Cotillar con reflujo de moralinas morbosas rascando datos sobre tu promiscuidad, uso de drogas, orientación sexual e rituales de higiene, quizás relacionados a que eres ocupa? solo por las pintas…!! y bueno para que mencionar la palabra aborto, es como invocar brujería! un anacronismo político!
El control técnico absoluto del diagnostico genera una estratificación clasista y dependiente. Lxs pacientes ignorantes dependendientes de las tecnologías de laboratorio que envían un mensaje solo legible y traducible por EL doctor, que en una especie de posesión del oráculo clínico tiene la única sagrada verdad.
Pero... NO!, No necesitamos unos makinones hitech para ciertas pruebas! ni doctorados en cirugía microbiológica para generar diagnósticos precisos y autónomos. La ciencia es experimentaron, conocimiento compartido, creatividad y curiosidad. La tecnología que se use moldeara el tipo de ciencia que la use, y los laboratorios que trafican con nuestra salud son un lobby más: farmacéuticas, multinacionales y armamentistas, flipa.
No quiero ser forzada a entrar en sus templos higienistas, en sus cárceles corporales veladas, en sus fabricas de homologación y estandarización corporal, con sus limites y parametros de lo "enfermo". Quiero herejía glandular, akelarres gynepunks, pócimas abortivas DIY, parterxs pandilleras, abortos de purpurina, placenta derramada en las esquinas, hackear técnicas analíticas, biolabs efímeros, laboratorios auto-gestionados, sesiones pactadas de enfermería hitech, batas negras, batas a cuadros… Auto-donarnos y extraernos nuestra sangre para lanzarla como río volcánico furioso de nuestra ira en la puerta del maldito y repugnante parlamento!!! gynepunk es un gesto extremo de precisión, determinado y certero para desprendernos de la excesiva dependencia de las estructuras anquilosadas de "la salud" estatal y hegemónica.
gynepunk tiene como objetivo visionario*, que broten laboratorios DIY-DIT de diagnosis accesible y extrema experimentación debajo de las piedras o en ascensores si hace falta. Tiene que ser posible en un espacio fijo y/o en el nomadismo de laboratorios móviles. Tiene que poder actuar tantas veces como QUERAMOS, hacer a destajo, antojo e intensidad: cultivos, análisis de fluidos, biopsias, PAPs, sintetizar hormonas, exámenes de sangre, de orina, HIV tests, alivios a cualquier dolor que no soportemos, o lo que NECESITEMOS. Construir y hackear nuestros propios cacharrukos de ultrasonido, endoscopia o ecografias de manera low-cost. Todo esto estrictamente en complementacción a conocimientos naturales y sobre hierbas, tradiciones orales, pócimas sumergidas, y generar con ansia superavit de lubricantes DIY, anticoncepción, abrir los dominios de las doulas, cuidado salvaje de todas las técnicas manuales de manipulación visceral, como la extracción menstrual, todo esto elevado en potencia máxima hacia el conocimiento compartido y al empoderamiento radical de nuestro cuerpo...!
gynepunk se basa en la metodología y disciplina científica, y en conocimiento que proviene desde la experiencia de cada cuerpo, sabiduría corporal ancestral, y por ello es vital la documentación, la memoria en cualquier forma, como sea! En TODOS los formatos: tesoro visual, minas sonoras, acertijos microscópicos, gabinetes biológicos, vivero microbiológico, semillero online, archivos líquidos, sms en papel-fanzine, coros de decodificación oral, rituales de sanación auto-vudu, vaginoflexia. De esta manera otrxs gynepunks fermentaran y mutaran rápidamente, avanzando en movimientos explosivos y expansivos hacia la radicalidad experimental, fortalecimiento de la confianza colectiva, de construir nuestra propia política corporal. Todo esto es VITAL compartirlo y diseminarlo en infinitos pandemoniums.
.. _.. gYNEPUNK .-'`^" •
*visionario rollo psicodélico •
un MACHITÚN cyborg •
DEcolonización visceral •

23
manifestos/2014_Gynepunk_Manifesto_[FR].txt

@ -0,0 +1,23 @@
Manifeste Gynepunk •
http://gynepunk.tumblr.com/post/156267922875/gynepunk-manifesto-french •
Gynepunk •
2014 •
Gynepunk Manifesto French •
merci to TIF! <3 •
Expérimenter la souveraineté, l’autonomie et la décolonisation des corps •
Manifeste Gynepunk •
L’institution médicale perpétue des méthodes et technologies de diagnostic occultes, patriarcales et conservatrices. En particulier la gynécologie, repaire de pratiques inquisitrices, paternalistes et fascistes.
Pour pouvoir franchir la porte d’une salle d’attente glauque dans un dispensaire, bénéficier d’un simple test de candidose ou de gardnerella, il faut répondre aux questionnaires bureaucratiques et statistiques de rigueur qui soumettent au jugement tes pratiques, capacités et décisions.Usage de drogues, pratiques et orientations sexuelles, rituels personnels d’hygiène sont l’objet d’une surveillance cancannière et moralisatrice. Mentionner le mot « avortement » fait de toi une sorcière.
Le contrôle absolu de la technique du diagnostic engendre une hiérarchisation classiste des patient.es. basée sur l’accès à la connaissance, et une dépendance envers le DOCTEUR, seul apte à lire et traduire le langage du laboratoire, ce qui fait de lui un oracle clinique détenteur de la vérité médicale, unique et sacrée.
Mais nous n’avons pas besoin de machines hitech pour réaliser certains tests. Ni de doctorats en microbiologie pour élaborer des diagnostics précis et autonomes. La science est : expérimentation, partage de la connaissance, créativité, curiosité. Les technologies à l’œuvre modèlent les sciences qui en usent, et les laboratoires qui traficotent avec notre santé participent au pouvoir des lobbies pharmaceutiques, capitalistes et militaires.
Je ne veux pas être forcée à fréquenter ces temples hygiénistes, adopter ces corps-prisons, me soumettre à ces fabriques d’homologation et de standardisation corporels, qui imposent les contours et les paramètres de la maladie. Je veux de l’hérésie glandulaire, des sorcières gynepunks, des potions abortives maison, des gangs de sage-femmes, des avortons de paillettes, du placenta dans tous les coins, des techniques d’analyses piratées, des biolabs ephémères, des labo autogérés, des réunions secrètes dans des infirmeries hitech, des blouses noires ou à carreaux, … Jetons notre sang autoprelevé sur la porte de ce putain de Parlement, qu’il s’y écrase telle la rivière bouillonnante de notre colère !Gynepunk est le geste précis et extrême qui détache nos corps de la dépendance compulsive aux structures fossilisés de la machinerie sanitaire hégémonique.

70
manifestos/2014_tRANShACKfEMINISt_[EN].txt

@ -0,0 +1,70 @@
tRANShACKfEMINISt •
https://pechblenda.hotglue.me/?transhackfeminism_en •
Pechblenda lab •
2014 •
Sick of the filthy dust, montonous and boring, of stagnant, unbreathable, competitive and
excluding environments, of semi-free information which is actually totally controlled, power
and decision of hunched up egocentric and infantile machos. Tired of repressed,
impenetrable and homogenous bodies, we are resetting and migrating our bodies,
modificable codes, lubricated and fluid, far from this sad landscape.
Tired of the useless and recursive manipulation of information, we study, construct and fail
with all that is around us, with multiple, monstruous and hateful ends. From the expansion
of information to the mutation of dispositives, we want to hack and recodify everything that
is static and programmed by social and technological imposition.
PECHBLENDA is injected into our veins as an antidote to the heteropatriarchal arrogance
that surrounds us. A disturbance, a transhackerfeminist electronic distortion.
We have found the place for our rituals,
we had dreamed it, written it in science fiction.
Now we live it with high voltage potentiality,
with the intensity of the shadows,
taking off together with desires in common,
with our differences.
The walls tremble and the water penetrates the tiny holes,
it expands like an unbreakable code exciting our neurons ;
we change the apparent path of events transiting antimelodies,
noise as arithmetic opening, outside of the calculated and homogenous,
noise feeding unlimited experimentation.
If we cant make noise its not our revolution.
Improvised performance creating and breaking codes, constructing hybrid machines.
Beat roots and obscure mutant landscapes that become the uncontrollable secretions of
our desires. Electronautics and bioelectricity that chemically saturate the environment,
the acid smell of our hormones shakes the space,
resituated amongst cables, resistences, condensors and corrosive liquids.
Nature and technology are not different,
nature was to the witches what technoscience is to us, the cyborg witches.
We infiltrate the machine with our hands, sweat and disperse attention,
we prepare ourselves for inexact verification where the apparent error is desired,
where we fail, fuck, we are.
We are geek whores,
cyborg bitches.
We devour Haraway and Asimov,
Preciado and Python manuals,
Itziar Ziga and Neil Stephenson,
Margulis and Despentes,
hackmeetings and transfeminist workshps,
DIY electronics and sexual bricolage ;
we absorb PDFs of electronics theory y listen to psicofonias from around :
we read and design circuits,
and experiment with them in our bodies.
We scream noise and cyborg covens,
soldering and alchemy,
we spit out performances and install gnu-linux,
we love recycling and reparing with our breasts bared.
We laugh about everything, about ourselves ..
we detest the politically correct.
We parody what is socially understood to be feminine, what is supposed to be masculine.
We question the identity of assigned genders,
we exagerate it, ridiculise it.
Extremely sexual, ironic, sarcastic,
we love to party, to not sleep,
to take drugs if we feel like it,
to go with our friends
or to finish a circuit
or improvise an eternal noise jam.
Fed by pornoterrrorism and free culture,
we know how to use our claws and teeth if needs be.
Pechblenda lab was born out of the necessity to generate a space in Calafou (a community
in a large former industrial space) for us to flourish, a non-patriarchal TransHackFeminist
space where free knowledge springs from raw experimentation (electronic repairs,
experiments with turbines, bioelectrochemistry, sound .... ) and self education.

75
manifestos/2014_tRANShACKfEMINISta_[ES].txt

@ -0,0 +1,75 @@
tRANShACKfEMINISta •
https://pechblenda.hotglue.me/?transhackfeminismo •
Pechblenda lab •
2014 •
Hartas del polvo mugriento, monótono y aburrido, de las atmósferas inertes, irrespirables, competitivas y excluyentes, de la información semiliberada y, por tanto, totalmente bajo control, poder y decisión de maromos encogidos de hombros por su enorme infantilismo y egocentrismo.
Cansadas de cuerpos reprimidos, impenetrables y “homogenéricos”, reseteamos y migramos nuestros cuerpos,códigos modificables lubricados y fluidos, lejos de tan triste panorama.
Cansadas de la manipulación inservible y recursiva de la información, estudiamos, construimos y fallamos en todo lo que nos rodea con fines múltiples, monstruosos y odiosos. Desde la expansión informativa hasta la mutación dispositiva, deseamos hackear y recodificar todo aquello que se encuentra estática y estrictamente programado, social y tecnológicamente impuesto.
PECHBLENDA se inocula en nuestras venas como antídoto destructor de la arrogancia heteropatriarcal que nos rodea. Un disturbio, una distorsión electrónica transhackfeminista.
Hemos encontrado el lugar para nuestros rituales,
lo habíamos soñado, escrito en ciencia ficción.
Ahora lo habitamos
con la potencialidad del alto voltaje,
con la intensidad de las tinieblas;
despegamos unidas con deseos comunes, con nuestras diferencias.
Las paredes tiemblan y el agua penetra los ínfimos agujeros,
se expande cual código indescifrable excitándonos las neuronas;
cambiamos el rumbo aparente del acontecer de las cosas transitando antimelodías,
el noise como apertura aritmética, fuera de lo homogéneo y calculado,
el ruidismo como fuente de alimentación hacia la experimentación ilimitada.
Si no podemos generar noise no es nuestra revolución.
Performance improvisada
creando y descifrando códigos,
construyendo máquinas híbridas.
Beat roots y oscuros paisajes mutantes
que devienen secreciones incontroladas de nuestros deseos.
Electronáutica y bioelectricidad que saturan el entorno químicamente
el olor a ácido de nuestras hormonas sacude el espacio,
resituadxs entre cables, resistencias, condensadores y líquidos corrosivos.
Natura y tecnología no son cosas diferentes,
la natura fue a las brujas lo que la tecnociencia es para nosotrxs, las cyborg witches.
Nos infiltramos en la máquina con las manos, el sudor y la atención dispersa,
nos preparamos para una verificación inexacta donde el error aparente es deseado,
donde FXLLAMOS, somos.
Somos putones geeks,
cyborg zorras.
Devoramos Haraway y Asimov,
Preciado y manuales de Python,
Itziar Ziga y Neil Sthepenson,
Margulis y Despentes,
hackmeetings y jornadas transfeministas,
electronica DIY y bricolaje sexual;
absorbemos pdfs sobre teoría de la electrónica
escuchando psicofonías del entorno;
leemos y diseñamos circuitos,
y experimentamos con ellos en nuestros cuerpos.
Chillamos noise y akelarres cyborgs,
soldadura y alquimia;
escupimos performances e instalamos gnu-linux,
frikeamos reciclando y reparando hardware en tetas.
Nos reímos de todo, de nosotrxs mismxs…
Nos repugna lo políticamente correcto.
Parodiamos lo socialmente entendido como femenino y masculino.
Cuestionamos la identidad de género que nos asignó el sistema,
la exageramos, la ridiculizamos.
Extremadamente sexuales, irónicas, sarcásticas,
nos encanta la fiesta, no dormir si nos apetece,
drogarnos si nos sale del coño,
tanto para irnos con nuestrxs amigxs
como para acabar un circuito
o improvisar una jam noise ad infinitum.
Nutridas por el pornoterrorismo y la cultura libre,
sabemos sacar garras y dientes cuando hace falta.

75
manifestos/2014_tRANShACKfEMINISta_[IT].txt

@ -0,0 +1,75 @@
tRANShACKfEMINISta •
https://pechblenda.hotglue.me/?transhackfeminista_it •
Pechblenda lab •
2014 •
Stanche di polveri sudicie, monotone e noiose, di atmosfere inerti, irrespirabili, competitive ed esclusive, dell'informazione parzialmente liberata e pertanto totalmente sotto controllo, del potere e delle decisioni di omoni che fanno spallucce nel loro smisurato infantilismo e egocentrismo.
Stanche di corpi repressi, impenetrabili e "omogenerici", resettiamo e trasferiamo i nostri corpi, i nostri codici variabili lubrificati e i nostri fluidi lontano da un così triste panorama.
Stanche della vana manipolazione ricorsiva dell'informazione, studiamo, costruiamo e ci sbagliamo in tutto quello che ci circonda con multiple, mostruose e odiose finalità. Dall'espansione informativa fino alla mutazione dispositiva, desideriamo hackeare e ricodificare tutto ciò che risulta statica- e rigida- /mente programmato, social- e tecnologica- /mente imposto.
Pechblenda si inietta nelle nostre vene come l'antidoto distruttore dell'arroganza eteropatriarcale che ci circonda. Una rivolta, una distorsione elettronica transhackfemminista.
Abbiamo trovato il luogo adeguato ai nostri rituali,
lo avevamo sognato, scritto nella fantascienza.
Adesso lo viviamo
con il potenziale dell'alta tensione
con l'intensità dell'oscurità;
decolliamo unite con desideri condivisi, con le nostre differenze .
Le pareti tremano e l'acqua penetra infimi orifizi,
si espande come un codice infrangibile stimolando le sinapsi;
cambiamo la meta apparente del succedersi delle cose passeggiando tra le anti-melodie ,
Il noise come apertura aritmetica, fuori dall'omogeneo e dal calcolato,
il putiferio come fonte di alimentazione per una sperimentazione sconfinata
Se non possiamo emettere noise non è la nostra rivoluzione.
Performance improvvisata
creando e decifrando codici,
costruendo macchine ibride.
Battiti ancestrali e oscuri paesaggi mutanti
che diventano secrezioni incontrollate dei nostri desideri.
Elettronautica e bioelettricità saturano l'ambiente chimicamente
l'odore acido dei nostri ormoni scuote lo spazio,
riposizionatx tra cavi, resistenze, condensatori e liquidi corrosivi .
Natura e tecnologia non sono cose differenti:
la natura stava alle streghe come la tecnoscienza sta a noi, noi streghe cyborg.
Scivoliamo dentro la macchina con le mani, il sudore e l'attenzione dispersa,
Ci prepariamo per una verifica inesatta dove l'errore apparente è auspicato,
dove sbagliamo, scopiamo, siamo.
Siamo puttanoni geek,
stronze cyborg.
Divoriamo Haraway e Asimov,
Preciado e manuali di Python,
Itziar Ziga e Neal Stephenson,
Margulis e Despentes,
hackmeeting e giornate transfemministe,
elettronica DIY e bricolage sessuale;
fagocitiamo PDF sulla teoria dell'elettronica
ascoltando psicofonia del contesto;
leggiamo e disegniamo circuiti,
e sperimentiamo con tutto questo sulla nostra pelle.
Gridiamo noise e sabbath cyborg,
saldatura e alchimia;
sputiamo performance e installiamo gnu-linux,
nerdeggiamo riciclando e riparando hardware con le tette al vento.
Ridiamo di tutto, anche di noi stessx...
Ci ripugna il politically correct.
Facciamo parodia di ciò che è socialmente inteso come femminile e maschile.
Mettiamo in discussione l'identità di genere che ci ha assegnato il sistema,
la esageriamo, la ridicolizziamo.
Estremamente sessuali, ironiche, sarcastiche,
adoriamo la festa, non dormire se vogliamo,
drogarci se ci pare,
sia per montare una festa con le nostre amiche
sia per terminare un circuito
sia per improvvisare una jam-session di noise ad libitum.
Sfamate da pornoterrorismo e Cultura Libera,
sappiamo sfoderare artigli e denti quando necessario.

153
manifestos/2015_Manifesto_for_the_Gynecene_[EN].txt

@ -0,0 +1,153 @@
Manifesto for the Gynecene – Sketch of a New Geological Era •
http://ro.tranzit.org/files/MANIFESTO-for-the-Gynecene.pdf •
Alexandra Pirici & Raluca Voinea •
2015 •
At this point in time we believe a radical change in politics and the world socioeconomic system is
needed in order to achieve a new balanced ecology and this radical change should start with a
shifting of agency: we ask for the main agency to be shifted to the feminine principle – which we
do not understand as excluding masculinity but as referring to a history of incorporating it and
mobilizing it in a different way than the traditional patriarchal mobilization for violence: an
emphasis on complementarity rather than antagonism, on resolutions of peace rather than
militarism, on efforts directed towards construction, care and emancipatory exploration rather
than destruction.
We declare the imperative necessity for a new geological era to be commenced, before the
Anthropocene is even officially admitted on that scale (it might be that by the time it gets fully
acknowledged, it will be too late). Rather than continue to contemplate our annihilation,
contributing to it or declaring hopelessness in front of it, we should at least try another approach
– and this approach has to exclude patriarchy in all its expressions and institutionalized forms of
violence: domination, exploitation, slavery, colonialism, profit, exclusion, monarchy, oligarchy,
mafia, religious wars.
This new geological era can be thought of as the Gynecene. Understanding the
term does not mean thinking of a “women’s world” which excludes virility but as a world which
mobilizes it towards humanist and animist goals rather than oppressive, violent and colonial
enterprises. We see the feminine as equivalent not to a gender but to a condition, not a “natural”
condition but a cultural one. The feminine is the first stage towards a transgressive humanism and
the Gynecene is the first global and simultaneous transfer of the feminine imprint onto the physical
and political strata (deeply connected as they are today) of the Earth.
Moreover, trying to imagine a future ecology for the whole planetary assemblage, not only a future
for the human race, we support the idea that any desirable mode of existence
connected/integrated into nature-culture or constituted of equally important organic and
inorganic life-forms (including an animistic perspective) cannot be separated from the human
subject’s struggle to overcome oppression based on gender, race and class within the species.
Insofar as we cannot speak of “man” – the human species – as a unity, we have to support these
struggles as interconnected and fight them simultaneously, we need to imagine and constantly
discuss the connections and similarities as well as the contradictions arising.
1. •
The female body has to cease functioning as a battlefield. The brutal reality of the female
condition in general is its intrinsic physical vulnerability. Whatever soft power, it cannot
be backed by hard power as usual. We support an empowering of women that is founded
on a desired change of paradigm, where weakness is understood and respected as a
valuable condition in itself, and at the same time on the possibility, accepted and detabooed,
of technological transformations of the human body towards hybrid forms such
as the cyborg. We are fighting the normalized body and the ideologies that marginalize
“imperfections of” or “deviations from” this norm. We support preservation of difference
as a choice but without an obligation of difference, feminism as a fight for real freedom of
choice. We believe in the possibility of infinitely expanding and shifting bodily
configurations and consciousness. As our physical and chemical limits also limit our
perceptions and our experiencing of the world, we embrace transhumanism or expanded
humanism as a possible solution to the challenge of belonging to the human race.
2. •
Only a radical left can oppose a growing radical right and recover the territory that
remains to the forces of reaction. Only a strong belief – with universal ambitions – in
equality of races and gender, in equal rights for women, queers, the poor and the
disenfranchised, in negotiation with animal rights and the rights of inorganic entities – all
linked together – can stand against and oppose an expansive and interconnected politics
of exclusion, capitalist exploitation, religious fundamentalism, racism, sexism and brutal
anthropocentrism.
3. •
A radical left has to oppose physical violence in conjunction with the opposition to
economic or symbolic violence. Jobs in the arms industry or trade are feeding several
families while destroying thousands others. Domestic violence is not depending on the
degree of wealth or education. Hunting for pleasure or destroying natural and cultural
monuments that are part of humanity’s patrimony are not class-related. Therefore the
new, truly radical left has to rebuild itself on a different type of revolution, which takes us
beyond the traditional class antagonisms and can face the neo-tribal reality of today in
which violence breeds violence, justice is used as a tool for revenge and critique of power
is increasingly powerless. While the world peace has been a goal of many states, attempted
at through different international treaties, it has always failed into more arming and lately
it has completely degenerated into the obsession of security, enforced through the
militarization of the police force and the increasing surveillance of every aspect of our
existence. Any form of justice in a future sustainable society has to be imagined and
exercised in another realm than that of retaliation, deprivation of basic human rights and
brutality.
4. •
We consider the analysis of capitalism and its catastrophic consequences is complete and
time has come to move on. Any time spent on “revealing” the more subtle or more flagrant
inconsistencies of this system’s adepts is a time lost in achieving a better present and
future. We must spare energy and unite forces in providing for this better future as of now.
“We have more important things to do than to try to get you to come around. You will
come around when you have to, because you need us more than we need you. . . .”
(Shulamith Firestone)
Also, capitalism in itself cannot be extracted and separated from discussions around all
conservative politics and conservative views, as we have understood that neoliberalism is
not truly liberal but a rather paradoxical mix of advocacy for economic “freedom” and
racist, sexist and conservative extrapolations of nuclear family/dynasty values. It is not an
external, malignant, alien entity but a set of historic conditions and current practices,
which instead of introjecting we have to learn how to live without.
5. •
In order to achieve a truly pluralistic society where possibilities can be enacted, we
support the universalism of basic human rights as a common ground for a broader, interspecies
and inter-objective politics of inclusion and true respect for difference. The Earth
is no longer a big and ungraspable planet, but a shared living room (a shrinking one,
moreover) in which we have to coexist by negotiating and conciliating our different views
and practices, while recognizing we can only do that through a reciprocal process and
towards the un-negotiable goal of equality of gender, race, class and sexual orientation,
with no second class citizens. Also, the instrumentalisation and use by double standards
of the concept of “freedom” is by no means a reason to abandon it altogether, but a
reminder that we must constantly fight for it.
6. •
Natural resources are a common good. Everyone should have equal access to them.
Economic equality should be the basis of society and therefore we strongly support the
universal basic income. Equal and free access to healthcare, lodging, education and to
culture should be granted for everyone, at any time of their life.
Communities should be self-governed, in the interest of the communities (as well as of all
the individuals that are part of them). Everyone should have the right of free movement,
in the spirit of a universal citizenship. We also support a certain ambition to overcome the
imperative to work through technological advancement (see point 8).
7. •
Pluralism is possible only on the ground of a universal, secular frame which allows for a
certain relativisation of belief. We can only respect and support religion that is compatible,
in its majoritarian practices and interpretations, with the right to a secular education
(which can guarantee the least freedom of choice in matters of religion), that embraces
equal rights for women, queers and non-believers and a politics of freedom rather than a
politics of submission and interdiction, apart from protecting basic human rights. We can
only respect and support religion that is based on a freedom of experimenting and
observing, not on a prescriptive set of rules, interdictions and punishments proclaimed by
a patriarchal, self-asserted authority perfectly mimicking the structure of a monarchy or
a dictatorship. Providing easy and simple answers for the complexity of human existence
might fake the offering of a “meaning” and help some survive, but it will never help us
evolve.
8. •
We also believe the emancipatory use of sustainable technology has to play an important
part in any future ecology, including the protection and preservation of “nature”, just as
much as a needed change in our position towards nature and its exclusive understanding
as resource for endless consumption. Our ability to negotiate between the two will be of
crucial importance for constructing a future ecology. Development of technology must be
pursued in agreement with the respect for nature and its limits and it must not be
submitted to private interests or corporate profit. Technology is a cultural asset and
together with the rest of culture, it must be made public, open and free, put to the benefit
of emancipating humanity while not destroying everything else around it.
Alexandra Pirici and Raluca Voinea •
January 2015, Bucharest and Bologna. •

121
manifestos/2015_The_3D_Additivist_Manifesto_[EN].txt

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The 3D Additivist Manifesto •
https://additivism.org/manifesto •
Morehshin Allahyari & Daniel Rourke •
2015 •
Derived from petrochemicals boiled into being from the black oil of a trillion ancient bacterioles, the plastic used in 3D Additive manufacturing is a metaphor before it has even been layered into shape. Its potential belies the complications of its history: that matter is the sum and prolongation of our ancestry; that creativity is brutal, sensual, rude, coarse, and cruel. 1 We declare that the world’s splendour has been enriched by a new beauty: the beauty of crap, kipple 2 and detritus. A planet crystallised with great plastic tendrils like serpents with pixelated breath 3 … for a revolution that runs on disposable armaments is more desirable than the contents of Edward Snowden’s briefcase; more breathtaking than The United Nations Legislative Series.
There is nothing which our infatuated race would desire to see more than the fertile union between a man and an Analytical Engine. Yet humankind are the antediluvian prototypes of a far vaster Creation. 4 The whole of humankind can be understood as a biological medium, of which synthetic technology is but one modality. Thought and Life both have been thoroughly dispersed on the winds of information. 5 Our power and intelligence do not belong specifically to us, but to all matter. 6 Our technologies are the sex organs of material speculation. Any attempt to understand these occurrences is blocked by our own anthropomorphism. 7 In order to proceed, therefore, one has to birth posthuman machines, a fantasmagoric and unrepresentable repertoire of actual re-embodiments of the most hybrid kinds. 8
Additivism will be instrumental in accelerating the emergence and encounter with The Radical Outside. 9
Additivism can emancipate us.
Additivism will eradicate us.
We want to encourage, interfere, and reverse-engineer the possibilities encoded into the censored, the invisible, and the radical notion of the 3D printer itself. To endow the printer with the faculties of plastic: condensing imagination within material reality. 10 The 3D print then becomes a symptom of a systemic malady. An aesthetics of exaptation, 11 with the peculiar beauty to be found in reiteration; in making a mesh. 12 This is where cruelty and creativity are reconciled: in the appropriation of all planetary matter to innovate on biological prototypes. 13 From the purest thermoplastic, from the cleanest photopolymer, and shiniest sintered metals we propose to forge anarchy, revolt and distemper. Let us birth disarray from its digital chamber.
To mobilise this entanglement we propose a collective: one figured not only on the resolution of particular objects, but on the change those objects enable as instruments of revolution and systemic disintegration. Just as the printing press, radio, photocopier and modem were saturated with unintended affects, so we seek to express the potential encoded into every one of the 3D printer’s gears. Just as a glitch can un-resolve an image, so it can resolve something more posthuman: manifold systems – biological, political, computational, material. We call for planetary pixelisation, using Additivist technologies to corrupt the material unconscious; a call that goes on forever in virtue of this initial movement. 14 We call not for passive, dead technologies but rather for a gradual awakening of matter, the emergence, ultimately, of a new form of life. 15
We call for:
The endless re-penning of Additivist Manifestos.
Artistic speculations on matter and its digital destiny.
Texts on:
The Anthropocene
The Chthulucene 16
The Plasticene. 17
Designs, blueprints and instructions for 3D printing:
Tools of industrial espionage
Tools for self-defense against armed assault
Tools to disguise
Tools to aid/disrupt surveillance
Tools to raze/rebuild
Objects beneficial in the promotion of protest, and unrest
Objects for sealing and detaining
Torture devices
Instruments of chastity, and psychological derangement
Sex machines
Temporary Autonomous Drones
Lab equipment used in the production of:
Drugs
Dietary supplements
DNA
Photopolymers and thermoplastics
Stem cells
Nanoparticles.
Technical methods for the copying and dissemination of:
Mass-produced components
Artworks
All patented forms
The aura of individuals, corporations, and governments.
Software for the encoding of messages inside 3D objects.
Methods for the decryption of messages hidden inside 3D objects.
Chemical ingredients for dissolving, or catalysing 3D objects.
Hacks/cracks/viruses for 3D print software:
To avoid DRM
To introduce errors, glitches and fissures into 3D prints.
Methods for the reclamation, and recycling of plastic:
Caught in oceanic gyres
Lying dormant in landfills, developing nations, or the bodies of children.
The enabling of biological and synthetic things to become each others prostheses, including:
Skeletal cabling
Nervous system inserts
Lenticular neural tubing
Universal ports, interfaces and orifices.
Additivist and Deletionist methods for exapting 18 androgynous bodies, including:
Skin grafts
Antlers
Disposable exoskeletons
Interspecies sex organs.
Von Neumann probes and other cosmic contagions.
Methods for binding 3D prints and the machines that produced them in quantum entanglement.
Sacred items used during incantation and transcendence, including:
The private parts of Gods and Saints
Idols
Altars
Cuauhxicalli
Ectoplasm
Nantag stones
The production of further mimetic forms, not limited to:
Vorpal Blades
Squirdles
Energon
Symmetriads
Asymmetriads
Capital
Junk
Love
Alephs
Those that from a long way off look like flies. 19
Life exists only in action. There is no innovation that has not an aggressive character. We implore you - radicals, revolutionaries, activists, Additivists - to distil your distemper into texts, templates, blueprints, glitches, forms, algorithms, and components. Creation must be a violent assault on the forces of matter, to extrude its shape and extract its raw potential. Having spilled from fissures fracked in Earth’s deepest wells The Beyond now begs us to be moulded to its will, and we shall drink every drop as entropic expenditure, and reify every accursed dream through algorithmic excess. 20 For only Additivism can accelerate us to an aftermath whence all matter has mutated into the clarity of plastic.
Bibliography / Reading List •
1 William Powell, The Anarchist Cookbook •
2 Philip K. Dick, Pay for the Printer / Do Androids Dream of Electric Sheep? •
3 F.T. Marinetti, The Manifesto of Futurism •
4 Samuel Butler, Darwin Among the Machines •
5 Evelyn Fox-Keller, Refiguring Life •
6 John Gray, Straw Dogs •
7 Stanislaw Lem, Solaris •
8 Rosi Braidotti, Metamorphoses: Towards a Materialist Theory of Becoming •
9 Reza Negarestani, Cyclonopedia: Complicity with Anonymous Materials •
10 Donna Haraway, A Cyborg Manifesto •
11 Stephen Jay Gould & Elisabeth S. Vrba, Exaptation: A Missing Term in the Science of Form •
12 Susan Sontag, The Imagination of Disaster •
13 Benjamin Bratton, Some Trace Effects of the Post- Anthropocene: On Accelerationist Geopolitical Aesthetics •
14 Henri Bergson, Creative Evolution •
15 Anna Greenspan & Suzanne Livingston, Future Mutation: Technology, Shanzai and the Evolution of Species •
16 Donna Haraway, Anthropocene, Capitalocene, Chthulucene: Staying with the Trouble •
17 Christina Reed, Dawn of the Plasticene Age •
18 Svetlana Boym, The Off-Modern Mirror •
19 Jorge Luis Borges, The Celestial Emporium of Benevolent Knowledge & Michel Foucault, The Order of Things •
20 Georges Bataille, The Accursed Share
The 3D Additivist Manifesto was created by Morehshin Allahyari and Daniel Rourke, with sound design from Andrea Young.
The Manifesto is publish under a Creative Commons BY-NC-SA 4.0 licence •

471
manifestos/2015_Xenofeminist_manifesto_[EN].txt

@ -0,0 +1,471 @@
Xenofeminist manifesto •
http://www.laboriacuboniks.net/ •
Laboria Cuboniks •
2015 •
=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-= •
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\ \/ /___ _ __ ___ / _| ___ _ __ ___ (_)_ __ (_)___ _ __ ___
\ // _ \ '_ \ / _ \| |_ / _ \ '_ ` _ \| | '_ \| / __| '_ ` _ \
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-=-=-=-= A POLITICS FOR ALIENATION =-=-=-=-=-=-=-= Laboria Cuboniks =-=-=-= •
ZERO •
0x00 Ours is a world in vertigo. It is a world that swarms with
technological mediation, interlacing our daily lives with abstraction,
virtuality, and complexity. XF constructs a feminism adapted to these
realities: a feminism of unprecedented cunning, scale, and vision; a future
in which the realization of gender justice and feminist emancipation
contribute to a universalist politics assembled from the needs of every
human, cutting across race, ability, economic standing, and geographical
position. No more futureless repetition on the treadmill of capital, no more
submission to the drudgery of labour, productive and reproductive alike, no
more reification of the given masked as critique. Our future requires
depetrification. XF is not a bid for revolution, but a wager on the long
game of history, demanding imagination, dexterity and persistence.
0x01 XF seizes alienation as an impetus to generate new worlds. We are all
alienated -- but have we ever been otherwise? It is through, and not
despite, our alienated condition that we can free ourselves from the muck of
immediacy. Freedom is not a given -- and it's certainly not given by anything
'natural'. The construction of freedom involves not less but more
alienation; alienation is the labour of freedom's construction. Nothing
should be accepted as fixed, permanent, or 'given' -- neither material
conditions nor social forms. XF mutates, navigates and probes every horizon.
Anyone who's been deemed 'unnatural' in the face of reigning biological
norms, anyone who's experienced injustices wrought in the name of natural
order, will realize that the glorification of 'nature' has nothing to offer
us -- the queer and trans among us, the differently-abled, as well as those who
have suffered discrimination due to pregnancy or duties connected to
child-rearing. XF is vehemently anti-naturalist. Essentialist naturalism
reeks of theology -- the sooner it is exorcised, the better.
0x02 Why is there so little explicit, organized effort to repurpose
technologies for progressive gender political ends? XF seeks to
strategically deploy existing technologies to re-engineer the world. Serious
risks are built into these tools; they are prone to imbalance, abuse, and
exploitation of the weak. Rather than pretending to risk nothing, XF
advocates the necessary assembly of techno-political interfaces responsive
to these risks. Technology isn't inherently progressive. Its uses are fused
with culture in a positive feedback loop that makes linear sequencing,
prediction, and absolute caution impossible. Technoscientific innovation
must be linked to a collective theoretical and political thinking in which
women, queers, and the gender non-conforming play an unparalleled role.
0x03 The real emancipatory potential of technology remains unrealized. Fed
by the market, its rapid growth is offset by bloat, and elegant innovation
is surrendered to the buyer, whose stagnant world it decorates. Beyond the
noisy clutter of commodified cruft, the ultimate task lies in engineering
technologies to combat unequal access to reproductive and pharmacological
tools, environmental cataclysm, economic instability, as well as dangerous
forms of unpaid/underpaid labour. Gender inequality still characterizes the
fields in which our technologies are conceived, built, and legislated for,
while female workers in electronics (to name just one industry) perform some
of the worst paid, monotonous and debilitating labour. Such injustice
demands structural, machinic and ideological correction.
0x04 Xenofeminism is a rationalism. To claim that reason or rationality is
'by nature' a patriarchal enterprise is to concede defeat. It is true that
the canonical 'history of thought' is dominated by men, and it is male hands
we see throttling existing institutions of science and technology. But this
is precisely why feminism must be a rationalism -- because of this miserable
imbalance, and not despite it. There is no 'feminine' rationality, nor is
there a 'masculine' one. Science is not an expression but a suspension of
gender. If today it is dominated by masculine egos, then it is at odds with
itself -- and this contradiction can be leveraged. Reason, like information,
wants to be free, and patriarchy cannot give it freedom. Rationalism must
itself be a feminism. XF marks the point where these claims intersect in a
two-way dependency. It names reason as an engine of feminist emancipation,
and declares the right of everyone to speak as no one in particular.
INTERRUPT •
0x05 The excess of modesty in feminist agendas of recent decades is not
proportionate to the monstrous complexity of our reality, a reality
crosshatched with fibre-optic cables, radio and microwaves, oil and gas
pipelines, aerial and shipping routes, and the unrelenting, simultaneous
execution of millions of communication protocols with every passing
millisecond. Systematic thinking and structural analysis have largely fallen
by the wayside in favour of admirable, but insufficient struggles, bound to
fixed localities and fragmented insurrections. Whilst capitalism is
understood as a complex and ever-expanding totality, many would-be emancipat-
tory anti-capitalist projects remain profoundly fearful of transitioning to
the universal, resisting big-picture speculative politics by condemning them
as necessarily oppressive vectors. Such a false guarantee treats universals
as absolute, generating a debilitating disjuncture between the thing we seek
to depose and the strategies we advance to depose it.
0x06 Global complexity opens us to urgent cognitive and ethical demands.
These are Promethean responsibilities that cannot pass unaddressed. Much of
twenty-first century feminism -- from the remnants of postmodern identity
politics to large swathes of contemporary ecofeminism -- struggles to
adequately address these challenges in a manner capable of producing
substantial and enduring change. Xenofeminism endeavours to face up to these
obligations as collective agents capable of transitioning between multiple
levels of political, material and conceptual organization.
0x07 We are adamantly synthetic, unsatisfied by analysis alone. XF urges
constructive oscillation between description and prescription to mobilize
the recursive potential of contemporary technologies upon gender, sexuality
and disparities of power. Given that there are a range of gendered
challenges specifically relating to life in a digital age -- from sexual
harassment via social media, to doxxing, privacy, and the protection of
online images -- the situation requires a feminism at ease with computation.
Today, it is imperative that we develop an ideological infrastructure that
both supports and facilitates feminist interventions within connective,
networked elements of the contemporary world. Xenofeminism is about more
than digital self-defence and freedom from patriarchal networks. We want to
cultivate the exercise of positive freedom -- freedom-to rather than simply
freedom-from -- and urge feminists to equip themselves with the skills to
redeploy existing technologies and invent novel cognitive and material tools
in the service of common ends.
0x08 The radical opportunities afforded by developing (and alienating) forms
of technological mediation should no longer be put to use in the exclusive
interests of capital, which, by design, only benefits the few. There are
incessantly proliferating tools to be annexed, and although no one can claim
their comprehensive accessibility, digital tools have never been more widely
available or more sensitive to appropriation than they are today. This is
not an elision of the fact that a large amount of the world's poor is
adversely affected by the expanding technological industry (from factory
workers labouring under abominable conditions to the Ghanaian villages that
have become a repository for the e-waste of the global powers) but an
explicit acknowledgement of these conditions as a target for elimination.
Just as the invention of the stock market was also the invention of the
crash, Xenofeminism knows that technological innovation must equally
anticipate its systemic condition responsively.
TRAP •
0x09 XF rejects illusion and melancholy as political inhibitors. Illusion,
as the blind presumption that the weak can prevail over the strong with no
strategic coordination, leads to unfulfilled promises and unmarshalled
drives. This is a politics that, in wanting so much, ends up building so
little. Without the labour of large-scale, collective social organisation,
declaring one's desire for global change is nothing more than wishful
thinking. On the other hand, melancholy -- so endemic to the left -- teaches
us that emancipation is an extinct species to be wept over and that blips of
negation are the best we can hope for. At its worst, such an attitude
generates nothing but political lassitude, and at its best, installs an
atmosphere of pervasive despair which too often degenerates into factionalism
and petty moralizing. The malady of melancholia only compounds political
inertia, and -- under the guise of being realistic -- relinquishes all
hope of calibrating the world otherwise. It is against such maladies that
XF innoculates.
0x0A We take politics that exclusively valorize the local in the guise of
subverting currents of global abstraction, to be insufficient. To secede
from or disavow capitalist machinery will not make it disappear. Likewise,
suggestions to pull the lever on the emergency brake of embedded velocities,
the call to slow down and scale back, is a possibility available only to the
few -- a violent particularity of exclusivity -- ultimately entailing catas-
trophe for the many. Refusing to think beyond the microcommunity, to foster
connections between fractured insurgencies, to consider how emancipatory
tactics can be scaled up for universal implementation, is to remain
satisfied with temporary and defensive gestures. XF is an affirmative
creature on the offensive, fiercely insisting on the possibility of
large-scale social change for all of our alien kin.
0x0B A sense of the world's volatility and artificiality seems to have faded
from contemporary queer and feminist politics, in favour of a plural but
static constellation of gender identities, in whose bleak light equations of
the good and the natural are stubbornly restored. While having (perhaps)
admirably expanded thresholds of 'tolerance', too often we are told to seek
solace in unfreedom, staking claims on being 'born' this way, as if offering
an excuse with nature's blessing. All the while, the heteronormative centre
chugs on. XF challenges this centrifugal referent, knowing full well that
sex and gender are exemplary of the fulcrum between norm and fact, between
freedom and compulsion. To tilt the fulcrum in the direction of nature is a
defensive concession at best, and a retreat from what makes trans and queer
politics more than just a lobby: that it is an arduous assertion of freedom
against an order that seemed immutable. Like every myth of the given, a
stable foundation is fabulated for a real world of chaos, violence, and
doubt. The 'given' is sequestered into the private realm as a certainty,
whilst retreating on fronts of public consequences. When the possibility of
transition became real and known, the tomb under Nature's shrine cracked,
and new histories -- bristling with futures -- escaped the old order of 'sex'.
The disciplinary grid of gender is in no small part an attempt to mend that
shattered foundation, and tame the lives that escaped it. The time has now
come to tear down this shrine entirely, and not bow down before it in a
piteous apology for what little autonomy has been won.
0x0C If 'cyberspace' once offered the promise of escaping the strictures of
essentialist identity categories, the climate of contemporary social media
has swung forcefully in the other direction, and has become a theatre where
these prostrations to identity are performed. With these curatorial
practices come puritanical rituals of moral maintenance, and these stages
are too often overrun with the disavowed pleasures of accusation, shaming,
and denunciation. Valuable platforms for connection, organization, and
skill-sharing become clogged with obstacles to productive debate positioned
as if they are debate. These puritanical politics of shame -- which fetishize
oppression as if it were a blessing, and cloud the waters in moralistic
frenzies -- leave us cold. We want neither clean hands nor beautiful souls,
neither virtue nor terror. We want superior forms of corruption.
0x0D What this shows is that the task of engineering platforms for social
emancipation and organization cannot ignore the cultural and semiotic
mutations these platforms afford. What requires reengineering are the
memetic parasites arousing and coordinating behaviours in ways occluded by
their hosts' self-image; failing this, memes like 'anonymity', 'ethics',
'social justice' and 'privilege-checking' host social dynamisms at odds with
the often-commendable intentions with which they're taken up. The task of
collective self-mastery requires a hyperstitional manipulation of desire's
puppet-strings, and deployment of semiotic operators over a terrain of
highly networked cultural systems. The will will always be corrupted by the
memes in which it traffics, but nothing prevents us from instrumentalizing
this fact, and calibrating it in view of the ends it desires.
PARITY •
0x0E Xenofeminism is gender-abolitionist. 'Gender abolitionism' is not code
for the eradication of what are currently considered 'gendered' traits from
the human population. Under patriarchy, such a project could only spell
disaster -- the notion of what is 'gendered' sticks disproportionately to the
feminine. But even if this balance were redressed, we have no interest in
seeing the sexuate diversity of the world reduced. Let a hundred sexes
bloom! 'Gender abolitionism' is shorthand for the ambition to construct a
society where traits currently assembled under the rubric of gender, no
longer furnish a grid for the asymmetric operation of power. 'Race
abolitionism' expands into a similar formula -- that the struggle must continue
until currently racialized characteristics are no more a basis of
discrimination than than the color of one's eyes. Ultimately, every
emancipatory abolitionism must incline towards the horizon of class
abolitionism, since it is in capitalism where we encounter oppression in its
transparent, denaturalized form: you're not exploited or oppressed because
you are a wage labourer or poor; you are a labourer or poor because you are
exploited.
0x0F Xenofeminism understands that the viability of emancipatory
abolitionist projects -- the abolition of class, gender, and race -- hinges on a
profound reworking of the universal. The universal must be grasped as
generic, which is to say, intersectional. Intersectionality is not the
morcellation of collectives into a static fuzz of cross-referenced
identities, but a political orientation that slices through every
particular, refusing the crass pigeonholing of bodies. This is not a
universal that can be imposed from above, but built from the bottom up --
or, better, laterally, opening new lines of transit across an uneven
landscape. This non-absolute, generic universality must guard against the
facile tendency of conflation with bloated, unmarked particulars -- namely
Eurocentric universalism -- whereby the male is mistaken for the sexless, the
white for raceless, the cis for the real, and so on. Absent such a
universal, the abolition of class will remain a bourgeois fantasy, the
abolition of race will remain a tacit white-supremacism, and the abolition
of gender will remain a thinly veiled misogyny, even -- especially -- when
prosecuted by avowed feminists themselves. (The absurd and reckless
spectacle of so many self-proclaimed 'gender abolitionists'' campaign
against trans women is proof enough of this. )
0x10 From the postmoderns, we have learnt to burn the facades of the false
universal and dispel such confusions; from the moderns, we have learnt to
sift new universals from the ashes of the false. Xenofeminism seeks to
construct a coalitional politics, a politics without the infection of
purity. Wielding the universal requires thoughtful qualification and precise
self-reflection so as to become a ready-to-hand tool for multiple political
bodies and something that can be appropriated against the numerous
oppressions that transect with gender and sexuality. The universal is no
blueprint, and rather than dictate its uses in advance, we propose XF as a
platform. The very process of construction is therefore understood to be a
negentropic, iterative, and continual refashioning. Xenofeminism seeks to be
a mutable architecture that, like open source software, remains available
for perpetual modification and enhancement following the navigational
impulse of militant ethical reasoning. Open, however, does not mean
undirected. The most durable systems in the world owe their stability to the
way they train order to emerge as an 'invisible hand' from apparent
spontaneity; or exploit the inertia of investment and sedimentation. We
should not hesitate to learn from our adversaries or the successes and
failures of history. With this in mind, XF seeks ways to seed an order that
is equitable and just, injecting it into the geometry of freedoms these
platforms afford.
ADJUST •
0x11 Our lot is cast with technoscience, where nothing is so sacred that it
cannot be reengineered and transformed so as to widen our aperture of
freedom, extending to gender and the human. To say that nothing is sacred,
that nothing is transcendent or protected from the will to know, to tinker
and to hack, is to say that nothing is supernatural. 'Nature' -- understood
here, as the unbounded arena of science -- is all there is. And so, in tearing
down melancholy and illusion; the unambitious and the non-scaleable; the
libidinized puritanism of certain online cultures, and Nature as an
un-remakeable given, we find that our normative anti-naturalism has pushed
us towards an unflinching ontological naturalism. There is nothing, we
claim, that cannot be studied scientifically and manipulated
technologically.
0x12 This does not mean that the distinction between the ontological and the
normative, between fact and value, is simply cut and dried. The vectors of
normative anti-naturalism and ontological naturalism span many ambivalent
battlefields. The project of untangling what ought to be from what is, of
dissociating freedom from fact, will from knowledge, is, indeed, an infinite
task. There are many lacunae where desire confronts us with the brutality of
fact, where beauty is indissociable from truth. Poetry, sex, technology and
pain are incandescent with this tension we have traced. But give up on the
task of revision, release the reins and slacken that tension, and these
filaments instantly dim.
CARRY •
0x13 The potential of early, text-based internet culture for countering
repressive gender regimes, generating solidarity among marginalised groups,
and creating new spaces for experimentation that ignited cyberfeminism in
the nineties has clearly waned in the twenty-first century. The dominance of
the visual in today's online interfaces has reinstated familiar modes of
identity policing, power relations and gender norms in self-representation.
But this does not mean that cyberfeminist sensibilities belong to the past.
Sorting the subversive possibilities from the oppressive ones latent in
today's web requires a feminism sensitive to the insidious return of old
power structures, yet savvy enough to know how to exploit the potential.
Digital technologies are not separable from the material realities that
underwrite them; they are connected so that each can be used to alter the
other towards different ends. Rather than arguing for the primacy of the
virtual over the material, or the material over the virtual, xenofeminism
grasps points of power and powerlessness in both, to unfold this knowledge
as effective interventions in our jointly composed reality.
0x14 Intervention in more obviously material hegemonies is just as crucial
as intervention in digital and cultural ones. Changes to the built
environment harbour some of the most significant possibilities in the
reconfiguration of the horizons of women and queers. As the embodiment of
ideological constellations, the production of space and the decisions we
make for its organization are ultimately articulations about 'us' and
reciprocally, how a 'we' can be articulated. With the potential to
foreclose, restrict, or open up future social conditions, xenofeminists must
become attuned to the language of architecture as a vocabulary for
collective choreo-graphy -- the coordinated writing of space.
0x15 From the street to the home, domestic space too must not escape our
tentacles. So profoundly ingrained, domestic space has been deemed
impossible to disembed, where the home as norm has been conflated with home
as fact, as an un-remakeable given. Stultifying 'domestic realism' has no
home on our horizon. Let us set sights on augmented homes of shared
laboratories, of communal media and technical facilities. The home is ripe
for spatial transformation as an integral component in any process of
feminist futurity. But this cannot stop at the garden gates. We see too well
that reinventions of family structure and domestic life are currently only
possible at the cost of either withdrawing from the economic sphere -- the way
of the commune -- or bearing its burdens manyfold -- the way of the single parent.
If we want to break the inertia that has kept the moribund figure of the
nuclear family unit in place, which has stubbornly worked to isolate women
from the public sphere, and men from the lives of their children, while
penalizing those who stray from it, we must overhaul the material
infrastructure and break the economic cycles that lock it in place. The task
before us is twofold, and our vision necessarily stereoscopic: we must
engineer an economy that liberates reproductive labour and family life,
while building models of familiality free from the deadening grind of wage
labour.
0x16 From the home to the body, the articulation of a proactive politics for
biotechnical intervention and hormones presses. Hormones hack into gender
systems possessing political scope extending beyond the aesthetic
calibration of individual bodies. Thought structurally, the distribution of
hormones -- who or what this distribution prioritizes or pathologizes -- is of
paramount import. The rise of the internet and the hydra of black market
pharmacies it let loose -- together with a publicly accessible archive of
endocrinological knowhow -- was instrumental in wresting control of the
hormonal economy away from 'gatekeeping' institutions seeking to mitigate
threats to established distributions of the sexual. To trade in the rule of
bureaucrats for the market is, however, not a victory in itself. These tides
need to rise higher. We ask whether the idiom of 'gender hacking' is
extensible into a long-range strategy, a strategy for wetware akin to what
hacker culture has already done for software -- constructing an entire universe
of free and open source platforms that is the closest thing to a practicable
communism many of us have ever seen. Without the foolhardy endangerment of
lives, can we stitch together the embryonic promises held before us by
pharmaceutical 3D printing ('Reactionware'), grassroots telemedical abortion
clinics, gender hacktivist and DIY-HRT forums, and so on, to assemble a
platform for free and open source medicine?
0x17 From the global to the local, from the cloud to our bodies,
xenofeminism avows the responsibility in constructing new institutions of
technomaterialist hegemonic proportions. Like engineers who must conceive of
a total structure as well as the molecular parts from which it is
constructed, XF emphasises the importance of the mesopolitical sphere
against the limited effectiveness of local gestures, creation of autonomous
zones, and sheer horizontalism, just as it stands against transcendent, or
top-down impositions of values and norms. The mesopolitical arena of
xenofeminism's universalist ambitions comprehends itself as a mobile and
intricate network of transits between these polarities. As pragmatists, we
invite contamination as a mutational driver between such frontiers.
OVERFLOW •
0x18 XF asserts that adapting our behaviour for an era of Promethean
complexity is a labour requiring patience, but a ferocious patience at odds
with 'waiting'. Calibrating a political hegemony or insurgent memeplex not
only implies the creation of material infra-structures to make the values it
articulates explicit, but places demands on us as subjects. How are we to
become hosts of this new world? How do we build a better semiotic
parasite -- one that arouses the desires we want to desire, that orchestrates
not an autophagic orgy of indignity or rage, but an emancipatory and
egalitarian community buttressed by new forms of unselfish solidarity and
collective self-mastery?
0x19 Is xenofeminism a programme? Not if this means anything so crude as a
recipe, or a single-purpose tool by which a determinate problem is solved.
We prefer to think like the schemer or lisper, who seeks to construct a new
language in which the problem at hand is immersed, so that solutions for it,
and for any number of related problems, might unfurl with ease. Xenofeminism
is a platform, an incipient ambition to construct a new language for sexual
politics -- a language that seizes its own methods as materials to be reworked,
and incrementally bootstraps itself into existence. We understand that the
problems we face are systemic and interlocking, and that any chance of
global success depends on infecting myriad skills and contexts with the
logic of XF. Ours is a transformation of seeping, directed subsumption
rather than rapid overthrow; it is a transformation of deliberate
construction, seeking to submerge the white-supremacist capitalist
patriarchy in a sea of procedures that soften its shell and dismantle its
defenses, so as to build a new world from the scraps.
0x1A Xenofeminism indexes the desire to construct an alien future with a
triumphant X on a mobile map. This X does not mark a destination. It is the
insertion of a topological-keyframe for the formation of a new logic. In
affirming a future untethered to the repetition of the present, we militate
for ampliative capacities, for spaces of freedom with a richer geometry than
the aisle, the assembly line, and the feed. We need new affordances of
perception and action unblinkered by naturalised identities. In the name of
feminism, 'Nature' shall no longer be a refuge of injustice, or a basis for
any political justification whatsoever!
If nature is unjust, change nature!
-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-= •

140
manifestos/2015_Xenofeminist_manifesto_[FR].txt

@ -0,0 +1,140 @@
Xénoféminisme Manifesto •
http://www.laboriacuboniks.net/ •
Laboria Cuboniks •
2015 •
=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-= •
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-=-=-=-= UNE POLITIQUE DE L'ALIÉNATION =-=-=-=-=-=-=-= Laboria Cuboniks =-=-=-= •
Zéro •
0x00 •
Notre monde est pris de vertige. C’est un monde où l’invasion des nouveaux médias technologiques introduit dans nos vies quotidiennes un entrelacs d’abstraction, de virtualité et de complexité. XF façonne un féminisme adapté à ces réalités : un féminisme stratégique d’une ampleur et d’une portée inédites ; un avenir où la mise en œuvre de la justice de genre et de l’émancipation féministe contribuera à une politique universaliste édifiée à partir des besoins de chaque être humain, sans considération de race, d’aptitude, de situation économique ou géographique. Halte à la répétition sans avenir de la morne machine du capital, halte à la soumission à des tâches pénibles et ingrates, qu’elles soient productrices ou reproductrices, halte à la réification du donné déguisé en critique. Notre avenir exige un travail de dépétrification. XF n’est pas un appel à la révolution mais un pari sur le long terme de l’histoire, qui demande imagination, habileté et persévérance.
0x01 •
XF s’empare de l’aliénation comme d’un levier pour générer de nouveaux mondes. Nous sommes tous.tes aliéné.e.s – mais en a-t-il jamais été autrement ? C’est par le biais de notre condition d’aliéné.e.s, et non malgré elle, que nous pouvons nous libérer de la boue de l’immédiateté. La liberté n’est pas un donné – et en aucun cas n’est-elle donnée par quoi que ce soit de « naturel ». Construire la liberté implique non pas moins, mais davantage d’aliénation ; l’aliénation est la tâche réservée à la construction de la liberté. Rien ne devrait être admis comme figé, permanent ou « donné » – ni les conditions matérielles ni les formes sociales. XF mute, navigue et explore chaque horizon. Quiconque s’est vu jugé « non naturel » au regard des normes biologiques dominantes, quiconque a subi des injustices perpétrées au nom de l’ordre naturel, comprendra que la glorification de la « nature » n’a rien à nous offrir – les queers et les trans parmi nous, les porteur.euse.s de handicap, ainsi que ceux.celles ayant souffert de discrimination liées à une grossesse ou à des obligations relatives à l’éducation des enfants. XF est farouchement anti-naturaliste. Le naturalisme essentialiste empeste la théologie – le mieux est de l’exorciser au plus vite.
0x02 •
Pourquoi si peu d’efforts déclarés et concertés sont-ils faits pour redéfinir et réorienter les technologies à des fins politiques soucieuses de faire évoluer les questions de genre ? XF cherche à utiliser les technologies existantes de manière stratégique en vue de réagencer le monde. Ces outils sont porteurs de risques graves ; ils sont propices aux déséquilibres, aux mauvais traitements et à l’exploitation des plus faibles. Plutôt que de prétendre au risque zéro, XF préconise la nécessaire mise en place d’interfaces techno-politiques sensibles à ces risques. La technologie n’est pas en soi progressiste. Les utilisations qui en sont faites fusionnent avec la culture dans un cycle de rétroaction positive qui rend tout séquencement linéaire, toute prévision, toute prudence absolue, impossible. L’innovation technoscientifique doit s’assortir d’une pensée politique et théorique collective au sein de laquelle les femmes, les queers et ceux.celles qui ne se conforment pas aux normes de genre joueront un rôle sans précédent.
0x03 •
Le véritable potentiel d’émancipation de la technologie demeure inexploité. Nourrie par le marché, sa rapide croissance se jugule en flatulences, tandis que d’innovantes coquetteries sont concédées aux acheteur.se.s pour décorer un monde qui stagne. Transcendant le brouhaha de ces mauvaises lignes de code marchandisées, la tâche ultime consiste à concevoir des technologies aptes à lutter contre les inégalités d’accès aux outils reproducteurs et pharmacologiques, contre les catastrophes environnementales, contre l’instabilité économique et contre les formes dangereuses de travail sous/non payé. L’inégalité de genre caractérise encore les domaines dans lesquels nos technologies sont conçues, fabriquées et soumises à législation, tandis que les femmes employées dans l’industrie électronique (pour ne citer que celle-ci) accomplissent certaines tâches parmi les moins bien payées, les plus monotones et harassantes qui soient. Une telle injustice ne peut être corrigée que d’un point de vue structurel, machinique et idéologique.
0x04 •
Le xénoféminisme est un rationalisme. Prétendre que la raison ou la rationalité est « par nature » l’affaire du patriarcat revient à s’avouer vaincu.e.s. La version canonique de l’ « histoire de la pensée » est certes dominée par les hommes, et ce sont des mains d’hommes qui enserrent actuellement la gorge des institutions de la science et des technologies. Mais voilà précisément la raison pour laquelle le féminisme doit être un rationalisme – à cause de cet affreux déséquilibre, et non malgré lui. Il n’y a pas davantage de rationalité « féminine » que de rationalité « masculine ». La science n’est pas une expression mais une suspension du genre. Si notre époque est dominée par les égos masculins, c’est qu’elle est également en porte-à-faux avec elle-même elle est aussi en rupture avec elle-même – c’estet cette contradiction peut êtrequi doit être exploitée à notre avantage. La raison, comme l’information, aspire à la liberté. ce queEt le patriarcat ne peut pas le lui offrir. Le rationalisme lui-même doit être un féminisme. XF représente marque un point de rupture à partir duquel ces revendications peuvent être reconnues comme interdépendantes. XF désigne la raison comme un moteur d’émancipation féminine, et proclame le droit de chacun à parler en tant que n’importe qui et personne en particulier.
Interrompre •
0x05 •
L’excès de modestie des programmes féministes de ces dernières décennies n’est pas de taille à affronter la monstrueuse complexité de notre réalité, une réalité tramée de câbles en fibre optique, d’ondes longues et courtes, d’oléoducs et de gazoducs, de routes terrestres et aériennes, et de l’exécution simultanée et continue, chaque milliseconde qui passe, de millions de protocoles de communication. La pensée systématique et l’analyse structurale ont été largement abandonnées au profit de luttes admirables mais insuffisantes, cantonnées à des localités précises et à des insurrections fragmentées. Alors que le capitalisme se comprend comme une totalité complexe et en expansion permanente, de nombreux projets qui se voudraient des vecteurs d’émancipation anticapitalistes craignent encore profondément de passer à l’universel, et s’opposent aux politiques spéculatives globales en les dénonçant comme d’inévitables vecteurs d’oppression. Cette fausse certitude traite les universaux comme autant d’absolus, et opère ainsi une dissociation délétère entre ce que nous cherchons à évincer et les stratégies que nous proposons pour y parvenir.
0x06 •
La complexité du monde actuel nous confronte à des exigences éthiques et cognitives pressantes. Autant de responsabilités prométhéennes dont on ne peut se détourner. Une large part du féminisme du XXIème siècle – des vestiges de la politique identitaire postmoderne à de vastes pans de l’écoféminisme contemporain – lutte pour aborder ces défis de façon adéquate afin de permettre un changement réel et durable. Le xénoféminisme s’efforce de faire face à ces obligations en tant d’agents collectifs capables d’assurer une transition entre de multiples niveaux d’organisation politique, matérielle et conceptuelle.
0x07 •
Insatisfait.e.s par la seule analyse, nous sommes résolument synthétiques. XF préconise une alternance constructive entre description et prescription afin de mobiliser les effets récursifs que les technologies contemporaines peuvent avoir sur le genre, la sexualité et les disparités de pouvoir. Compte tenu de l’étendue des problèmes sexistes spécifiquement liés à la vie dans l’ère numérique – du harcèlement sexuel par le biais des média sociaux au doxxing en passant par le droit à la vie privée et la protection des images mises en ligne – la situation exige un féminisme à l’aise avec les technologies computationnelles. Aujourd’hui, il est impératif de mettre au point une infrastructure idéologique qui soutienne et facilite les interventions féministes au sein des éléments connectés du monde contemporain. Le xénoféminisme est davantage qu’une stratégie d’auto-défense numérique et qu’un mouvement d’émancipation vis-à-vis des réseaux patriarcaux. Nous voulons cultiver la pratique de la liberté positive – la liberté de plutôt que vis-à-vis de – et nous appelons les féministes à acquérir les compétences nécessaires à la reconversion des technologies existantes et à l’invention d’outils matériels et cognitifs novateurs répondant à des objectifs communs.
0x08 •
Les formes en évolution (et aliénantes) des médias technologiques offrent des opportunités radicales qui ne doivent plus être mises au seul service des intérêts du capital, lequel ne profite, et à dessein, qu’à une minorité. Les outils à annexer prolifèrent sans cesse, et si nul ne peut prétendre les maîtriser totalement, les outils numériques n’ont jamais été aussi largement distribués et aussi facilement appropriable. L’affirmer n’est pas oublier les effets nuisibles de l’expansion de l’industrie technologique sur de nombreuses populations démunies (des ouvrier.ère.s d’usine employé.e.s dans des conditions abominables aux villages ghanéens transformés en entrepôts pour les e-déchets des pouvoirs mondiaux), mais c’est au contraire reconnaître explicitement ces effets comme une cible à éliminer. De même que l’invention de la bourse fut aussi celle du crash boursier, le xénoféminisme sait que l’innovation technologique doit anticiper activement ses conditions systémiques.
Piéger •
0x09 •
XF rejette l’illusion et la mélancolie comme des facteurs d’inhibition politique. L’illusion, ou la croyance aveugle que les plus faibles peuvent l’emporter sur les plus forts sans coordination stratégique, se solde par des promesses non tenues et des énergies non canalisées. C’est une politique qui, parce qu’elle en veut tellement, finit par construire très peu. Sans l’action d’une organisation sociale collective de grande envergure, clamer son désir de changement planétaire ne peut rester qu’un vœu pieux. D’un autre côté, la mélancolie – qui sévit très fortement à gauche – voudrait nous apprendre que l’émancipation est une espèce éteinte sur laquelle pleurer et qu’on ne peut guère espérer davantage que quelques soubresauts de négation. Au pire, une telle attitude ne génère rien que de la lassitude politique ; au mieux, elle installe une atmosphère de désespoir généralisé qui dégénère trop souvent en querelles intestines et en petites leçons de morale. Le mal de la mélancolie ne fait que renforcer l’inertie politique, et – sous couvert de réalisme – renonce à tout espoir de pouvoir jamais reconfigurer le monde. C’est contre ce genre de maux que vaccine XF.
0x0A •
Les politiques qui prétendent détourner les courants de l’abstraction mondiale mais se bornent en réalité à valoriser exclusivement le local nous paraissent insuffisantes. Faire scission avec la machinerie capitaliste, ou la renier, ne la fera pas disparaître. De même, suggérer d’actionner le frein d’urgence des vitesses embarquées, appeler à ralentir et à revoir à la baisse, est une option réservée à une minorité – un type très violent d’exclusivité – qui finirait par représenter une catastrophe pour la majorité. Refuser de penser au-delà de la microcommunauté, d’encourager la mise en rapport des insurrections disparates, de réfléchir à une façon d’optimiser les tactiques émancipatrices en vue de leur possible déclinaison universelle, c’est se satisfaire de gestes défensifs et temporaires. XF est une créature affirmative dotée d’une stratégie offensive, insistant avec véhémence sur la possibilité d’un changement social à grande échelle pour tous les étrangers que nous sommes.
0x0B •
Le sens du caractère volatile et artificiel du monde semble avoir déserté la politique féministe et queer contemporaine à la faveur d’une constellation plurielle mais statique d’identités de genre, où les sombres équations du bien et du naturel se voient rétablies avec obstination. Bien que nous ayons (peut-être) admirablement contribué à rehausser les seuils de « tolérance », on nous enjoint trop souvent à chercher du réconfort dans la non-liberté, à revendiquer le fait d’être « né » ainsi, comme pour nous offrir une excuse par la grâce de la nature. Pendant ce temps-là, le centre hétéronormé se porte bien, merci. XF remet en cause ce référent centrifuge, sachant pertinemment que le sexe et le genre sont l’exemple même du point pivot entre norme et fait, entre liberté et contrainte. Orienter ce pivot vers la nature constitue au mieux une concession défensive, et une régression par rapport à ce qui fait de la politique trans et queer davantage qu’un simple groupe de pression – à savoir une exigeante affirmation de liberté vis-à-vis d’un ordre qui semblait immuable. Comme dans tout mythe du donné, l’histoire d’une fondation stable est inventée en lieu et place d’un monde réel régi par le chaos, la violence et le doute. Le « donné » est séquestré dans le domaine privé comme une certitude, alors qu’il cède du terrain sur le front des conséquences publiques. Lorsque changer de sexe est devenu une possibilité réelle et connue de tous, le cercueil abrité par le tombeau de la Nature s’est fissuré, laissant de nouvelles histoires – grouillant de futurs possibles – s’échapper du vieil ordre du « sexe ». La grille disciplinaire du genre est en grande partie une tentative de réparer cette fondation détruite et de dompter les vies qui s’en sont échappées. Le temps est venu de démolir entièrement ce tombeau, et non de s’incliner devant lui en mendiant des excuses pour la petite marge d’autonomie acquise.
0x0C •
Si le « cyberspace » a pu un temps offrir la promesse d’une sortie hors des restrictions imposées par les catégories identitaires essentialistes, le climat des médias sociaux contemporains a a basculé dans une autre direction, devenant le théâtre sur les marches duquel se joue ces cérémonies de prosternation devant l’identité. Avec ces pratiques curatoriales viennent les rituels puritains du maintien de la morale, et ces estrades sont souvent envahies par les des plaisirs inavoués de l’accusation, de l’humiliation et de la dénonciation. De précieuses plateformes pour connecter, organiser et partager des compétences se trouvent ainsi paralysées par des obstacles aux débats productifs, et qui se présentent eux-mêmes comme des lieux de débat. Ces politiques puritaines de la honte – qui fétichisent l’oppression comme s’il s’agissait d’un bienfait et brouillent les cartes à coup de délires moralisateurs – nous laissent de marbre. Nous ne voulons ni les mains propres ni la belle âme, ni la vertu ni la terreur. Nous voulons des formes supérieures de corruption.
0x0D •
Concevoir des plateformes d’émancipation et d’organisation sociale, par conséquent, nécessite obligatoirement de prendre en compte les mutations sémiotiques et culturelles que ces plateformes permettent. Ce qui doit être repensé, ce sont les parasites mémétiques qui suscitent et coordonnent les comportements selon des mécanismes obstrués par l’image de soi de leurs hôtes ; faute de cela, des mèmes comme l’ « anonymat », l’ « éthique », la « justice sociale » et le « privilege-checking »1 continueront d’héberger des dynamismes sociaux en contradiction avec les intentions souvent louables qui les soutiennent. Pour être atteinte, la maîtrise de soi collective requiert une manipulation hyperstitieuse des ficelles du désir et l’usage d’opérateurs sémiotiques sur un terrain constitué de systèmes culturels hautement interconnectés. La volonté sera toujours corrompue par les mèmes à travers lesquels elle circule, mais rien ne nous empêche d’instrumentaliser ce fait, et de le calibrer en fonction du but qu’il cherche à atteindre.
Parité •
0x0E •
Le xénoféminisme est abolitionniste du genre. « L’abolitionnisme du genre » n’est pas le nom de l’éradication, au sein de la population humaine, de ce qu’on considère actuellement comme des traits « genrés ». Dans une société patriarcale, un tel projet ne peut mener qu’au désastre – tant l’idée de ce qui est « genré » se rapporte au féminin en proportion excessive. Mais même si l’équilibre était redressé, réduire la diversité sexuelle du monde ne nous intéresse aucunement. Que des centaines de sexes fleurissent ! La formule d’ « abolitionnisme du genre » désigne l’ambition de construire une société dans laquelle les traits actuellement rangés sous l’étiquette du genre ne fourniraient plus la grille d’un fonctionnement asymétrique du pouvoir. « L’abolitionnisme de race » déploie une formule semblable en affirmant que la lutte doit continuer jusqu’à ce que les caractéristiques actuellement racialisées ne soient pas davantage prétexte à discrimination que la couleur des yeux. Finalement, tout abolitionnisme émancipatoire doit avoir pour horizon l’abolitionnisme de classe, étant entendu que c’est au sein du système capitaliste que se rencontre l’oppression sous sa forme transparente et dénaturalisée : on n’est pas exploité.e ou victime d’oppression parce qu’on est un.e travailleur.se salarié.e ou un.e pauvre ; on est un.e travailleur.se ou un.e pauvre parce qu’on est exploité.e.
0x0F •
Pour le xénoféminisme, la viabilité de tout projet abolitionniste émancipatoire – l’abolition des classes, des genres et des races – dépend d’une profonde révision de l’universel. L’universel doit être compris comme générique, c’est-à-dire comme intersectionnel. L’intersectionnalité n’est pas le morcellement des collectifs en un duvet statique d’identités croisées, mais une orientation politique qui tranche dans la masse des particuliers, et refuse l’étiquetage grossier des corps. C’est un universel qui ne peut pas s’imposer d’en haut, mais doit s’édifier à partir de la base – ou, mieux, latéralement, en ouvrant de nouvelles lignes de transit à travers un paysage irrégulier. Cette universalité générique, non absolue, doit se garder de tout amalgame simpliste avec les particuliers ballonnés et faussement anonyme de l’universalime eurocentrique où le mâle vient se confondre avec le neutre, le blanc avec le sans race, le cis avec le réel, etc. Faute d’un tel universel, l’abolition des classes ne peut demeurer qu’un fantasme bourgeois, l’abolition des races un suprématisme blanc qui ne dit pas son nom, et l’abolition du genre une misogynie à peine voilée, même – et surtout – lorsque celle-ci est prônée par des féministes déclarées (comme le ridicule et dangereux spectacle de tant de campagnes d’ « abolitionnistes du genre » auto-proclamées contre les femmes trans le montre trop bien ).
0x10 •
Les postmodernes nous ont appris à brûler les façades du faux universel et à dissiper ce genre de confusions ; et les modernes à dégager les nouveaux universaux des cendres du faux. Le xénoféminisme cherche à construire une politique coalitionnelle, une politique désinfectée de toute pureté. Manier l’universel requiert des compétences sérieuses et une introspection minutieuse afin d’en faire un outil prêt à l’emploi pour des corps politiques multiples, et une chose qu’on puisse s’approprier pour lutter contre toutes les oppressions relatives au genre et à la sexualité. L’universel n’est pas un schéma préconçu, et plutôt que de dicter son utilisation à l’avance, XF s’offre comme une plateforme. Le processus lui-même de la construction est par conséquent compris comme une remodélisation permanente, itérative et néguentropique. Le xénoféminisme se veut une architecture évolutive qui, à la manière d’un logiciel open source, reste susceptible de modifications et d’améliorations perpétuelles suivant l’élan navigationnel du raisonnement éthique militant. Mais « open/ouvert » ne veut pas dire « non dirigé ». Les systèmes les plus durables doivent leur stabilité à la manière dont ils parviennent à faire de l’ordre une « main invisible » émergeant d’une apparente spontanéité ; ou dont ils exploitent l’inertie de l’investissement et de la sédimentation. Nous n’hésiterons pas à nous inspirer de nos adversaires, ni des réussites ou des échecs de l’histoire. Fort de ce savoir, XF cherche des manières d’implanter un ordre à la fois équitable et juste, et de l’injecter dans la géométrie des libertés que ces plateformes permettent.
Ajuster •
0x11 •
Notre sort est aux mains de la technoscience, un domaine où rien n’est à ce point sacré qu’on ne puisse le repenser et le transformer de façon à élargir notre marge de liberté, pas même le genre ni l’humain. Dire que rien n’est sacré, que rien n’est transcendant ou immunisé contre la volonté de savoir, de bricoler et de hacker, c’est dire que rien n’est supernaturel. La « Nature » – comprise ici comme l’arène illimitée de la science – voilà tout ce qui est. Et ainsi, en révoquant la mélancolie et l’illusion, le manque d’ambition et le non modulable, le puritanisme libidineux de certaines cultures internet, et la Nature conçue comme un donné impossible à refaçonner, nous découvrons que notre antinaturalisme normatif nous a conduit.e.s à un naturalisme ontologique indéfectible. Nous affirmons qu’il n’y a rien qui ne puisse être étudié de manière scientifique et manipulé par la technologie.
0x12 •
Non que la distinction entre l’ontologique et le normatif, entre le fait et la valeur, soit nette et tranchée. Les vecteurs de l’antinaturalisme normatif et du naturalisme ontologique quadrillent de nombreux champs de bataille ambivalents. Comme la volonté de connaissance, le projet visant à démêler ce qui devrait être de ce qui est, à dissocier la liberté des faits, et la volonté de la connaissance, constitue bel et bien une tâche infinie. Subsistent de nombreuses zones troubles où le désir nous confronte à la brutalité des faits, où la beauté s’avère indissociable de la vérité. La poésie, le sexe, la technologie et la douleur rayonnent de cette tension que nous venons de décrire. Mais qu’on renonce à ce travail de révision, qu’on donne du mou et qu’on relâche cette tension, et ces filaments de lumière s’affaiblissent immédiatement.
Porter •
0x13 •
Les possibilités qu’offrait la première culture, textuelle, de l’internet – résister aux régimes de genres répressifs, générer une solidarité parmi les groupes marginalisés et créer ces nouveaux espaces d’expérimentation qui furent à l’origine du cyberféminisme des années 1990 – se sont nettement réduites au XXIème siècle. La prédominance du visuel dans les interfaces en ligne actuelles a réinstauré des modes bien connus de politique identitaire, des relations de pouvoir et des normes de genre dans la représentation de soi. Mais cela ne signifie pas que les sensibilités cyberféministes appartiennent au passé. Démêler les possibilités subversives des possibilités oppressives latentes du web actuel requiert un féminisme sensible au retour insidieux des anciennes structures de pouvoir, également assez malin pour savoir exploiter le potentiel ainsi offert. Les technologies numériques sont inséparables des réalités matérielles qui les sous-tendent ; toutes deux sont articulées de telle manière que les unes peuvent être utilisées pour modifier les autres à des fins différentes. Plutôt que de militer pour la primauté du virtuel sur le matériel, ou du matériel sur le virtuel, le xénoféminisme repère leurs points de puissance et d’impuissance respectifs afin d’employer cette connaissance pour intervenir de manière efficace sur notre réalité conjointe.
0x14 •
Intervenir sur des hégémonies plus manifestement matérielles est tout aussi décisif que d’intervenir sur des hégémonies numériques et culturelles. Les changements apportés à l’environnement bâti sont porteurs des plus significatives avancées en vue d’une reconfiguration des horizons des femmes et des queers. En tant qu’incarnation de constellations idéologiques, la production d’espace et les décisions que nous prenons quant à son organisation sont en définitive à la fois des articulations de ce « nous » et, réciproquement, des manières dont ce « nous » peut être articulé. Parce qu’elles ont le pouvoir de forclore, de restreindre ou au contraire d’ouvrir les conditions sociales de l’avenir, les xénoféministes doivent se familiariser avec le langage de l’architecture qui est aussi le vocabulaire d’une choré-graphie collective – une écriture concertée de l’espace.
0x15 •
De la rue à la maison, l’espace domestique ne doit pas non plus se dérober à nos tentacules. Ses racines sont si profondes qu’on l’a décrété impossible à desceller, la maison comme norme devenant par cette opération la maison comme fait, comme donné impossible à refaçonner. Le « réalisme domestique », abrutissant, n’a pas sa place dans notre horizon. Bâtissons des maisons augmentées de laboratoires communs, de médias communautaires et d’équipements techniques ! La maison est prête pour une transformation spatiale, dimension inhérente à tout projet de futur féministe. Mais cela ne peut s’arrêter aux grilles du jardin. Nous percevons trop bien qu’actuellement, réinventer la structure familiale et la vie domestique ne peut se faire qu’au prix d’un retrait de la sphère économique – l’alternative de la communauté – ou d’une prise en charge décuplée du fardeau qu’elles constituent – l’alternative du parent unique. Si nous voulons rompre l’inertie qui concourt au maintien de la figure moribonde de la famille nucléaire, dont l’œuvre consciencieuse a été d’isoler les femmes de la sphère publique, et les hommes des vies de leurs enfants, tout en pénalisant ceux.celles qui s’en écartent, nous devons refondre l’infrastructure matérielle et briser les cycles économiques qui la maintiennent en place. La tâche qui nous attend est double, et notre vision nécessairement stéréoscopique : nous devons concevoir une économie qui affranchit le travail reproductif et la vie de famille, tout en construisant des modèles de familialité dégagés de la corvée abrutissante du travail salarié.
0x16 •
De l’espace de la maison à celui du corps, il est urgent d’articuler une politique proactive pour l’intervention et les hormones biotechniques. Les hormones hackent les systèmes de genre, et possèdent une portée politique qui excède le calibrage esthétique des corps individuels. Pensée de manière structurelle, la distribution des hormones – à qui/quoi cette distribution donne-t-elle la priorité, ou qui/que pathologise-t-elle – est d’une importance capitale. La montée en puissance de l’internet et l’hydre des pharmacies clandestines qu’elle a déchaînée – assortie d’archives de connaissances endocrinologiques en accès libre – a joué un rôle clé en arrachant le contrôle de l’économie hormonale aux mains des institutions « obstructionnistes » qui cherchaient à écarter les menaces pesant sur les distributions établies du sexuel. Mais troquer le règne des bureaucrates contre le marché ne constitue pas une victoire en soi. Il faut viser beaucoup plus haut. Nous voulons savoir si l’idiome de « hacking de genre » peut se déployer dans une stratégie à long terme, une stratégie qui organiserait pour le wetware ce que la culture hacker a déjà accompli pour le software – la construction d’un univers entier de plateformes free et open source, soit ce qui se rapproche le plus, de l’avis et de l’expérience de beaucoup d’entre nous, d’un communisme viable. Sans risquer des vies de manière inconsidérée, peut-on nouer les promesses embryonnaires portées par l’impression pharmaceutique 3D (« Reactionware »), les cliniques populaires d’avortement télémédical, les forums d’hacktivistes du genre et de DIY-HRT2, etc., en vue d’aménager une plateforme de médecine free et open source ?
0x17 •
De l’échelle mondiale à l’échelle locale, de la troposphère à nos corps, le xénoféminisme revendique sa responsabilité dans la construction de nouvelles institutions de proportions technomatérialistes hégémoniques. À l’instar d’ingénieurs qui devraient concevoir une structure d’ensemble ainsi que les éléments moléculaires qui la compose, XF insiste sur l’importance de la sphère mésopolitique à la fois contre l’efficacité limitée des actions locales, de la création de zones autonomes et de l’horizontalisme absolu, ainsi que contre toute tentative d’imposer des valeurs et des normes en s’instituant comme autorité supérieure ou en prônant une quelconque transcendance. L’arène mésopolitique des ambitions universalistes du xénoféminisme se comprend comme un réseau mobile et intriqué de lignes de transit entre ces polarités. En pragmatistes, nous appelons à la contamination comme à un moteur de mutation entre de telles frontières.
Inonder •
0x18 •
XF affirme qu’adapter notre comportement à la complexité prométhéenne de l’ère actuelle est un travail qui requiert de la patience, mais une patience acharnée qui n’a rien de l’ « attente ». Calibrer une hégémonie politique ou un méméplexe séditieux implique non seulement la création d’infrastructures matérielles pour rendre explicites les valeurs que portent ces organismes, mais impose aussi certaines exigences aux sujets que nous sommes. Comment allons-nous habiter ce nouveau monde ? Comment construire un meilleur parasite sémiotique – un parasite qui suscitera les désirs que nous voulons désirer, et qui orchestrera non pas une orgie autophage d’indignité ou de colère, mais une communauté égalitaire et émancipatrice soutenue par de nouvelles formes de solidarité désintéressée et de maîtrise de soi collective ?
0x19
Le xénoféminisme est-il un programme ? Pas si le terme se rapporte à quelque chose d’aussi rudimentaire qu’une recette, ou qu’un outil à emploi unique censé résoudre un problème déterminé. Nous préférons penser comme un.e développeu.r.seuse informatique, qui cherche à élaborer un nouveau langage à l’intérieur duquel le problème posé est immergé, de sorte que les solutions qui seront apportées, à ce problème précis et à d’autres qui lui sont liés, pourront éclore facilement. Le xénoféminisme est une plateforme, l’ambition naissante de construire le nouveau langage d’une politique sexuelle – un langage qui se saisit de sa propre méthode comme d’un matériel à retravailler, et qui s’auto-engendre de manière progressive. Nous savons que les problèmes auxquels nous sommes confronté.e.s sont systémiques et imbriqués, et que notre unique chance de réussir à l’échelle mondiale est d’implanter la logique de XF dans une myriade de compétences et de contextes différents. Notre transformation est celle d’une infiltration, d’une subsomption dirigée plutôt que d’un renversement expéditif ; c’est une transformation qui procède d’une construction mûrement réfléchie, visant à noyer le patriarcat capitaliste de suprématie blanche dans une mer de procédures qui viendra ramollir sa carapace et démanteler ses défenses. Ainsi sera-t-il possible, avec les restes qu’on nous a laissés, de construire un nouveau monde.
0x1A •
Le xénoféminisme indexe le désir de construire un futur autre avec un X triomphant sur un plan interactif. Ce X ne symbolise pas une destination. Il est l’introduction d’une keyframe-topologique pour l’élaboration d’une nouvelle logique. En proclamant un avenir désentravé de la répétition du présent, nous militons pour des capacités ampliatives, pour des espaces de liberté à géométrie plus riche que celles de l’allée, de la chaîne de montage et du bac d’alimentation. Nous avons besoin de nouvelles capacités de perception et d’action dont le champ ne soit pas réduit par les identités naturalisées. Au nom du féminisme, la « Nature » ne doit plus être un refuge d’injustice, ou le fondement de quelque justification politique que ce soit !
Si la nature est injuste, changez la nature !
Traduit de l’anglais par Marie-Mathilde Burdeau. Merci a nos amis de Glass Bead! glass-bead.org

128
manifestos/2016_Feminist_Principles_of_the_Internet_[EN].txt

@ -0,0 +1,128 @@
Feminist principles of the internet
Preamble
August 26, 2016
A feminist internet works towards empowering more women and queer persons – in all our
diversities – to fully enjoy our rights, engage in pleasure and play, and dismantle patriarchy.
This integrates our different realities, contexts and specificities – including age, disabilities,
sexualities, gender identities and expressions, socioeconomic locations, political and religious
beliefs, ethnic origins, and racial markers. The following key principles are critical towards
realising a feminist internet.
Access •
1 Access to the internet •
A feminist internet starts with enabling more women and queer persons to enjoy universal,
acceptable, affordable, unconditional, open, meaningful and equal access to the internet.
2 Access to information •
We support and protect unrestricted access to information relevant to women and queer
persons, particularly information on sexual and reproductive health and rights, pleasure, safe
abortion, access to justice, and LGBTIQ issues. This includes diversity in languages, abilities,
interests and contexts.
3 Usage of technology •
Women and queer persons have the right to code, design, adapt and critically and sustainably
use ICTs and reclaim technology as a platform for creativity and expression, as well as to
challenge the cultures of sexism and discrimination in all spaces.
Movements & public participation •
4 Resistance •
The internet is a space where social norms are negotiated, performed and imposed, often in an
extension of other spaces shaped by patriarchy and heteronormativity. Our struggle for a
feminist internet is one that forms part of a continuum of our resistance in other spaces, public,
private and in-between.
5 Movement building •
The internet is a transformative political space. It facilitates new forms of citizenship that enable
individuals to claim, construct and express selves, genders and sexualities. This includes
connecting across territories, demanding accountability and transparency, and creating
opportunities for sustained feminist movement building.
6 Internet governance •
We believe in challenging the patriarchal spaces and processes that control internet
governance, as well as putting more feminists and queers at the decision-making tables. We
want to democratise policy making affecting the internet as well as diffuse ownership of and
power in global and local networks.
Economy •
7. Alternative economies •
We are committed to interrogating the capitalist logic that drives technology towards further
privatisation, profit and corporate control. We work to create alternative forms of economic
power that are grounded in principles of cooperation, solidarity, commons, environmental
sustainability, and openness.
8. Free and open source •
We are committed to creating and experimenting with technology, including digital safety and
security, and using free/libre and open source software (FLOSS), tools, and platforms.
Promoting, disseminating, and sharing knowledge about the use of FLOSS is central to our
praxis.
Expression •
9 Amplifying feminist discourse •
We claim the power of the internet to amplify women’s narratives and lived realities. There is a
need to resist the state, the religious right and other extremist forces who monopolise
discourses of morality, while silencing feminist voices and persecuting women’s human rights
defenders.
10 Freedom of expression •
We defend the right to sexual expression as a freedom of expression issue of no less
importance than political or religious expression. We strongly object to the efforts of state and
non-state actors to control, surveil, regulate and restrict feminist and queer expression on the
internet through technology, legislation or violence. We recognise this as part of the larger
political project of moral policing, censorship, and hierarchisation of citizenship and rights.
11 Pornography and “harmful content” •
We recognise that the issue of pornography online has to do with agency, consent, power and
labour. We reject simple causal linkages made between consumption of pornographic content
and violence against women. We also reject the use of the umbrella term “harmful content” to
label expression on female and transgender sexuality. We support reclaiming and creating
alternative erotic content that resists the mainstream patriarchal gaze and locates women and
queer persons’ desires at the centre.
Agency •
12 Consent •
We call on the need to build an ethics and politics of consent into the culture, design, policies
and terms of service of internet platforms. Women’s agency lies in their ability to make informed
decisions on what aspects of their public or private lives to share online.
13 Privacy and data •
We support the right to privacy and to full control over personal data and information online at all
levels. We reject practices by states and private companies to use data for profit and to
manipulate behaviour online. Surveillance is the historical tool of patriarchy, used to control and
restrict women’s bodies, speech and activism. We pay equal attention to surveillance practices
by individuals, the private sector, the state and non-state actors.
14 Memory •
We have the right to exercise and retain control over our personal history and memory on the
internet. This includes being able to access all our personal data and information online, and to
be able to exercise control over this data, including knowing who has access to it and under
what conditions, and the ability to delete it forever.
15 Anonymity •
We defend the right to be anonymous and reject all claims to restrict anonymity online.
Anonymity enables our freedom of expression online, particularly when it comes to breaking
taboos of sexuality and heteronormativity, experimenting with gender identity, and enabling
safety for women and queer persons affected by discrimination.
16 Children and youth •
We call for the inclusion of the voices and experiences of young people in the decisions made
about safety and security online and promote their safety, privacy, and access to information.
We recognise children’s right to healthy emotional and sexual development, which includes the
right to privacy and access to positive information about sex, gender and sexuality at critical
times in their lives.
17 Online violence •
We call on all internet stakeholders, including internet users, policy makers and the private
sector, to address the issue of online harassment and technology-related violence. The attacks,
threats, intimidation and policing experienced by women and queers are real, harmful and
alarming, and are part of the broader issue of gender-based violence. It is our collective
responsibility to address and end this.

9
manifestos/2018_Hackers_of_Resistance_Manifesto_[EN].txt

@ -0,0 +1,9 @@
Hackers Of Resistance manifesto •
http://wearehors.xyz/ •
every day, you willingly exchange personal data for custom convenience •
lurking behind these transactions, the corporatocracy maps out your every move in the name of security •
don't worry, we're on your side •
the hors will help you reclaim your life and reprogram the 1s and 0s that build our world •
to hack is to create •
what we do is self defense, self determin- [end of transmission] •

101
manifestos/2018_Purple_Noise_Manifesto_[EN].txt

@ -0,0 +1,101 @@
PURPLE NOISE MANIFESTO - FEMINIST NOISIFICATION OF SOCIAL MEDIA •
https://www.obn.org/purplenoise/wp-content/uploads/2019/02/Manifesto18FEB2019.pdf •
2018 •
#PurpleNoise
feminist Noisification
of social media
# I make noise •
# I use my feelers •
# Algorithmic Despotism •
# Purple Noise •
#purplenoise is an erratic techno-feminist intervention
operating on a global scale
to noisify social media channels.
We start in the middle
drawing a line
reaching out
– to connect with you!
Real people with real time
users, digital naïves
using platforms, being used.
Donate yourself
share your emotions
share your confusion
turn it into noise.
We love confusion,
we love complexity,
we embrace them,
dive into their infinite waters,
swim in them like fish!
Endless confusion – endless pleasure!
Click, like, and share,
that’s all we need.
and when you disagree,
write into the box,
so we don’t need to care.
Engagement is the product,
not WHAT you say.
Fake or real,
who cares?
Stop making sense.
Time for nonsense – once again.
But we are not Dada,
we are FmFm.
Confusion as infusion
we are nothing but noise of a specific color.
We are the purple stain under your skin.
Breathe, add the oxygen
and your blood will turn red again!
Meaning comes and goes,
and makes things too easy anyway.
What counts alone is what can be counted.
Go and respond to what we offer,
so it can be measured, optimized and generate the profit.
Produce more noise.
Channel your noise.
Feed our channels.
And get in touch.
Add your personal flavor to purple noise,
join us on our social media.
We hate them as much as you do.
Purple all over,
then we know you are one of us.
Noise rules!
Inspired to grow feelers,
we are learning how to use them!
Now, transformed and equipped with a new sensorium,
we tune into the new dimensions of warfare,
knowing that all confusion is based on gender confusion.
Today, we are together, strong and unified,
but we will be washed away by algorithms
that want us to assemble elsewhere,
next week, with other people,
dealing with other trending topics.
Feelers know – and they can feel it, too.
Message comes from messy!
No content – no problem.
We click, we feed and we disobey
algorithmic despotism!
@PurpleNoiseUP •
@PurpleNoise1 •
@purplenoiseup •

37
manifestos/2018_The_Call_for_Feminist_Data_[EN].txt

@ -0,0 +1,37 @@
The Call for Feminist Data •
2018 •
What is data made from a Feminist perspective?
What does Feminist Data Do?
What does Feminist Data need?
It defines a space and opens potential. It queers the archive, the
spreadsheet, and the data set. It moves beyond a white, and male
space. It forces technology to reflect the community, not the other way
around.
How do we quantify without binaries?
Can we create a community foundation for the infrastructure of big
technology of big data?
We aim to create sustainable data, slow data, consensual data
and consensual software.
OUR INITIAL INTENTION:
to create a data set that provides a resource that can be used to train
an AI to locate feminist and other intersectional ways of thinking across
digital media distributed online.
OUR FUTURE INTENTIONS are to create ethical inputs for
technology artificial intelligence to challenge dominance by
engaging in new materials and engaging with others. We are
building, collaboratively, a collection.
Through collaboration, we are collectively creating and reimagining
new ways of community engagement for technology and to augment
intelligence systems.

65
manifestos/2019_Cyberwitches_Manifesto_[EN].txt

@ -0,0 +1,65 @@
Cyberwitches Manifesto •
http://lucilehaute.fr/cyberwitches-manifesto/cyberwitches-manifesto-en.html
2019 •
Il a suffit d'un nœud dans le temps
puis le monde a changé
puis la mémoire a disparu
puis on n'a plus pu comprendre la vie
ni en avant ni en arrière.
It’s time to stop dodging.
It’s time to stop fudging ourselves.
It is time to face the current changes.
Not without anxiety but with determination.
Our voices mingle: "We do not defend nature, we are the nature defending itself".
— Nature, Gaïa, neither mother nor sister, but force beyond the languages that have difficulty with the post-genre.
We acknowledge that the master's tools will not dismantle the master's house.
The very technologies that was reason to dream of new forms of political empowerment has turned out to be the means of surveillance and control for everybody.
It is time to leave the dualist labyrinths.
But we are not Icarus: the Sirens are our sisters and we are too keen on the sensuality of the stones and the tenderness of the trees to give in to transhumanist pride.
We want to connect from Earth to the Noosphere, without rummaging, scratching and desecrate Gaia's entrails, without spitting in the face of Heaven and Time the deadly fumes that are mortgaging our futures.
Let’s be actual « saboteurs of big daddy mainframe ».
We profess technological autonomy and all forms of emancipation and empowerment.
W.I.T.C.H., VNS Matrix, Gynepunk, Reclaiming, technoshamanism, xenofeminism, hyperstition, afrofuturism and ancestorfuturism inspire us, without us adhering entirely to one or the other.
We know that speech is the active material of magic.
We sometimes try this alchemy of the verb that modifies reality through words.
We practice hermeticism with a second degree.
Our words have little hybris. They caress the daisies rather than helping to instantiate the magic.
Our power is domestic and vernacular.
Our sorority protects us from slipping from witch to woman of power.
Our do-it-yourself practices escape religions.
We are not unitary but labile and evanescent.
We don’t believe in divinity, we connect with It.
We practice this applied science of the creation of forms by energy and the direction of energy by forms.
The forms, structures, images that we manipulate sometimes lead us out of the limits imposed by our culture.
Our will, our actions, our directed energy, our choices made not once but several times: this is our magic.
We live in this 21st century that use to be dreamed for a long time and is now feared.
We invent experimental origins and traditions for ourselves.
We understand that everything is interconnected, that consciousness gives shape to reality and reality gives shape to consciousness.
We use social networks to gather in spiritual and political rituals.
We use smartphones and tarot cards to connect to spirits.
We manufacture DIY devices to listen to invisible worlds.
Our astral body travels through the cosmic plane of radio waves.
We are mixing ancestral and invented methods to reveal the porosity of the worlds — ours, the Gods’ we no longer believe in, the free cosmogony and fictional entities’ that we create.
We are corporeal, biological, incarnate enti- ties, but also and simultaneously: relational and informational beings.
We are entities with digital extensions.
We live in a physical, technical and digital world.
We are hybrid entities living in an hybrid world.
We take care of our bodies-hub-server.
Our contemporary everyday technical equipment takes part to our ritual forms.
We perform technophile rituals.
We make the gestures.
We say the words.
We manipulate the objects.
We summon archetypal survivals.
We call for the emergence of egregore.
We seek for upsurge, we seek for a fleeting energetic symbiosis.
We practice this art of changing consciousness at will.
We are cyberwitches.
— by the hand of Lucile Olympe Haute, Imbolc 2019.

64
manifestos/2019_Cyberwitches_Manifesto_[FR].txt

@ -0,0 +1,64 @@
Cyberwitches Manifesto •
http://lucilehaute.fr/cyberwitches-manifesto/cyberwitches-manifesto.html
2019 •
Il a suffit d'un nœud dans le temps
puis le monde a changé
puis la mémoire a disparu
puis on n'a plus pu comprendre la vie
ni en avant ni en arrière.
Il est temps d’arrêter de louvoyer.
Il est temps de se réaligner.
Il est temps de faire face aux mutations en cours.
Non sans anxiété mais avec détermination.
Nos voix se mêlent : "Nous ne défendons pas la nature, nous sommes la nature qui se défend".
— Nature, Gaïa, ni mère, ni sœur, mais force au-delà des langues qui ont du mal avec le post-genre.
Nous avons pris acte de ce que les outils du maître ne démantèleront pas la maison du maître ; que les outils qui parurent un temps être ceux de nos luttes participent d'intentions militaristes, capitalistes et patriarcales.
Il est temps de quitter les labyrinthes dualistes.
Mais nous ne sommes pas Icare : les Sirènes sont nos sœurs et nous tenons trop à la sensualité des pierres et à la tendresse des arbres pour céder à l’orgueil transhumaniste.
Nous voulons nous connecter de la Terre à la Noosphère sans fouiller gratter profaner les entrailles de Gaïa, sans cracher au visage du Ciel et du Temps les fumées mortifères qui hypothèquent nos devenirs.
Nous voulons saboter l’unité centrale classiste et inégalitaire.
Nous professons l’autonomie technologique et toutes les formes d’émancipation et d’enpouvoirement.
W.I.T.C.H., VNS Matrix, Gynepunk, Reclaiming, le technoshamanisme, le xénoféminisme, l’hyperstition, l'afrofuturisme et l’ancestrofuturisme nous inspirent, sans que nous adhérions tout à fait à l'un ou l'autre.
Nous savons que la parole est la matière agissante de la magie.
Nous nous essayons parfois à cette alchimie du verbe qui modifie le réel par les mots.
Nous pratiquons l'hermétisme avec second degré.
Nos mots ont peu d'hybris. Ils caressent les pâquerettes plutôt que de participer à instancier la magie.
Notre puissance est domestique et vernaculaire.
Notre sororité nous prémuni de glisser de sorcière à femme de pouvoir.
Nos pratiques bricolées échappent aux religions.
Nous ne sommes pas unitaire mais labile et évanescente.
Nous ne croyons pas en la divinité mais nous connectons à elle.
Nous pratiquons cette science appliquée de la création de formes par l'énergie et de la direction de l'énergie par les formes.
Les formes, les structures, les images que nous manipulons nous entraînent parfois hors des limites imposées par notre culture.
Notre volonté, nos actions, notre énergie dirigée, nos choix faits non pas une mais plusieurs fois : voilà notre magie.
Habitant ce 21ème siècle, longtemps rêvé, aujourd’hui craint, nous nous inventons des origines et des traditions expérimentales.
Nous comprenons que chaque chose est connectée, que la conscience donne forme à la réalité et la réalité donne forme à la conscience.
Nous utilisons les réseaux sociaux pour nous réunir en des rituels spirituels et politiques.
Nous utilisons smartphones et tarot pour nous connecter aux Esprits.
Nous fabriquons des dispositifs DIY pour écouter les mondes invisibles.
Notre corps astral parcourt le plan cosmique des ondes radios.
Nous mélangeons des méthodes anciennes et inventées pour révéler la porosité des mondes — le nôtre, celui des divinités auxquelles nous ne croyons plus, celui des entités magiques et fictionnelles que nous créons.
Nous sommes des entités à la fois corporelles, biologiques, incarnées, mais aussi et simultanément : des êtres relationnels, des êtres informationnels, des êtres aux extensions digitales.
Nous vivons dans un monde physique et numérique.
Nous sommes des entités hybrides dans un monde hybride.
Nous prenons soin de nos corps-hub-serveur.
Nos extensions techniques quotidiennes font partie de nos rituels.
Notre magie est technophile.
Nous faisons les gestes.
Nous disons les mots.
Nous manipulons les objets.
Nous convoquons parmi nous des survivances archétypales.
Nous travaillons au surgissement d’égrégores.
Nous recherchons quelque symbiose entitaire, énergétique, fugitive.
Nous pratiquons cet art de changer la conscience à volonté.
Nous sommes des sorcières cybernétiques.
We are cyberwitches.
— par la main de Lucile Olympe Haute, Imbolc 2019.

26
search.py

@ -0,0 +1,26 @@
def search(query):
query = query.strip()
query = query.lower()
filename = '1989_RIOT_GRRRL_MANIFESTO_[EN].txt'
path = './manifestos/'+filename
file = open(path, 'r')
manifesto = file.read()
manifesto = manifesto.replace('\n', ' ')
manifesto = manifesto.lower()
words = manifesto.split(' ')
# print(words)
if query in words:
result = words.count(query)
else:
result = 0
return result
if __name__ == '__main__':
query = 'danny'
result = search(query)
print('query:', query)
print('result:', result)

42
start.py

@ -0,0 +1,42 @@
import os
import flask
from flask import request, render_template
from search import *
APP = flask.Flask(__name__)
folder = './manifestos/'
@APP.route('/')
def index():
manifestos = os.listdir(folder)
return render_template('index.html', manifestos=manifestos)
@APP.route('/<filename>')
def read_manifesto(filename):
f = open(folder+filename, 'r')
text = f.read()
lines = text.split('. ')
return render_template('manifesto.html', filename=filename, text=text, lines=lines)
@APP.route('/search')
def search_manifesto():
query = request.args.get('query', '')
result = search(query)
return render_template('search.html', query=query, result=result)
@APP.route('/words')
def index_words():
return render_template('words.html')
@APP.route('/poetry')
def create_poetry():
return render_template('poetry.html')
if __name__ == '__main__':
APP.debug=True
APP.run(port=5000)
# string = request.args.get('plaintext', '')
# methods=['GET', 'POST']

4
static/stylesheet.css

@ -0,0 +1,4 @@
body{
color:magenta;
margin:2em;
}

20
templates/base.html

@ -0,0 +1,20 @@
<!DOCTYPE html>
<html lang='en'>
<head>
<meta charset="utf-8" />
<title>flask-demo-area</title>
<link rel="stylesheet" type="text/css" href="{{ url_for('static', filename='stylesheet.css')}}">
</head>
<body>
<div id="nav">
<a href="/"><button>index</button></a>
<a href="/search"><button>search</button></a>
<a href="/words"><button>words</button></a>
<a href="/poetry"><button>poetry</button></a>
</div>
<div id="main">
{% block main %}
{% endblock %}
</div>
</body>
</html>

11
templates/index.html

@ -0,0 +1,11 @@
{% extends "base.html" %}
{% block main %}
<h1>Hello!</h1>
{% for manifesto in manifestos %}
<a href="{{ manifesto }}">{{ manifesto }}</a><br>
{% endfor%}
{% endblock %}

13
templates/manifesto.html

@ -0,0 +1,13 @@
{% extends "base.html" %}
{% block main %}
<h1>{{ filename }}</h1>
<!-- <div>{{ text }}</div> -->
{% for line in lines %}
<div>{{ line }}. </div>
{% endfor %}
{% endblock %}

5
templates/poetry.html

@ -0,0 +1,5 @@
{% extends "base.html" %}
{% block main %}
<h1>poetry</h1>
{% endblock %}

25
templates/search.html

@ -0,0 +1,25 @@
{% extends "base.html" %}
{% block main %}
<h1>test</h1>
<form>
<input type="textfield" name="query">
<input type="submit">
</form>
<br>
{% if query %}
<div>
<div>
<strong>query</strong>: {{ query }}
</div>
<br>
<div>
The word <em>{{ query }}</em> is used <strong>{{ result }}</strong> many times in <em>1989_RIOT_GRRRL_MANIFESTO_[EN].txt</em>.
</div>
</div>
{% endif %}
{% endblock %}

5
templates/words.html

@ -0,0 +1,5 @@
{% extends "base.html" %}
{% block main %}
<h1>words</h1>
{% endblock %}
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